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MANU
MANU

Le substantif sanskrit manu – qu’il soit apparenté ou non à la racine man , penser, car cette étymologie indienne quoique possible n’est pas certaine – signifie «homme». Manu, comme nom de personne, est celui de l’homme par excellence, le premier être humain, ce sens étant en liaison étroite avec la croyance aux manifestations et disparitions alternantes de l’univers. Les périodes de manifestation, désignées souvent comme mah yuga (ou kalpa ), sont également connues comme les «âges de Manu» (manvantara ), car, à chaque nouveau surgissement du monde, le premier homme apparu porte le nom de Manu, et son rôle est de procréer l’humanité, soit par lui-même, soit indirectement, ainsi que d’émettre les lois qui doivent régler les relations à l’intérieur de la société.

Les âges du monde

La théorie des âges du monde, inconnue à l’époque védique, prend forme dans l’Épopée. Elle se présente avec quelques variantes mais, dans l’ensemble, se rapproche du schéma suivant: la mythologie indienne assigne à chaque mah yuga une durée considérable, qu’on a fini par dire égale à 4 320 000 années, un mah yuga se subdivisant en quatre époques (yuga ) d’inégale longueur [cf. DHARMA]. La première, le k リtayuga , est, du moins à ses débuts, absolument parfaite: les hommes, tous vertueux, vivent alors très longtemps; mais, insensiblement, la situation se dégrade et l’âge qui lui succède, le tretayuga , ne contient plus que les trois quarts de la perfection initiale; le temps de vie des êtres humains diminue. À la période du dv parayuga , le bien et le mal s’équilibrent. Enfin, au kaliyuga , qui est l’âge où nous vivons, il ne demeure plus qu’un quart de bien; la durée de la vie s’est de beaucoup réduite. Tout se détériore et va vers la dissolution de l’univers, destiné à sommeiller aussi longtemps qu’a duré sa manifestation. Après quoi, lors d’une nouvelle création, qui se produira selon un ordre parfaitement identique, resurgira un autre Manu.

Les appellations désignant les différents yuga sont empruntées à celles des faces d’un dé à jouer: le côté gagnant, qui est le plus fort et porte quatre points, est dit k リta ; le point unique se nomme kali. L’ensemble de quatorze mah yuga compose ce qu’on appelle «jour de Brahm »; c’est à cet ensemble que certaines traditions indiennes réservent le terme de kalpa. Chaque kalpa comportera donc quatorze créations de l’univers et quatorze Manu. Comme il arrive aux dieux traditionnels du panthéon brahmanique, la fonction de Manu demeure identique, toutefois son titulaire change.

Les quatorze Manu

Des quatorze Manu du présent kalpa , six ont déjà disparu; nous vivons sous le signe du septième, Manu Vaivasvant ou Vaivasvata. Tous portent le nom fonctionnel de Manu, mais se différencient grâce à un second terme qu’on y adjoint, forme dérivée signifiant «issu de tel ou tel». Celui dont ils proviennent est toujours le Principe premier, considéré tantôt sous un aspect, tantôt sous un autre: souvent Brahm , en tant que personnification du brahman neutre, parfois le Soleil, manifestation lumineuse de ce même brahman.

Le premier en date des Manu du passé est Manu Sv yambhuva, fils de Sv yambhu, l’autonome, celui qui existe par soi, l’une des épithètes désignant Brahm . Une légende raconte que celui-ci se scinda en deux éléments, l’un mâle, l’autre femelle. De ce couple descend Manu qui, lui-même, donne naissance aux dix praj pati , géniteurs des créatures.

Le Manu suivant s’appelle Sv rocisa, «né de celui qui est lumineux par soi-même»; le troisième, Manu Auttamma, est «fils du Principe suprême»; le quatrième, T masa, «l’enfant des ténèbres», évoque le premier chapitre d’une œuvre célèbre, les Lois de Manu : «Au commencement il y avait le Cela , fait de ténèbres, indistinct, sans caractéristique, indéfinissable.» Le cinquième est Raivata, ou Revanta: les deux mots ont le même sens et mettent l’accent sur l’origine brillante de Manu, regardé plutôt ici comme le fils du Soleil. Le sixième, C k ルu ルa, «né de ce qui se rapporte à l’œil», peut aussi tirer ce nom d’une origine solaire, le Soleil étant l’œil du ciel, ou faire allusion à une autre légende qui donne Brahm comme issu de l’œil de l’Homme cosmique, le Puru ルa originel. Toutefois, la tradition qui, dans le Mah bh rata, impute cette provenance au dieu se rapporte au deuxième et non au sixième mah yuga ou kalpa. L’actuel Manu, Vaivasvata, est le fils de Vaivasvant, le brillant, c’est-à-dire, une fois encore, du Soleil.

Quant aux sept Manu à venir, on les annonce comme devant être – du huitième au douzième compris – les enfants de Savar ユ , mais de pères différents, étant bien entendu que ceux-ci ne sont que différents aspects du Principe suprême: S var ユa, fils du Soleil; Dak ルas var ユa, fils de Dak ルa, l’un des リルi (sages) des premiers temps; Brahmas var ユa, né de Brahm : Dharmas var ユa, enfant de la Loi suprême; Rudras var ユa enfin, issu du dieu Rudra- えiva et qu’on appelle aussi Rudraputra, fils de Rudra. Le treizième Manu répondra au nom de Raucya, «né du brillant», encore une référence solaire; celui qui clôt la liste des quatorze Manu de ce kalpa s’appellera Bhautya, terme qui inclut une idée de pouvoir et de fortune que le nom de Raivata impliquait déjà, jointe à celle de luminosité.

Manu Vaivasvata

On ne rencontre guère de détails dans les textes qu’en ce qui concerne le premier Manu (Sv yambhuva) et celui des temps présents, Vaivasvant ou Vaivasvata. Il existe de nombreuses légendes au sujet de ce dernier, l’une des plus célèbres étant en liaison avec celle du déluge. On la trouve exprimée dans les Br hma ユa , textes rédigés entre le XIIe et le VIIIe siècle avant l’ère chrétienne. Manu a protégé un très petit poisson, le déplaçant de bassin en bassin jusqu’à ce qu’il parvienne à l’état adulte. En remerciement, le poisson révèle à son bienfaiteur qu’un déluge est imminent et lui ordonne de construire un vaisseau; lorsque les flots s’enflent, le bateau attaché à une corne du poisson est conduit en lieu sûr, avec ses occupants, au sommet d’une montagne. Dans les textes les plus anciens, le poisson n’est autre que Brahm ; plus tardivement, on le donnera comme le premier avat ra de Vi ルユu [cf. AVATARA].

On dit, par ailleurs, que Manu Vaivasvata engendra soixante fils; la tradition varie quant à leurs noms, mais l’un d’eux figure dans toutes les listes: il s’agit d’Ik ルv ku, qui, du fait que son père était né du Soleil, apparaît comme l’ancêtre de la race solaire, dont la capitale fut Ayodhy et le plus célèbre représentant R ma, le héros du R m ya ユa , donné à son tour comme le septième avat ra .

Les « Lois de Manu»

Le rôle de Manu ne se borne pas à procréer le genre humain, directement ou par personne interposée; il doit aussi édicter les lois qui régissent les rapports des hommes entre eux. Un code célèbre, appelé Manusm リti (Tradition de Manu ) ou M navadharma ご stra (Traité des lois manaviennes ), mieux connu sous le nom de Lois de Manu , et qui remonte aux environs de notre ère, est censé reproduire les directives énoncées aux premiers temps du kalpa par le Manu originel, Manu Sv yambhuva.

Manu ou Manou
nom de 14 personnages légendaires de l'Inde qui doivent régner à tour de rôle jusqu'au renouvellement complet du monde. Le 7e Manu, qui règne sur la présente humanité, serait l'auteur du Mânava-Dharma-çâstra ("lois de Manu"), code religieux, moral et social rédigé un peu avant l'ère chrÉtienne et officiellement aboli aujourd'hui.

Encyclopédie Universelle. 2012.