MARS
En s’éloignant du Soleil, Mars est la quatrième planète du système solaire. Presque deux fois plus petite que la Terre (le tableau 1 présente les caractéristiques physiques et orbitales comparées de ces deux objets), la planète rouge est un corps solide différencié qui posséderait une croûte de 50 kilomètres d’épaisseur moyenne, une lithosphère assez épaisse – de 150 à 200 kilomètres – et un noyau de taille imprécise – de 1 400 à 2 000 kilomètres de rayon. Aucun champ magnétique n’a été décelé par les magnétomètres placés à bord des sondes orbitales; le noyau contiendrait peu de nickel et de fer, ou serait animé de mouvements trop lents pour pouvoir engendrer un effet dynamo.
À l’instar de la Terre et de Vénus, Mars possède une atmosphère, très ténue cependant, composée essentiellement de dioxyde de carbone C2 (95,32 p. 100) et de très peu de vapeur d’eau (0,03 p. 100).
Mars est situé à une distance moyenne de 1,524 unité astronomique du Soleil; de ce fait, sa période de révolution autour de celui-ci est presque le double de celle de la Terre (une année martienne = 687 jours terrestres). En revanche, la période de rotation sidérale de Mars (24 h 37 min 23 s) est très proche de celle de notre planète. L’orbite de Mars est fortement elliptique, et sa forte excentricité (0,093 contre 0,017 pour la Terre) entraîne d’importantes différences dans la durée des saisons (le printemps et l’été sont beaucoup plus longs dans l’hémisphère Nord que dans l’hémisphère Sud; tabl. 2). Mais les différences saisonnières de température, provoquées par l’inclinaison de 240 de l’axe de rotation de la planète sur le plan de son orbite, varient inversement. En raison de l’éloignement de la planète par rapport au Soleil, les températures de surface sont beaucoup plus basses que sur la Terre, et varient en moyenne entre — 133 0C et + 17 0C. Pendant l’été dans l’hémisphère Sud, Mars est plus proche du Soleil de 20 p. 100 environ que pendant la même saison dans l’hémisphère Nord. Il s’ensuit une augmentation de l’insolation d’environ 45 p. 100 qui produit une élévation sensible (30 0C) des températures en été dans l’hémisphère Sud par rapport à celles de l’hémisphère Nord à la même saison. Ces variations des températures saisonnières ont d’importantes conséquences sur les échanges entre l’atmosphère et la surface martiennes, en particulier au niveau des pôles. Les mouvements lents de précession de l’axe de rotation de la planète et de l’axe de son orbite, ainsi que les variations de l’excentricité et de l’inclinaison du plan de l’orbite et les oscillations de l’axe de rotation, entraînent à long terme des modifications dans les régimes climatiques des deux hémisphères. Ainsi, les mouvements de précession provoquent tous les 25 000 ans un changement d’orientation des pôles par rapport au Soleil et, par conséquent, une inversion des régimes climatiques entre les deux hémisphères.
Mars possède deux satellites naturels: Phobos (du grec «terreur») et Deimos («panique»). Ces deux corps, très petits, très sombres et très proches de la planète, sont donc très difficiles à observer depuis la Terre (ils n’ont été découverts qu’en 1877, par Asaph Hall). Ils tournent autour de Mars dans le sens direct, sur des orbites circulaires situées dans le plan équatorial de la planète (tabl. 3), et sont en rotation synchrone avec celle-ci, c’est-à-dire que leurs périodes de rotation sur eux-mêmes sont égales à leurs périodes de révolution autour de la planète; de ce fait, ils présentent toujours la même face vers Mars, et leur grand axe pointe vers celui-ci. Ces deux corps de forme irrégulière ont, en première approximation, la forme d’ellipsoïdes (Phobos: 26,8 km 憐 22,4 km 憐 18,4 km; Deimos: 15,0 km 憐 12,2 km 憐 10,4 km).
Les deux différences principales entre l’atmosphère de Mars et celle de la Terre sont la très faible masse de l’atmosphère martienne, essentiellement constituée de dioxyde de carbone C2 (la pression au sol est de 6 hectopascals environ, pour une valeur terrestre de 1 013 hectopascals) et sa température moyenne, nettement plus froide (— 50 0C), due au fait que Mars est plus éloigné du Soleil que la Terre. La pression est trop faible pour que l’eau puisse exister à l’état liquide et, le climat étant dans l’ensemble froid, la plus grande partie de la vapeur d’eau se trouve sous forme de glace dans l’atmosphère (cirrus, brumes givrantes) ou le sol (calottes polaires). Durant l’année martienne, environ 20 p. 100 du dioxyde de carbone atmosphérique se condense alternativement sur chacun des pôles, entraînant une variation annuelle sensible de la pression. La faible masse atmosphérique se traduit par des fluctuations diurnes de température très élevées (supérieures à 50 0C). Comme la Terre, Mars possède une atmosphère transparente à la plus grande partie du rayonnement solaire; elle est donc essentiellement chauffée par sa base. L’inclinaison de l’axe de rotation de Mars par rapport au plan de son orbite ainsi que la durée du jour martien étant très proches des valeurs terrestres, il en résulte le même type de système global de circulation atmosphérique, avec des vents alizés dans la zone intertropicale et un système de hautes et basses pressions aux latitudes moyennes. L’absence d’océans – ceux-ci jouant sur la Terre le rôle de régulateur thermique – se traduit par un plus fort contraste saisonnier de température, donc de vents. De violentes tempêtes prennent naissance au printemps en bordure de la calotte polaire sud, soulevant dans l’atmosphère de grandes quantités de poussières qui peuvent s’étendre, dans un stade ultime, à la totalité de la planète. Une partie de ces poussières est précipitée dans les calottes polaires durant les périodes de condensation du dioxyde de carbone et de la vapeur d’eau. La dynamique de l’atmosphère martienne est donc dominée par une forte interaction sol-atmosphère à travers les cycles du dioxyde de carbone, de l’eau et de la poussière. La question de savoir pourquoi l’atmosphère martienne a évolué si différemment de l’atmosphère terrestre n’est pas bien résolue. L’incorporation progressive de dioxyde de carbone dans le sol sous forme de carbonates sans recyclage atmosphérique, en l’absence d’activité tectonique notable, et l’échappement gravitationnel de l’azote pourraient expliquer la faible valeur actuelle de la pression. La raréfaction de l’atmosphère, entraînant une diminution de la température à la surface (annihilation de l’effet de serre), serait dans ce cas à l’origine de la disparition de l’eau liquide, la plus grande partie de la vapeur d’eau ayant disparu par photodissociation et échappement thermique de l’hydrogène.
Les analyses d’échantillons du sol réalisées par les sondes d’atterrissage Viking n’ont révélé aucune trace d’une activité biologique passée ou actuelle.
La plaine martienne Chryse Planitia, sur laquelle s’est posée la station Viking-1 en 1976, comporte les embouchures de six systèmes fluviaux, parmi lesquels Ares Vallis; ce chenal présente des « îles » en forme de larme dessinées par l’écoulement de grandes quantités d’eau contournant d’anciens cratères d’impact météoritique. C’est dans Ares Vallis que s’est posée, le 4 juillet 1997, quinze ans après que la station Viking-1 a cessé d’émettre, la petite sonde américaine Mars Pathfinder; celle-ci est constituée d’une station et d’un minivéhicule à six roues, Sojourner, qui, le 5 juillet 1997, a commencé son périple sur le sol martien, autour de la station, baptisée Carl Sagan Memorial Station. Les images ont dévoilé une surface parsemée de blocs rocheux arrondis et alignés, témoignant d’une ancienne érosion fluviatile très intense.
Des photographies en couleurs de Mars figurent dans les planches hors-texte de l’article PLANÈTES.
1. Morphologie et topographie
La surface de Mars est caractérisée, d’une part, par une assez grande diversité de formes de relief (cratères de météorites, volcans géants, canyons profonds, immenses réseaux de vallées fluviatiles, champs de dunes, importants systèmes de failles, calottes glaciaires aux pôles), d’autre part, par une dissymétrie morphologique et topographique majeure entre les hémisphères Nord et Sud (fig. 1).
La dissymétrie hémisphérique se manifeste de part et d’autre d’un grand cercle incliné de 350 sur l’équateur. Du point de vue morphologique, cette dissymétrie est marquée par la présence de nombreux cratères de météorites qui font ressembler l’hémisphère Sud de la planète aux «terres» lunaires, et par celle de plaines peu cratérisées au nord. Du point de vue topographique, cette dissymétrie se manifeste par une différence d’altitude pouvant atteindre de 2 à 3 kilomètres, les plaines de l’hémisphère Nord étant sensiblement plus basses que les terrains très cratérisés de l’hémisphère Sud. L’origine de cette dissymétrie est encore inexpliquée; elle pourrait correspondre à une limite structurale ou à une limite d’érosion.
Il existe par ailleurs d’importantes différences d’altitude, pouvant atteindre 30 kilomètres. Les altitudes sont définies par rapport à un niveau de référence (niveau 0) qui, en l’absence de mers comme sur la Terre, correspond à une pression atmosphérique de 6,1 hPa au sol, déterminée à l’équateur à partir de mesures dans l’infrarouge réalisées en orbite par la sonde Mariner-9. Ces mesures altimétriques sont complétées par des observations radars depuis la Terre. La région la plus élevée est celle du dôme de Tharsis, sur lequel sont situés trois volcans géants culminant en moyenne à 26 kilomètres d’altitude. Cette région correspond à un bombement de 6 kilomètres de hauteur environ, et de l’ordre de 5 000 kilomètres de diamètre. Comparée à ce que nous connaissons sur la Terre, cette région de la planète Mars a la taille d’un continent. Une autre région, Elysium Planitia, domine de 4 à 5 kilomètres les plaines environnantes. Il s’agit là aussi d’un large dôme de 1 500 kilomètres de diamètre supportant également des volcans, moins importants cependant que ceux de la région de Tharsis. Au sud de l’équateur martien, le système de canyons de Valles Marineris est constitué par des vallées profondément encaissées (6 km de profondeur moyenne) qui s’étendent d’est en ouest sur plus de 5 000 kilomètres de longueur.
2. Géologie
D’après les observations qui ont été réalisées par les sondes spatiales américaines Mariner-9 et Viking, la géologie martienne semble avoir été marquée par une importante activité volcanique et tectonique, ainsi que par la présence d’importantes quantités d’eau liquide à sa surface. Cette eau a aujourd’hui disparu, l’activité volcanique semble avoir cessé, et seule l’érosion éolienne continue à modifier superficiellement l’aspect de la surface martienne.
Le volcanisme martien
En dehors des grands épanchements volcaniques qui recouvrent la plus grande partie des plaines de l’hémisphère Nord, les deux principales concentrations volcaniques de la planète se situent dans la région du dôme de Tharsis et dans celle d’Elysium Planitia.
Le dôme de Tharsis supporte les édifices volcaniques parmi les plus importants de Mars, la chaîne des Tharsis Montes et le volcan géant Olympus Mons. Cette région est caractérisée par une assez forte corrélation entre la topographie et la gravité. Il y aurait donc une bonne compensation isostatique des reliefs volcaniques sous le dôme de Tharsis, où la croûte pourrait atteindre 130 kilomètres d’épaisseur. Les édifices des Tharsis Montes atteignent à leurs bases des diamètres de 350 à 400 kilomètres; le volcan Olympus Mons, situé à 1 600 kilomètres au nord-ouest du dôme de Tharsis, a un diamètre de 550 kilomètres. Leur altitude moyenne varie entre 24 et 27 kilomètres et leurs sommets sont occupés par des caldeiras de grande taille qui peuvent atteindre de 110 à 220 kilomètres de diamètre et de 3 à 4 kilomètres de profondeur. Ces volcans présentent la morphologie caractéristique des volcans «boucliers», c’est-à-dire de grands cônes à pentes douces, semblables aux volcans hawaiiens sur la Terre. Ils sont aussi caractérisés par la relative «jeunesse» (quelques centaines de millions d’années) de leurs surfaces. En outre, certains d’entre eux montrent des coulées récentes, émises probablement le long de fractures sur les flancs des édifices. Ces volcans se seraient d’abord formés par l’accumulation de coulées basaltiques. Après leur édification, les émissions volcaniques se sont concentrées le long de fractures orientées essentiellement nord-est sud-ouest, direction correspondant à l’alignement des trois volcans des Tharsis Montes. Dans le cas du volcan Elysium Mons, il est moins évident qu’il ait été construit uniquement à partir de coulées basaltiques; il pourrait résulter de l’accumulation de cendres et de scories.
Certains de ces volcans sont entourés par un escarpement basal de plusieurs kilomètres d’altitude ayant probablement une origine structurale, ou par un anneau de failles et de fractures. Ces structures pourraient résulter de la déformation de la croûte (flexure) sous l’effet de la surcharge provoquée par le poids du volcan.
En dehors des volcans géants de la région de Tharsis et d’Elysium, il existe dans ces deux régions des volcans de taille beaucoup plus réduite (de 60 à 180 km de diamètre). Ils ont également des formes de boucliers, mais avec des pentes beaucoup plus prononcées que celles des volcans géants. Leurs flancs sont souvent ravinés par des chenaux de quelques centaines de mètres de largeur dont l’origine a été attribuée à des processus de nuées ardentes ou d’éruptions phréatiques provoquées par l’interaction entre le magma et l’eau ou la glace présente dans la croûte martienne. Il existe aussi des formes beaucoup plus anciennes ou beaucoup plus petites (diamètres inférieurs à 5 km). Les volcans les plus anciens sont surtout situés dans l’hémisphère Sud, et leur morphologie fortement érodée semble indiquer un matériel assez friable, semblable à des cendres. Les volcans les plus petits correspondent surtout à des cônes alignés sur des grandes failles, et sont situés à la périphérie des dômes de Tharsis et d’Elysium. En dépit de la relative jeunesse de leurs surfaces, les volcans martiens sont probablement anciens. L’activité volcanique de la région de Tharsis pourrait remonter à plus de 3 milliards d’années, et s’être achevée il y a 800 millions d’années environ.
Tectonique et évolution structurale
Le dôme de Tharsis a joué un rôle majeur dans l’évolution géologique de Mars. Non seulement il supporte les plus grands volcans de la planète, mais il est aussi entouré par un grand système de failles orientées radialement par rapport à son centre. Ces failles affectent presque entièrement un hémisphère: certaines d’entre elles s’étendent jusqu’à 4 000 kilomètres du centre du dôme. Dans l’ensemble, ces failles sont de type normal et bordent des grabens. Il s’agit donc de structures résultant de mouvements d’extension de la croûte martienne.
Quelques failles décrochantes et des rides compressives ont aussi été observées. Les failles décrochantes sont bien moins nombreuses que les failles normales, et sont surtout concentrées sur le versant sud-est du dôme de Tharsis. Les rides sont plus nombreuses, et surtout localisées dans les terrains cratérisés de l’hémisphère Sud, mais leur origine tectonique n’est pas unanimement reconnue. En effet, ces rides peuvent être comparées dans une large mesure aux rides lunaires (produites par des mouvements compressifs de réajustement des fonds de bassins sous la surcharge des formations volcaniques), ou aux rides de Mercure engendrées par la rétraction générale de la planète lors de son refroidissement et par l’impact de gros météorites. Toutefois, les rides martiennes pourraient avoir d’autres origines: tectonique compressive régionale ou locale, ou effets secondaires d’impacts météoritiques. Quelle que soit l’origine de ces rides, même si une large partie d’entre elles peut être considérée comme le résultat de mouvements tectoniques compressifs, aucune de ces structures ne peut être assimilée aux grandes structures compressives terrestres qui résultent de la tectonique des plaques. D’une manière plus générale, la tectonique martienne ne présente pas les caractères «morphologiques» de la tectonique des plaques terrestre, comme les zones d’ouverture ou de collision. L’épaisseur de la croûte martienne pourrait être l’une des causes principales de l’absence de tectonique des plaques sur cette planète.
L’essentiel de la tectonique martienne semble lié à l’existence du dôme de Tharsis, dont l’évolution structurale a largement affecté la planète. Cette évolution structurale se serait déroulée au cours de quatre grandes phases tectoniques qui sont probablement contemporaines des différentes grandes périodes d’activité volcanique. Les trois premières phases ont produit de grands réseaux de structures extensives orientées nord-nord-est - sud-sud-ouest, nord-sud et est-ouest. La dernière phase a réactivé ces structures et a engendré des systèmes de failles normales concentriques aux grands volcans. C’est probablement au cours de la troisième phase que le canyon équatorial, Valles Marineris, s’est formé, par l’ouverture de failles normales orientées est-ouest.
Différents modèles ont été proposés pour expliquer le soulèvement du dôme de Tharsis. Celui-ci serait dû à une anomalie thermique, chimique ou dynamique de la croûte, ou à la présence d’une cellule convective dans le manteau. Le bombement lithosphérique résultant aurait entraîné la fracturation de la croûte suivant un système de grabens et de failles normales radiales. Cette fracturation aurait été accompagnée d’une importante activité volcanique, et c’est à la fin de cette période d’activité volcanique que les volcans géants se seraient formés. Le dôme de Tharsis se serait édifié à partir d’accumulations volcaniques, et la plupart des structures tectoniques récentes seraient dues à la réponse élastique de la lithosphère à la surcharge produite par les formations volcaniques.
Le canyon équatorial
Le canyon équatorial de Mars, Valles Marineris, est une des conséquences les plus spectaculaires de la tectonique extensive induite par la formation du dôme de Tharsis. Ce canyon est en réalité un système complexe, constitué par trois grands ensembles: la région de Noctis Labyrinthus, à l’ouest, le canyon proprement dit, au centre, une vaste dépression encombrée par des chaos gigantesques, à l’est. La région de Noctis Labyrinthus, située presque au sommet du dôme de Tharsis, est constituée par un réseau de vallées très encaissées qui découpent la région en une mosaïque de petits plateaux polygonaux. Ces vallées se présentent soit sous la forme de dépressions rectilignes, soit sous celle d’alignements de dépressions circulaires. Dans les deux cas, elles sont alignées sur un réseau de failles qui a été agrandi par effondrement ou sapement des versants. La fonte de la glace contenue dans le sous-sol ou des processus violents de dégazage de la croûte (sous l’effet du volcanisme régional) pourraient être à l’origine de l’érosion de ces vallées. Le canyon proprement dit est constitué par plusieurs vallées parallèles, orientées est-ouest, et s’étendant chacune sur 300 à 1 000 kilomètres de longueur. Ces vallées, larges de 50 à 100 kilomètres, sont bordées par des versants assez escarpés, dont la partie supérieure laisse entrevoir une coupe des séries volcaniques constituant le plateau entaillé par le canyon, et dont la partie inférieure est recouverte par de nombreuses accumulations de matériaux ayant glissé vers le fond. La morphologie des versants et des pentes du canyon résulte de plusieurs types de processus d’érosions: effondrements le long de plans de failles ou de fractures, glissements de terrain lents et progressifs. Ces différents processus semblent résulter de plusieurs facteurs géologiques (différence de nature des terrains, teneur en eau ou en glace du sous-sol) et climatiques (différences d’insolation, variations de température). Le ruissellement pourrait également avoir contribué à l’érosion des versants, au déblaiement du fond du canyon et à l’accumulation des débris dans la partie terminale du canyon. L’activité volcanique régionale pourrait avoir joué un rôle déterminant dans cette évolution, en provoquant soit la fonte de la glace du sous-sol et, par conséquent, la liquéfaction des matériaux, soit leur dessiccation par dégazage le long des plans de fracture. Ces processus ont pu être accentués par des variations climatiques saisonnières ou cycliques.
Le sol de Mars
Les deux sondes d’atterrissage qui se sont posées à la surface de Mars en 1976 (mission Viking de la N.A.S.A.) ont pu observer le paysage, et analyser grossièrement quelques échantillons du sol. La nature exacte des roches martiennes n’a pu être déterminée. L’observation de leurs couleurs, de leurs formes et de leurs textures apparentes semble indiquer que ces roches pourraient être de nature volcanique. Toutefois, certaines d’entre elles pourraient correspondre à des brèches produites par des impacts météoritiques.
Les analyses chimiques ont fourni quelques indications sur la minéralogie possible du sol martien. Les roches martiennes analysées sont riches en magnésium, en fer et en calcium, pauvres en potassium, en silicium et en aluminium. De plus, le sol contient d’importantes quantités de minéraux magnétiques. Ces analyses pourraient avoir mis en évidence la présence d’argiles riches en fer avec des quantités mineures de sulfates, de carbonates et d’oxydes. Une telle composition serait cohérente avec des processus d’altération des roches volcaniques par l’eau, dans des conditions climatiques assez différentes de celles qui règnent actuellement sur Mars.
Le problème de l’eau sur Mars
Les terrains très cratérisés situés au sud de la dissymétrie hémisphérique présentent d’importants réseaux de chenaux. Ces réseaux s’étendent sur plusieurs centaines de kilomètres de longueur et présentent des similitudes morphologiques avec les systèmes fluviatiles terrestres. L’existence de ces chenaux implique nécessairement l’écoulement d’un fluide à la surface de la planète. Étant donné les similitudes morphologiques existant entre les chenaux martiens et les systèmes fluviatiles terrestres, l’eau paraît être le fluide le plus plausible. L’origine de cette eau et ses différents modes d’écoulement à la surface de Mars demeurent encore très controversés. Trois principaux types de processus ont été proposés: le creusement et l’élargissement des chenaux par l’action lente et régulière d’une eau courante; l’érosion provoquée par des crues catastrophiques résultant de la fonte de glaciers, libérant brutalement de grandes quantités d’eau; la liquéfaction soudaine de matériaux gelés, par réchauffement du sol sous l’effet de changements climatiques, de l’activité volcanique ou de l’impact de gros météorites. Quels que soient les processus invoqués, l’eau semble avoir joué un rôle important, tôt dans l’histoire de la planète. En revanche, l’absence actuelle d’eau à l’état liquide à la surface de Mars pose le double problème des causes de sa disparition et de sa localisation actuelle (dans l’atmosphère, ou dans le sol, ou dans les calottes glaciaires?).
L’atmosphère martienne, composée essentiellement de dioxyde de carbone (95,32 p. 100), est très pauvre en vapeur d’eau (0,03 p. 100). Si les conditions physiques étaient réunies pour que cette vapeur d’eau puisse se condenser, la surface ne serait recouverte que par une mince pellicule d’eau de 0,01 mm d’épaisseur, ce qui représente une quantité très insuffisante pour expliquer les réseaux fluviatiles observés. On estime aujourd’hui que la quantité d’eau ayant existé à l’état liquide sur Mars correspondrait à une couche de 160 à 200 mètres d’épaisseur si elle était uniformément répartie à la surface de la planète.
Les calottes glaciaires contiendraient actuellement environ dix mille fois plus d’eau que l’atmosphère. Si ces calottes fondaient, l’eau qu’elles libéreraient ne recouvrirait uniformément la surface que sur 10 à 13 mètres d’épaisseur! Il faut donc admettre qu’une grande partie de l’eau martienne se trouve aujourd’hui concentrée dans le sol, en partie sous forme associée à des phases minéralogiques hydratées, en partie à l’état d’eau interstitielle gelée à quelque profondeur.
Certaines régions de la planète sont encombrées par d’énormes accumulations de gros blocs formant de gigantesques chaos. Ces chaos pourraient résulter d’effondrements de la surface lors de la fonte de la glace contenue dans le sol. De même, de nombreuses dépressions circulaires alignées sur des failles pourraient être dues au même processus d’effondrement, à la faveur du réchauffement du sol gelé. On observe aussi des réseaux polygonaux ressemblant aux systèmes de fentes polygonales observées dans les régions périglaciaires terrestres. Ces réseaux peuvent atteindre des dimensions de 2 à 20 kilomètres. Sur Mars, de tels réseaux polygonaux pourraient résulter de cycles climatiques d’une période de cent mille à un million d’années. De nombreuses formes d’érosion (ravinement, effondrements) et d’accumulations (éboulis, glissements en masse) observées sur les versants des vallées encaissées de Mars, et en particulier sur ceux du canyon équatorial, Valles Marineris, pourraient également résulter de la liquéfaction du sol, par fonte de la glace du sol lors de périodes de réchauffement.
Histoire géologique de Mars
Malgré toutes les incertitudes et les nombreuses inconnues de la géologie martienne, on peut établir sommairement un «scénario» de l’histoire et de l’évolution géologiques de Mars. Mars s’est formé par accrétion, il y a 4,5 milliards d’années, en même temps que les autres planètes du système solaire. Après sa formation, l’intérieur de la planète s’est différencié pour former un noyau, un manteau et une croûte. Pendant le premier milliard d’années de son existence, le flux du bombardement météoritique a décru progressivement pour atteindre un taux relativement constant depuis 3,5 milliards d’années. C’est pendant cette première période que les terrains fortement cratérisés de l’hémisphère Sud se seraient formés (les terrains les plus anciens auraient un âge approximatif de 4,2 milliards d’années).
Après la fin du bombardement météoritique général, vers 3,5 milliards d’années, le dôme de Tharsis commença à se former, en créant un premier système de grandes failles radiales. C’est également à cette époque que se situerait l’érosion «fluviatile» des terrains anciens de l’hémisphère Sud. Une atmosphère plus dense que l’atmosphère actuelle, entretenue par un fort dégazage de la planète, serait à l’origine des fortes précipitations qui ont entraîné cette érosion. Par la suite, l’abaissement progressif de la température aurait entraîné la formation de glace, en particulier dans le sol. La fonte brutale et localisée de cette glace, peut-être sous l’effet de l’activité volcanique, aurait provoqué ultérieurement des inondations catastrophiques, et la liquéfaction des terrains superficiels, en particulier sur les bords des vallées et des canyons.
Après cette période, l’accroissement de l’activité volcanique dans les régions de Tharsis et d’Elysium produisit d’importants épanchements volcaniques qui ont recouvert la majeure partie des plaines de l’hémisphère Nord. Le soulèvement continu du dôme de Tharsis entraîna une nouvelle fracturation de ces terrains et l’ouverture du système de canyons de Valles Marineris qui seront ensuite agrandis par l’érosion. Finalement (entre 1 et 2 milliards d’années) s’édifient les volcans de la chaîne des Tharsis Montes et Olympus Mons. Ces volcans ont probablement eu une activité qui s’est poursuivie jusqu’à il y a environ huit cents millions d’années. Depuis lors, il semble que l’activité géologique martienne ait pratiquement cessé. Seules l’activité éolienne et les variations climatiques ont contribué à modifier superficiellement la surface martienne, en remaniant et en transportant les matériaux les plus fins pour les accumuler sous forme de dunes dans les régions circumpolaires nord, et sous forme de dépôts interstratifiés dans les calottes glaciaires. Aujourd’hui, la planète Mars serait géologiquement inactive: aucune éruption volcanique n’a été constatée, mais nous ignorons s’il existe ou non une activité sismique.
3. Phobos et Deimos
À l’instar des corps dépourvus d’atmosphère et d’activité géologique, les surfaces de Phobos et Deimos sont saturées de cratères et couvertes d’un régolite. Dans le cas de Phobos, l’épaisseur du régolite pourrait atteindre 300 mètres environ. Sur Phobos, le cratère Stickney a près de 10 kilomètres de diamètre; sur Deimos, le plus gros cratère a 3 kilomètres de diamètre. Bien qu’apparemment semblables vues de loin, les images à haute résolution obtenues par les sondes spatiales Viking montrent que les surfaces de Phobos et Deimos sont très différentes. À l’échelle de quelques centaines de mètres, la surface de Phobos est homogène tandis que celle de Deimos est parsemée de taches environ 30 p. 100 plus brillantes que l’environnement. Contrairement à Deimos, Phobos est parcouru par un système de longues stries parallèles, interprétées par certains chercheurs comme étant des fissures produites par les forces de marées de la planète, par d’autres comme les fractures consécutives à l’impact qui a créé le cratère Stickney.
Les surfaces de Phobos et de Deimos sont très sombres; leurs pouvoirs réflecteurs sont très faibles: moins de 6 p. 100 de la lumière visible provenant du Soleil est réfléchie. La densité de Phobos est de l’ordre de 2 (tabl. 3). Celle de Deimos doit être du même ordre de grandeur. La faible densité de Phobos suggère qu’il doit être constitué d’un matériau riche en éléments légers et en eau (?), semblable à celui qui constitue les météorites de type C (chondrites carbonées).
La différence spectaculaire de composition chimique des surfaces de Mars et de ses satellites rend peu probable la formation de ces derniers en même temps que la planète. Il semblerait plutôt que Phobos et Deimos se soient formés dans la partie extérieure de la ceinture des astéroïdes, puis qu’ils aient été capturés ultérieurement par Mars. La mission soviétique Phobos (1989), en réalisant une observation rapprochée du satellite (à 50 m de distance!) et l’étude de la composition chimique de la surface, aurait peut-être permis de confirmer cette hypothèse. Cette mission n’a malheureusement pu être menée à son terme.
4. L’atmosphère
L’atmosphère de Mars diffère de l’atmosphère terrestre tout d’abord par sa composition chimique: le dioxyde de carbone C2 en est le constituant majeur (95,32 p. 100). La découverte de ce dioxyde de carbone par spectroscopie infrarouge, depuis la Terre, de la lumière solaire réfléchie par le sol martien remonte à 1947, mais c’est en 1964 que fut réalisée par cette méthode la première estimation quantitative, révélant une pression atmosphérique faible (moins de 15 hPa à la surface). La mesure du déphasage du signal radio émis par les sondes américaines Mariner lors de leurs passages derrière le disque martien (technique d’occultation radio utilisée à partir de 1965 sur Mariner-4) confirma, en la précisant, la faible valeur de la pression (6 hPa) et montra, par comparaison avec les mesures spectroscopiques sur le dioxyde de carbone, que ce dernier était le constituant essentiel de l’atmosphère de Mars. On connaît maintenant les abondances relatives des autres constituants: 2,7 p. 100 d’azote 2, 1,6 p. 100 d’argon Ar, 0,13 p. 100 d’oxygène 2 et 0,07 p. 100 de monoxyde de carbone CO.
La vapeur d’eau a été mesurée et cartographiée par spectrométrie infrarouge par les sondes orbitales américaines Viking en 1976 (fig. 2). La quantité précipitable est extrêmement variable, atteignant une centaine de micromètres (soit un rapport de mélange de 0,2 p. 100) au-dessus du pôle Nord en été, et inférieure à 10 micromètres aux latitudes moyennes. La très faible concentration de la vapeur d’eau est liée à la ténuité de l’atmosphère martienne. Le point triple de l’eau a en effet pour coordonnées la température 0 0C et la pression 6,1 hPa, soit à peu près la pression atmosphérique à la surface. La pression partielle de l’eau étant inférieure à 1 hectopascal, l’eau ne peut exister sur Mars que sous forme de vapeur ou de glace. Entre — 100 0C et — 50 0C, dans une gamme de température tout à fait représentative des conditions moyennes régnant dans l’atmosphère de Mars, la pression de vapeur saturante varie de plusieurs ordres de grandeur (de 10—3 à 102 micromètres précipitables). Le degré d’humidité dépend donc fortement de la température. À — 70 0C, température moyenne à la surface durant l’automne, la plus grande partie de la vapeur d’eau est sous forme condensée (givre).
Jusqu’à la mise en évidence, au milieu des années soixante, de l’atmosphère ténue de C2, on pensait, sur la base d’analyses spectroscopiques et d’études de la polarisation de la lumière solaire réfléchie par Mars, que la pression était plus élevée (de 100 à 250 hPa, soit le quart de la pression terrestre, qui est de 1 013 hPa) et que l’azote 2 était l’élément prépondérant. Les mesures atmosphériques des sondes Mariner à partir de 1965, ainsi que l’obtention de nombreuses photographies du sol, mirent brutalement fin aux spéculations sur la possibilité d’une forme de vie évoluée sur Mars.
Contrairement au cas de la Terre, il existe peu d’ozone 3 dans l’atmosphère de Mars (moins d’une molécule par million), à cause de la faible abondance de l’oxygène 2; l’ozone ne joue donc pas un rôle prépondérant dans le bilan thermique de l’atmosphère martienne. En revanche, étant aisément détectable, même en quantité infime, grâce à son continuum d’absorption par photodissociation dans l’ultraviolet, il présente un grand intérêt pour la compréhension des processus photochimiques, dont l’influence sur la composition chimique de l’atmosphère est déterminante. La présence d’eau, donc d’atomes d’hydrogène en nombres impairs (OH, HO2), inhibe en effet la formation de 3 en détruisant l’oxygène atomique O, source de 3. H2O et 3 s’excluent donc mutuellement, l’ozone étant détruit au-dessous de 20 kilomètres d’altitude en atmosphère humide, avec formation d’une couche d’ozone vers 25 ou 30 kilomètres d’altitude. Toutefois, il ne s’agit encore que d’une hypothèse et l’observation de l’ozone martien doit constituer un des objectifs essentiels des expériences atmosphériques des prochaines missions vers Mars.
On trouve également de l’hydrogène atomique, provenant de la photodissociation de H2O par le rayonnement ultraviolet solaire; cet hydrogène atomique s’échappe facilement de l’atmosphère, du simple fait de sa vitesse thermique et du faible champ gravitationnel martien. La comparaison des abondances relatives de l’hydrogène et du deutérium est d’un grand intérêt. L’atome de deutérium D est plus lourd et s’échappe moins facilement que l’atome H, et la mesure du rapport D/H fournit une estimation de la quantité d’hydrogène perdue par l’atmosphère depuis sa formation, donc de la quantité d’eau initialement présente sur Mars. La détection de HDO dans l’infrarouge depuis la Terre semble indiquer un fort enrichissement en deutérium, avec la possibilité qu’il y ait eu par le passé beaucoup plus d’eau que maintenant. D’autres traceurs importants de l’évolution de l’atmosphère sont les abondances et les rapports isotopiques des gaz rares. Excepté l’argon, leurs abondances sont extrêmement faibles, de l’ordre d’un atome par million (néon, krypton) ou même inférieure (xénon).
Les mesures de composition chimique, de pression et de température de l’atmosphère (fig. 3) ne sont pour l’instant qu’imparfaitement interprétées. Une caractéristique essentielle est la faible masse de gaz au-dessus du sol martien. L’atmosphère étant peu dense et extrêmement sèche, elle est quasi transparente au rayonnement thermique infrarouge du sol et l’effet de serre est faible, la température à laquelle la planète rayonne l’énergie de la lumière solaire absorbée (— 56 0C) n’étant inférieure à la température moyenne de surface que de 3 0C. La surface est chauffée directement par le rayonnement solaire, ce qui se traduit par des variations diurnes de la température au sol importantes (supérieures à 50 0C), sensibles jusqu’à une altitude de l’ordre de 1 kilomètre, niveau à partir duquel la température ne fluctue plus que de 10 0C environ au cours de la journée. 15 p. 100 du rayonnement thermique du sol est absorbé et réémis dans la bande du dioxyde de carbone à 15 micromètres de longueur d’onde; ce phénomène détermine la structure thermique de la basse et moyenne atmosphère, l’opacité due aux poussières, qui chauffent l’atmosphère par absorption de la lumière solaire, pouvant également jouer un rôle important dans le bilan thermique. Une autre conséquence de la faible masse de gaz est la photodissociation du dioxyde de carbone en CO et O par le rayonnement ultraviolet solaire sur toute la hauteur de l’atmosphère, jusqu’au sol aux longueurs d’onde voisines de 200 nanomètres, valeur correspondant à l’énergie minimale de dissociation de C2, O reformant ensuite 2. Les rapports de mélange de CO et 2 devraient donc évoluer rapidement, à l’échelle de quelques années, vers une valeur très supérieure à celle qui est observée (0,1 p. 100). On pense que cette évolution est inhibée par l’action du radical OH sur CO, capable de reformer rapidement C2 à condition que la vapeur d’eau (source de OH) soit présente en quantité suffisante. L’abondance de la vapeur d’eau étant extrêmement sensible à la température, elle-même reliée à l’insolation (donc à la saison et à la latitude) ainsi qu’aux abondances du dioxyde de carbone et de la poussière, la question de la stabilité de cette atmosphère de dioxyde de carbone ne peut être résolue que par une meilleure compréhension des cycles du dioxyde de carbone, de la vapeur d’eau et de la poussière.
L’observation de tempêtes de poussière locales et à l’échelle planétaire, de fluctuations annuelles de la pression de 30 p. 100 environ liées à la condensation alternée de dioxyde de carbone sur chacune des calottes polaires (fig. 4), de brouillards de rayonnement de terrain matinaux indiquant des dépôts de givre durant la nuit, ainsi que la possibilité de nappes glaciaires souterraines aux latitudes supérieures à 450 (équivalent des pergélisols terrestres) sont autant d’éléments qui suggèrent l’existence d’échanges intenses entre le sol et l’atmosphère. Les mécanismes régissant ces échanges sont une composante essentielle de la dynamique de l’atmosphère martienne.
Bien que le climat de Mars puisse être comparé à celui de la Terre par certains aspects, par exemple sa circulation atmosphérique globale avec des vents alizés en régions intertropicales et un système de cyclones et d’anticyclones (hautes et basses pressions) aux latitudes moyennes, les conditions climatiques martiennes sont très différentes des conditions terrestres (fig. 5). La relative similitude des systèmes de vents, caractérisés par le transport méridien (de l’équateur vers les pôles) de l’énergie reçue du Soleil, tient à plusieurs facteurs: valeurs comparables des inclinaisons des plans équatoriaux sur les plans orbitaux (240 pour Mars, 23,50 pour la Terre) et des périodes de rotation, la durée du jour martien n’excédant que de 40 minutes celle du jour terrestre; transparence des atmosphères au rayonnement solaire, celles-ci étant donc chauffées par leur base. Cependant, l’absence d’océans sur Mars rend le régime thermique plus contrasté suivant la saison. Sur la Terre, l’inertie thermique des océans limite l’excursion en latitude du point le plus chaud, qui ne suit que partiellement le point subsolaire au cours de l’année. La réponse du sol martien est en revanche très rapide et l’intensité (peut-être même la structure en région intertropicale) de la circulation générale hautement variable avec la saison. Il faut noter également la plus grande régularité du climat martien, avec passage de tempêtes tous les deux à quatre jours sur les sites d’atterrissage des stations automatiques Viking, régularité qui est peut-être attribuable au fait que le dioxyde de carbone, principal constituant de l’atmosphère martienne, absorbe et réémet le rayonnement thermique du sol – contrairement à l’azote terrestre, radiativement inerte –, amortissant ainsi les perturbations de température causées par les tempêtes.
Une importante source de différence entre les dynamiques atmosphériques des deux planètes réside dans l’excentricité relativement élevée de l’orbite martienne (0,09), l’insolation au périhélie (solstice d’été sud) dépassant de 45 p. 100 environ l’insolation à l’aphélie (solstice d’été nord), la valeur correspondante pour la Terre n’étant que de 3 p. 100. Ainsi, l’été dans l’hémisphère Sud est plus chaud (la planète se trouvant plus près du Soleil) et plus long de 24 jours martiens (l’année martienne est de 669 jours
martiens, soit 687 jours terrestres; tabl. 1 et 2) que dans l’hémisphère Nord. Avec l’arrivée de l’automne dans l’hémisphère Nord, la température au pôle Nord tombe au-dessous de — 123 0C (température de condensation du dioxyde de carbone), avec formation d’une calotte de glace de dioxyde de carbone qui atteindra 500 de latitude nord. L’hiver de l’hémisphère Sud, long et froid, se termine alors, et la calotte sud, qui avait atteint 450 de latitude sud, régresse rapidement par sublimation de la glace de dioxyde de carbone. Il est d’ailleurs possible que la calotte sud ne se résorbe pas complètement durant l’été certaines années, comme semble l’indiquer l’absence quasi totale de vapeur d’eau dans l’hémisphère Sud durant toute la durée de la mission Viking (fig. 2). Au contact de la glace de dioxyde de carbone, très froide, la vapeur d’eau se condense et gèle, la calotte jouant donc le rôle de puits de chaleur. Le fort gradient de température entre le front de glace de la calotte sud en régression rapide et le sol chauffé par le soleil de printemps induit des vents violents qui soulèvent de grandes quantités de poussière. La poussière, absorbant le rayonnement solaire, chauffe l’atmosphère et accentue les gradients thermiques, intensifiant les vents qui, en un temps relativement court (de l’ordre de une semaine), conduisent et diffusent la poussière jusqu’à l’équateur puis l’hémisphère Nord; la planète peut même être, dans un stade ultime, entièrement recouverte d’un nuage de poussière s’élevant jusqu’à 50 kilomètres d’altitude. Le phénomène s’apaise de lui-même lorsque la quantité de poussière est suffisante pour faire écran au rayonnement solaire, avec refroidissement des basses couches de l’atmosphère. La condensation du dioxyde de carbone et de la vapeur d’eau s’accompagne de précipitations de poussière, notamment sur les calottes polaires. Ces flux entraînent des variations périodiques des propriétés optiques de l’atmosphère, longtemps interprétées comme la manifestation d’une végétation soumise au rythme des saisons. Les tempêtes globales se produisant à la fin de l’automne de l’hémisphère Nord, on peut penser que la calotte nord incorpore davantage de poussière que la calotte sud. Étant plus sombre, elle absorbe plus d’énergie solaire et se sublime rapidement au début de l’été, contrairement à la calotte sud, contenant moins de poussière, donc plus claire, et qui pourrait ainsi, au moins certaines années, ne pas se sublimer entièrement.
La météorologie martienne donne également lieu à la formation de nuages. En hiver, on observe au-dessus du pôle Nord un voile de brumes composées de particules de glace d’eau et de poussière en forme de coiffe. Ce phénomène existe aussi, mais à un moindre degré, au-dessus du pôle Sud. Ces coiffes polaires peuvent s’étendre jusqu’aux latitudes moyennes (400 pour la coiffe nord). Dans certaines conditions, lorsque la température atmosphérique descend au-dessous de — 120 0C, il peut apparaître de la même façon des brumes de glace de dioxyde de carbone. L’été, des nuages blancs, se développant principalement au cours de l’après-midi, recouvrent les régions de haut relief. Ces nuages très fins, situés à haute altitude, quelques kilomètres au-dessus des volcans de la région de Tharsis – dont Olympus Mons, culminant à 27 kilomètres –, sont probablement d’origine orographique: l’air chaud, s’élevant le long des pentes des volcans, se refroidit avec condensation de la vapeur d’eau qu’il contient. Le système de nuages martien est cependant beaucoup moins développé et structuré que le système terrestre.
Une question essentielle se pose: pourquoi les atmosphères de Mars et de la Terre sont-elles si différentes? Ces deux planètes se sont formées à des distances voisines du centre de la nébuleuse primitive et leurs atmosphères initiales doivent avoir été comparables, constituées essentiellement de vapeur d’eau, de dioxyde de carbone et d’azote. La plus grande partie de l’eau terrestre est dans les océans. La faible quantité de dioxyde de carbone dans l’atmosphère terrestre s’explique par l’action des pluies, qui favorise son incorporation à la roche terrestre sous forme de carbonate de calcium se déposant au fond des océans. Le recyclage du dioxyde de carbone dans l’atmosphère est assuré par l’activité tectonique et volcanique. Mars étant environ deux fois plus petit que la Terre, soit huit fois moins massif, sa source de chaleur interne est probablement beaucoup plus faible, ce qui explique l’absence apparente de tectonique des plaques et un volcanisme peu actif. Le fait que Mars soit plus éloigné du Soleil que la Terre (donc plus froid car recevant moins d’énergie solaire), couplé à un ralentissement précoce de l’activité volcanique inhibant le recyclage du dioxyde de carbone et empêchant le maintien d’un effet de serre durable (+ 33 0C sur la Terre pour à peine + 3 0C sur Mars à l’heure actuelle), explique peut-être la disparition de l’eau liquide, dont la morphologie du sol martien établit l’existence indubitable dans un passé reculé (4 milliards d’années). Une partie de cette eau aurait disparu, décomposée par le flux ultraviolet solaire, l’hydrogène atomique s’échappant à mesure de l’atmosphère. L’autre partie serait actuellement contenue sous forme de glace dans les calottes et dans un éventuel pergélisol. La raréfaction progressive du dioxyde de carbone, se transformant en carbonate, et l’échappement de l’azote 2 – par ionisation et recombinaison dissociative avec formation de deux atomes d’azote suffisamment énergétiques pour échapper au faible champ gravitationnel martien – expliqueraient la très faible valeur actuelle de la pression. Si ce «scénario» est correct, la petite taille de Mars comparée à celle de la Terre a eu au moins autant d’influence sur l’évolution très divergente de l’atmosphère martienne que sa position à plus grande distance du Soleil.
mars [ mars ] n. m.
• v. 1215; lat. martius, de Mars, nom du dieu de la guerre; cf. champ de Mars
1 ♦ Troisième mois de l'année (correspondait à ventôse, germinal). Mars a 31 jours. Il viendra à Paris au mois de mars, en mars. Giboulées de mars. — Blés de mars, que l'on sème au printemps. « Mars, qui rit malgré les averses » (Gautier). — Loc. Arriver comme mars en carême.
2 ♦ Papillon diurne brun, tacheté de blanc, aux reflets bleus ou violets, appelé scientifiquement apatura.
● mars nom masculin (latin martius, de Mars, nom mythologique) Troisième mois de l'année. Nom usuel des papillons du genre apatura. ● mars (citations) nom masculin (latin martius, de Mars, nom mythologique) Théophile Gautier Tarbes 1811-Neuilly 1872 Tandis qu'à leurs œuvres perverses, Les hommes courent haletants, Mars qui rit, malgré les averses, Prépare en secret le printemps. Émaux et camées William Shakespeare Stratford on Avon, Warwickshire, 1564-Stratford on Avon, Warwickshire, 1616 Prends garde aux ides de mars. Beware the ides of March. Jules César, I, 2, le devin ● mars (difficultés) nom masculin (latin martius, de Mars, nom mythologique) Emploi Arriver comme mars en carême = arriver de façon inévitable, ou arriver à propos. Recommandation Ne pas employer l'expression à contresens pour « arriver mal à propos ». Registre La locution est aujourd'hui vieillie et ne s'emploie plus que dans le registre soutenu.
Mars
dans la myth. lat., dieu de la Guerre et de la Végétation (Mars Silvanus), identifié au dieu grec Arès. Fils de Junon, il eut Romulus et Remus de la vestale Rhea Silvia.
————————
Mars
quatrième planète du système solaire, dédiée au dieu romain de la Guerre du fait de sa teinte rougeâtre. L'excentricité de son orbite, inclinée de 10 51' par rapport au plan de l'écliptique, est très supérieure à celle de la Terre: 207 millions de km du Soleil au périhélie, 249 millions de km à l'aphélie. Dans le cas le plus favorable, la distance entre Mars et la Terre se réduit à 56 millions de km (dernier rapprochement le 7 janvier 1993). La planète, qui parcourt son orbite en 687 jours et 23 h, effectue un tour sur elle-même en 24 h 37 min 22,7 s (jour sidéral martien), tandis que le jour solaire martien (appelé sol depuis que la mission Viking explora la surface de Mars, juillet 1976) vaut 24 h 39 min 35 s. Le diamètre équatorial de Mars atteint 6 794 km, soit un peu plus de la moitié de celui de la Terre; sa masse représente 0,107 fois celle de notre globe; sa gravité, environ le tiers de la gravité terrestre. Avec un axe de rotation incliné de 240 sur le plan orbital (230 26' dans le cas de la Terre), la planète connaît, comme la Terre, des saisons bien marquées. Son atmosphère est très ténue (la pression atmosphérique au niveau du sol martien est de l'ordre de 6 hectopascals, soit 6/1 000 de la pression atmosphérique terrestre); elle est constituée de 95 % de dioxyde de carbone, de 2,7 % d'azote et de traces d'autres gaz (dont 0,03 % de vapeur d'eau). Recevant 2,3 fois moins d'énergie solaire que la Terre (en raison de sa distance au Soleil), Mars est plus froide qu'elle (minimum - 143 °C au pôle Sud, maximum + 22 °C à l'équateur); les grands écarts thermiques entre le jour et la nuit provoquent des vents parfois très violents. Le relief comprend des cratères et des bassins dus à des météorites, des chaînes volcaniques (le volcan Olympus Mons, qui s'étend sur 600 km et s'élève à 26 km au-dessus du sol, est le plus grand volcan connu du système solaire), des dunes, des rivières fossiles, preuve qu'un liquide (certainement de l'eau) a coulé jadis sur la planète. Mars possède deux petits satellites, Phobos et Deimos, sans doute des astéroïdes capturés il y a plus de trois milliards d'années. En juil. 1997, la sonde amér. Pathfinder a déposé sur Mars le robot Sojourner Truth, qui a aussitôt transmis des images de la planète à la Terre.
————————
Mars
n. m. Troisième mois de l'année, comprenant trente et un jours.
————————
Mars
(Anne Boutet, dite M lle) (1779 - 1847) actrice française.
I.
⇒MARS1, subst. masc.
Troisième mois de l'année grégorienne situé entre février et avril, marqué par l'équino.e de printemps. Le premier mars; lune de mars; bourrasques, giboulées de mars; arriver en mars, au mois de mars, à la mi-mars; mars a trente et un jours. Les dégels, les temps mous, les brouillards et les pluies de mars (ZOLA, Ventre Paris, 1873, p.729). C'était un jour de pluie du commencement d'avril, une séquelle glacée des ondées de mars où tous les espoirs qu'on avait mis dans l'établissement du printemps fondaient aussi vite que le ciel (NIZAN, Conspir., 1938, p.57):
• ♦ Tandis qu'à leurs oeuvres perverses
Les hommes courent haletants,
Mars qui rit, malgré les averses,
Prépare en secret le printemps.
GAUTIER, Émaux, 1852, p.28.
— Expressions
♦Bière de mars. Bière nouvelle plus alcoolisée que de coutume, commercialisée au mois de mars et fabriquée à partir de la dernière récolte d'orge et de houblon avec une eau réfrigérée naturellement. On se mit à boire de cette fameuse bière de mars, qui vous monte au nez comme le vin de Champagne (ERCKM.-CHATR., Ami Fritz, 1864, p.143).
♦[En parlant d'une céréale] De mars. Qui est semé en mars. Blé de mars. Synon. blé de printemps (p. oppos. au blé semé en automne appelé blé d'hiver). Novateur en agriculture, il plante du colza au lieu d'orge de mars, qui fait la nourriture des pauvres (MICHELET, Journal, 1835, p.165). V. blé ex.1.
P. ext., au plur., vieilli. (Grains de) mars. Grains qu'on sème en mars (orge, avoine, millet, etc.). Le temps a été bon pour les mars de cette année (Ac. 1798-1878). Colladan: Voyons (...) piochez-vous là-bas? conte-moi ça! Sylvain (à son père): À Grignon? mais oui (...) nous faisons les mars (LABICHE, Cagnotte, 1864, II, 7, p.69).
♦HIST. Champ de mars. ,,Assemblée que les principaux de la nation franque tenaient au mois de mars pour régler les affaires de l'État`` (Ac. 1835-1935).
— Loc. proverbiale Arriver, tomber comme mars en carême. Arriver régulièrement, inévitablement. Vous étiez à Lyon à vous occuper du pape (...) toujours ce pape qui vient en mes affaires comme mars en carême! (DRUON, Loi mâles, 1957, p.181). V. carême A.
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) 1119 «troisième mois de l'année dans le calendrier actuel» (PH. DE THAON, Comput, 715, 722 et 2017 ds T.-L.); 1389 estre tenu ferme comme mars en Quaresme «être considéré comme une vérité entière» (PH. DE MÉZIÈRES, Viel Pelerin, 3, 257, éd. G. W. Coopland, t.2, p.331); 1542 le moys de Mars faillit en karesme «il arriva une chose impossible» (RABELAIS, Pantagruel, chap.I, éd. Ch. Marty-Laveaux, t.1, p.220); 1690 venir comme mars en carême «ne manquer jamais d'arriver à une certaine époque» (FUR.); b) 1234 marc «les grains que l'on sème en mars» (doc. ds GDF. Compl.); 2. 1803 entomol. (BOISTE). Du lat. martius «mois de mars», de Mars, dieu de la guerre. Bbg. HENRY 1960, p.13, 15, 43, 48.
II.
⇒MARS2, subst. masc.
Papillon diurne d'Europe, brun ou noir taché de blanc avec des reflets bleus ou violets. Petit mars, grand mars changeant. Voici le Mars azuré Agitant des étincelles Sur ses ailes D'un velours riche et moiré (NERVAL, Chât. Bohême, 1853, p.25).
Prononc.:[]. Étymol. et Hist. V. mars1.
STAT. — Mars1 et 2. Fréq. abs. littér.:5341. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 7131, b) 8891; XXe s.: a) 9697, b) 6032.
mars [maʀs] n. m.
ÉTYM. V. 1215; du lat. martius, de Mars, dieu de la guerre.
❖
1 Troisième mois de l'année dans le calendrier actuel (⇒ Ventôse et germinal, dans le calendrier républicain). || Mars a 31 jours. || Le 26 mars. || Il viendra à Paris au mois de mars, en mars. — Mars, mois du printemps (→ Anémone, cit. 2). || Giboulées, ondées de mars (→ Bon, cit. 118). || « Mars, qui rit malgré les averses » (cit. 2, Gautier).
0 Comme février, mars fut dur; il ne faillit pas à sa mauvaise réputation. Mais alors qu'on l'attend tout giboulées et tout bourrasques, cette année-là, il se montra pluvieux.
H. Bosco, Un rameau de la nuit, p. 115.
♦ ☑ Loc. prov. Arriver comme mars en carême. ⇒ Carême.
2 (1234). Agric. || Blé de mars, qu'on sème en mars. — N. m. pl. (1283). || Les mars : les grains semés en mars (avoine, orge, millet…).
3 Papillon diurne, scientifiquement appelé Apatura.
4 (Du nom du dieu). || Champ de Mars. ⇒ 1. Champ.
❖
DÉR. (Du même rad.) 1. Mardi, 1. et 2. martial. Martien.
Encyclopédie Universelle. 2012.