MICROBE
MICROBE
Grâce à l’invention du microscope, vers la fin du XVIIe siècle, on découvrit l’existence d’êtres vivants de très petite taille, invisibles à l’œil nu. Sujets de curiosité pendant plus de cent cinquante ans, leur étude ne fut réellement abordée qu’au milieu du XIXe siècle, avec les travaux de Pasteur, de Koch, et de leurs élèves. Mais les termes servant à désigner ces organismes étaient encore très imprécis; Pasteur parle indifféremment de «levures, bactéries, infusoires, animalcules, monades, champignons». De plus, la place de ces organismes dans l’échelle des êtres vivants était un sujet de discussion: animaux, végétaux, ou «plantes-animaux» (les micro-organismes mobiles étaient classés avec les animaux, les autres avec les végétaux)?
Les idées commencèrent à se clarifier avec la création par le zoologiste allemand Haeckel, en 1866, d’un troisième règne (ni animal, ni végétal), celui des protistes caractérisés par la simplicité de leur structure. L’étude de l’ultrastructure cellulaire, ainsi que les données de la génétique et de la biologie moléculaire, ont d’ailleurs permis, il y a quelques années, de subdiviser ce règne en protistes supérieurs ou eucaryotes (protozoaires, algues, champignons) et protistes inférieurs ou procaryotes (algues bleues, bactéries).
Le chirurgien français Sédillot proposa en 1878 le mot microbe pour désigner tous les organismes vivants microscopiques unicellulaires, terme bientôt reconnu par Littré et admis par les microbiologistes et par les naturalistes. Mais le sens précis du terme reste vague: tous les microbes sont par définition des protistes, mais les protistes incluent aussi des organismes coenocytiques et des macro-organismes (algues marines de grande taille, grands champignons). En outre, on découvrit peu à peu l’existence d’une variété particulière de microbes plus petits, invisibles au microscope ordinaire, passant au travers des filtres les plus fins, mais néanmoins capables de transmettre des maladies; on les nomma ultravirus, ou virus filtrables. On sait actuellement que ces virus constituent une classe tout à fait à part d’agents infectieux, fondamentalement différents de tous les êtres vivants.
Parmi tous ces micro-organismes (protistes supérieurs, protistes inférieurs, virus) lesquels sont en définitive des microbes? Il est difficile de donner une réponse précise, car tous les biologistes n’utilisent pas ce terme dans le même sens. En pratique courante, le mot microbe est employé dans un sens assez restreint, synonyme de bactéries, excluant donc protozoaires, algues, champignons et virus. Parfois, il désigne à la fois bactéries et virus. Cependant, d’après les conceptions actuelles (Lwoff), le terme microbe doit englober tous les protistes (à l’exception de certaines algues et champignons de grande taille) ainsi que les virus; cette conception rejoint d’ailleurs la définition de Sédillot.
microbe [ mikrɔb ] n. m.
• 1878; du gr. mikros « petit », pour « microscopique », et bios « vie »; cf. -bie
1 ♦ Vx Micro-organisme invisible à l'œil nu.
2 ♦ Mod. et Cour. Micro-organisme unicellulaire pathogène. ⇒ bacille, bactérie, germe, vibrion, virus. Culture de microbes : bouillon de culture. Toxines sécrétées par les microbes. Lutte, protection contre les microbes (sérum, vaccin; antisepsie, asepsie).
3 ♦ Fig. et fam. Personne chétive, petite. ⇒ avorton.
● microbe nom masculin (de micro- et grec bios, vie) Organisme microscopique ou ultramicroscopique unicellulaire, et plus spécialement l'un des organismes qui causent les fermentations et les maladies. Familier. Personne chétive, petite ou sans envergure. Variante de la broderie anglaise à bride, caractérisée par la forme du motif, qui ne varie pas. ● microbe (synonymes) nom masculin (de micro- et grec bios, vie) Organisme microscopique ou ultramicroscopique unicellulaire, et plus spécialement l'un des...
Synonymes :
- germe
microbe
n. m. Organisme microscopique unicellulaire (bactérie, virus, etc.). Syn. germe.
⇒MICROBE, subst. masc.
A.— BIOL. Organisme unicellulaire appartenant au règne bactérien (bactéries), au règne végétal (champignons microscopiques) ou au règne animal (protozoaires). Microbe aérobie, anaérobie, pathogène, pyogène, saprophyte; développement, pullulement de microbes; contaminer par les microbes. Il faut d'abord signaler l'existence de ces êtres microscopiques tout à fait inférieurs qu'on appelle bactéries et plus vulgairement microbes (BOULE, Conf. géol., 1907, p. 70). Les microbes du lait peuvent se retrouver dans le beurre; ils proviennent soit des eaux impures employées pour les manipulations, soit des maladies de la vache (MACAIGNE, Précis hyg., 1911, p. 245). On sait qu'il existe normalement dans le côlon de nombreux microbes non pathogènes qui concourent à la formation des matières fécales (QUILLET Méd. 1965, p. 164).
Rem. 1. On appelait autrefois microbes tous les organismes invisibles à l'œil nu, responsables de maladies ou de putréfactions. Le microbe du rouget du porc se cultive dans des bouillons très divers (PASTEUR ds Travaux, 1885, p. 401). 2. De nos jours on tend à remplacer ce terme par celui de microorganisme.
B.— Usuel. Microorganisme générateur de maladie. À la fin, le voici qui s'élève contre cette innovation qui, sous le prétexte des microbes, va enlever les rideaux aux malades, leur retirer ce pauvre petit chez-soi (GONCOURT, Journal, 1884, p. 302). Je leur ai apporté toutes les indications pour la production massive du microbe de la fièvre de Malte (MALRAUX, Espoir, 1937, p. 693) :
• Je sais bien que Pasteur n'est pas responsable de tant de folies déchaînées par la peur des microbes, et qu'après tout, n'importe quel traité de morale produirait plus ou moins les mêmes effets sur une âme déjà surtendue et découragée par la théologie janséniste.
BREMOND, Hist. sent. relig., t. 4, 1920, p. 469.
— P. métaph. Nous plaisantions; nous n'en pouvions mais : il doit y avoir un microbe du rire (GENEVOIX, Boue, 1921, p. 84). La délégation des gauches! Ce seul nom évoque des palabres, (...) toute une faune de couloirs en marge de la vraie vie, une agitation de microbes au dedans d'un grand corps qu'ils n'ont pas conscience de détruire (MAURIAC, Journal 4, 1950, p. 164). La tristesse (...) C'est un poison, un microbe qu'on a tort de cultiver (L. DE VILMORIN, Hist. d'aimer, 1954, p. 64).
C.— P. exag., fam. Être de petite taille, enfant. Synon. avorton. Ça m'aurait étonné que tu ne sois pas là, microbe! dit M. Heaume en me cueillant le poignet (H. BAZIN, Huile sur feu, 1954, p. 215).
REM. 1. Microbique, adj., biol., vieilli. Relatif aux microbes, qui tient des microbes. Synon. microbien. (Ds Nouv. Lar. ill. Suppl. 1907, Lar. encyclop.). Si, dans l'ordre microbique, il y avait des êtres très intelligents, nous nous en apercevrions à des actions réfléchies émanant d'eux (RENAN, Feuilles dét., 1892, p. 406). 2. Microbisme, subst. masc., biol. a) Ensemble de la flore bactérienne d'un milieu organique (d'apr. Méd. Biol. t. 2 1971, GARNIER-DEL. 1972). b) Microbisme latent. Présence dans les tissus de microorganismes ne provoquant aucune manifestation morbide, mais pouvant, sous l'influence de circonstances favorables, se multiplier, devenir virulents et provoquer des troubles pathologiques. Elles [l'infection] peut être produite par une invasion massive ou, au contraire, par une infiltration lente réalisant une sorte de microbisme latent (LE GENDRE ds Nouv. Traité Méd. fasc. 7 1924, p. 249).
Prononc. et Orth. :[]. Att. ds Ac. 1935. Étymol. et Hist. 1. 1878 biol. (Ch. SÉDILLOT ds Cr. hebdomadaires des séances de l'Ac. des sc. t. 86, p. 634); 2. 1888 « personne chétive, petite » (C. VILLATTE, Parisismen d'apr. FEW t. 6, 2, p. 80a). Formé par Ch. Sédillot d'apr. le gr. « petit » (v. micro-) et « vie », littéralement « petite vie, petit organisme vivant », cf. F. LETESSIER et É. BENVENISTE, v. bbg. infra. Fréq. abs. littér. :175. Bbg. BENVENISTE (É.). Formes nouv. de la compos. nom. B. Soc. Ling. 1966, t. 61, pp. 83-87. — LETESSIER (F.). Microbe. Fr. mod. 1947, t. 15, pp. 179-180.
microbe [mikʀɔb] n. m.
ÉTYM. 1878, → cit. 1; grec mikrobios « dont la vie est courte ». → Micro-, et bio-.
❖
1 a Vx. Micro-organisme invisible à l'œil nu (⇒ Animalcule [vx], micro-organisme). b Mod., cour. Micro-organisme unicellulaire pathogène. || Les microbes comprennent les bactéries, des algues, des champignons (actinomycète, aspergille, discomycète, sporotric, trichophyton), des protozoaires. ⇒ Hématozoaire; rhizopode, sporozoaire. || Microbe aérobie, anaérobie. || Association, antagonisme entre types de microbes. || Microbes parasites des organismes vivants. || Examiner les microbes au microscope. || Solution pour colorer les microbes. ⇒ Gram. || Culture des microbes. ⇒ aussi Bouillon (de culture). || Microbes aux formes arrondies. ⇒ Coccacées, et aussi le suff. -coque. || Microbe allongé en bâtonnet. ⇒ Bactériacées; bacille. || Microbe muni d'un filament mobile. ⇒ Flagellé (tréponème, trypanosome). || Microbe de forme courbe et infléchie. ⇒ Vibrion. || Microbe spiralé. ⇒ Spirille, spirochète. || Réunion de microbes agglutinés. ⇒ Zooglée. || Microbes agents des putréfactions (⇒ Septique), des fermentations (⇒ Ferment, levure, mycoderme), des moisissures (⇒ Mucorinées). || Les microbes nocifs, pathogènes, agents des maladies contagieuses, infectieuses, spécifiques, virulentes et des épidémies (cit. 2). || Virulence d'un microbe. || Les microbes et les virus. || Poison sécrété par les microbes. ⇒ Toxine. || Moyens de défense naturels contre les microbes. ⇒ Antitoxine; phagocytose. || Moyens médicaux de défense et de prévention contre les microbes. ⇒ Sérum, vaccin; antibiotique, antimicrobien, microbicide (substance); antisepsie (cit.), asepsie; pasteurisation, stérilisation.
1 Ces germes ont reçu tant de noms différents que l'on finit par s'y perdre. Ainsi on les appelle schizophytes, micrococcus (…) bactéries (…) micro-organismes (…) bacilles, vibrions, etc.; j'en passe. Je crois utile de remplacer toutes ces dénominations par un nom générique plus simple, je propose en conséquence le nom général de microbe (…) J'ai consulté à cet égard mon ami Littré, qui approuve mon choix.
2 Contre l'incrédulité ou l'hésitation des médecins, la grande période des précisions bactériologiques était en marche. Pasteur découvrit le vibrion septique, microbe responsable de tant de gangrènes mortelles, et cultiva le premier la bactéridie charbonneuse, dont l'admirable Davaine avait, expérimentalement, douze ans plus tôt indiqué l'existence et le rôle.
Henri Mondor, Pasteur, VII.
♦ Par comparaison :
3 Les grandes villes sont des organismes monstrueux, où pullulent, ainsi que les microbes de toutes les maladies, tous ceux de l'intelligence.
R. Rolland, le Voyage intérieur, p. 126.
2 Fig., fam. Personne petite, chétive et malingre. ⇒ Avorton. || Tais-toi, microbe !
❖
CONTR. Mastodonte.
DÉR. Microbicide, microbien, microbiologie, microbisme, microbiurgie.
Encyclopédie Universelle. 2012.