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roideur

roideur nom féminin Ancienne forme de raideur.

⇒RAIDEUR, ROIDEUR, subst. fém.
A. — [Corresp. à raide I A]
1. Caractère, état de ce qui est raide. Synon. rigidité; anton. flexibilité, souplesse. La raideur d'une barre de fer. L'inconfort humide et froid de la vessie pleine de glace, de la raideur des draps, de l'oreiller trop haut, du matelas dur comme la terre elle-même (TRIOLET, Prem. accroc, 1945, p. 201):
1. ... je comprenais trop que ce que la sensation des dalles inégales, la raideur de la serviette, le goût de la madeleine avaient réveillé en moi, n'avait aucun rapport avec ce que je cherchais souvent à me rappeler de Venise, de Balbec, de Combray, à l'aide d'une mémoire uniforme...
PROUST, Temps retr., 1922, p. 869.
PHYS. ,,Faculté d'un corps de s'opposer aux déformations, et plus particulièrement à la flexion`` (MÉTRO 1975). Raideur d'un ressort.
En partic.
a) Manque de souplesse (du corps, d'une partie du corps). Synon. ankylose, engourdissement. Raideur cadavérique. Aristide était impressionné par la raideur et la gêne des mouvements de l'élégant vieillard (DURANTY, Malh. H. Gérard, 1860, p. 147). La raideur de ses jambes nuisait à la rapidité de son allure mais ajoutait à la majesté de sa démarche (HAMP, Marée, 1908, p. 206).
MÉD. Raideur articulaire. ,,Limitation plus ou moins grande de la mobilité d'une articulation`` (Lar. Méd. t. 3 1972). Les infiltrations en série donnent souvent des résultats favorables. Dans les (...) raideurs articulaires... (JUDET, Fractures membres, 1948, p. 20).
b) Caractère d'une personne qui a un maintien rigide, ou qui, dans sa manière d'être, manque de naturel, d'aisance. Elle gardait la raideur d'un bâton (BALZAC, Cous. Bette, 1846, p. 33). Dans la salle à manger, le vieux prêtre gardait sa raideur hiératique (MALÈGUE, Augustin, t. 2, 1933, p. 324):
2. Comme elle était souple et naturelle dans ses moindres attitudes! L'amour avait vaincu sa raideur, libéré en elle cette grâce féminine que, jusqu'alors, une contrainte secrète semblait retenir prisonnière.
MARTIN DU G., Thib., Été 14, 1936, p. 572.
♦ Manque de souplesse, d'aisance. Marcher, danser avec raideur. Il marchait droit, avec une certaine raideur (ABOUT, Nez notaire, 1862, p. 42).
2. Vieilli. ,,Rapidité, impétuosité de mouvement`` (Ac. 1835). Balle lancée avec raideur. Dans cette partie du fleuve, l'eau court avec une grande raideur (Ac. 1835, 1878). D'autres voitures, lancées avec la même raideur, celle d'un boulet de canon, viennent à notre rencontre (MICHELET, Chemins Europe, 1874, p. 146).
3. Caractère de ce qui présente une forte déclivité. La raideur de la montée, d'un escalier. Des sentiers à travers bois permettent de gagner la prairie — en quelques minutes pour un cycliste qui ne craint pas la raideur de la pente (VAILLAND, Drôle de jeu, 1945, p. 141).
4. Caractère d'un alcool à la fois très fort et très râpeux. Un marché noir actif permettait au personnel de se procurer, contre les pains de savon détournés des stocks, quelque alcool de grain dont la raideur palliait le défaut de bouquet (AMBRIÈRE, Gdes vac., 1946, p. 214).
B. — Au fig. [Corresp. à raide I B]
1. Caractère de ce qui ou de celui qui est inflexible, rigoureux, intransigeant. Synon. rigueur, austérité, intransigeance. Raideur dogmatique, puritaine. Je (...) souffrais de rencontrer, dans un si jeune esprit, déjà tant de raideur doctrinale (GIDE, Symph. pastor., 1919, p. 914). On m'a cousu mes commandements sous la peau: si je reste un jour sans écrire, la cicatrice me brûle; si j'écris trop aisément, elle me brûle aussi. Cette exigence fruste me frappe aujourd'hui par sa raideur, par sa maladresse (SARTRE, Mots, 1964, p. 136):
3. La religion de la politique expérimentale s'accompagne aujourd'hui, chez ceux qui l'adoptent, d'une posture qui veut évidemment être frappante et ne laisse pas d'y réussir: on sait avec quel visage fatal, quelle raideur méprisante, quelle sombre certitude de tenir l'absolu, ils prononcent qu'en matière politique ils « ne connaissent que les faits ».
BENDA, Trahis. clercs, 1927, p. 147.
En partic.
♦ Fermeté inébranlable, opiniâtreté. On retrouve dans cette pièce [Pompée] l'exacte composition, le bruit des images, la raideur des caractères, qui sont les biens les plus communs des pièces de Pierre Corneille (BRASILLACH, Corneille, 1938, p. 235). Le besoin de certitude est rarement une soif venue de très haut. Il se forme au point où l'instinct de sécurité rejoint certaines raideurs de pensée et un autoritarisme qui goûte l'assurance sociale due aux affirmations fortes plus que la dignité secrète des fidèles de la vérité (MOUNIER, Traité caract., 1946, p. 619).
2. Caractère de ce qui est rigide, sans ornements, qui manque de naturel, de spontanéité, de grâce. Continué à lire Mme de Staël, frappé plus que jamais de l'aridité, de la roideur du style, quelquefois brillant d'éclat, toujours pauvre d'images, toujours sec et glacé (CHÊNEDOLLÉ, Journal, 1832, p. 140):
4. Il y avait en elle [Bérénice] l'étrangeté délicate de cette renaissance bourguignonne du quinzième siècle qui fut la moins académique des tentatives. C'est au milieu des rares vestiges de cet art (...) que s'était ouverte sa première jeunesse. Elle avait de ces images leur finesse un peu souffrante, mais sans raideur gothique, plutôt mouillée de grâce.
BARRÈS, Jard. Bérén., 1891, p. 94.
Prononc. et Orth.:[], vieilli []. Ac. 1694-1835: roideur; dep. 1878: rai-, roi- (id. ds LITTRÉ, Lar. Lang. fr.); ROB. 1985: rai-. V. raide. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1170 reddur « caractère de sévérité, rigueur » (Rois, éd. E. R. Curtius, II, II, 25, p. 7); b) fin XIIe s. « attitude non humble, rigidité prétentieuse » (Sermons St Grégoire sur Ezéchiel, 118, 19 ds T.-L.); c) 1768 « manque de souplesse, d'aisance dans l'attitude » (VOLTAIRE, Princesse de Babylone, 8 ds LITTRÉ); d) av. 1799 « pauvreté d'expression, manque d'aisance (dans une œuvre) » (MARMONTEL, Œuvres, t. 17, p. 32, ibid.); 2. 1174-76 reidur « rigidité, résistance » (GUERNES DE PONT-STE-MAXENCE, St Thomas, 1604 ds T.-L.); 3. 1205-50 [par confusion avec l'a. fr. rador, dér. de rade, v. rapide étymol.] « rapidité, impétuosité » (Renart, éd. E. Martin, Br. XIII, 539, t. 2, p. 58; v. TILANDER, Lex. du Roman de Renart, p. 134); 4. ca 1300 « engourdissement, perte de souplesse ou de mobilité » (GUILLAUME DE ST-PATHUS, Miracles de St Louis, éd. P. B. Fay, XL, 36); 5. 1487 « forte déclivité, escarpement » (Triomphe des neuf preux, p. 348 ds LA CURNE); 6. 1553 « état de tension, durcissement » (RONSARD, Livret de folastres, IV, 152 ds Œuvres compl., éd. P. Laumonier, t. 5, p. 28). Dér. de raide; suff. -eur1. Fréq. abs. littér.:381. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 199, b) 460; XXe s.: a) 501, b) 901.

Encyclopédie Universelle. 2012.