MORTALITÉ
«La vie, c’est la mort», a dit Claude Bernard, et c’est en effet en décrivant comment l’être vivant s’efforce de vivre qu’on comprend le mieux les forces contraires à la vie. Dans le cas de l’être humain, quand un spermatozoïde a fécondé un ovule, un nouvel être vient de se former qui n’est encore qu’une combinaison des gènes distribués sur vingt-trois paires de chromosomes. L’existence de l’individu résulte d’un compromis entre deux systèmes de forces. Les unes font qu’il «oubliera» graduellement certaines possibilités pourtant inscrites dans le message génique transmis par ses parents. Les autres s’ingénient à pallier les oublis. Le déroulement de ces deux actions constitue le vieillissement de l’organisme, qui finit par la mort.
Mais la vie est un phénomène qui s’incarne dans un milieu extérieur qui peut accélérer ou ralentir le vieillissement. Il peut aussi provoquer momentanément des désordres physiologiques plus ou moins graves que l’organisme réussit à surmonter avec plus ou moins de succès et qui souvent entraînent le décès.
Les trois types de mortalité
On distingue trois types de mortalité: une mortalité endogène qui correspond à la façon dont s’éteindrait un groupe d’êtres humains soustraits aux aléas de l’existence et livrés aux seules forces biologiques; une mortalité de «civilisation» due au fait que les conditions rapportées ci-dessus ne sont jamais réalisées et que les différentes formes de sociétés ont plus ou moins de moyens de lutter contre la mort; une mortalité accidentelle, au sens large du terme, qui résulte de la rencontre de l’organisme avec un agent délétère imprévu.
Les progrès ont jusqu’ici surtout porté sur ce troisième type de mortalité, et dans trois directions de recherche:
– On s’est efforcé d’éviter la rencontre avec le facteur délétère: la distribution d’une eau potable est un exemple d’une telle action; la destruction du vecteur d’une maladie, tel le moustique porteur de la malaria, en est un second.
– On a cherché à rendre inoffensive la rencontre avec le facteur délétère. Toutes les vaccinations sont à ranger sous cette rubrique. On n’évite pas le microbe ou le virus, mais on est armé pour résister, et les effets de la rencontre sont négligeables.
– Si, malgré tout, la rencontre se produit avec un organisme non préparé, on a forgé des armes pour aider cet organisme à retrouver son équilibre. Grâce à des médicaments efficaces, on sait maintenant faire face à des situations de crise.
Mais il ne suffit pas que tous ces moyens d’action existent, encore faut-il qu’ils soient mis à la disposition des populations et que ces dernières sachent les utiliser. C’est ici qu’apparaît une première forme de mortalité de «civilisation». D’abord, une grande partie de l’humanité ne peut jouir que partiellement des possibilités permettant théoriquement de lutter contre la mort. Mais, même dans les pays riches, les variations socioculturelles font que ces possibilités sont plus ou moins bien utilisées; seule une éducation sanitaire peut diminuer un tel gaspillage.
Il existe une seconde forme de mortalité de civilisation sur laquelle il est beaucoup plus difficile d’agir et qui provient du fait que certaines habitudes en matière d’alimentation (abus de tabac ou d’alcool, etc.) accélèrent le rythme de la mortalité endogène. Pour la mortalité de civilisation sous sa première forme les précautions à prendre ne bouleversent pas les modes de vie. Il suffit souvent que l’individu soit informé. La baisse de la mortalité de civilisation, sous sa deuxième forme, exige au contraire une mise en question des modes de vie.
Une mention particulière doit être faite des morts accidentelles au sens étroit du terme, c’est-à-dire des morts violentes. Elles s’apparentent aux décès de civilisation du premier type en ce qui concerne les moyens utilisés pour restaurer les dommages physiologiques de l’organisme. Aux trois modes d’action signalés plus haut, il convient d’ailleurs d’ajouter ici la chirurgie. Mais, pour les accidents où la mort survient sur le coup, on pense plutôt à la mortalité de civilisation du deuxième type. On ne peut en effet penser que l’humanité abandonnera le mode de transport aérien ou automobile sous prétexte qu’il se produit des accidents entraînant chaque année la mort de quelques milliers de personnes.
Les variations selon l’âge
Pour beaucoup d’ovules fécondés la combinaison génique n’est pas viable et leur durée de vie est courte. Puis, après élimination des plus grosses «erreurs», on aborde une période où les pertes sont encore élevées, mais de moins en moins lourdes au fur et à mesure qu’on s’éloigne de la conception. On rassemble les décès qui se produisent de la conception à la fin du sixième mois de gestation sous le nom de morts fœtales. À la fin du sixième mois, on atteint un palier qui s’étend jusqu’à la naissance. C’est le domaine de la mortinatalité.
Au cours de ces deux périodes, les effets du monde extérieur arrivent à l’enfant par l’intermédiaire de la mère, donc très atténués. Il s’agit plutôt d’une adaptation du fœtus au milieu interne de la mère. Cela ne va d’ailleurs pas sans risques. Cette adaptation peut conduire à la création, chez l’enfant, de conditions incompatibles avec une vie séparée de la mère, et des problèmes se posent à la naissance. Le cas des incompatibilités sanguines est un bon exemple.
La naissance est un événement traumatisant dans la vie de l’enfant, et nombreux sont ceux qui n’y survivent pas, qu’ils meurent soit au moment de l’accouchement, soit peu de temps après. On rassemble ces décès sous le nom de mortalité infantile endogène. C’est là qu’on trouve les décès résultant de conditions défectueuses permettant une vie utérine, mais incompatibles avec une vie extérieure.
Puis vient la période de mortalité infantile exogène qui, pendant le premier mois de la vie, se combine avec la mortalité endogène. Il s’agit maintenant, pour les enfants qui ont traversé les précédents obstacles, de s’adapter à une vie autonome dans le milieu extérieur. Ils doivent le faire dans leur famille, dont les conditions de vie reflètent le milieu socioculturel des parents; c’est là qu’on trouve, pour la première fois, une mortalité infantile de civilisation du premier type. C’est une mortalité qui cède relativement vite avec l’éducation sanitaire des mères.
Avec la petite enfance, apparaît une composante nouvelle, les morts violentes. Elles vont, jusqu’à l’âge adulte, constituer dans les pays riches l’essentiel de la mortalité. À ces âges, la mortalité endogène de vieillissement est en effet insignifiante.
Avec l’âge adulte, la mortalité endogène de vieillissement prend de plus en plus d’importance. Il s’y ajoute une mortalité de civilisation du second type. Les variations de mortalité sont en effet grandes d’un pays à l’autre, même pour des pays situés au même stade de développement économique. C’est le mode de vie, bien plus que la richesse, qui est ici en cause.
Aux âges élevés, la mortalité endogène de vieillissement prend le dessus et les différences entre populations s’atténuent.
Enfin arrivent les très grands âges où l’on retrouve les fortes mortalités du début, comparables à celles qui suivent la conception. Seules les meilleures combinaisons géniques subsistent encore. On pourrait presque parler ici de mortalité génétique, tant elle semble immuable au cours du temps.
Les recherches sur les mécanismes du vieillissement biologique de l’être humain ont beaucoup progressé à partir des années soixante-dix, et on peut espérer que des progrès décisifs permettront à de plus en plus d’individus de s’approcher de la limite de la vie humaine. Cette limite était de cinquante ans chez le lointain ancêtre de l’homme, l’australopithèque; elle est passée à soixante-dix ans avec l’Homo erectus et à cent dix ans avec l’Homo sapiens (elle est de cinquante ans chez le chimpanzé). Le XXIe siècle pourrait voir la limite humaine se déplacer au-delà de cent dix ans.
Bien entendu, dans les pays où l’infrastructure sanitaire n’a pas encore atteint toutes ses possibilités, une mortalité accidentelle au sens large du terme subsiste à tous les âges.
Mesure de la mortalité
Comment peut-on mesurer ces diverses mortalités? L’âge est la variable fondamentale à prendre en considération. On fait usage de quotients de mortalité calculés en dénombrant les décès qui se produisent dans un groupe de personnes d’un âge déterminé pendant une période donnée. On rapporte ces décès à l’effectif du groupe au début de la période. Ces quotients sont ensuite utilisés pour calculer des tables de survie qui prévoient pour mille personnes d’un certain âge, combien seront encore vivantes à tels autres âges. Ces tables de survie sont elles-mêmes converties en espérance de vie . L’espérance de vie à la naissance, par exemple, est le nombre moyen d’années que vivra un nouveau-né. On peut calculer cette espérance de vie à tous les âges, de la conception à la fin de la vie.
Au cours de la grossesse
On connaît mal la mortalité au cours des six premiers mois de gestation. Elle est très élevée, particulièrement au cours du premier mois. Elle est alors souvent confondue avec la stérilité, les conceptions qui durent très peu de temps n’étant généralement pas décelées. Dans les meilleures conditions, il semble que seulement 60 p. 100 des conceptions atteignent six mois. C’est une mortalité qui augmente nettement avec l’âge de la mère et la moyenne de 60 p. 100 correspond à 75 p. 100 pour les jeunes mères de vingt ans et 50 p. 100 pour les mères de quarante-cinq ans.
Ces données peuvent être considérées comme représentant la mortalité endogène fœtale. Il s’y ajoute les autres types de mortalité définie plus haut: mortalité accidentelle au sens large du terme, et mortalité de civilisation sous les deux formes dont on a parlé. On a peu d’information sur ces mortalités. Elles sont sans doute importantes, particulièrement au début de la vie utérine. Elles expliquent alors la plus grande part des variations dans les estimations de stérilité féminine observées entre les pays.
Dans les trois derniers mois de la grossesse, le risque de mortalité de l’enfant est sensiblement constant. Les données sont plus nombreuses et plus précises que pour la mortalité fœtale, mais bien des incertitudes demeurent. Une mortalité endogène de vieillissement de 1 p. 100 est plausible. Les soixante survivants à six mois ne sont plus que cinquante-neuf à la naissance. Comme la mortalité fœtale, la mortinatalité augmente avec l’âge de la mère: 0,8 p. 100 chez les jeunes mères et 4 à 5 p. 100 chez les mères de quarante-cinq ans. Comme dans le cas précédent, cette mortalité endogène peut se trouver largement augmentée par les conditions de vie (la moyenne pouvant atteindre 5 p. 100).
Mortalité infantile
Dans la mortalité endogène de vieillissement , le passage de la vie utérine à la vie à l’extérieur se traduit par une nouvelle perte qu’on peut estimer à 1 p. 100 dans les meilleures conditions. Il s’agit de décès se produisant dès le premier mois de la vie, souvent dès le premier jour, un peu moins souvent les dix jours suivants et plus rarement après. À cette mortalité infantile endogène de vieillissement s’ajoute une mortalité accidentelle (accident de l’accouchement) et une mortalité de civilisation. Au total, on peut atteindre 3 à 4 p. 100 de perte.
Là encore l’âge de la mère intervient, la mortalité est plus forte chez les enfants de mères âgées.
La mortalité infantile accidentelle au sens large du terme peut être aujourd’hui évitée. On sait préserver les enfants des facteurs délétères et, si la rencontre se produit tout de même, la médecine a les moyens de réparer les dommages. En revanche, il existe une mortalité de civilisation, première manière, qui tient au fait que toutes les populations ne disposent pas des derniers perfectionnements de la médecine et que, là où ces moyens existent, les populations n’en font pas toujours un bon usage.
Selon des données remontant à 1984, en Suède et en Norvège la mortalité infantile exogène a presque disparu (à peine 2 p. 1 000 nés vivants). Dans les autres pays industrialisés, des taux de 3 à 10 p. 1 000 ne sont pas rares et, dans certains groupes socioculturels, la mortalité infantile exogène peut atteindre 30 p. 1 000 nés vivants. Au-delà se trouvent les pays en développement où l’éventail des variations est considérable (de 10 à 200 p. 1 000).
Mortalité jusqu’à l’âge adulte
Une fois la première année passée, une nouvelle composante apparaît représentée par les morts violentes. Dans les pays les plus avancés, les progrès de la médecine ont fait disparaître, à ces âges, les décès accidentels au sens large du terme. La mortalité endogène de vieillissement est très faible. De plus, ce que nous avons appelé la mortalité de civilisation a peu d’effets. Restent les morts violentes qui représentent une fraction croissante des décès (75 p. 100, de quinze à vingt-quatre ans, dans certains pays).
Une des caractéristiques des morts violentes est de toucher beaucoup plus les garçons que les filles, ce qui entraîne une surmortalité masculine considérable. Déjà les mortalités étudiées précédemment atteignent les garçons plus que les filles, mais les différences restent modestes. Ici, il n’est pas rare d’observer trois ou quatre fois plus de décès de garçons que de filles.
Mortalité de l’âge adulte
À partir de quarante ans, la mortalité endogène de vieillissement commence à ne plus être négligeable, et le phénomène s’accélère ensuite très vite. On se trouve devant un processus exponentiel. Sur cent survivants à un an, il y a un décès par vieillissement avant quarante ans, sept de quarante à soixante ans, et quarante de soixante à quatre-vingts ans.
Mais ce qui est surtout frappant, c’est l’apparition de la mortalité de civilisation liée au mode de vie.
Il faut d’ailleurs distinguer ici les femmes des hommes. Ces derniers meurent beaucoup plus que les femmes, et cette surmortalité masculine s’est accrue au fil des ans. Chez les femmes, la mortalité de l’âge adulte diminue constamment depuis très longtemps, alors que chez les hommes, dans la plupart des pays industrialisés, la mortalité s’était stabilisée. De plus, les niveaux atteints variaient beaucoup d’un pays à l’autre en dépit de niveaux de vie comparables. Comme, pendant ce temps, la mortalité féminine diminuait, la surmortalité masculine s’est accrue. La situation s’est modifiée au cours des années soixante-dix. La mortalité masculine de l’âge adulte dans les pays industrialisés a alors repris son mouvement de baisse.
Dans les pays en développement, on observe des mortalités beaucoup plus élevées.
On conçoit qu’aux âges élevés et aux très grands âges, le caractère exponentiel de la mortalité endogène de vieillissement l’emporte sur toutes les autres formes de mortalité. Le terme ultime de la vie humaine n’a sans doute jamais varié; cent dix ans semble un âge au-delà duquel l’organisme humain ne peut aller.
L’espérance de vie
L’espérance de vie permet de résumer commodément les indications précédentes. En Suède, l’espérance de vie à la naissance pour la période 1986-1990 était de 74,4 ans pour les hommes et 80,2 ans pour les femmes. En France, elle est de 73 ans pour les hommes et d’un peu plus de 81 ans pour les femmes (1991). On voit l’effet de la mortalité de civilisation, chez les hommes.
Les pays en voie de développement s’éloignent évidemment beaucoup plus de la limite biologique. En Afrique, dans les pays les moins avancés, on trouve couramment des espérances de vie à la naissance de 40 à 45 ans. Elles sont en Sierra Leone de 41,4 ans pour les hommes et de 44,6 ans pour les femmes; en Guinée, respectivement de 44 et de 45 ans (1990). Entre ces valeurs et les précédentes, toutes les situations se rencontrent.
On peut aussi calculer l’espérance de vie à la conception. On trouve alors un résultat plus modeste. L’ovule fécondé par un spermatozoïde donne naissance à un être qui n’a guère que quarante-sept ans en moyenne à vivre sous l’effet de la mortalité endogène de vieillissement.
L’humanité se trouve aujourd’hui à un tournant de la lutte contre la mortalité. Les progrès réalisés ont surtout porté jusqu’ici sur les problèmes les plus faciles à résoudre. C’est un peu comme si l’on s’était trouvé devant un terrain constitué d’une roche dure recouverte de terre friable. On a réussi remarquablement à éliminer la roche tendre mais reste maintenant la roche dure. Il faudrait une meilleure compréhension du phénomène de vieillissement pour que les progrès continuent.
mortalité [ mɔrtalite ] n. f.
• XIIe; lat. mortalitas
1 ♦ Vx Condition d'un être mortel (opposé à immortalité).
2 ♦ (XIIIe) Mort d'un certain nombre d'hommes ou d'animaux, succombant pour une même raison (épidémie, fléau). « l'excessive mortalité qu'on relevait dans la geôle municipale » (Camus).
3 ♦ (1749) Démogr. Taux de mortalité, ou mortalité : rapport entre le nombre des décès et l'effectif de la population dans un lieu et dans un espace de temps déterminés. Régression, accroissement de la mortalité. Tables de mortalité. Mortalité des nouveau-nés (⇒ mortinatalité) ; mortalité infantile. Taux de mortalité et de natalité dans une population.
● mortalité nom féminin (latin mortalitas, -atis) Phénomène de la mort, considéré du point de vue du nombre : La mortalité infantile. Rapport entre le nombre de décès et l'effectif moyen de la population dans un lieu donné et pendant une période déterminée. Quantité d'êtres vivants qui meurent d'une même maladie. ● mortalité (expressions) nom féminin (latin mortalitas, -atis) Mortalité infantile, nombre d'enfants qui meurent pendant leur première année de vie, rapporté à 1 000 naissances d'enfants vivants. Mortalité maternelle, mortalité des mères à l'accouchement. Table de mortalité, présentation, sous forme de tableau, des données statistiques se rapportant à la disparition progressive, avec l'avancement en âge, d'un groupe de personnes. (Les tables de mortalité permettent d'établir l'espérance de vie.) Taux brut de mortalité, rapport du nombre annuel de décès à l'effectif de la population (9,2 ‰ en 1996).
mortalité
n. f. Ensemble des morts (d'hommes ou d'animaux) survenues dans un certain temps pour une même raison. Mortalité du bétail.
|| Taux de mortalité ou mortalité: rapport entre le nombre des décès et le nombre des individus d'une population, pour un temps et en un lieu donnés. Mortalité infantile.
⇒MORTALITÉ, subst. fém.
A. — Fait d'être mortel; nature, condition mortelle.
1. Fait d'être sujet à la mort. Le secret de notre parenté à Dieu doit être cherché dans notre mortalité (S. WEIL, Pesanteur, 1943, p.93):
• 1. Si la mort nous effraie par la représentation de douleurs qu'elle contient en puissance, rassurons-nous! Cet effroi n'est pas fondé en réalité, mais provient d'un jugement faux, que la connaissance de la véritable physique doit redresser en lui substituant la certitude de la mortalité de l'âme et de son insensibilité dans la mort.
J. VUILLEMIN, Essai signif. mort, 1949, p.42.
2. Vieilli. Caractère de ce qui entraîne la mort. La mortalité d'une blessure (LITTRÉ).
B. — Fait de mourir.
1. [Chez l'homme ou chez l'animal] Mort d'un ensemble de sujets à une époque donnée. La certitude commune à tous les habitants qu'une peine de prison équivalait à une peine de mort par suite de l'excessive mortalité qu'on relevait dans la geôle municipale (CAMUS, Peste, 1947, p.1355).
SYNT. Accroissement, baisse, diminution, recul de la mortalité; mortalité effrayante, énorme, excessive.
2. (Taux de) mortalité. Rapport entre le nombre de décès dans une période donnée (généralement un an) pour une population donnée (généralement 1000 personnes):
• 2. La mortalité générale pour 1000 habitants, un peu inférieure à 9 dans les pays les plus avancés, dépasse 20 au Mexique, au Chili, à Ceylan, aux Indes.
PERROUX, Écon. XXe s., 1964, p.350.
— [Suivi d'un compl. de cause introd. par de ou par] La mortalité par pneumonie tomba à 32 pour 100 (CARREL, L'Homme, 1935, p.248).
— [Suivi d'un adj. déterminatif ou d'un subst. compl. déterminatif (introd. par de) ou compl. de lieu (introd. par sur)] La mortalité sur les hommes et le bétail (BARANTE, Hist. ducs Bourg., t.4, 1821-24, p.362). La mortalité opératoire est relativement importante. Les statistiques prouvent que les résultats sont d'autant meilleurs que le malade a été précocement opéré (QUILLET Méd. 1965, p.345).
SYNT. Mortalité endogène, exogène, maternelle, néo-natale, postnatale; mortalité des/sur les bestiaux, les chevaux.
♦Mortalité infantile. Nombre d'enfants n'ayant pas atteint l'âge d'un an pour 1000 naissances dans la même année. Le taux de mortalité infantile était [au Mexique] en 1920 de 226 pour 1000; il est tombé en 1959 à 75 pour 1000 (LESOURD, GÉRARD, Hist. écon., 1966, p.488).
♦Table de mortalité. Table, utilisée par les compagnies d'assurance sur la vie, qui donne le pourcentage de mortalité pour un groupe d'invididus donnés. Il est utile à la connaissance de la constitution physique de l'homme d'avoir des tables de mortalité, des moyennes de la taille, du poids, de la force musculaire, à différents âges et dans différents pays (COURNOT, Fond. connaiss., 1851, p.111).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. «Ensemble de morts dans un laps de temps déterminé» a) ca 1140 «épidémie» (GEOFFROI GAIMAR, Estoire des Engleis, éd. A. Bell, 1370); 1155 (WACE, Brut, 14675 ds T.-L.: Mortalité fud grant de gent Par air corrumpu e par vent); b) 1180-1200 «massacre» (Chevalerie Vivien, éd. A. L. Terracher, 1786 [ms. Boulogne, 1695]); 2. fin XIIe s. «condition mortelle des hommes [ici, du Christ fait homme]» (Sermons de St Bernard, éd. W. Foerster, p.96, 37); 3. 1749 démogr. (BUFFON, Hist. nat. hom. Œuvr., t.4, p.211 ds LITTRÉ). Empr. au lat. mortalitas «nature, condition mortelle, sujétion à la mort»; à basse époque «quantité d'individus qui meurent; épidémie, peste; carnage». Fréq. abs. littér.:117.
mortalité [mɔʀtalite] n. f.
ÉTYM. XIIe; lat. mortalitas, de mors, mortis. → 1. Mort.
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1 Vx. Condition d'un être mortel (opposé à immortalité). — Par ext. (chez Bossuet, Massillon). Condition humaine. — Caractère mortel (de qqch.). || Mortalité d'une blessure (Littré).
1 Considérez bien où vous êtes, voyez la mortalité qui vous accable, regardez cette « figure du monde qui passe ».
Bossuet, IIe Sermon pour IVe dimanche carême, « Sur l'ambition » (1666).
2 (1207). Mort d'un certain nombre d'hommes ou d'animaux qui succombent pour une même raison (épidémie, fléau…). || L'excessive mortalité qu'on relève dans cette prison… (→ Équivaloir, cit. 5).
2 (…) la mortalité prodigieuse des ouvriers (travaillant à Versailles) dont on remporte toutes les nuits (…) des charrettes pleines de morts (…)
Mme de Sévigné, 705, 12 oct. 1678.
3 Si la mortalité s'attache à mes brebis et qu'elle respecte les tiennes, je me consolerai en voyant qu'elle ne t'a rien enlevé. Si elle ravage ton troupeau, je t'offrirai mes brebis les plus douces, mes béliers les plus beaux (…)
É. de Senancour, Oberman, XXXII.
4 (Pluviôse) De son urne à grands flots verse un froid ténébreux
Aux pâles habitants du voisin cimetière
Et la mortalité sur les faubourgs brumeux.
Baudelaire, les Fleurs du mal, « Spleen et idéal », LXXV.
3 (1749). Rapport entre le nombre des décès et le chiffre de la population dans un lieu et dans un espace de temps déterminés. || Régression, accroissement de la mortalité. || Taux de mortalité. || Tables de mortalité (ou de létalité), utilisées par les compagnies d'assurance sur la vie. ⇒ Survie. || Mortalité par classe d'âge. || Mortalité des nouveau-nés (⇒ Mortinatalité), infantile, juvénile… ⇒ Létalité.
5 La mortalité d'une population ne peut se juger au nombre absolu des décès, car il faut tenir compte de l'importance de cette population. L'idée première qui vient à l'esprit est de rapporter le nombre de décès, pendant une période déterminée (une année par exemple), au total de la population. On obtient ainsi le taux de mortalité générale, appelé parfois simplement mortalité (…)
A. Sauvy, la Population, p. 31.
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CONTR. Immortalité. — Natalité.
COMP. Surmortalité.
Encyclopédie Universelle. 2012.