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MOTEURS ÉLECTRIQUES
MOTEURS ÉLECTRIQUES

Des premiers âges à la découverte de la machine à vapeur, l’homme n’a pratiquement disposé, pour assurer sa survie, que de sa propre énergie et de celle des animaux de trait. Bien qu’il ait su, très tôt, domestiquer la «force» de l’eau et du vent, il n’a pu, à l’origine, tirer grand parti de ces sources naturelles d’énergie, parce qu’il lui était impossible de transmettre le mouvement à plus de quelques mètres.

Avec l’avènement de la machine à vapeur, l’énergie mécanique est devenue disponible sur les lieux de son utilisation. Néanmoins, cette utilisation manquait de souplesse, parce qu’une seule machine entraînait généralement une ligne d’arbre reliée aux engins à mouvoir par l’intermédiaire de poulies et de courroies.

La distribution de l’énergie électrique en tous les points du monde civilisé a conféré cette souplesse aux structures industrielles modernes. Chaque machine, entraînée par un moteur électrique, peut être mise en route, contrôlée et arrêtée indépendamment de ses voisines. La technique des moteurs électriques présente un certain nombre d’avantages: les réglages (couple, vitesse) sont aisés et précis; l’ensemble centrale thermique-moteur électrique possède un meilleur rendement et utilise un combustible plus économique que les machines à vapeur. Il en est résulté le remplacement des locomotives à vapeur par des motrices électriques. Dans le domaine de la propulsion automobile, la propreté et le silence du moteur électrique le conduiront peut-être à se substituer au moteur thermique.

Avec la recherche de performances de plus en plus élevées dans toutes les branches de l’industrie, les organes susceptibles d’augmenter les vitesses de production, donc la productivité, ont été privilégiés. Ils ont bénéficié d’une attention constante, tant de la part des concepteurs d’automatismes industriels, qui les ont toujours utilisés le plus possible, que de la part de ceux qui ont constamment cherché à les optimiser. Parmi ces organes, il faut citer les machines électriques utilisées en tant qu’actionneurs pour les systèmes automatisés .

Traditionnellement, les machines étaient conçues pour fonctionner en un point de fonctionnement (le point nominal) pour lequel on optimisait leur puissance massique ou leur rendement. Dans leur utilisation pour les automatismes, leur vitesse et leur couple varient constamment. La notion de point nominal disparaît et devient un simple point limite que l’on peut cependant franchir pendant de courts instants. On a dû repenser complètement la conception des machines: ainsi, dans le moteur dit à courant continu, le courant et la tension ne sont pratiquement jamais constants («continus»). Il a fallu revoir fondamentalement la construction de ce type de moteur, tant du point de vue des matériaux que des structures mécaniques. On ne le conçoit plus pour lui-même, mais en tant que composant (l’actionneur) d’un système qu’il faut optimiser globalement en vue d’une tâche précise .

1. Notion de champ tournant

Pour exposer le principe de fonctionnement d’un moteur électrique, précisons tout d’abord la notion de champ tournant.

Un aimant, bipolaire par exemple, crée dans l’espace un champ d’induction magnétique (fig. 1 a). En donnant à cet aimant un mouvement de rotation autour d’un axe normal au plan de la figure, on provoque la rotation du spectre magnétique, créant ainsi un champ tournant . La vitesse de ce dernier est évidemment égale à la vitesse mécanique 行 d’entraînement de l’aimant. On représente un tel champ par une flèche symbolisant l’axe sud-nord et portant l’indication de la vitesse de rotation (fig. 1 b).

On crée également un champ tournant en alimentant un bobinage polyphasé par un système de tensions polyphasé équilibré (théorème de Ferraris). Si p désigne le nombre de paires de pôles du bobinage, et 諸 la pulsation électrique, le champ engendré tourne à la vitesse 諸/p. La figure 1 c illustre ce théorème, dans le cas d’un bobinage triphasé bipolaire. Si 諸 = 行, il y a stricte identité des champs des figures 1 a et 1 c.

On démontre que deux champs tournants 轢B1 et 轢B2, de vitesses respectives 行1 et 行2, faisant à l’instant considéré un angle 嗀 (fig. 2), créent un couple électromagnétique instantané 塚 proportionnel à sin 嗀. L’angle 嗀 doit donc être constant, ce qui implique 行1 = 行2, pour que la valeur moyenne 麗 塚 礪 de 塚 soit non nulle.

Applications techniques de cette propriété, les moteurs électriques classiques sont des dispositifs mettant en œuvre deux champs tournants de même vitesse.

2. Les moteurs à courant alternatif

L’énergie électrique est distribuée sous forme alternative à des fréquences de 50 ou 60 hertz (fréquences «industrielles»). Aussi les moteurs électriques, dits alternatifs, susceptibles d’être directement raccordés au réseau, sont-ils d’un emploi commode. On en distingue deux types essentiels, respectivement qualifiés de synchrones et d’asynchrones (ou d’induction).

Machines synchrones

Une machine synchrone, appelée alternateur ou moteur synchrone, selon qu’elle fonctionne en génératrice ou en moteur, est généralement constituée d’un bobinage polyphasé statorique – ou induit – et d’un inducteur tournant. Ce dernier est un aimant permanent dans les machines de petite puissance, ou comporte un bobinage alimenté en courant continu dans les engins plus importants. L’énergie électrique continue peut être fournie par une génératrice à courant continu directement entraînée par la machine synchrone («excitatrice en bout d’arbre»), ou obtenue à l’aide d’un montage redresseur branché aux bornes de l’induit. La figure 3 représente une machine bipolaire triphasée.

L’induit d’une machine synchrone, alimenté par un système de tensions polyphasé équilibré, crée un champ tournant de vitesse angulaire 諸/p (en conservant les notations précédentes). Le rotor doit tourner exactement à cette vitesse, appelée vitesse de synchronisme, pour qu’apparaisse un couple électromagnétique moyen non nul. En particulier, le couple de démarrage d’un moteur synchrone est nul.

Une machine synchrone est caractérisée par son impédance synchrone Z, grandeur complexe dont on néglige souvent la partie réelle pour ne considérer que la partie imaginaire pure j L 諸, où L 諸 est appelée réactance synchrone. Soit V la tension appliquée à une phase de l’induit, alors traversée par un courant J 漣, et E0 la force électromotrice (f.é.m.) d’induction engendrée dans cette phase par le flux inducteur. On décrit le fonctionnement du moteur synchrone par l’équation suivante traduisant la loi d’Ohm aux bornes du bobinage considéré:

La figure 4 représente le diagramme de Fresnel, ou «diagramme synchrone», associé à cette équation.

Dans les cas usuels de fonctionnement, la tension du réseau et le couple résistant sont constants. Il en résulte que la puissance utile et pratiquement la puissance absorbée sont également constantes. On démontre alors que, lorsque le courant d’excitation, donc la f.é.m. E0 varient, le diagramme synchrone se déforme de façon que le point A décrive une droite D parallèle à l’axe Ox 轢, support de V. Quand A est en B, le facteur de puissance est égal à l’unité (J 漣 et V en phase). Quand A dépasse B (position C, par exemple), J 漣 est en avance de phase sur V. La machine fournit de l’énergie réactive au réseau (fonctionnement en «compensateur synchrone»).

Les compensateurs synchrones peuvent constituer de très grosses unités et sont destinés à améliorer le facteur de puissance des installations. Outre cet usage important, les moteurs synchrones sont utilisés dans des systèmes exigeant une vitesse rigoureusement constante (machines à tisser, magnétophones...). Leurs inconvénients majeurs sont l’absence de couple de démarrage et les risques de «décrochage» en cas de surcharge.

Machines asynchrones

Les machines asynchrones, ou machines d’induction, sont constituées de deux bobinages polyphasés ayant le même nombre p de paires de pôles. Le bobinage fixe, appelé induit, stator ou primaire, est relié au réseau. Le bobinage mobile – rotor ou secondaire – est fermé sur lui-même par l’intermédiaire de résistances ou de conducteurs de courtcircuit. La figure 5 représente ces deux bobinages (supposés bipolaires) placés côte à côte.

Le primaire crée un champ tournant B1 漣, de vitesse 行1 = 諸/p. Le secondaire est supposé tourner dans le même sens, à une vitesse 行 inférieure à 行1. En vertu du principe de composition des vitesses, le champ B1 漣 tourne par rapport au secondaire à la vitesse 行1 漣 行. En introduisant le glissement g , défini par la relation:

cette vitesse relative 行1 漣 行 s’écrit simplement g1.

En conséquence, le champ B1 漣 induit dans les bobinages rotoriques un système de f.é.m. de pulsation g1. Ces bobinages constituant des circuits fermés, ces f.é.m. provoquent la circulation de courants formant un système polyphasé équilibré qui créent un champ tournant B2 漣 de vitesse g1/p par rapport à un référentiel associé au rotor. En appliquant le principe de composition des vitesses, il apparaît que B2 漣 tourne dans l’espace statorique à la vitesse (g1/p ) + 行 = 行1, c’est-àdire à la vitesse du champ B1 漣.

Ainsi donc, quel que soit le glissement, donc la vitesse 行 du rotor, les champs B1 漣 et B2 漣 tournent à la même vitesse, et le couple électromagnétique moyen n’est pas nul. Le couple est moteur ou résistant selon que 行 est inférieur ou supérieur à 行1.

On doit au Français André Blondel, au début du XXe siècle, une théorie du fonctionnement des machines d’induction, ou «diagramme du cercle», qui permet théoriquement de déterminer des paramètres tels que le courant absorbé, le couple, le glissement et le rendement. En fait, le niveau de saturation magnétique des machines modernes conduit à des paramètres de fonctionnement qui s’écartent notablement de ceux que prévoit le diagramme de Blondel.

On distingue deux types de machines asynchrones, selon que les enroulements rotoriques sont bobinés ou simplement constitués de barres métalliques reliées à leurs extrémités par des anneaux conducteurs («cage d’écureuil»). Dans le premier cas, on facilite le démarrage du moteur en introduisant des résistances dans le circuit rotorique, ce qui conduit à une augmentation du couple et à une diminution de l’intensité absorbée. Les avantages des moteurs à cage d’écureuil résident dans leur simplicité de construction, de manœuvre et d’entretien, leur robustesse mécanique et leur faible prix de revient. Le moteur asynchrone est très couramment utilisé, dans une gamme de puissances allant de quelques centaines de watts à plusieurs milliers de kilowatts. Il s’agit d’un engin simple et robuste, caractérisé par un fonctionnement stable, une vitesse pratiquement constante et un rendement élevé autour de la charge nominale.

Parmi les perspectives d’utilisation du moteur asynchrone, on cite la traction automobile et la propulsion linéaire.

La traction automobile en courant périodique dépend de l’avènement de générateurs électrochimiques de performances élevées et d’onduleurs de prix et de poids acceptables. Ce dernier impératif devrait se traduire par une évolution des moteurs asynchrones, afin que ceux-ci puissent être soumis à des tensions statoriques dont la forme d’onde («créneau» ou «dent de scie») s’écarte notablement d’une sinusoïde.

En développant un moteur conventionnel, on obtient un «moteur linéaire». En fait, il faudrait disposer d’un circuit magnétique de longueur infinie pour que les champs tournants deviennent dans cette linéarisation des champs progressifs purs. En réalité, les «effets d’extrémité» se traduisent par l’existence de champs pulsatoires, générateurs de pertes. Le secondaire d’un moteur linéaire peut être constitué par un liquide conducteur ou un guide métallique. Les applications actuelles de ces engins (pompes à métaux liquides, catapultage électromagnétique) sont rares. On reproche aux moteurs linéaires leur facteur de puissance et leur rendement toujours faibles, et il est peu probable que l’on assiste à un développement spectaculaire de ces engins.

3. Les moteurs à courant continu

Les moteurs à courant continu sont déterminés par une grande variété de caractéristiques de fonctionnement qui les rend pratiquement aptes à tous les emplois. Mais ils exigent des sources continues, alors que l’énergie électrique est distribuée sous forme alternative. Aussi, malgré le développement des redresseurs secs, le champ de leurs applications croît moins vite que celui des moteurs alternatifs.

Un moteur à courant continu est essentiellement constitué d’une armature d’induit, ou rotor, noyau cylindrique en tôles de fer, portant dans des encoches périphériques un enroulement en fil de cuivre isolé et tournant entre les pièces polaires d’un inducteur (aimant permanent ou électro-aimant fixe).

Les conducteurs d’induit, animés d’un mouvement de rotation dans le champ créé par l’enroulement inducteur, sont le siège de f.é.m. d’induction alternatives. Ces conducteurs sont reliés aux lames du collecteur, sur lesquelles frottent des balais conduisant aux bornes de la machine. L’ensemble balais-collecteur forme un système redresseur, si bien que la machine peut être branchée sur une source d’énergie continue. Sur la figure 6 a schématisant un moteur bipolaire, le collecteur n’a pas été représenté et les balais frottent directement sur les conducteurs d’induit, ce qui ne modifie pas le principe de fonctionnement.

Les courants d’induit se séparent en deux nappes de sens opposé, situées de part et d’autres du plan défini par les balais. En fonctionnement en moteur, pour les polarités de l’inducteur et le sens de rotation choisis, les sens de ces courants sont précisés sur la figure 6 a. L’induit est donc équivalent à un bobinage traversé par un courant continu et dont l’axe coïncide avec l’axe des balais; l’ensemble de la machine est équivalent à deux bobinages dont les axes sont en quadrature spatiale. Ces deux bobinages créent deux champs immobiles par rapport au stator (fig. 6 b).

Dans les cas d’une machine multipolaire et en désignant par N la vitesse de rotation (exprimée en tours par seconde), par n le nombre de conducteurs de l’induit, par 淋 le flux par pôle (sortant d’un pôle nord ou entrant dans un pôle sud), par I le courant fourni à l’induit, par p le nombre de paires de pôles inducteurs, et par 2 a le nombre de voies d’enroulement du bobinage d’induit, la force contre-électromotrice de la machine s’exprime par la relation:

et le couple électromagnétique par:

On décrit le fonctionnement d’un moteur à courant continu par les trois courbes «caractéristiques» suivantes, relevées à tension d’alimentation et à résistance du circuit inducteur constantes: caractéristique électromagnétique, 臨 = 臨(i ); caractéristique de vitesse, N = N(I); caractéristique mécanique, 臨 = 臨(N).

Il existe quatre types de moteurs à courant continu qui se distinguent par le branchement de leurs enroulements d’excitation. Leur principe et leur désignation sont précisés sur la figure 7. Dans le dernier cas, le compoundage est dit additionnel ou différentiel, selon que les flux créés par les deux enroulements d’excitation s’ajoutent ou se retranchent.

L’analyse de sa caractéristique de vitesse (fig. 8 a) montre que le moteur shunt est pratiquement autorégulateur de vitesse. Aussi est-il utilisé pour entraîner des machines dont la vitesse doit être indépendante du couple résistant qui leur est opposé (appareils de levage, machines-outils).

Le moteur à excitation indépendante joint à l’avantage d’un réglage de vitesse dans de larges limites celui d’un important degré de stabilité. Il a l’inconvénient de nécessiter deux sources distinctes de tension. Aussi n’est-il utilisé que dans le cas de très faibles puissances (servomécanismes) ou de montages spéciaux (groupe Ward-Léonard).

Les caractéristiques de vitesse et mécanique (fig. 8 b) du moteur série montrent qu’il possède un fort couple au démarrage, ainsi qu’une vitesse variable dans de larges limites. C’est pourquoi il est essentiellement utilisé en traction électrique.

De l’analyse de la caractéristique de vitesse du moteur compound différentiel (fig. 8 c) il ressort que l’on doit utiliser ce dernier dans les cas où la vitesse doit être maintenue presque rigoureusement constante (filatures).

Enfin, le moteur compound additionnel, qui présente un couple de démarrage très élevé (fig. 8 d), est préféré au moteur shunt pour l’entraînement des machines à couple très variable (cisailles, poinçonneuses, étau-limeur).

4. Perspectives

Les trois types de moteurs qui viennent d’être décrits constituent des systèmes électromécaniques dont on peut modifier très sensiblement les caractéristiques grâce à l’addition d’organes annexes.

En particulier, les moteurs triphasés à collecteur et le moteur Schrague, qui utilisent les propriétés d’un bobinage d’induit de machine à courant continu, muni d’un collecteur et de trois balais décalés de 2 神/3, sont des machines polyphasées à vitesse variable; le moteur monophasé série à collecteur (moteur universel) peut être alimenté en courant continu ou en courant alternatif.

Le développement des techniques, et notamment de l’électronique dite de puissance, a conduit les ingénieurs à imaginer des modifications des trois machines de base, de façon à créer des systèmes électromécaniques bien adaptés aux nouvelles sources d’énergie (cf. ch. 5).

Mais il existe d’autres types de moteurs électriques dont le principe n’est pas la mise en œuvre de deux champs tournants de même vitesse. Il faut citer, en particulier, les moteurs à réluctance variable et les moteurs homopolaires. Les premiers, alimentés en courant alternatif monophasé, ont une vitesse de rotation rigoureusement liée à la pulsation électrique (moteurs Jarret). Les moteurs homopolaires, fonctionnant sous très basse tension et forte intensité, devront peut-être à l’avènement des piles à combustibles un développement important, notamment dans le domaine de la propulsion automobile. Néanmoins, on ne peut encore prévoir les chances d’utilisation sur une large échelle de ces deux types de machines.

5. Les machines électriques comme actionneurs pour les automatismes

Nouveaux matériaux, nouveaux composants, nouvelles machines

Dans le domaine des actionneurs pour automatismes, les améliorations ont porté sur tous les aspects possibles intervenant dans une chaîne automatisée, et sur tous les éléments que rappelle le schéma fonctionnel de la figure 9. Celle-ci présente un exemple fondamental dont le cœur est le variateur de vitesse qui alimente un moteur et qui est régulé.

Les moteurs ont bénéficié du développement des matériaux classiques (tôles, isolants) permettant l’augmentation de grandeurs comme la fréquence des convertisseurs ou la température des bobinages. On a aussi vu l’apparition de nouveaux matériaux comme les aimants à terres rares (famille du samarium-cobalt), qui présentent une puissance massique, une linéarité dans leur fonctionnement, une résistance à la désaimantation beaucoup plus élevées que celles que l’on connaissait avec les autres aimants. Les ferrites sont linéaires mais peu puissants et les alnico offrent des inductions rémanentes élevées mais sont sensibles à la désaimantation par réaction d’induit (fig. 10; cf. MAGNÉTISME, fig. 17).

L’utilisation généralisée des machines électriques en vitesse variable pour les systèmes automatisés n’a pu se développer que grâce aux progrès spectaculaires, très rapides, de l’électronique, singulièrement de l’électronique de puissance (cf. ÉLECTRICITÉ – Convertisseurs et variateurs): l’augmentation de la puissance des thyristors et des transistors, l’apparition des thyristors à extinction par la gâchette (gate turn off , ou GTO) et des transistors MOS de puissance à permis l’extension des domaines accessibles [cf. TRANSISTORS ET THYRISTORS], d’une part, vers les hautes puissances – le T.G.V. compte des moteurs de 6 mégawatts –, d’autre part, vers les hautes fréquences – des hacheurs ont des fréquences de commutation qui dépassent 50 kilohertz. Tout cela a permis l’augmentation des performances dynamiques, c’est-à-dire, en fin de compte, un accroissement de la qualité et de la rapidité de la production.

À côté des nouveaux matériaux élargissant les gammes de fonctionnement, ce sont les organes intelligents qui ont permis une exploitation optimale des potentialités des machines, que ce soit du côté des capteurs – comme les capteurs de courant à effet Hall, qui offrent à la fois une très bonne bande passante et l’isolation galvanique, ou comme les capteurs de position à très haute résolution (10 000 points par tour en qualité courante, jusqu’à plusieurs centaines de milliers de points en qualité exceptionnelle) – ou du côté des organes de commande et de décision : très tôt, accompagnant les organes de puissance, se sont implantés des dispositifs ayant des fonctions mathématiques; ce furent d’abord des circuits de traitement analogique du signal (transistors, amplificateurs opérationnels), puis des circuits de traitement numérique , d’abord en technologie câblée (circuits logiques et séquentiels), puis programmée . Aux premiers microprocesseurs un peu rustiques se sont substitués de véritables miniordinateurs que les extraordinaires progrès de l’intégration de la microélectronique ont mis à la portée des automatismes, du fait de leur faible coût, de leur faible volume, de leur grande puissance de calcul; ils permettent à la fois de piloter les machines en optimisant leur fonctionnement, et d’intégrer les sécurités et le dialogue homme-machine [cf. AUTOMATISATION].

Des progrès spectaculaires concernant les structures des machines ont été accomplis, ce qui a renouvelé une situation jugée jusque-là plutôt figée, avec ses trois types de machines toujours identiques: moteurs à courant continu, machines à courant alternatif synchrones et asynchrones. Ce renouvellement a porté à la fois sur les machines et sur les systèmes qui les environnent. On a pu atteindre des performances inaccessibles au début de la décennie quatre-vingt. C’est sans doute dans le domaine des actionneurs pour la production automatisée (machines-outils, robots, machines spéciales) que la plus grande variété de moteurs s’est présentée. En effet, les moteurs électriques ont débuté sous la dure concurrence des moteurs hydrauliques, mieux connus des concepteurs de la partie mécanique des machines-outils et qui bénéficiaient de performances très élevées en terme de puissance massique. En effet, les moteurs électriques sont handicapés par leur construction en matériaux magnétiques – le fer, principalement –, toujours très lourds. Cependant, les moteurs hydrauliques avaient des exigences (nécessité d’une centrale) et des inconvénients (comportements dynamiques pas toujours satisfaisants) qui laissaient prévoir que le moteur électrique, grâce à sa grande souplesse et à sa facilité à être commandé, avait un avenir. Il fallait pour cela que ses performances en couple massique fassent des progrès. Des recherches très variées sur de nouvelles structures de moteurs furent menées, et il en résulta des retombées particulièrement sensibles pour les moteurs à courant continu et les moteurs synchrones.

On a connu très tôt des moteurs à courant continu dont le rotor plat ou bien cylindrique, mais creux, ne contenait pas de fer (fig. 11). Les conducteurs étaient collés sur le rotor; celui-ci, très léger, présentait une inertie très faible, ce qui permettait des mises en vitesse extraordinairement rapides (quelques millisecondes). Cependant, la faible masse du rotor lui imposait une certaine fragilité et une inertie thermique très faible, et les pointes de courant nécessaires aux régimes transitoires pouvaient les endommager, aussi bien à cause de phénomènes d’arrachement qu’à cause des échauffements très rapides occasionnés par les pertes par effet Joule. En cas de montée accidentelle du courant, le rotor peut atteindre des températures très élevées en quelques secondes. L’environnement et l’électronique de commande doivent comporter des sécurités spéciales pour les protéger, ce qui constitue un handicap. L’arrivée des aimants au samarium-cobalt a alors permis le développement de nouvelles gammes de moteurs, à structures assez classiques, avec des inerties thermiques convenables (échauffements lents, sur plusieurs minutes ou dizaines de minutes) mais bien adaptées à leur usage. À la différence de ce que l’on observe dans les structures traditionnelles, on peut rencontrer de faibles diamètres pour minimiser l’inertie (qui dépend du produit D4L, où D et L sont le diamètre et la longueur du rotor), et de grandes longueurs pour augmenter le couple (qui dépend du produit D2L): il s’agit de la catégorie des moteurs dits «saucisson», qui a permis aux servomoteurs à courant continu d’atteindre des couples massiques supérieurs à 0,5 N . m/kg dans la gamme adaptée à la robotique, domaine où l’on a justement besoin de moteurs légers puisque le robot les transporte sur lui [cf. ROBOTS].

En revanche, ces moteurs sont très rapides (quelques milliers de tours par minute), tandis que pour de nombreuses applications on a besoin de travailler à des vitesses beaucoup plus petites (quelques dizaines de tours par minute). Ces moteurs sont alors associés à des réducteurs de rapports souvent élevés (de 50 à 200). Or les réducteurs subissent des pertes par frottement, apportent des jeux et des imprécisions, ce qui constitue un handicap quand le moteur entraîne des outils qui doivent travailler avec une très grande précision (robots d’assemblage, par exemple). C’est pourquoi se sont développés, à l’opposé de la gamme que nous venons de décrire, des moteurs très courts et de grand diamètre (pour éviter les inerties excessives, ils sont creux et habituellement livrés sous forme de bagues que l’on enfile sur les axes à entraîner): ce sont les moteurs «pancake» («crêpe»), qui possèdent des couples très élevés, et tournent à basse vitesse; ils sont conçus pour l’entraînement en prise directe, sans réducteur.

En fait, ces moteurs, du moins dans la gamme des servomoteurs pour la production automatisée, ne peuvent fournir sur leur axe que des couples de l’ordre de quelques dizaines de newtons-mètres, alors qu’à la sortie d’un réducteur de rapport 100 ou 200 un moteur rapide aux performances intrinsèques plus modestes (quelques newtons-mètres) fournira un couple de plusieurs centaines de newtons-mètres. C’est pourquoi de nombreux efforts se portent sur d’autres types de moteurs. Les réussites les plus remarquables concernent les moteurs synchrones autopilotés (ou moteur à courant continu sans collecteur). Ceux-ci peuvent bénéficier des mêmes types d’avantages que ceux que nous avons présenté pour les moteurs à courant continu: usage d’aimants puissants (terres rares) et géométrie étudiée, de type saucisson ou de type pancake. Mais, en plus, ces machines ont des avantages propres: le courant d’alimentation polyphasé circule au stator (et non au rotor, fig. 12), qui est naturellement plus robuste et plus facile à refroidir, par circulation d’eau, le cas échéant. On obtient alors des performances remarquables. Par exemple, en ce qui concerne les servomoteurs pour la robotique, on peut doubler leurs performances (couple massique atteignant 1 N . m/kg), avec des inerties thermiques majorées, tout en maintenant des inerties mécaniques très faibles (transitoires de l’ordre de quelques millisecondes). Là aussi le recours à des structures pancake permet d’obtenir des moteurs à vitesse lente et à couple élevé, permettant d’envisager réellement l’usage de moteurs électriques à prise directe offrant sur l’axe un couple comparable aux ensembles moteurs-réducteurs traditionnels. Les progrès que nous venons de décrire concernent au premier chef les servomoteurs, qui sont de petites machines, mais les techniques qui ont permis leur amélioration (l’usage des aimants à terres rares, par exemple) ne cessent de s’étendre vers des machines plus importantes (une centaine de kilowatts actuellement).

D’autres directions sont explorées, vers des machines spéciales qui sont souvent des variantes des machines synchrones, comme les machines à réluctance variable. Les propriétés de ces machines (qui n’ont pas besoin d’être excitées au rotor, car on exploite les effets de saillance de celui-ci) sont connues depuis longtemps, mais ce n’est que récemment que les calculs (longs et complexes) sur ordinateur ont permis de les optimiser. On a d’abord exploité ces propriétés principalement pour des petits moteurs, fort répandus dans les automatismes industriels, les moteurs pas à pas (fig. 13). Ces moteurs sont de trois types: à aimant, à réluctance variable, hybrides. Ces derniers allient les propriétés des aimants et de la réluctance. Leur développement a d’abord été lié à la simplicité de leur commande (la commutation d’un courant dans une phase entraîne la rotation du moteur d’un pas), permettant de créer aisément des commandes en position. On les rencontre dans toutes sortes d’applications (par exemple en péri-informatique: lecteurs de disquettes, imprimantes). Ces moteurs avaient des limitations: pertes des pas dans les transitoires trop rapides, faibles puissances. Les progrès conjugués des matériaux et de la commande permettent d’envisager une extension de l’usage de ce type de moteurs, en particulier dans deux directions extrêmes: les moteurs à grande vitesse (leurs rotors, sans bobinages, supportent les grandes forces centrifuges) et les moteurs à faible vitesse et grand couple pour l’entraînement en prise directe. Les applications particulières (marine et aéronautique militaires) entraînent dans ces domaines des recherches qui aboutissent à des machines aux performances très élevées. Ces machines sont trop coûteuses pour les applications industrielles traditionnelles, mais il suffit qu’elles conduisent à une augmentation de la consommation d’aimants à terres rares, donc à une diminution du coût de ces produits encore luxueux, pour que leur utilisation se généralise rapidement.

Parmi les machines à courant alternatif, les moteurs asynchrones – simples, robustes, économiques – sont très utilisés pour les automatismes peu exigeants en matière de performances, car à la simplicité de leur construction s’oppose en fait une redoutable complexité de leur fonctionnement en régime transitoire. Ils sont très difficiles à maîtriser avec les moyens classiques des asservissements industriels, qui ne conduisent qu’à des performances médiocres. On ne peut améliorer leurs performances de façon sensible qu’à l’aide d’alimentations et de commandes extrêmement sophistiquées (par exemple, le contrôle vectoriel), qui généralisent les méthodes que nous allons présenter dans les paragraphes suivants.

Nouvelles structures de commande

En vitesse variable, on a toujours utilisé le moteur à courant continu à excitation séparée, à cause de ses bonnes performances en régime dynamique et de la simplicité de sa commande. Cette simplicité est évidente sur son modèle mathématique et se traduit concrètement par le fait que l’on peut faire varier la vitesse d’un moteur à l’aide de montages simples, robustes et peu coûteux (redresseurs à thyristors, par exemple). Cependant, lorsqu’on écrit l’équation de son induit, on suppose toujours une alimentation en tension :

(où v et i sont les courant et tension d’alimentation, R et L la résistance et l’inductance du circuit d’induit, K le coefficient de couplage, 行 la vitesse). Cette équation montre que, aux chutes de tension près, dues au courant d’induit i , la vitesse est proportionnelle à la tension. Mais, lors d’un régime transitoire, on n’est pas maître du courant (fig. 14). Or celui-ci peut présenter des pointes dont les effets sont dangereux (échauffements dus aux pertes par effet Joule, effets démagnétisants sur les aimants et création d’à-coups de couple dommageables pour la mécanique). Pour des raisons de sécurité, il faut donc pouvoir toujours limiter le courant, et cela d’autant plus que le courant est une image du couple c . En effet, on a:

aussi la loi de la mécanique appliquée aux parties tournantes entraînées par le moteur s’écrit-elle:

(où J est l’inertie des parties tournantes, Cr le couple résistant).

Dans le cas de l’alimentation en tension (et avec quelques hypothèses simplificatrices habituellement vérifiées en pratique), on déduit de ces équations que la dynamique du moteur est définie principalement par deux constantes de temps: la constante de temps électrique e = L/R, habituellement petite (quelques millisecondes) et la constante de temps électromécanique em = RJ/K2, sensiblement plus grande et qui donne approximativement les performances dynamiques du moteur (plus elle est petite, plus le moteur est rapide).

Mais, à cause de la nécessité de contrôler le courant pour des raisons de sécurité, et parce que celui-ci est l’image d’une grandeur aussi importante que le couple, on est amené à structurer la commande de la machine (fig. 15) de façon à «dominer» le courant: on intègre le plus souvent une régulation interne très rapide sur cette grandeur, pour que celle-ci suive quasi instantanément une référence, Iréf. En pratique, le moteur se comporte ainsi comme s’il était alimenté en courant , et l’équation qui décrit réellement son comportement est:

L’équation (1) devient inutile, la constante de temps électromécanique n’a plus d’intérêt, et la dynamique du moteur est décrite par la seule équation (3): le moteur se comporte à peu près comme un intégrateur pur.

On doit alors installer une boucle de régulation de vitesse (fig. 16), qui rend stable le comportement du moteur. La sortie du régulateur de vitesse joue deux rôles: en premier lieu, définir le signal Iréf utilisé par le régulateur de courant; en second lieu, limiter ce signal en amplitude par des butées correspondant aux courants limites supportables, Imin et Imax, ce qui entraîne immédiatement:

Le moteur est ainsi protégé contre les pointes de courant et est commandé en couple, ce qui présente de nombreux avantages pour les tâches à accomplir.

Ces structures sont connues et utilisées depuis les années cinquante, et pratiquement tous les constructeurs (avec de nombreuses variantes mineures) livrent des variateurs de vitesse fondés sur ce principe fondamental de la régulation à boucles internes. En automatisme industriel, quand on veut imposer la position d’un outil, on part d’un variateur de vitesse, auquel on ajoute une régulation de position supplémentaire, qui, de plus en plus, est pilotée par un ordinateur de processus (fig. 9).

Si le moteur à courant continu est simple à commander, il présente toutefois divers inconvénients. Nous avons vu que ses performances en termes de couple massique sont limitées. En outre, le moteur à courant continu possède un organe particulier, le collecteur. Celui-ci est responsable justement de sa simplicité, puisqu’il transforme les courants et tensions internes, qui sont alternatives, en grandeurs externes continues, donc simples à faire varier. Mais il est fragile, exige un entretien régulier, et doit être exclu de certains environnements dangereux (gaz, poussières, humidité). Une solution a consisté à substituer au moteur à courant continu des moteurs à courant alternatif associés à des convertisseurs statiques qui jouent le rôle des collecteurs. On obtient alors des moteurs à courant continu sans collecteur. Notons simplement que les problèmes posés par le collecteur mécanique sont maintenant renvoyés sur l’électronique de commande qui a, elle aussi, ses limitations, toujours repoussées par ses progrès permanents.

Pendant longtemps, cette application s’est limitée aux très gros moteurs synchrones, dans des gammes où il aurait été déraisonnable de construire des moteurs à courant continu, alimentés par des groupes à thyristors, de même structure que les redresseurs, mais fonctionnant en régime onduleur assisté par le réseau. Ces dernières années, grâce aux progrès simultanés des machines, de l’électronique de puissance et de la microélectronique, on a vu se généraliser cette évolution sur toute la gamme des machines, en particulier dans le domaine des servomoteurs, avec un développement supplémentaire dans la direction des machines spéciales, comme les machines à réluctance variable ou les moteurs pas à pas hybrides.

Les machines à courant alternatif sont naturellement plus compliquées à commander que les moteurs à courant continu. Or on veut retrouver avec ces machines la même facilité d’emploi pour les automaticiens qui conçoivent leurs systèmes de production. On souhaite même utiliser des dispositifs standards, utilisables pour les différents types de machine. On y arrive en autopilotant la machine, c’est-à-dire en asservissant l’alimentation de la machine de façon que son comportement (vu de l’extérieur) soit à peu près identique à celui de la machine à courant continu. On obtient ce résultat si on transforme les équations de la machine synchrone de la façon suivante (fig. 17).

Dans une première étape, on transforme les grandeurs triphasées réelles (par exemple les courants i a , i b , i c ) en grandeurs diphasées (exemple: i size=1, i size=1) à l’aide de la transformation de Clarke, ou de sa variante normée, la transformation de Concordia décrite par la matrice 32:

On obtient alors une machine diphasée équivalente, plus simple, mais dont les paramètres dépendent de la position du rotor, . On élimine ce coefficient variable, à l’aide d’une nouvelle transformation, la transformation de Park, qui est une rotation définie par la matrice P( ). On définit ainsi les grandeurs des deux axes (directe et en quadrature; par exemple: i d, i q). On obtient alors un modèle beaucoup plus simple, comme le montre le cas d’un servomoteur à aimant à pôles lisses:

où R et L sont la résistance et l’inductance cyclique du stator et 淋 le flux d’excitation créé par le rotor.

On observe que, si les équations électriques sont effectivement plus complexes que celles du moteur à courant continu (avec un paramètre variable, mais lentement, la vitesse 行), l’équation du couple (8) est analogue à celle du moteur à courant continu où le courant en quadrature i q joue le rôle du courant d’induit i . On en déduit une structure de commande (fig. 18) où les courants alternatifs sont régulés à l’aide d’onduleurs (de préférence fonctionnant en modulation de largeur des impulsions – M.L.I. –, pour imposer quasi instantanément les courants désirés) à partir de références calculées à chaque instant en fonction de la position (il faut donc un capteur, et on retrouve ici une fonction remplie par le collecteur dans le cas du moteur à courant continu) et de la valeur du Iqréf délivrée par le régulateur de vitesse (comme pour les moteurs à courant continu). De telles commandes ont été grandement facilitées par le développement de la microélectronique, qui a permis d’incorporer aisément aux régulations classiques les fonctions mathématiques nécessaires à l’autopilotage.

Dans un tel dispositif, on ne peut plus considérer séparément une machine (conçue par un électrotechnicien), une alimentation (conçue par un électronicien) et des commandes (conçues par un automaticien et un informaticien). L’ensemble constitue un système qui doit être conçu globalement. Cela ne pourra se faire que si les différents composants sont intégrés dans une conception et une modélisation globales faites dans l’esprit de l’automatique moderne, qui a appris à concevoir des grands systèmes complexes, mais en tenant compte, évidemment, des spécificités de la technique considérée. Cela ne pourra être accompli que par des équipes pluridisciplinaires formées de spécialistes ayant reçu une formation suffisamment généraliste.

Encyclopédie Universelle. 2012.