NATIONALITÉ
NATIONALITÉ
Lien politique et juridique, générateur de droits et de devoirs, unissant un individu à un État déterminé. Par extension, ce lien s’applique également aux sociétés, navires et aéronefs. Aux termes de l’article premier de la convention sur la nationalité établie le 12 avril 1930 par la Conférence de codification de La Haye, «il appartient à chaque État de déterminer par sa législation quels sont ses nationaux; cette législation doit être admise par les autres États, pourvu qu’elle soit en rapport avec les conventions internationales, la coutume internationale et les principes de droit généralement reconnus en matière de nationalité». La nationalité relève donc de la sphère de compétence exclusive de l’État. Ce principe donne lieu à un manque total d’uniformité dans la matière, ainsi qu’à un assez grand nombre de conflits de nationalité: chaque État définissant librement les critères d’appartenance, certains individus peuvent, en effet, être en possession d’une double, voire d’une triple nationalité, tandis que d’autres n’en possèdent aucune (apatridie). Chaque État décide des conditions d’attribution de sa nationalité en fonction de sa situation démographique et de ses options politiques en la matière. Deux critères peuvent s’opposer ou se combiner, donnant naissance à trois systèmes distincts: tout d’abord, l’attribution par la filiation, système auquel se rattachent l’Allemagne, la Suède, l’Autriche, etc.; ensuite l’attribution par le lieu de naissance, système généralement appliqué en Amérique latine, et qui permet d’acquérir, dans un laps de temps très court, une importante population, ce qui le fait choisir généralement par les pays d’immigration; enfin, l’attribution par une combinaison des systèmes précédents, solution pratiquée par la France, le Royaume-Uni, les États-Unis, etc.
Il est possible à un individu de perdre sa nationalité originaire par renonciation, retrait à titre de sanction, ou par acquisition d’une nationalité nouvelle. Cette acquisition s’opère généralement par mariage ou par naturalisation; nul État ne peut priver un individu du droit de changer sa nationalité (art. 15 de la Déclaration universelle des droits de l’homme). L’État est, en principe, seul maître pour octroyer ou refuser sa nationalité à un individu; il est cependant nécessaire, afin de rendre valide la mesure prise sur le plan international, de respecter certaines règles de droit international. La plus importante est la règle d’effectivité; dans une affaire demeurée célèbre (affaire Nottebohm, 6 avr. 1955), la Cour internationale de justice indique que «la nationalité est un lien juridique ayant à sa base un fait social de rattachement, une solidarité effective d’existence, d’intérêts, de sentiments». L’effectivité est également indispensable à l’exercice de la protection diplomatique, devoir de tout État à l’égard de ses nationaux résidant à l’étranger. Si l’État a des devoirs à l’égard de ses ressortissants (protection diplomatique, protection des minorités...), il peut également faire valoir des droits et requérir d’eux l’assistance par les armes, la participation aux charges fiscales, etc. La plupart de ces questions relèvent du droit interne et, si elles occasionnent parfois des litiges, elles engendrent peu de problèmes graves; de nombreuses conventions bilatérales ou multilatérales leur sont d’ailleurs consacrées.
On peut enfin distinguer la citoyenneté de la nationalité, la première permettant de jouir seule de l’ensemble des droits juridiques et politiques; ainsi, avant 1946, les ressortissants des colonies françaises étaient considérés comme des nationaux français, mais ne jouissaient pas pour autant, par exemple, du droit de vote au même titre que les citoyens français.
nationalité [ nasjɔnalite ] n. f.
• 1808; « sentiment national » av. 1778; de national
1 ♦ Existence ou volonté d'existence en tant que nation d'un groupe d'hommes unis par une communauté de territoire, de langue, de traditions, d'aspirations; ce groupe dans la mesure où il maintient ou revendique cette existence. « en Irlande, le catholicisme est cher aux hommes comme symbole de la nationalité » (Michelet). — Principe des nationalités, au nom duquel ces groupes ont le droit de se constituer en État politiquement autonome.
2 ♦ (1868) État d'une personne qui est membre d'une nation déterminée. ⇒ citoyenneté. Certificat de nationalité. Nationalité d'origine. Nationalité française. Elle est de nationalité italienne. Le Code de la nationalité (française). Nationalité acquise par mariage, par naturalisation. Double nationalité. ⇒ binational. Sans nationalité légale. ⇒ apatride, sans-patrie.
● nationalité nom féminin Appartenance juridique d'une personne à la population constitutive d'un État. Groupement d'individus ayant même origine, ou tout au moins une histoire et des traditions communes. État, condition d'un peuple constitué en corps de nation ; nation considérée dans sa vie propre et individuelle. ● nationalité (citations) nom féminin Henri Frédéric Amiel Genève 1821-Genève 1881 Si nationalité, c'est contentement, État, c'est contrainte. Journal intime, 4 décembre 1863 Victor Hugo Besançon 1802-Paris 1885 Il y a aujourd'hui une nationalité européenne, comme il y avait, au temps d'Eschyle, de Sophocle et d'Euripide, une nationalité grecque. Les Burgraves, Préface Herbert George Wells Bromley, Kent, 1866-Londres 1946 Notre vraie nationalité est l'humanité. Our true nationality is mankind. The Outline of History, 41 ● nationalité (expressions) nom féminin Double nationalité, attribution à un même individu de deux nationalités différentes par application concurrente de la législation des deux États. Principe des nationalités, droit à l'indépendance de tout groupe social ayant une origine, une histoire, un mode de vie et de pensée communs, dès lors qu'il occupe un territoire déterminé.
nationalité
n. f.
d1./d Ensemble des caractères propres à une nation (sens 1).
— Principe des nationalités, en vertu duquel les communautés humaines qui forment une nation (au sens 1) ont le droit de former un état politiquement indépendant.
d2./d Lien d'appartenance d'une personne physique ou morale à un état déterminé. Nationalité d'origine, acquise. Nationalité d'une société, d'une entreprise.
⇒NATIONALITÉ, subst. fém.
A. —Existence, volonté d'existence en tant que nation d'un groupe humain dont les membres sont unis par des traits ethniques, sociaux et culturels; ce groupe humain en tant qu'il revendique le droit à exister comme nation ou qu'il aspire à former une nation. Nationalité en péril; nationalités voisines; question des nationalités; droit des nationalités. Quelle que soit la diversité des nuances politiques, tous les coeurs généreux se rencontrent là où il faut défendre les libertés opprimées et les nationalités bâillonnées (HUGO, Corresp., 1849, p.9). Le temps approche où toute nationalité va disparaître. La «patrie» sera alors un archéologisme comme la «tribu». Le mariage lui-même me semble vigoureusement attaqué par toutes les lois que l'on fait contre l'adultère (FLAUB., Corresp., 1850, p.279):
• 1. Ce qui s'est affaibli (...), c'est, dans chaque nation, la dissidence intérieure. Nos provincialités françaises s'effacent rapidement. L'Écosse et le Pays de Galles se sont rattachés à l'unité britannique. L'Allemagne cherche la sienne, et se croit prête à lui sacrifier une foule d'intérêts divergents qui la divisaient jusqu'ici. Ce sacrifice des diverses nationalités intérieures à la grande nationalité qui les contient, fortifie celle-ci, sans nul doute.
MICHELET, Peuple, 1846, p.307.
— DR. INTERNAT. PUBL. Principe des nationalités. ,,Principe au nom duquel tout groupe social ayant une même origine de race, de langue, d'histoire, occupant un territoire déterminé, a droit à l'indépendance`` (BARR. 1974). Voulez-vous qu'on intervienne, voulez-vous qu'on n'intervienne pas? Si nous sommes pour le principe des nationalités, de quel droit irions-nous nous mêler des affaires de l'Italie et de l'Allemagne? (ZOLA, Argent, 1891, p.193):
• 2. ... l'histoire du XIXe siècle jusqu'à 1914 est celle de la restauration des souverainetés populaires contre les monarchies d'ancien régime, l'histoire du principe des nationalités. Ce principe triomphe en 1919 qui voit la disparition de tous les absolutismes d'ancien régime en Europe. Partout, la souveraineté de la nation se substitue, en droit et en raison, au souverain roi.
CAMUS, Homme rév., 1951, p.165.
B. —1. État, qualité d'une personne appartenant à une nation déterminée. Nationalité française, étrangère; nationalité acquise, d'origine; acquérir, être réintégré dans, obtenir, perdre, répudier la nationalité française; opter pour, en faveur de la nationalité française. De quelle nationalité seront mes enfants? Je n'en sais rien et ne m'en soucie pas. Pour nous, ces patries-là ne comptent guère. Où que nous soyons fixés à travers le monde, n'est-ce pas toujours en terre étrangère? (LACRETELLE, Silbermann, 1922, p.165). Elle retourne mon chapeau, sans doute pour y lire les initiales de la coiffe, bien qu'elle prétende le faire machinalement, par habitude de déterminer à leur insu la nationalité de certains hommes (BRETON, Nadja, 1928, p.75). Valdemar Henningsen (...) a vécu partout, sauf au Danemarck. Mère de nationalité indéfinissable, peut-être tout simplement française. Père viking (DUHAMEL, Jard. bêtes sauv., 1934, p.19).
2. DROIT
— ,,Lien juridique et politique qui rattache un individu à un État souverain`` (Jur. 1971). Le code de la nationalité a été déterminé par l'ordonnance du 19 octobre 1945. Il comprend la nationalité d'origine et la nationalité acquise (M. VANEL, Pt Manuel de Dr., t. 2, 1956, p.18).
♦Certificat de nationalité. Pièce délivrée par le juge d'instance à une personne, indiquant la nationalité de cette personne ainsi que les pièces qui ont permis de l'établir. Le certificat de nationalité fait seulement foi jusqu'à preuve du contraire (CIDA 1973).
— [En parlant de qqc.] Nationalité d'une entreprise, d'un fleuve, d'un navire, des personnes morales. En principe, la nationalité d'une société est déterminée par le lieu du siège social (CIDA 1973).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1835. Étymol. et Hist. 1. Av. 1778 «sentiment national» (J.-J. ROUSSEAU, s. réf. ds LA CHÂTRE: Quand un peuple, dédaignant sa nationalité, dit: que m'importe? mettez que ce peuple est à deux doigts de sa ruine); 1807 (STAËL, Corinne, t.2, p.395); 2. a) 1835 «état, situation d'une personne qui fait partie d'une nation» (LAMART., Voy. Orient, t.2, p.411); b) 1859 mar. «constatation de l'origine d'un navire» (BONN.-PARIS); 3. a) 1845 «ensemble des personnes ayant même nationalité» (LAMARTINE cité ds L. BLANC, Organ. trav., p.236: cinq ou six noms immortels sont toute une nationalité dans le passé); b) 1860 principe des nationalités (M. DELOCHE, Du principe des nationalités, Paris ds Lar. Lang. fr.). Dér. de national; suff. -(i)té. Cf. l'esp. nacionalidad (XVIIe s. ds COR.-PASC.) et l'angl. nationality «caractère national» (1691 ds NED); «nationalisme, sentiment national» (1772, ibid.). Fréq. abs. littér.:320. Fréq. rel. littér.: XIXe s.: a) 378, b) 436; XXe s.: a) 565, b) 463. Bbg. DUB. Pol. 1962, p.351. — RABOTIN (M.). Le Vocab. pol. et socio-ethnique à Montréal de 1829 à 1842. Paris-Bruxelles, 1975, p.71, 73. —SICCARDO (Fr.). Cf. nation bbg. —WEILL (G.). L'Europe du XIXes. et l'idée de nationalité. Paris, 1938, passim.
nationalité [nasjɔnalite] n. f.
ÉTYM. 1833, au sens 1., Michelet; « ensemble de traits de caractères qui distinguent une nation », 1808; de national, et -ité.
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1 Existence ou volonté d'existence en tant que nation d'un groupe d'hommes unis par une communauté de territoire, de langue (cit. 29, Michelet), de traditions, d'aspirations…; ce groupe, dans la mesure où il maintient ou revendique cette existence. ⇒ Nation. || Le mouvement philhellène en faveur de la nationalité grecque. || Affranchir (cit. 5) la nationalité italienne. || Les diverses nationalités de l'ancien empire austro-hongrois. — Principe des nationalités, au nom duquel ces groupes ont le droit de se constituer en État politiquement autonome. || La politique étrangère de Napoléon III s'appuyait sur le principe des nationalités.
1 En Bretagne, comme en Irlande, le catholicisme est cher aux hommes comme symbole de la nationalité (…) Ne nous étonnons pas que cette race celtique (…) ait fait quelques efforts dans ces derniers temps pour prolonger sa nationalité; elle l'a défendue de même au moyen âge (…) Aujourd'hui la résistance expire, la Bretagne devient peu à peu toute France.
Michelet, Hist. de France, II.
2 (…) je m'étonne qu'un historien comme vous affecte d'ignorer que ce n'est ni la race ni la langue qui fait la nationalité.
Fustel de Coulanges, Questions contemporaines, p. 95.
3 Le principe des nationalités, auquel on a voulu surtout rattacher les arrangements internationaux consacrés par les divers traités qui ont suivi la guerre (de 1914-1918), est tout à fait différent du principe de la souveraineté nationale. Sous le nom de nationalité, en réalité on ne désigne pas autre chose qu'une population présumée de la même origine parce qu'elle parle une même langue.
L. Duguit, Traité de droit constitutionnel, t. I, p. 555.
2 (1868). Dr. internat. privé. État (cit. 67) d'une personne qui est membre d'une nation déterminée. || Nationalité étrangère (→ Espionnage, cit. 5), française (cit. 4), italienne, suédoise… || Nationalité acquise. || Nationalité d'origine. || Changer de nationalité. || Acquérir la nationalité française (⇒ Naturalisation). || De deux nationalités. ⇒ Binational. || Perdre, répudier sa nationalité. || Sans nationalité légale. ⇒ Apatride, heimatlos, sans-patrie. || Réintégration dans la nationalité française.
4 Je définis la nationalité, le lien politique et juridique créé par la décision d'un État, personne internationale, qui rend un individu sujet, c'est-à-dire membre de l'État.
P. Lerebours-Pigeonnière, Précis de droit international privé, §49.
♦ Par ext. || Nationalité des personnes morales, d'une société commerciale, d'un navire…
Encyclopédie Universelle. 2012.