NONSENSE
NONSENSE
« A piece of nonsense », c’est en anglais courant une bêtise, une absurdité: un «non-sens» bien sûr; et pourtant, le terme anglais a une richesse spécifique. Anglais d’abord parce que la langue anglaise en est le lieu sonore d’élection; ainsi les «nursery rhymes », telles «Humpty Dumpty...», chères à Mallarmé autant qu’à la merveilleuse Alice, mais dont on trouve l’équivalent dans toutes les langues; en France, par exemple, de nombreuses comptines relèvent de l’art du «nonsense». Anglais surtout à cause de Lewis Carroll qui, conteur et logicien, ouvre ou rouvre, en faisant acte de nonsense, le problème du sens. «Le non-sens est à la fois ce qui n’a pas de sens, mais qui, comme tel, s’oppose à l’absence de sens en opérant la donation de sens. Et c’est ce qu’il faut entendre par nonsense»: commentant Lewis Carroll, Gilles Deleuze institue, par opposition à la logique du vrai et du faux, exclusifs l’un de l’autre, celle du sens et du non-sens, comme un certain mode de coprésence (Logique du sens ); c’est la circulation du non-sens qui produit cet effet de surface et de position, le sens, comme les structuralistes l’ont pu mettre en évidence avec des notions telles que «signifiant flottant» (Lévi-Strauss à propos du «mana»), blanc ou valeur zéro. Le nonsense et le non-sens s’opposent dès lors à l’absurde qui, en logique, depuis les preuves aristotéliciennes, comme en philosophie et en littérature (Merleau-Ponty, Camus), se définit par le manque et l’absence: le nonsense, c’est au contraire un «trop» dont la surabondance produit le sens.
● nonsense nom masculin (mot anglais) Genre littéraire anglais dans lequel l'absurde et le paradoxal naissent de jeux sur la langue.
nonsense [nɔnsɛns] n. m.
ÉTYM. Mil. XXe (1962. in Rey-Debove et Gagnon); mot angl., de non « non », et sense « signification »; une fois en 1829, Jacquemont, avec la valeur non-sens, 2.
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♦ Caractère absurde et paradoxal, en littérature. — Par ext., dans les arts narratifs (cinéma, etc.). Texte, récit ayant ce caractère, notamment dans la littérature britannique (Lewis Carroll). || « Il est du pays qui a inventé l'humour — mot anglais par excellence —, de la patrie du nonsense » (G. Dumur, in le Nouvel Obs., 17 juil. 1972, p. 36).
Encyclopédie Universelle. 2012.