trop [ tro ] adv. et nominal
• XIe; frq. thorp « village, troupeau, tas »; cf. all. Dorf « village », et lat. médiév. troppus « troupeau »
I ♦ Adv.
1 ♦ D'une manière excessive, abusive; plus qu'il ne faudrait. ⇒ excessivement, surabondamment (cf. À l'excès). — (Modifiant un adj.) « L'amour est trop fort ! L'amour est trop dur, l'amour est trop triste, l'amour est trop âpre » (Gobineau). « Il a des redingotes bleues [...] trop neuves; [...] des cravates trop blanches » (Mirbeau). Trop cher. ⇒ exagérément. C'est trop fort ! Il est trop bon. — « Ils [les raisins] sont trop verts » (La Fontaine). — (Modifiant un adv.) Trop près, trop loin. « On se levait trop tard, on se couchait trop tôt » (La Fontaine). — Trop peu : insuffisamment, pas assez. « En amour, assez est trop peu » (Bussy-Rabutin). Ni trop, ni trop peu. — (Modifiant une loc. prép.) Je suis trop en colère. — (Modifiant une loc. verb.; emploi contesté) ⇒ très. J'en ai trop envie. « On a, tout le temps, trop chaud, trop froid, trop soif, trop faim, et tout le temps, on est trop mal couché, trop mal servi » (Goncourt). — (Modifiant un verbe) ⇒ beaucoup. S'estimer trop. « Elle aimait trop le bal, c'est ce qui l'a tuée » (Hugo). Trop charger (⇒ surcharger) , trop produire (⇒ surproduction) . Il a trop bu (cf. Outre mesure).
♢ TROP... POUR, s'emploie pour exclure une conséquence. « Trop bête pour être inconstant Et trop laid pour être infidèle » (Musset). PROV. Trop poli pour être honnête. C'est trop beau pour être vrai : on n'ose y croire. Il a trop menti pour qu'on le croie : on ne le croit plus. « son trouble était trop grand pour qu'elle pût dormir » (Maurois). — (Avec subordonnée négative, sens positif) « les convictions sont trop rares pour n'en pas tenir compte » (Chateaubriand). — Trop, modifié par un adv. Un peu trop. Bien trop jolie. Beaucoup trop. — Littér. PAR TROP. ⇒ 1. par, IV. — (Avec la négation) Pas trop : un peu, suffisamment. Il passait aussi « pour magicien; un peu, pas trop » (Hugo). — Pop. DE TROP : trop.
2 ♦ (1080) Très suffisamment. ⇒ beaucoup , 1. bien, 2. fort, très. Vous êtes trop aimable. « ils se retiraient sur la pointe des pieds en murmurant que j'étais trop mignon, que c'était trop charmant » (Sartre). — Ne... que trop... : d'une manière déjà plus que suffisante. Cela n'a que trop duré. « Elle ne serait sans doute que trop sensible, confiante comme elle est, aux premières paroles d'amour qu'elle entendrait » (A. Gide). — (Avec une négation) Je ne sais pas trop, pas bien, guère. « Attends, je ne me rappelle plus trop. C'est si vieux » (Maupassant). Sans trop comprendre. — Pas trop : médiocrement. Les finances « ne vont pas trop bien, je crois [...] — Pas trop » (Ramuz).
3 ♦ Fam. (lang. des jeunes) Avec une valeur quasi adjective, employé seul (semble être un calque de l'angl. too much). Elle est trop, cette nana ! elle est excessive, incroyable.
II ♦
1 ♦ Nominal Une quantité excessive, plus que suffisante. ⇒ excès. — (Sujet) Dans des loc. prov. « Trop ne vaut rien » (Nerval) :l'excès n'est pas bon. « Assez, c'est bien, mais trop c'est trop » (Aymé). — (Compl. d'objet) Il mange trop. En faire trop. PROV. Qui trop embrasse mal étreint. — C'est trop ! (en réponse à un compliment, en remerciement pour un cadeau). — Vieilli C'est trop que..., que de... : il y a excès, abus à... « C'est déjà trop pour moi que de vous écouter » (Racine). — DE TROP; EN TROP, avec un nom, un pronom, une expression numérale, pour exprimer la mesure de l'excès. Je l'ai payé dix francs de trop. « Garde donc ton argent ! Si tu en as de trop, ce trop m'appartient ! » (Balzac). Fam. Vous le trouvez intelligent ? Oh ! rien de trop ! pas beaucoup. Boire un coup de trop. Un verre de trop. Avoir des bagages en trop. ⇒ excédent, surplus. — (En attribut) DE TROP : superflu. Huit jours de travail ne seront pas de trop pour terminer cet ouvrage. — Être de trop, en trop : imposer une présence inutile ou inopportune (⇒ gêner; importun, indésirable, indiscret) . Restez, vous ne serez pas de trop. « Les maisons où l'on est entre soi, j'y suis de trop » (Hugo). — TROP DE (suivi d'un nom) :une quantité ou une intensité excessive de... « Trop de bruit nous assourdit, trop de lumière éblouit » (Pascal). « Trop de bonté est cruelle à la vanité d'autrui » (Vercors). Vous me faites trop d'honneur. — Sans trop de peine. — Ne... que trop de... : plus qu'il n'en faut. « Paresse de penser incurable, qui n'avait que trop d'excuses » (R. Rolland). — (Attribut) C'en est trop : ce n'est plus supportable. — Vx TROP DE... suivi d'un complément qui exprime la quantité en excès. « Nous sommes trois chez vous ! C'est trop de deux, madame ! » (Hugo).
2 ♦ Employé comme nom (Sujet) « Ce qui arrive sur vous, c'est le trop de lumière, qui est l'aveuglement » (Hugo). — (Compl.) « Je veux du superflu, de l'inutile [...] du trop » (Hugo).
⊗ HOM. Trot.
● trop adverbe (bas latin troppus, troupeau, du francique thorp, village) Indique un excès, une limite dépassée : C'est trop loin. Devant un adjectif, exprime un degré élevé : Vous êtes trop aimable. ● trop (citations) adverbe (bas latin troppus, troupeau, du francique thorp, village) Jean de La Fontaine Château-Thierry 1621-Paris 1695 […] Rien de trop est un point Dont on parle sans cesse et qu'on n'observe point. Fables, Rien de trop Anonyme Rien de trop. Commentaire Maxime inscrite sur le temple d'Apollon Pythien à Delphes. ● trop (difficultés) adverbe (bas latin troppus, troupeau, du francique thorp, village) Emploi 1. Trop (+ négation) = guère. Il ne sait trop comment faire. Faites attention, l'escalier n'est pas trop éclairé. 2. De trop, en trop sont correctement employés dans : il y en a deux de trop, deux en trop ; un mot de trop ; un verre de trop ; être de trop ; son dernier combat a été le combat en trop. Recommandation Éviter l'emploi de de trop, en trop là où trop suffit (en avoir de trop ; en faire de trop ; travailler de trop ; un peu de trop). De trop bonne heure. Attention à l'ordre des mots ; on dit : vous arrivez de trop bonne heure (et non trop de bonne heure). 3. Par trop (pour trop) est littéraire et vieilli : c'est par trop ennuyeux. 4. Trop peut être employé devant un nom en fonction d'épithète ou d'attribut : il est trop rond-de-cuir pour avoir envie de changer de métier. 5. Trop faim, trop envie, trop mal, etc. → envie. 6. Trop est employé dans un sens atténué, proche de très, dans quelques locutions figées ou semi-figées d'usage courant : vous êtes trop aimable ; c'est trop gentil à vous d'être venu. Trop est également employé pour très dans l'usage familier, avec une forte valeur affective : la petite avec son nounours, elle est vraiment trop mignonne. Accord Trop de (+ nom). Lorsque trop est suivi d'un complément, l'accord se fait le plus souvent avec ce complément : trop de foyers manquent même du nécessaire. Néanmoins, si trop de est mis pour « une quantité excessive de », l'accord au singulier est possible : trop de sucreries fait grossir. Construction Trop... pour que (+ subjonctif) : c'est trop insignifiant pour qu'on en tienne compte. ● trop (expressions) adverbe (bas latin troppus, troupeau, du francique thorp, village) Trop de, indique une quantité excessive de quelque chose, un nombre excessif de personnes ou de choses : Il y a trop de bruit. Trop de gens ignorent cela. C'en est trop !, c'est aller trop loin, c'est intolérable. De trop, en trop, en excédent, plus qu'il ne faut. Être, se sentir de trop, être, se sentir en surnombre, importun. Ne… que trop, bien assez, plus qu'il n'en faudrait : Je ne le sais que trop. Littéraire. Par trop, indique un très haut degré : L'aventure est par trop étonnante. ● trop (homonymes) adverbe (bas latin troppus, troupeau, du francique thorp, village) trot nom masculin ● trop (synonymes) adverbe (bas latin troppus, troupeau, du francique thorp, village) Indique un excès, une limite dépassée
Synonymes :
- énormément
- extrêmement
Devant un adjectif, exprime un degré élevé
Synonymes :
- énormément
- extrêmement
Contraires :
- peu
De trop, en trop
Synonymes :
- en excédent
Être, se sentir de trop
Synonymes :
- en excédent
trop
adv.
rI./r (Marquant l'excès.)
d1./d à un degré excessif, en quantité excessive. Il est trop jeune. Vous arrivez trop tard.
d2./d Trop de...: une quantité excessive de..., un excès de... Elle a trop de travail. Vous en avez trop dit.
— Litt. C'en est trop: cela dépasse la mesure.
— Absol. Il mange trop.
|| De trop, en trop, exprime une quantité qui excède ce qui est nécessaire. Il y a deux mille francs de trop, en trop dans ma caisse.
— (Personnes) être de trop: être indésirable.
d3./d Trop... pour (+ inf.), trop... pour que (+ subj.), marque que, étant donné l'excès, la conséquence est exclue. Il est trop poli pour être honnête, trop malade pour qu'on puisse le transporter.
rII./r (Valeur de superlatif.)
d1./d (En phrase positive, trop étant une manière affectueuse ou polie de dire très ou beaucoup.) Vous être trop gentil.
d2./d (En phrase négative, sans nuance particulière.) Il n'était pas trop content.
⇒TROP, adv.
I. — Adverbe
A. — [Adv. intensif marquant un degré excessif] Synon. exagérément, excessivement, au-delà de la mesure.
1. [Trop marque l'intensité excessive]
a) Trop + adj. Schmoûle est fin, très fin, trop fin même (ERCKM.-CHATR., Ami Fritz, 1864, p. 135). C'est que c'est un prince qui ne me revient pas. Il est trop doux. Il est trop blond, il a des yeux trop bleus. On dit qu'il est russe (G. LEROUX, Parfum, 1908, p. 85).
b) Trop + subst. empl. adj. Elle a un grand nez pointu, des cheveux raides mal peignés... Et puis non, qu'est-ce que tu veux, c'est trop gosse (AYMÉ, Jument, 1933, p. 118). Ces souliers? Ils sont très jolis. — Ils sont bien pour déjeuner à la campagne, mais beaucoup trop sport pour la ville (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 292).
c) Trop + adv. Suivant le dynamisme qui appartient à la suggestion, le lecteur peut aller plus loin, trop loin (BACHELARD, Poét. espace, 1957, p. 63).
d) Trop + verbe. Que voulez-vous, Marguerite, je vous aime trop, et je suis jaloux de la moindre de vos pensées (DUMAS fils, Dame Cam., 1848, p. 143). Il est mort d'avoir trop mangé de dragées. Que son sort serve d'exemple aux enfants gourmands! (A. FRANCE, Pt Pierre, 1918, p. 161).
— Proverbe. Trop gratter cuit, trop parler nuit.
e) Trop + loc. verb. (empl. critiqué). Avoir trop faim, trop honte. On avait trop froid. Les gens n'avaient pas eu le temps de se vêtir en quittant le bateau (MILLE, Barnavaux, 1908, p. 277).
— [Dans une loc. à la forme impers. désignant un phénomène météor.] Comme il faisait trop chaud, nous sommes revenus attendre le réveil de mon oncle dans un petit salon (SÉNAC DE MEILHAN, Émigré, 1797, p. 1727).
f) Trop + loc. prép. Être trop en colère. Un obus passait, d'un sifflement pressé. Un morceau de champ sauta. — Mal visé, dit Gaspard, trop à gauche! (BENJAMIN, Gaspard, 1915, p. 61).
g) [Trop peut être modifié]
) [Par un autre adv. (beaucoup, bien, un peu)] Il avait des lèvres un peu trop charnues, des yeux un peu trop expressifs (BILLY, Introïbo, 1939, p. 74). V. infra ex. de Vailland.
) Littér. [Par la prép. par] Sur ce costume par trop printanier à six heures du matin, car on touchait à peine au commencement de juin, il avait jeté un pardessus d'alpaga (PONSON DU TERR., Rocambole, t. 3, 1859, p. 396). Il est par trop facile de discuter comme vous, dit Parker: tout ce qui contrarie votre thèse est faux (MAUROIS, Sil. Bramble, 1918, p. 205).
2. Fam. De trop. Trop. Verbe + de trop. Pas de branches, surtout, ça fume de trop (DORGELÈS, Croix de bois, 1919, p. 71). Il en avait de trop à bouffer le général, puisqu'il touchait d'après le règlement quarante rations pour lui tout seul (CÉLINE, Voyage, 1932, p. 33).
3. [Trop, corrél. de pour ou de pour que indique qu'une intensité donnée est excessive pour produire la conséquence que l'on prévoyait]
♦ Trop ... pour + inf. Mais son enfance avait été trop heureuse pour lui laisser des souvenirs attendrissants (CHÂTEAUBRIANT, Lourdines, 1911, p. 185). Ce pauvre Robert est bien trop froussard pour faire du trafic d'armes (VAILLAND, Drôle de jeu, 1945, p. 193). C'était trop beau pour durer (SARTRE, Mots, 1964, p. 127).
♦ Trop ... pour que + subj. Ma petite, même aussi sommairement nippée, tu es trop jolie, trop voyante, pour que je t'exhibe (HERMANT, M. Courpière, 1907, I, 13, p. 11). Mais l'instinct du constructeur était trop profond chez Bergotte pour qu'il ignorât que la seule preuve qu'il avait bâti utilement et selon la vérité, résidait dans la joie que son œuvre lui avait donnée, à lui d'abord, et aux autres ensuite (PROUST, J. filles en fleurs, 1918, p. 556).
Rem. 1. Dans ces constr., on remarquera le comportement de la nég. dans la consécutive: Ainsi l'introduction de la négation dans la proposition (...) comportant le morphème trop inverse la polarité de la conséquence (...) qui lui est associée [« Ce livre est trop difficile pour qu'un enfant le comprenne » (un enfant ne le comprendra pas). « Ce livre n'est pas trop difficile pour qu'un enfant le comprenne — pour qu'un enfant ne le comprenne pas » (un enfant le comprendra)] (M.-A. MOREL, Négation et coordination ds Cah. Lexicol. n° 37 1980, p. 41). V. LE BIDOIS 1967, § 1534. 2. Dans la sub. consécutive, aucun, personne, rien sont empl. avec leur valeur positive: il est trop tard pour rencontrer personne. Il faisait trop sombre pour que je pusse rien distinguer de la façade du château (GIDE, Isabelle, 1911, p. 605).
B. — [Avec la valeur d'un superl. abs.]
1. [Dans des empl. vieillis ou littér.] Beaucoup. Hélas, ne le condamnez pas [ce jeune homme]; il a été trop puni! (CHATEAUBR., Génie, t. 2, 1803, p. 418).
2. Synon. très, fort3.
a) [Dans des formules de politesse] Je répondis: « Vous êtes trop aimable, monsieur », et je tombai sur un siège (MAUPASS., Contes et nouv., t. 1, Fam., 1886, p. 561). Vous êtes trop bon (VAN DER MEERSCH, Invas. 14, 1935, p. 306).
b) [Dans des tours hypocor.] Ils se retiraient sur la pointe des pieds en murmurant que j'étais trop mignon, que c'était trop charmant (SARTRE, Mots, 1964, p. 119).
c) [Dans des phrases exprimant une appréciation subjective] Ah! non c'est trop drôle! Ah! ah! ah! (FEYDEAU, Dame Maxim's, 1914, II, 8, p. 48). Ah! c'est trop con! (SARTRE, Mains sales, 1948, 6e tabl., 4, p. 243).
3. [Dans un cont. nég.]
a) Ne ... (pas/plus) ... trop ... + verbe. Pas très bien. Je ne sais plus trop ce que j'imaginais au delà des bois (GIDE, Si le grain, 1924, p. 395). Henriette faisait le modèle, des ménages, couchait chez l'un et chez l'autre, et devint, on ne sait trop comment, une des attractions de Montparnasse (TRIOLET, Prem. accroc, 1945, p. 101).
b) Ne ... (pas/plus) ... trop ... + adj. ou adv. Très. Ah, monsieur, ce n'est pas trop tôt! (VERCEL, Cap. Conan, 1934, p. 129). Sous des conditions qui ne soient point trop étrangères à la réalité (PERROUX, Écon. XXe s., 1964, p. 151).
c) Ne ... que trop. Suffisamment, bien assez. Il n'y en a que trop. Hélas! je ne le sais que trop (MÉNARD, Rêv. païen, 1876, p. 175). — (...) Je parle en homme, humainement. — Je ne le sens que trop! (BERNANOS, Joie, 1929, p. 698):
• 1. Il n'est que trop vrai, monsieur, la conduite de la personne au sujet de laquelle vous me demandez toute la vérité a pu sembler inexplicable ou même honnête.
STENDHAL, Rouge et Noir, 1830, p. 448.
C. — Empl. adj., fam. [Sur le modèle de l'angl. too much, dans le lang. des jeunes]
1. Être trop. Être remarquable dans son genre, susciter l'admiration, l'enthousiasme. Synon. être épatant, formidable, sensationnel, terrible. Ils disent tous que j'suis exagérée, que j'suis « trop ». Dans la rue, les gens se retournent, ils s'donnent un coup de coude mais j'entends pas ce qu'y disent. Si, une fois j'ai saisi. Ils m'ont trouvée très très belle (Le Nouvel Observateur, 12 déc. 1977, p. 68, col. 3).
2. C'est trop! C'est extraordinaire! c'est formidable! Certains disent: « Le désert, c'est trop. On ne peut pas en parler. Il faut le vivre... » N'empêche, après un silence, ils ne peuvent en rester là. Commence alors un long récit, presque un aveu (Déclic, févr. 1984, p. 86).
II. — [En empl. nom.]
A. — [Empl. absolument, trop désigne une quantité excessive de choses (plus rarement de pers.)]
1. [En fonction de suj., en partic. dans des loc., des expr. proverbiales soulignant que tout excès est nuisible et condamnable] Trop ne vaut rien, trop et trop peu n'est pas mesure.
♦ Trop est trop (vieilli). Je suis abattu par mes travaux. Trop est trop. Voici trois jours que je suis pris par d'invincibles sommeils qui annoncent le dernier degré de la fatigue cérébrale (BALZAC, Lettres Étr., t. 1, 1834, p. 177). Mais pour une femme trop est trop, et tu as l'air de vouloir te faire remarquer (SAND, Pte Fad., 1849, p. 154).
♦ Trop c'est trop. Faire la guerre aux images? Projet d'attardé. Trop c'est trop, mais trop tard est trop tard. Il y eut des siècles de fer, des siècles d'héroïsme, nous traversons le siècle de l'électron (Le Monde aujourd'hui, 23-24 févr. 1986, p. II).
2. [En fonction d'attribut]
a) [Pour marquer que le nombre de ce qui est indiqué par le suj. est excessif] Les grands hommes sont trop. Tu t'épuises, patrie. Tu vas faire craquer les murs du Panthéon (RICHEPIN, Paradis, 1894, p. 152). On les a oubliés tout de suite, au contraire, tes morts. Ils étaient trop (BERNANOS, M. Ouine, 1943, p. 1388).
b) [P. allus. à la parole historique qu'aurait prononcée un blessé à la bataille de Paris, le 30 mars 1814] Ils sont trop! À l'ombre, (...) De Ney, (...) Forçant la porte Serpenoise Nous ne dirons plus: ils sont trop! (VERLAINE, Œuvres compl., t. 3, Invect., 1896, p. 305).
c) C'est trop!
— [Comme formule de politesse, pour exprimer sa reconnaissance, ses remerciements] C'est trop... c'est trop pour moi. Georges: Rien n'est trop quand on aime (COCTEAU, Parents, 1938, III, 2, p. 280).
— [Pour dire son indignation et affirmer que sa patience vient à bout]:
• 2. Nous aurions eu un petit royaume de France avec beaucoup de grands seigneurs et la masse des misérables pour les entretenir de leur travail comme avant 89. C'était trop! Le peuple de Paris, sous la conduite de Danton, sauva pour la seconde fois notre patrie, en se soulevant d'un coup et mettant la main sur les traîtres.
ERCKM.-CHATR., Hist. paysan, t. 2, 1870, p. 147.
— C'en est trop! Non, non. C'en était trop à la fin! Il se vengerait; il allait se venger tout de suite puisqu'il les tenait sous la main (MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, M. Parent, 1886, p. 621).
— Proverbe. À chacun le sien n'est pas trop. ,,Chacun doit conserver l'intégralité de ce qui lui appartient`` (REY-CHANTR. Expr. 1988).
3. [En fonction de compl. d'obj. dir.] C'est trop exiger des lecteurs ou des spectateurs, que de leur demander de renoncer à l'intérêt des circonstances pour s'attacher uniquement aux images et aux pensées (STAËL, Allemagne, t. 3, 1810, p. 64). Il s'arrêta, craignant d'en trop dire (ZOLA, Nana, 1880, p. 1390). Mais vous buvez trop, une fois de plus. Donnez-moi votre verre (SAGAN, Bonjour tristesse, 1954, p. 147).
— En faire trop. Exagérer, être excessif. C'est au fond à la « performance » que j'en ai. Ce Léonard Bernstein en fait trop, pour mon goût, mais c'est parce qu'il n'y a rien qu'il ne puisse faire (MAURIAC, Nouv. Bloc-Notes, 1958, p. 128).
♦ Proverbe. Qui trop embrasse mal étreint. V. embrasser II A b. Qui trop embrasse mal étreint. C'est surtout dans les arts que l'éclectisme a eu les conséquences les plus visibles et les plus palpables (BAUDEL., Salon, 1846, p. 169).
Rem. Dans tous ces empl., trop peut être interprété aussi comme un adv. Comme dans le cas de peu, il est souvent difficile pour trop de distinguer les empl. nom. des empl. adv. Ranger trop dans la catégorie des nom. est plausible lorsqu'il sert à indiquer la mesure d'un excès ou une quantité excessive.
B. — [Empl. comme prédéterm. quantitatif] Trop de. Une quantité, une intensité excessive de.
1. [Le compl. est un subst. (ou en empl. nom.)] Trop d'argent, trop d'hommes, trop de peine. Mathilde avait trop de goût pour amener dans la conversation un bon mot fait d'avance (STENDHAL, Rouge et Noir, 1830, p. 286). Avec la continuelle peur que sa petite bête d'apprentie ne fît éclater la fonte, en fourrant trop de coke (ZOLA, Assommoir, 1877, p. 497). Trop d'entre nous l'oublient (LARBAUD, Journal, 1935, p. 368).
♦ Ne ... que trop de. Il y avait à Port-Royal des consciences inquiètes, scrupuleuses, tourmentées et, qui n'avaient que trop de pente à s'appliquer à elles-mêmes, dans toute sa rigueur désespérante, la doctrine première d'Antoine Arnauld (BREMOND, Hist. sent. relig., t. 4, 1920, p. 428).
♦ Trop de ... pour + inf. Elle a trop de fierté pour rester ici par tolérance, elle ne le souffrirait pas (BERNANOS, Journal curé camp., 1936, p. 1156).
2. [Le compl. est un numéral désignant un nombre, une quantité en excès] Tout à l'heure, nous étions trop de deux; maintenant, nous ne sommes pas assez d'un (DUMAS père, Reine Margot, 1847, I, 1er tabl., , 2, p. 3). Deux officiers hautement accusés, l'un de trahison, l'autre de faux, réduits, pour toute défense, à se taire: c'est trop de deux pour « l'honneur de l'armée » (CLEMENCEAU, Vers réparation, 1899, p. 26).
Rem. L'accord du verbe ou de l'adj. qui dépendent de trop de se fait gén. avec le compl.: Trop de réflexions m'agitoient (FIÉVÉE, Dot Suzette, 1798, p. 48). Toutefois, pour mettre l'accent sur le coll. ou sur le terme quantitatif, on peut accorder aussi au masc. sing.: Trop de précipitation pourrait devenir dangereux (MARTINON, Comm. on parle en fr., p. 325 ds GREV. 1969, § 376, p. 317).
C. — De trop, en trop. En excès, qui dépasse le nombre, la quantité exigée, souhaitable.
1. [Précédé d'un subst. (ou en empl. nom.) précisant la nature de l'excès] En rentrant le soir — souvent avec un verre de trop — il s'arrêtait chez sa concierge (DORGELÈS, Croix de bois, 1919, p. 311):
• 3. Nulle finalité terrestre ne sépare les travailleurs de Dieu. Ils sont seuls dans cette situation. Toutes les autres conditions impliquent des fins particulières qui font écran entre l'homme et le bien pur. Pour eux, un tel écran n'existe pas. Ils n'ont pas quelque chose en trop dont ils doivent se dépouiller.
S. WEIL, Pesanteur, 1943, p. 180.
♦ En voilà de trop! (fam.). En voilà assez! Allons, en voilà de trop! dit-il enfin d'une voix brutale (ZOLA, Nana, 1880, p. 1294).
♦ Proverbe. Rien de trop. ,,Tout excès est condamnable`` (Ac.).
2. [Précédé d'un numéral précisant la mesure de l'excès] J'ai pris trois kilos de trop. Elle me rend vingt francs de trop sur le billet de cinq cents (BLOY, Journal, 1892, p. 27).
3. [En fonction d'attribut]
a) [Le suj. désigne une chose] Inutile, superflu. La réflexion est de trop, et elle est d'un imbécile... (GRACQ, Syrtes, 1951, p. 127). Après Donato, au delà des champs on voit luire le lac de Garde. D'abord, on pense (je pense) que ce lac est en trop. Il apporte de la vulgarité: guinguettes à fritures, bistrots, grand restaurant avec ombrelles (GIONO, Voy. Ital., 1953, p. 79).
b) [Le suj. désigne une pers.] Indésirable, gênant, dont la présence est inopportune. Juliette se sentit de trop dans cet hôtel où on semblait ne pas aimer les clients (TRIOLET, Prem. accroc, 1945, p. 29). Je ne suis pas fait pour vivre, je ne sais pas ce que c'est que la vie et je n'ai pas besoin de le savoir. Je suis de trop, je n'ai pas ma place et je gêne tout le monde (SARTRE, Mains sales, 1948, 6e tabl., 2, p. 230).
III. — [Précédé d'un déterm., trop est empl. comme subst.]
A. — [Empl. seul, avec valeur de neutre] Ce qui dépasse le nombre, la quantité ordinaire. Synon. excès. La vieillesse aime le peu, et la jeunesse aime le trop (JOUBERT, Pensées, t. 1, 1824, p. 216). La passion? L'emportement? Le trop en quoi que ce fût? On ne savait ce que c'était dans cette vertueuse maison, et l'amour c'est du trop! (GOBINEAU, Pléiades, 1874, p. 162). Ce jour-là, il y eut tant de colères et d'éclats dans la maison que l'on se tourna vers le temps et la première chaleur de l'année pour expliquer ce trop, les hommes tout seuls n'allant pas à un certain point (VALÉRY, Tel quel II, 1943, p. 193).
B. — [Suivi d'un compl. déterm.] Le trop de. J'ai dû vous pardonner un instant d'humeur que mon trop d'empressement a provoqué sans doute (LA MARTELIÈRE, Robert, 1793, III, 4, p. 31). La mort l'a surpris trop prématurément, car probablement le sévère accusateur officiel, en sortant de sa colère contre le trop d'ampleur des jupes, eût passé à la seconde question, le trop de largeur des consciences (HUGO, Actes et par., 4, 1889 [1867], p. 342).
Prononc. et Orth.:[]. Liaison en [-p-], sauf en empl. nom. Vous êtes trop aimable (avec la liaison), mais Il y en a trop en France (sans la liaison) (FOUCHÉ Prononc. 1959, p. 465, 476). ,,Presque toujours proclitique, [le o de trop] a tendance à s'ouvrir`` (MART. Comment prononce 1913, p. 100). Homon. trot. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. Adv. 1. a) ca 1100 « d'une manière excessive, abusive » (Roland, éd. J. Bédier, 1100: trop nus est loinz Carles; 1841: demurent trop; 3822: n'est gueres granz ne trop nen est petiz); b) ca 1165 trop modifié par un autre adv. précisant le degré de l'excès (Troie, éd. L. Constans, 21036: trop par i furent angoissos); ca 1350 par trop (GILLES LI MUISIS, Poésies, éd. Kervyn de Lettenhove, t. 1, p. 83); 1416 un peu trop (ALAIN CHARTIER, Le Livre des Quatre Dames, éd. J. C. Laidlaw, 337: un peu trop tart); 1539 beaucoup trop (EST., s.v. beaucoup); 1812 bien trop (MOZIN-BIBER); c) fin XIIe s. trop ... à ... empl. pour exclure une conséquence (BÉROUL, Tristan, éd. A. Ewert, 1269: Trop ert Tristran preuz et cortois A ocirre gent de tes lois), rare; 1456 trop ... pour ... (ANTOINE DE LA SALE, Jehan de Saintré, éd. J. Misrahi et Ch. A. Knudson, p. 65: vous [...] estes trop grant pour estre paige); d) ca 1274 trop peu (ADENET LE ROI, Berte, éd. A. Henry, 838: je en ai trop po); 1601 le trop peu « le manque, l'insuffisance » (P. CHARRON, Sagesse, éd. 1797, p. 477: le trop, ou le trop peu); 2. a) ca 1100 « très suffisamment, très » (Roland, 317: tro avez tendre coer); 1668 (RACINE, Plaideurs, II, 4, vers 415: vous êtes trop honnête); 1689 (Mme DE SÉVIGNÉ, Corresp., 25 juill., éd. R. Duchêne, t. 3, p. 652: votre lettre [...] est trop aimable); b) 1385 ne ... pas trop (EUSTACHE DESCHAMPS, Miroir de mariage, éd. G. Raynaud, 1022: il n'est pas trop liez); 1385 sans trop (ibid., 9210: sanz trop lever ne trop fenir); 1673-76 (RETZ, Mém., éd. A. Feillet et J. Gourdault, t. 4, p. 24: sans savoir trop pourquoi); 1456 ne ... que trop (ANTOINE DE LA SALE, op. cit., p. 293: nous n'avons que trop mangié). B. En empl. nom. 1. a) ca 1100 trop de « une quantité ou une intensité excessive de » (Roland, 2229: trop ad perdut del sanc), rare; 1387-89 (GASTON PHÉBUS, L. de la chasse, éd. G. Tilander, chap. 45, 257: s'il y avoit trop de chienz); 1655 c'en est trop (MOLIÈRE, Étourdi, I, 2, vers 86); 1868 en faire trop (ERCKM.-CHATR., Hist. paysan, t. 1, p. 158: il en fait trop!); b) ca 1265 « une quantité excessive » (BRUNET LATIN, Trésor, éd. F. J. Carmody, p. 182: la vertu [...] corront et gaste par poi et par trop); c) 1450-65 c'est trop (Pathelin, éd. R. T. Holbrook, 242); 1669 spéc., en réponse à un compliment, en remerciement pour un cadeau (MOLIÈRE, Tartufe, I, 5); d) ) 1669 de trop exprimant la mesure de l'excès (BOILEAU, Art poétique, éd. Ch. H. Boudhors, chant 1, 61: tout ce qu'on dit de trop est fade et rebutant); 1876 en trop (Lar. 19e: vous avez reçu dix francs en trop); ) 1670 être de trop « imposer une présence inutile ou inopportune » (MOLIÈRE, Amants magnifiques, I, 1: vous n'estes point de trop); 1867 ne pas être de trop « être nécessaire » (FLAUB., Corresp., t. 5, p. 273: Trois mois ne sont pas de trop pour tout ce que je veux faire); e) 1891 fam. de trop « trop » (MÉTÉNIER, Lutte pour amour, p. 232: quand elle chahute de trop); 2. a) ca 1250 avec art. déf. « excès » (ROBERT DE BLOIS, Chastiement des dames ds BARTSCH-HORNING 1887, col. 398, 30: tuit li trop font a blasmer); b) 1540 le trop de qqc. « l'excès de quelque chose » (Amadis, éd. H. Vaganay et Y. Giraud, p. 295: le trop d'affection qu'il avoit). D'un frq. thorp, throp « amas, agglomération; village » (corresp. dans les lang. germ.: a. nord. , all. Dorf, néerl. dorp, angl. thorp « village », dan. torp « hameau », a. nord. « foule, troupe »; cf. Th. BRAUNE ds Z. rom. Philol. t. 22, pp. 212-215; EWFS; FEW t. 17, p. 395), d'où le lat. médiév. troppus « troupeau » (700 (?) ds BAMBECK 1959, p. 76: cum gregim ovium et troppo jumentorum; ca 720, Lex Alamannorum ds NIERM.: in troppo de jumentis; 806, en Suisse alémanique, ibid.). V. également troupe, troupeau. Fréq. abs. littér.:52 373. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 65 451, b) 67 929; XXe s.: a) 78 377, b) 83 355. Bbg. FALK (P.). De trop est bons à il est par trop bon. Studier i Modern Språkvetenskap. 1924, t. 9, pp. 199-226. — JAYEZ (J.). Trop: l'excès par défaut. Fr. mod. 1985, t. 53, pp. 22-48. — MOREL (M.-A.). Rem. sur l'empl. de la nég. ds les struct. compar., conséc. et concess. Cah. Lexicol. 1980, t. 37, pp. 38-48. — QUEM. DDL t. 38, 40. — ROUVERET (A.). Les Conséc.: forme et interprétation. Ling. Investig. 1977, t. 1, pp. 197-234. — TOGEBY (K.). Gramm. fr. Copenhague, 1984, pp. 203-204, 255-256.
ÉTYM. XIe; francique throp « village, troupeau, entassement »; lat. médiéval troppus. → Troupe.
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I Adv.
1 D'une manière excessive, abusive, plus qu'il ne faudrait. ⇒ Excès (à l'), excessivement, surabondamment. — (Modifiant un adj.). || « Un feu trop ardent, un trop grand bruit, une odeur trop forte… » (→ 3. Affecter, cit. 2). || Il faut être un peu trop bon pour l'être assez (cit. 7). || Trop cher. || Capotes (cit. 1) trop longues, trop petites. || Une trop bonne (cit. 12) chère. || De trop bonne heure (→ Exercer, cit. 13). ☑ C'est trop fort ! || C'est trop drôle, trop bête ! — Le trop volage mari (→ Infidélité, cit. 13). || Trop mou et trop bénin (cit. 6). || Il est vraiment trop froussard (cit.). || Il est trop bon. — « Ils (les raisins) sont trop verts… » (→ 1. Gens, cit. 29). || Humain, trop humain.
1 L'amour est trop fort ! L'amour est trop dur, l'amour est trop triste, l'amour est trop âpre; ah ! l'amour est une torture trop raffinée pour que la frêle machine humaine, saisie par une puissance si terrible, réussisse à la combattre avec sa pauvre énergie !
A. de Gobineau, les Pléiades, III, II.
2 Il a des redingotes bleues (…) trop neuves (…) des cravates trop blanches, des bijoux trop gros, des mouchoirs trop parfumés, des bottines trop vernies, des chapeaux trop luisants (…)
O. Mirbeau, le Journal d'une femme de chambre, p. 365.
2.1 Et comme elle ne remettrait jamais ce petit manteau trop jeune pour son âge, trop riant pour son deuil éternel, trop étroit pour son embonpoint, trop suranné pour les modes nouvelles, jamais plus il ne la retrouverait ainsi.
Proust, Jean Santeuil, Pl., p. 420.
♦ (Modifiant un adv.). || Trop près, trop loin (→ Autre, cit. 35). || Trop haut ou trop bas (→ Regarder, cit. 8). || Trop avant. || On se levait trop tard, on se couchait (cit. 15) trop tôt (→ aussi Naître, cit. 4; passer, cit. 132). || Trop souvent. — Trop peu (cit. 47) : insuffisamment, pas assez. || En amour, assez (cit. 1) est trop peu. || Ni trop, ni trop peu.
♦ (Modifiant une loc. prépositive). || Je suis trop en colère (→ Apaiser, cit. 16). || Bien en face, trop en face (cit. 50). — (Une loc. verbale). || J'aurais trop peur… (→ Psychanalyser, cit. 1). || J'avais trop envie… — REM. Cet emploi est condamné par certains puristes. ⇒ Très.
3 Décidément les voyages ne sont qu'une suite de petits supplices. On a, tout le temps, trop chaud, trop froid, trop soif, trop faim, et tout le temps, on est trop mal couché, trop mal servi, trop mal nourri, pour beaucoup trop d'argent et de fatigue.
Ed. et J. de Goncourt, Journal, 23 août 1874, t. V, p. 106.
♦ Vx. || Un trop homme de bien (La Fontaine, Fables, VIII., 18.).
♦ (Modifiant un verbe). ⇒ Beaucoup. || S'estimer (cit. 27) trop. || « Elle aimait trop le bal (cit. 9), c'est ce qui l'a tuée ». || « J'ai trop vu, trop senti, trop aimé dans ma vie » (→ Oublier, cit. 7). || Trop charger (⇒ Surcharger), trop produire (⇒ Surproduction). — REM. Cet emploi peut se confondre avec le nominal (supra cit. 19). — ☑ Prov. Trop gratter cuit, trop parler nuit.
4 (…) Je vous aime.
— Oh ! l'amour serait un bien suprême
Si l'on pouvait mourir de trop aimer !
Hugo, Hernani, III, 4.
♦ Pop. (par confusion avec II., 1.). || De trop. || Il travaille de trop : il travaille trop.
♦ Trop… pour (supra cit. 53). || « Trop bête pour être inconstant Et trop laid pour être infidèle » (cit. 10). ☑ Prov. Trop poli pour être honnête. ☑ C'est trop beau pour être vrai. — Le discours de Racine est trop nuancé pour n'être pas insensible (cit. 18) à ceux-là qui n'ont pas de notre langage une connaissance intime et originelle : il leur est insensible. || Il a trop menti pour qu'on le croie : on ne le croit plus.
5 Comme elles (ces phrases amenées par trop) expriment un état ou une condition qui a dépassé le degré suffisant ou nécessaire pour entraîner tel résultat, la conséquentielle qui suit subit (…) un « changement de signe » (…) si elle (la subordonnée) est affirmative, son sens est négatif; si elle contient une négation, elle a une valeur positive.
G. et R. Le Bidois, Syntaxe du franç. moderne, §1534.
6 Le spectacle était trop nouveau pour ne pas attirer son attention tout entière.
A. R. Lesage, le Diable boiteux, III.
7 (…) les convictions sont trop rares pour n'en pas tenir compte.
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. VI, p. 309.
8 (…) j'étais trop fatigué pour rien regarder, pour rien voir (…)
Gide, Si le grain ne meurt, II, I.
9 (…) son trouble était trop grand pour qu'elle pût dormir.
A. Maurois, le Cercle de famille, I, XIX.
♦ (Modifié par un adv.). || Un peu trop (→ Manière, cit. 43). || Bien trop jolie (→ Mépriser, cit. 8). || Beaucoup trop.
♦ Par trop. ⇒ Par (cit. 59 et 60).
♦ (Avec la négation). || Ni trop allongé, ni trop raccourci (→ 1. Pas, cit. 45). — (1652). || Pas trop : un peu, suffisamment (→ ci-dessous, 2.).
10 (…) il passait aussi, on le comprend, pour magicien; un peu, pas trop; car il était malsain à cette époque d'être cru ami du diable.
Hugo, l'Homme qui rit, I, Chapitre préliminaire, I. I.
11 Rien n'est trop profond pour moi : mes puits percent jusqu'aux eaux de la Veine-mère.
Rien n'est trop élevé pour la flèche qui monte au ciel et dérobe à Dieu la foudre !
Claudel, l'Annonce faite à Marie, IV, 5.
2 Très suffisamment. ⇒ Beaucoup, bien, fort, très. || Vous êtes trop aimable, trop bon. || Être trop heureux (cit. 8) de… || Un mélange trop joli de vert et de rouge (→ Printemps, cit. 1).
REM. Cet emploi est réservé, de nos jours, à quelques tours de politesse, ou hypocoristiques (il est trop mignon, cet enfant). Il n'en était pas de même dans la langue classique qui employait aussi trop plus « beaucoup plus »; trop mieux…
12 Rendons-lui les honneurs qu'il a trop mérités (…)
Racine, Phèdre, V, 7.
13 Ma mère (…) introduisait les visiteurs dans la salle à manger pour qu'ils surprissent le jeune créateur à son pupitre d'écolier; je feignais d'être trop absorbé pour sentir la présence de mes admirateurs; ils se retiraient sur la pointe des pieds en murmurant que j'étais trop mignon, que c'était trop charmant.
Sartre, les Mots, p. 119.
♦ (1580). || Ne… que trop… : d'une manière déjà plus que suffisante, bien assez (cf. Encore trop…). || Ils ne s'aimaient que trop (→ Approcher, cit. 50). || On ne se soumet que trop, on n'est que trop humble (→ Fierté, cit. 2). || Cela n'a que trop duré.
14 Et l'insolent orgueil de sa cagoterie
N'a triomphé que trop de mon juste courroux,
Et que trop excité de désordre chez nous.
Molière, Tartuffe, III, 4.
15 Elle ne serait sans doute que trop sensible, confiante comme elle est, aux premières paroles d'amour qu'elle entendrait (…)
Gide, la Symphonie pastorale, 8 mars.
♦ (Avec une négation). || Je ne sais pas trop, pas bien, guère (→ Pontifical, cit. 2). || Ne pas aller trop bien (euphémisme) : aller assez mal. || Sans trop comprendre… (→ Inopinément, cit. 2). || Sans savoir trop… (→ Hasard, cit. 35). || Un soleil (…) point trop à dédaigner (→ Blême, cit. 6). — Pas trop : médiocrement. || Je ne m'y fierais pas trop (Littré) : je m'en méfierais. ⇒ Guère (II.). — || « Celui-ci ne disait trop rien » (Henriot, Aricie Brun, II., 7.), à peu près rien.
16 J'ai peur que votre effort n'ait pas trop bonne issue.
Molière, les Femmes savantes, IV, 4.
17 — Comment l'aviez-vous connu, ce Maréchal ?
Le père Roland leva la tête et chercha dans ses souvenirs :
— Attends, je ne me rappelle plus trop. C'est si vieux.
Maupassant, Pierre et Jean, IV.
18 (…) si tu arrivais seulement à faire que les finances de la commune aillent mieux, car elles ne vont pas trop bien, je crois (…) — Pas trop.
C.-F. Ramuz, la Grande Peur…, II.
3 Fam. (langage des jeunes). Avec une valeur quasi adjective, employé seul (semble un calque de l'angl. too much). || Il est trop, ce mec ! : il est excessif, il exagère. — Exclam. (adverbial). || Trop !
———
II
1 Nominal. Une quantité excessive, plus que suffisante. ⇒ Excès. — ☑ (Sujet). Dans des loc. prov. || « Trop ne vaut rien » (Nerval, la Bohème galante, p. 261). — ☑ Vx. Trop et trop peu n'est pas mesure. — (Compl. d'objet). || Il mange trop. || Dépenser trop. || En faire trop. — REM. Cet emploi peut se confondre avec l'adv. (supra cit. 4). || Ayant trop, il sera prompt à tout quitter (→ Exigeant, cit. 4). — Ils sont trop ! (les ennemis) : mot d'un blessé à la bataille de Paris, 30 mars 1814, attribué par Michelet (l'Oiseau, p. 173) à un combattant de Waterloo. || C'est trop ! (en réponse à un compliment, en remerciement pour un cadeau). ☑ Prov. Qui trop embrasse mal étreint. || Chacun (ou à chacun) le sien n'est pas trop. — Il y en a beaucoup trop.
19 Si vous avez le plaisir de quereller, il faut bien que de mon côté j'aie le plaisir de pleurer : chacun le sien, ce n'est pas trop.
Molière, le Malade imaginaire, I, 2.
19.1 Assez, c'est bien, mais trop, c'est trop.
M. Aymé, le Passe-muraille, p. 264.
20 C'est déjà trop pour moi que de vous écouter.
Racine, Iphigénie, V, 2.
♦ De trop, en trop, avec un nom, un pronom, une expression numérale, « pour exprimer la mesure de l'excès » (Grevisse). || N'avoir rien de trop (→ 1. Loi, cit. 10). || « Rien de trop est un point… » (1. Point, cit. 83, La Fontaine). Fam. || Vous le trouvez intelligent ? Oh ! rien de trop !, pas beaucoup. ☑ Boire un coup de trop, un verre de trop. || Avoir des bagages en trop. ⇒ Excédent, surplus. || Qui est en trop. ⇒ Excès (en), superfétatoire, superflu, surnombre, surnuméraire.
21 Garde donc ton argent ! Si tu en as de trop, ce trop m'appartient !
Balzac, la Cousine Bette, Pl., t. VI, p. 410.
♦ De trop, en attribut. Superflu, inutile. (En parlant d'une quantité mesurable, d'une durée, etc.). Le plus souvent en phrase négative. || Huit jours de travail ne seront pas de trop pour…
♦ ☑ (En parlant de personnes). Être, se sentir de trop, en trop : imposer une présence inutile ou inopportune. ⇒ Gêner; importun, indésirable, indiscret (→ Famille, cit. 22). || Restez, vous ne serez pas de trop.
♦ Trop de… (suivi d'un nom). Une quantité ou une intensité excessive de… — REM. Certains considèrent dans ce cas trop comme un adverbe. Selon G. et R. Le Bidois, il a « une valeur mixte, mi-substantive et mi-adverbiale ». Pour Grevisse, c'est un « déterminatif indéfini numéral ou quantitatif » (le Bon Usage, §853). — (Sujet ou compl.). || « Trop de bruit nous assourdit, trop de lumière éblouit… » (→ Étonner, cit. 4, Pascal). — REM. Dans ce cas l'adjectif en rapport avec trop de… s'accorde en général avec le complément. || « Trop de bonté est cruelle à la vanité d'autrui » (Vercors, in Grevisse). — On mangeait trop de pain (→ Cherté, cit. 1). || Faire trop d'honneur (cit. 69). || Trop de choses (→ Fantôme, cit. 14; récolte, cit.). || Gagner, dépenser trop d'argent. || Avoir trop, beaucoup trop de… (cf. En avoir par-dessus la tête, les oreilles; en avoir jusque-là, jusqu'aux yeux; en avoir une indigestion). ⇒ 2. Marre. — Sans trop de peine (→ Domicile, cit. 3). — Ne… que trop de… ⇒ Que (1. Que, cit. 49 et 51).
22 Oui, les Grecs sur le fils persécutent le père;
Il a par trop de sang acheté leur colère.
Racine, Andromaque, I, 2.
23 Paresse de penser incurable, qui n'avait que trop d'excuses (…)
R. Rolland, Jean-Christophe, le Buisson ardent, I, p. 1290.
♦ (Attribut). || « Êtes-vous trop pour moi ? Suis-je trop peu pour vous ? » (→ Offrir, cit. 11). ☑ C'en est trop : c'est assez, ce n'est plus supportable.
24 Ah ! c'en est trop enfin : tu seras satisfait.
Racine, Bajazet, II, 1.
♦ Vx. || Trop de… suivi d'un complément qui exprime la quantité en excès.
25 Nous sommes trois chez vous ! C'est trop de deux, madame !
Hugo, Hernani, I, 3.
2 Employé comme nom (de nos jours avec l'article défini). — (Sujet). || Le trop d'attention (cit. 5) qu'on a… || Le trop d'expédients (2. Expédient, cit. 1) peut gâter une affaire. || Le (cit. 27) trop amène le trop peu. — (Compl.). || Je veux de l'inutile (cit. 8), du trop… || Entre le trop et le pas assez (→ Hyper-, cit. 3). — Vx. || Son trop d'amour… (→ Plaindre, cit. 18) : l'excès de son amour.
26 Mais votre trop d'amour pour cet infâme époux
Vous donnera bientôt à plaindre comme à nous.
Corneille, Horace, III, 6.
27 Sois, en tout, certain que beaucoup c'est bien assez, et que trop ne peut se risquer sur cette planète sans produire des catastrophes, bien qu'on ait une disposition commune à ne vouloir que ce trop.
A. de Gobineau, les Pléiades, IV, II.
28 Ce qui arrive sur vous, c'est le trop de lumière, qui est l'aveuglement; c'est l'excès de vie, qui est la mort.
Hugo, l'Homme qui rit, II, VII, III.
♦ (Avec l'article indéfini). Rare. || Un trop. ⇒ Excès, surplus.
29 Je comble (je suis comblé), j'accumule, mais je ne m'en tiens pas au ras du manque; je produis un trop, et c'est dans ce trop qu'advient le comblement (le trop est le régime de l'Imaginaire : dès que je ne suis plus dans le trop, je me sens frustré; pour moi, juste veut dire pas assez).
R. Barthes, Fragments d'un discours amoureux, p. 65.
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COMP. Trop-perçu, trop-plein.
HOM. Trot.
Encyclopédie Universelle. 2012.