⇒ALAMBIQUER, verbe trans.
A.— Inus. Distiller à l'alambic. (Attesté ds BOISTE 1834, BESCH. 1845, etc.).
B.— Au fig., vx, péj.
1. Emploi trans. Tourmenter à force de réflexions, par excès de recherche. Alambiquer le sentiment, l'esprit, la cervelle :
• 1. La galanterie de la cour était noble, décente, peut-être même un peu cérémonieuse; celle de la ville, dont Ninon tenait école, sans être d'une aussi grande réserve, n'était pourtant par exempte d'une sorte de recherche qui tendait à alambiquer le sentiment et à mettre en crédit le jargon précieux de Clélie et d'Artamène.
V. DE JOUY, L'Hermite de la Chaussée d'Antin, t. 3, 1813, p. 12.
2. Emploi abs. Analyser avec un excès de raffinement, de subtilité. Allez au fait, sans alambiquer (BESCH. 1845) :
• 2. On se débattra sur les motifs qui me déterminèrent dans la catastrophe du duc d'Enghien, et ainsi d'une foule d'autres événements. Souvent on alambiquera, on tordra ce qui fut tout à fait naturel et entièrement droit.
E.-D. DE LAS CASES, Le Mémorial de Sainte-Hélène, t. 2, 1823, p. 375.
• 3. Il est dans la nature de la femme d'être légère, volage, étourdie, changeante, elle doit l'être, il le faut, et c'est bien. Il ne faut pas qu'elle s'appesantisse, qu'elle analyse, qu'elle pense, qu'elle alambique; il faut qu'elle soit toujours et toujours étourdie, entraînée d'une chose à l'autre ...
P. BOREL, Champavert, Passereau, l'écolier, 1833, p. 185.
— Spéc. [En parlant du style] Écrire de manière trop subtile et raffinée :
• 4. ... bref il est impossible de dire vrai quand on l'écrit. On se touche, on se rit, on se minaude, il se passe quelquefois des pensées opposées tandis qu'on écrit la même phrase. Hâtez-vous, vous tronquez, retenez-vous, vous alambiquez et relâchez.
G. FLAUBERT, Souvenirs, notes et pensées intimes, 1841, p. 104.
3. Emploi pronom.
a) Réfl. dir. S'égarer dans quelque chose de trop compliqué, de trop subtil :
• 5. ... j'évitois même la conversation de Jean-François les Bas-Bleus, ou je ne m'approchois de lui que lorsqu'il s'alambiquoit dans une de ces phrases éternelles qui sembloient n'avoir pour objet que d'épouvanter la logique et d'épuiser le dictionnaire.
Ch. NODIER, Jean-François les Bas-Bleus, 1844, p. 11.
b) Réfl. indir. S'alambiquer l'esprit (Ac. 1798-1932). Se torturer l'esprit :
• 6. Tiens, mon p'tit homme, au lieu d'nous alambiquer l'esprit, j'te conseille de prendre ton parti, et d'y aller tout d'suite. C'est comme une médecine qu'il faut avaler. Nous saurons au moins à quoi nous en tenir.
T. LECLERCQ, Proverbes dramatiques, Le Savetier et le financier ou Contentement passe richesse, 1835, pp. 221-222.
Prononc. :[]. — Rem. FÉR. 1768 précise que la 2e syllabe est longue.
Étymol. ET HIST. — 1552 « distiller » fig. (RONSARD, Amours de Cassandre, Œuvres, éd. Marty-Laveaux, I, 90, ds HUG. : O toi qui es de moy la quinte essence, De qui l'humeur sur la mienne a puissance, Ou de tes yeux serene mes douleurs, Ou bien les miens alambique en fontaine, Pour estoufer mon amour et ma peine, Dans le ruisseau qui naistra de mes pleurs). — 1611 (COTGR.); 1559 « distiller » au propre (M. SCEVE, Microcosme, III ds GDF. Compl. : Lambiquant l'or potable), très rare et considéré comme inusité à partir de FUR. 1690; 1579-1619 « se torturer (l'esprit, etc.) » (LARIVEY, Le Laquais, II, 2 ds HUG. : Jamais je ne me suis alambiqué le cerveau à lire en Ronsard, Baïf, et autres qui composent à leur mode, et moy à la mienne); 1688 alambiqué part. passé adjectivé « exagérément compliqué et contourné » (BOSSUET, Hist. des variations, 11, N. CLXXXIII, d'apr. J. Rey-Debove, A. Rey, H. Cottez ds Fr. Mod., t. 36, p. 325 : Mais ils n'ont pas plutôt parlé nettement qu'ils s'égarent dans des discours alambiqués).
Dér. de alambic; dés. -er.
STAT. — Fréq. abs. litt. :9.
BBG. — BÉL. 1957. — BÉNAC 1956. — BOISS.8. — SAR. 1920, p. 50.
alambiquer [alɑ̃bike] v. tr.
ÉTYM. 1552, métaphoriquement; sens concret, 1559; de alambic.
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1 À force de le manier, remuer, alambiquer, il en avait composé un électuaire.
la Satire Ménippée, début.
♦ Vx. Élaborer, produire par un processus chimique. — Au passif :
2 La quintessence du mûrier (…) est (…) alambiquée par le ver, qui la convertit en soie.
O. de Serres, Théâtre d'agriculture, V, 16.
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II
1 (Déb. XVIIe, Larivey). Vx ou littér. (Le compl. désigne une personne, une faculté). Faire agir (l'esprit, etc.) d'une manière péniblement compliquée. || Alambiquer l'esprit, le sentiment. Pron. || Son cerveau, son esprit s'alambique à…, se tourmente, se torture à…
3 Son cerveau s'alambique à chercher (…)
Malherbe, Ode à la Reine, variante.
3.1 Jamais je ne me suis alambiqué le cerveau à lire en Ronsard, Baïf et autres (…)
♦ Pron. (Personnes). Vx. Se tourmenter, se donner de l'embarras, de la peine.
4 Sans nous alambiquer, servons-nous en; qu'importe ?
Molière, l'Étourdi, IV, 1.
2 Rendre compliqué par excès de recherche. || Alambiquer son style, ses raisonnements. — Pron. || Depuis quelque temps, son style a tendance à s'alambiquer.
♦ Intrans. (ou absolt). Analyser, raisonner, parler, écrire de manière trop subtile et compliquée. || « Hâtez-vous, vous tronquez, retenez-vous, vous alambiquez… » (Flaubert, Souvenirs, in T. L. F.).
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alambiqué, ée p. p. adj.
ÉTYM. (1688, Bossuet, → cit. 4.1).
♦ Plus cour. que le verbe. (En parlant d'une œuvre littéraire, d'un discours). Trop compliqué, trop subtil sans nécessité. ⇒ Compliqué, contourné, tarabiscoté. || Expressions, métaphores, tournures alambiquées. || Une rhétorique alambiquée.
♦ (Personnes). Qui parle, écrit de manière alambiquée.
4.1 Mais ils n'ont pas parlé plus nettement qu'ils s'égarent dans des discours alambiqués (…)
Bossuet, Hist. des variations, 11.
5 (Corneille) n'est obscur, guindé, alambiqué (…) que quand il n'est pas soutenu par la force de son sujet.
Voltaire, Commentaires sur Suréna, Préface.
6 J'en conclus que la véritable Elvire aurait peine à se reconnaître dans les pages alambiquées du roman panthéiste de M. de Lamartine.
Sainte-Beuve, Causeries du lundi, t. I, 29 oct. 1849.
7 C'est un esprit des plus confus, alambiqué, ce que nos pères appelaient un diseur de phébus et qui rend encore plus déplaisantes, par sa façon de les énoncer, les choses qu'il dit.
Proust, À la recherche du temps perdu, t. III, p. 60.
8 Quand il me parlait, je sentais qu'il châtiait son langage, mais le résultat était déplorable. Il utilisait des formules de plus en plus alambiquées, se perdait en circonlocutions, et avait sans cesse l'air de s'excuser ou de devancer un reproche.
Patrick Modiano, les Boulevards de ceinture, p. 82.
♦ (D'un raisonnement). Compliqué et tortueux. || Des thèses, des hypothèses alambiquées. ⇒ Biscornu, quintessencié.
♦ (En général). || Des manières, des politesses alambiquées. || Un code, une étiquette très alambiqués.
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Encyclopédie Universelle. 2012.