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NUMISMATIQUE
NUMISMATIQUE

La numismatique est la science des monnaies. Elle étudie ces objets dans leur aspect formel, leur valeur de signe et leur développement historique. Elle prouve que les monnaies, qui certes ne sont le plus souvent que l’illustration de l’histoire des hommes, en constituent parfois les seules sources. Les monnaies sont partie intégrante de l’histoire économique. Reflets du pouvoir qui les émet et de la société qui les utilise, elles sont aussi révélatrices des institutions, des phénomènes et des courants religieux. Elles sont une page d’histoire de l’art, étant parfois les seuls témoins d’œuvres disparues. Documents pour l’épigraphiste, elles sont pour l’archéologue des éléments précieux de datation pour ses fouilles. À l’historien, à l’économiste, au philosophe la numismatique livre le matériau complexe des phénomènes monétaires qui les fait s’interroger sur la nature même de la monnaie.

1. Historique

Il est difficile, sans preuve, d’affirmer que les monnaies eurent leur part dans les grandes collections de l’Antiquité, bien que le fait ne paraisse pas invraisemblable. Faut-il voir un début de collection et de recherche numismatique dans l’engouement, au dire de Pline, de certains Romains pour les monnaies fausses? Les écrits d’Aristote et de Platon, dans l’Antiquité, de Thomas d’Aquin et de Nicolas Oresme, au Moyen Âge, contiennent des réflexions sur la nature de la monnaie, sur ses origines et ses mécanismes.

C’est en Italie, au XIVe siècle, puis dans le reste de l’Europe que des collections numismatiques sont constituées: collections d’amateurs, d’érudits, et collections des papes, des empereurs et des rois dont les grands cabinets des médailles actuels tirent leur origine. Pétrarque, au XIVe siècle, Ange Politien, au XVe siècle, sont les premiers à se servir des monnaies dans leurs recherches iconographiques et leur critique des textes anciens. La première collection utilisée à des fins scientifiques est celle que constitue Guillaume Budé, le véritable fondateur de la numismatique. Dans le De asse et partibus ejus , publié en 1515, il étudie les systèmes monétaires et pondéraux antiques. Les collections publiques et privées s’amplifient tout au long des siècles suivants et les écrits numismatiques se multiplient. Dès le XVIIe siècle et dans le cours du XVIIIe paraissent des bibliographies numismatiques que remplace, en 1760, celle de Jean-Christophe Hirsch. Les ouvrages de Jean-Gotfried Lipsius, en 1801, et de J. Leitzmann, en 1867, ne font que reproduire la bibliographie de Hirsch en y ajoutant des ouvrages nouveaux.

À partir du deuxième tiers du XIXe siècle se fondent les grandes revues et sociétés numismatiques. Catalogues de collections publiques et privées, manuels, traités, monographies, articles, bibliographies générales et particulières, rapports et actes de congrès internationaux, bibliographie courante internationale, Commission internationale de numismatique au sein du Comité international des sciences historiques sont, à l’heure présente, l’expression et le reflet de l’importance et de l’étendue des recherches dans le domaine de l’histoire des monnaies.

2. Définition et objet

Si l’on considère la monnaie comme un morceau de métal dont le titre, le poids, la dimension, la forme sont déterminés par un pouvoir politique qui, par la marque officielle qu’il y appose, en garantit la valeur et l’authenticité, la numismatique doit restreindre son champ d’études aux seules espèces métalliques. Si l’on conçoit la monnaie comme un objet matériel utilisé comme instrument de mesure des valeurs des biens et des services, comme instrument de transaction et comme réserve de pouvoir d’achat, le champ des études numismatiques s’agrandit, exclut toute forme de troc, mais englobe toute forme primitive de monnaie aussi bien que le papier-monnaie et la monnaie de nécessité. Toutefois, la monnaie scripturale ne relève pas de la numismatique. Coquillages, morues séchées, blocs de thé, fers de lance, fourrures, poivre, pièces de monnaie faites de métal précieux ou vil, billets de banque, monnaies obsidionales, jetons des chambres de commerce, billets de confiance, bons de monnaie de municipalités et de firmes privées, timbres-monnaie, monnaies des camps de prisonniers... le domaine de la numismatique est donc très vaste. La monnaie primitive est un document prémonétaire, existant avant la monnaie telle qu’elle a été définie plus haut et telle qu’elle apparaît, pour la première fois, au cours du VIIe siècle, avant notre ère et dans un lieu déterminé, l’Asie Mineure. Cela ne signifie pas que le reste du monde soit entré immédiatement dans la phase monétaire. La monnaie de nécessité ressemble par certains côtés à la monnaie primitive en ce sens que, comme elle, elle n’a pas le caractère de monnaie selon la définition stricte. Mais ce document paramonétaire se situe à l’intérieur d’une histoire monétaire qui est, par intermittence, renouvelable; il remplace, pour un temps, la monnaie qui habituellement alimente la vie économique d’une région ou d’une ville.

La numismatique ne s’attache pas seulement à l’étude de la monnaie, mais porte ses recherches sur des objets voisins: instruments de métrologie (poids monétaires, ou dénéraux, poids), jetons de calcul et de présence, médailles. Objets monétiformes pour la plupart, n’assumant aucunement le rôle de monnaie, ils possèdent cependant avec la monnaie certains points communs, dont la connaissance est utile à la numismatique.

3. L’étude des monnaies

La masse des monnaies métalliques, en raison de leur importance dans l’histoire monétaire du monde, est le centre et l’objet majeur des études numismatiques.

Description

De nos jours, une monnaie métallique est parfaitement lisible: l’autorité émettrice, accompagnée d’un portrait ou d’un type allégorique ou symbolique signé par l’artiste qui l’a composé, y est clairement indiquée; la pièce porte une devise caractéristique du régime en cours et sa valeur faciale; on y relève les marques de l’atelier monétaire et du graveur responsable de la fabrication, la date de frappe; on en prend aisément la dimension. En se reportant à un document officiel, on a connaissance des caractéristiques de l’émission, des chiffres annuels de frappe. Sur des monnaies anciennes, tous ces éléments ne sont pas toujours réunis; légende, date, marques d’émission, d’atelier, de graveur, de directeur, d’artiste font parfois défaut. En l’absence des textes réglementant les caractéristiques d’une émission, chacun de ces éléments pose un problème en même temps qu’il est instrument d’identification de la monnaie elle-même. Toute étude numismatique porte donc sur la matière de la monnaie, son poids, sa dimension, sa valeur, la détermination du droit et du revers; elle déchiffre et transcrit les légendes (du droit, du revers, de la tranche), décrit les types, fait le relevé des signes particuliers (marques, appelées différents, de l’émission, de l’atelier monétaire, du directeur et du graveur de celui-ci, signature de l’artiste).

Métal

Une monnaie est d’abord un morceau de métal, appelé flan, pesant le poids voulu. Selon le métal employé et selon son titre la monnaie possède une valeur intrinsèque. Différentes méthodes sont utilisées pour connaître la composition du métal et le titre: analyse chimique et microchimique, mesure de la densité de l’alliage, analyses superficielles (spectrographie, fluorescence), analyses par activation neutronique. L’hétérogénéité du métal, l’enrichissement superficiel ou en profondeur des pièces empêchent d’obtenir des résultats aussi précis qu’on le souhaiterait. L’analyse chimique, étant destructrice, ne peut être couramment pratiquée. Il semble qu’il reste toujours un écart entre le titre déterminé et le titre primitif. Pourtant des résultats satisfaisants sont acquis: identification de faux et d’imitations, détermination des différentes sources du métal utilisé, confirmation ou infirmation d’un classement, chronologie précise d’une dévaluation.

Poids et dimension

Quel que soit son degré de conservation, après circulation, thésaurisation dans le sol, après rognage (la monnaie ne reçoit de forme correctement ronde et sa tranche n’est cannelée et ne reçoit d’inscription qu’à l’époque moderne), une pièce de monnaie ne pèse jamais son poids originel. Le flan n’est d’ailleurs fabriqué pièce à pièce (al pezzo ) que s’il est de métal très précieux, sinon il est fabriqué (on dit taillé) dans un lingot d’un poids donné (poids d’un marc au Moyen Âge qui varie selon les pays). Une collection de flans est ainsi tirée du lingot (les textes indiquent le nombre à tailler); le poids des flans est approximatif dans les limites d’une tolérance fixée de façon que, «le fort portant le faible», l’ensemble ait le poids du marc. En l’absence de textes précisant ce poids, l’on cherche à connaître le poids légal théorique d’une pièce à partir d’exemplaires connus. L’utilisation de méthodes statistiques permet d’obtenir une connaissance non rigoureuse du poids originel. Elle ne serait juste que dans la mesure où lui serait appliquée une correction exacte correspondant à l’usure des monnaies. Celle-ci, dont on essaie de fixer un pourcentage moyen, n’est guère facile à déterminer, car elle varie selon la nature de la pièce et sa circulation. Les courbes de fréquence ont l’intérêt de faire apparaître une différence dans le poids de monnaies considérées comme identiques jusque-là.

Il est difficile, également, avant que la monnaie ait un flan régulier, la protégeant de tout rognage, de donner à une pièce sa dimension exacte; le diamètre du grènetis extérieur, si la pièce en possède, peut y suppléer.

Valeur

Métal, poids, dimension précisent la matière dont est faite la monnaie, le système métrologique auquel elle est rattachée, la forme qu’elle prend. Le nom qu’elle porte, sa dénomination, traduit ces trois éléments en même temps qu’il exprime la valeur de la pièce. Si celle-ci a été parfois indiquée pendant l’Antiquité et au Moyen Âge, ce n’est que très tardivement dans l’époque moderne qu’une pièce porte sa valeur faciale. Mais le pouvoir libératoire d’une monnaie ne dépend pas entièrement de sa valeur intrinsèque, elle n’en dépend plus du tout lorsque celle-ci est nulle (monnaie fiduciaire, papier-monnaie, monnaie de nécessité). Sa valeur est fixée par l’autorité qui l’émet. Pourtant le poids et le métal précieux dont ont été faites les monnaies, de l’Antiquité à des jours encore récents, commandent en partie cette valeur. La frappe d’une monnaie profitant au pouvoir émetteur, celui-ci se doit de fabriquer une pièce qui lui rapporte plus que le coût de la fabrication. Aussi sera-t-il amené, selon les cas, à varier le titre, le poids et la valeur nominale, parfois les trois en même temps. Ce sont là trois sortes de mutations monétaires, connues par les textes ou après examen des pièces, et dont les causes sont diverses: besoin grandissant de monnaie (phénomène de monétisation de l’économie), manque de métal ou cherté de celui-ci, fluctuation, à l’échelle internationale, du rapport des deux métaux précieux, or et argent. La valeur d’une pièce s’exprime, si l’on prend l’exemple du Moyen Âge, dans un système de compte adopté depuis Charlemagne et persistant encore dans certains pays: compte en livres (une livre valant vingt sous ou deux cent quarante deniers), en sous (un sou valant douze deniers), et en deniers. En dehors du denier, ni la livre ni le sou (qui tire son nom d’une pièce d’or créée par Constantin, subsistant dans l’empire byzantin, mais disparue en Europe occidentale) ne sont des monnaies réelles. La monnaie de compte s’établit à partir du denier réel: livre de deniers parisis, de deniers tournois, provinois, esterlins..., chacune possédant un taux de change équivalant à celui du denier correspondant (cinq livres tournois valent quatre livres parisis, le denier tournois étant les quatre cinquièmes du denier parisis). La monnaie de compte n’est donc qu’une monnaie fictive, fantôme, par rapport à laquelle une monnaie prend sa valeur. Une monnaie peut équivaloir à la monnaie de compte: le gros de Saint Louis est émis à douze deniers, soit un sou, le franc de Jean le Bon, le premier franc, à vingt sous tournois, soit une livre. Mais cette parité ne dure pas. Dans la réalité, un paiement, évalué en monnaie de compte, est effectué en monnaies réelles très diverses. À l’origine d’une monnaie de compte, il existe toujours une monnaie réelle: tel le florin, ou d’autres monnaies de grande valeur, aux XIVe et XVe siècles. On conçoit le besoin éprouvé, dès l’Antiquité, de changeurs, de banquiers, et la création d’ateliers aux endroits propices d’un pays (marchés, foires, frontières) où l’on porte des monnaies qui sont fondues et en échange desquelles on reçoit les monnaies sorties de l’atelier.

Ainsi, à partir de ces premiers éléments, se dessine le mécanisme même de l’émission d’une monnaie. Ils sont essentiels à la connaissance de celle-ci si les textes monétaires font défaut.

Technique de fabrication

Par le procédé de la frappe (les monnaies occidentales, à de très rares exceptions près, ne sont pas coulées, à la différence de celles d’Extrême-Orient), le flan reçoit en relief les empreintes gravées en creux des deux matrices entre lesquelles il a été placé; ces matrices, l’une étant fixe et l’autre mobile, sont appelées des coins. Le côté du flan qui reçoit l’empreinte du coin mobile est appelé le revers de la pièce. On s’accorde à décrire une pièce de monnaie en commençant par le côté qui porte le nom ou le symbole de l’autorité émettrice et que l’on appelle le droit. Il n’est pas certain que le droit, tel qu’il est décrit, coïncide toujours avec le droit tel qu’il est frappé. Si l’on sait que le coin fixe s’use moins que le coin de revers et que le nombre des coins de revers est donc plus élevé que celui des coins de droit, il est possible de déterminer quel est le côté de la pièce qui provient du coin fixe. C’est en effet sur les pièces existantes que l’on décèle leurs coins d’origine. Sur différents exemplaires sortant d’un même coin, de droit ou de revers, on peut suivre l’usure grandissante du coin. En examinant les deux côtés des pièces d’une même émission et sorties d’un même atelier, on détermine les coins d’où elles proviennent; ainsi saisit-on la suite chronologique théorique d’une frappe: monnaies provenant d’un premier coin de droit et d’un premier coin de revers, du même coin de droit et d’un second coin de revers, d’un second coin de droit et du même second coin de revers, du même second coin de droit et d’un troisième coin de revers et ainsi de suite. À un coin de droit correspondent deux ou trois coins de revers d’après les témoignages apportés aussi bien par les monnaies antiques que par les monnaies médiévales. Les liaisons de coins prouvent la succession de types différents, montrent le passage d’un règne à un autre, expliquent le remploi d’un coin à un moment donné d’un monnayage, prouvent l’existence d’un atelier central de fabrication et d’ateliers secondaires, d’alliances monétaires entre États et villes. Aussi bien pour l’Antiquité que pour le Moyen Âge, on avance le chiffre de dix mille ou seize mille pièces, pour la production d’un coin de droit. Connaissant la production et le nombre de coins employés, il serait facile de calculer la production d’un atelier et de là, le volume de tout un monnayage. À partir de coins existants, on calcule d’après les monnaies subsistantes le nombre de coins restant inconnus. Mais il n’est pas prouvé qu’il soit frappé autant de pièces qu’un coin peut en produire.

L’examen de la position relative des deux coins au moment de la frappe peut être fructueux. L’ajustage des deux coins, c’est-à-dire lorsqu’ils sont toujours dans la même position l’un par rapport à l’autre (en faisant tourner une pièce autour de son axe vertical, le revers apparaît toujours dans la même position par rapport au droit, soit parallèle et de même direction, soit parallèle et de direction inverse, soit perpendiculaire), permet de déceler les caractéristiques habituelles d’un atelier: leur abandon prouve que cet atelier n’est plus placé dans les mêmes conditions de frappe et l’on décèle généralement les indices d’une frappe hâtive ainsi qu’une dégénérescence du style des pièces. La forme de la tranche des flans peut être aussi caractéristique d’un atelier.

Légendes et types

L’identification du pouvoir émetteur n’est pas immédiate: il faut en reconnaître le symbole ou le nom. Si la monnaie ne porte aucune date, le nom lui-même pose un problème: plusieurs princes portent le même nom suivi de la même titulature. Si ce nom n’est pas suivi d’un numéro d’ordre, il faut recourir à d’autres éléments de la monnaie pour identifier le monarque (style, types, marques) ou à l’étude comparée des trésors monétaires. Si deux princes de même nom se suivent et que leurs pièces soient au même type, il est possible que l’on ne puisse départager entre les pièces de l’un et de l’autre. Le phénomène d’immobilisation peut jouer également: des pièces ont été frappées, parfois sur deux ou trois siècles, avec le même nom de prince, les mêmes légendes et les mêmes types. Des différences de style, de métal, de poids, quelques variantes dans les légendes, une étude de coins, la place de ces pièces au sein de trésors monétaires permettent de résoudre le problème.

Le déchiffrement des légendes (inscriptions) et des types (figures) est révélateur d’un régime en cours dans tel pays ou telle ville, de l’usurpation du droit régalien de la frappe, d’une imitation par une autorité rivale. Une légende annonce une victoire, une conquête, une annexion; un type est le symbole d’une politique, la manifestation d’un culte; un portrait, l’œuvre d’un artiste, la représentation d’une œuvre d’art aujourd’hui disparue, aussi bien qu’une indication sur l’évolution de la coiffure féminine en tel siècle et en tel pays. D’autres légendes et d’autres types peuvent être surfrappés sur des pièces existantes, dont les types et légendes restent apparents, servant de flans aux nouvelles monnaies. Ces surfrappes dénotent un manque de métal, une hâte à frapper de nouvelles pièces pour se procurer aux moindres frais de nouvelles ressources; elles sont des éléments sûrs de la chronologie des émissions. Par les contremarques qu’elle y appose, une autorité valide des monnaies plus anciennes ou qui ne lui ressortissent pas. C’est aussi l’indice d’un besoin immédiat de numéraire et de ressources.

La numismatique et les autres sciences historiques

Reflet du pouvoir qui les émet et de la société qui les utilise, les monnaies sont parfois les seules sources de leur histoire, de leur existence même, elles révèlent une ville, un souverain, inconnus par ailleurs; elles sont de précieux documents en matière d’histoire politique, institutionnelle, économique, religieuse, sociale et artistique. Mais les monnaies ne sont le plus souvent que l’illustration d’une histoire, leur importance variant en fonction des autres documents historiques existants. Elles-mêmes ne peuvent être étudiées sans recours aux documents écrits, non seulement les archives monétaires, mais toutes sortes de documents qui les mentionnent (inscriptions, chartes, actes notariés, livres de comptes, de changes, mercuriales, annales, chroniques, récits de voyageurs). Elles ont besoin d’être situées dans le contexte de l’histoire générale.

Trouvailles et trésors

L’objet de la numismatique ne se réduit pas à la description des pièces conservées dans les collections particulières ou publiques. L’examen des monnaies trouvées isolément, recueillies lors de fouilles, représente une partie importante des études numismatiques.

Une monnaie trouvée par hasard peut être l’indication de sa circulation dans la région où elle a été découverte, à condition que sa présence ne soit pas aberrante. Le relevé des trouvailles de monnaies isolées est plus instructif: il précise la circulation des pièces dans une région, il permet de localiser un atelier et de lui attribuer les pièces, d’identifier le site d’une ville. Confirmées par les trésors, les trouvailles isolées retracent les routes commerciales. L’existence de monnaies trouvées isolément au cours d’une fouille témoigne de leur emploi ou de leur venue au cours de l’occupation du site. Concurremment avec la céramique, ces monnaies offrent à l’archéologue un moyen de dater certaines parties du ou des bâtiments mis au jour; grâce à elles, certains objets, restés jusque-là de date imprécise, sont parfaitement datés, à condition que monnaies et objets aient été découverts ensemble dans un contexte archéologique bien défini. L’état de conservation des monnaies peut être précieux pour dater l’occupation du site: des études sont faites pour donner à chaque pièce, selon son degré d’usure et sa place dans l’ensemble, un indice de circulation, c’est-à-dire son temps de circulation.

La masse des monnaies découvertes au cours des fouilles de grands sites archéologiques, notamment les sites antiques, comme Antioche, Athènes, Corinthe, Doura-Europos, Suse, est un matériel exploité par les numismates et les historiens. Il est composé de monnaies trouvées isolément ou groupées et de trésors monétaires. Mais il faut distinguer entre les pièces de grande valeur et les pièces de faible valeur. La pièce de valeur se conserve, elle n’est pas perdue, aussi fait-elle partie des trésors monétaires découverts lors des fouilles plutôt qu’elle ne figure parmi les monnaies isolées. Il est fréquent que, parmi les pièces de valeur trouvées isolément, certaines se révèlent être des faux, monnaies fourrées pour la plupart. La petite monnaie, de faible valeur, perdue plus facilement, compose la majeure partie des trouvailles de monnaies isolées ou groupées. Elle est la monnaie des petits échanges et elle apporte des renseignements utiles sur la circulation et les ateliers locaux, ainsi que sur la fréquentation de la cité par les voyageurs étrangers ou les contacts des citoyens avec d’autres cités étrangères. Elle est une source de l’histoire locale. La monnaie de grande valeur est celle du grand commerce et sa présence sur le site est l’indication de courants commerciaux importants. En prenant la précaution de distinguer entre ces deux sortes de monnaies, en sachant que certaines émissions ont été longues ou courtes, on peut tenter, à partir du matériel catalogué d’un ou de plusieurs sites, d’évaluer la production d’un ou de plusieurs ateliers et de déterminer les moments fortunés ou misérables de la vie d’une cité.

Un trésor monétaire est un ensemble de monnaies collectées intentionnellement et cachées au cours de circonstances diverses, à tout jamais perdues par son propriétaire et découvertes fortuitement. Ce trésor livre tout un matériel d’étude: pièces inconnues jusqu’alors, variantes inédites, pièces abondantes alors qu’elles étaient jusqu’à cette découverte réputées rares. Grâce à ce matériel, de nouvelles identifications sont faites, des chronologies précisées. Il se compose de pièces frappées peu avant la perte du trésor et d’autres, plus anciennes, remontant parfois à une centaine d’années. Il est daté à partir des pièces les plus récentes. Ce peut être un simple pécule de quelques pièces, bourse perdue, économies du moment cachées à la hâte devant l’envahisseur. Il est des trésors dont la composition révèle la volonté manifeste de thésaurisation de la part du propriétaire: n’y figurent que les monnaies les plus lourdes et de grande valeur; le trésor est parfois multiple: le propriétaire l’a placé en plusieurs pots, répartissant entre ceux-ci les pièces de différentes valeurs. On ne peut donc affirmer qu’avec précaution qu’un trésor est le reflet de la circulation monétaire à l’époque et dans la région de son enfouissement. De là vient la nécessité de ne mener l’étude d’un trésor qu’en le comparant à d’autres trésors de même époque et de même région. De cette comparaison il pourra ressortir que le trésor est aberrant, qu’il a été enfoui par un étranger de passage, marchand ou pèlerin. Ainsi comparés, les trésors sont les indicateurs d’une circulation monétaire restreinte ou à longue distance, ils jalonnent les routes de commerce ou de pèlerinage, témoignent de la fuite de la bonne monnaie devant la mauvaise. Ils sont aussi les indices de simples opérations militaires ou de guerres, d’invasions et de reconquêtes, dont parfois même ils fixent la chronologie.

4. Divisions de la numismatique

La numismatique se divise en numismatique antique, médiévale et moderne, d’une part, et en numismatique occidentale, orientale et extrême-orientale, d’autre part. La monnaie métallique occidentale est, en fait, née en Asie Mineure au cours du VIIe siècle avant J.-C. On entend par monnaies grecques toutes les monnaies frappées à partir de ce siècle par les villes grecques de la Méditerranée et toutes celles qui proviennent plus ou moins directement du monnayage grec. Le classement de ces monnaies, adopté universellement depuis le XVIIIe siècle, est géographique. Il part de l’Espagne et, par la Gaule, l’Italie, il embrasse tous les pays de la côte nord de la Méditerranée, l’Asie Mineure, va jusqu’en Perse, pousse même une pointe en Bactriane; par la Phénicie, la Palestine, l’Arabie, il revient vers l’ouest, abordant l’Afrique par l’Égypte, poursuivant par la Cyrénaïque; il se termine par la Zeugitane, la Numidie et la Maurétanie. Ce classement n’est guère satisfaisant: parmi ces monnaies grecques sont classées les monnaies perses de l’époque parthe, les monnaies celtes de l’Europe occidentale et centrale qui forme un monde à part. Quant aux monnaies appelées impériales grecques, qui furent frappées sous l’autorité des Romains dans les villes grecques conquises, on peut se demander si elles sont grecques ou romaines.

Les monnaies romaines de la République et de l’Empire composent le second volet des monnaies antiques. À partir de ce monnayage, les monnaies sont classées dans l’ordre chronologique.

Byzance ouvre le chapitre des monnaies médiévales, de la réforme d’Anastase (495) jusqu’à la conquête de Constantinople. Avec le démembrement de l’Empire romain apparaissent les monnaies des peuples barbares, suivies des monnaies de l’Empire carolingien. À partir de la fin du Xe siècle, la numismatique est nationale. Il faut y ajouter les monnaies de l’Orient latin (États francs de Syrie et de Palestine, de Grèce, de Chypre, de Rhodes et autres établissements nés des croisades), des colonies européennes et des pays nouveaux de l’Amérique et de l’Afrique.

La numismatique orientale comprend les monnaies musulmanes et les monnaies de l’Inde. Les monnaies de l’Extrême-Orient diffèrent des monnaies occidentales par leurs formes et leurs dimensions variées du fait qu’elles sont coulées: on citera les monnaies de Chine, du Japon, de Corée, de l’Indochine et de la Malaisie.

numismatique [ nymismatik ] adj. et n. f.
• 1740; lat. numisma, var. de nomisma, mot gr. « monnaie »
Didact.
1Relatif aux monnaies, aux médailles; à leur connaissance. Recherches numismatiques.
2 N. f. (1803) Connaissance, science des médailles et des monnaies. La numismatique antique.

numismatique nom féminin (latin numisma, du grec nomisma, monnaie) Science qui traite de la description et de l'histoire des monnaies, médailles, jetons et méreaux. ● numismatique adjectif Relatif aux monnaies et médailles.

numismatique
n. f. et adj. étude, science des monnaies et des médailles.
|| adj. Recherches numismatiques.

⇒NUMISMATIQUE, adj. et subst. fém.
I.Adj., vx. Relatif aux monnaies anciennes et aux médailles ou à la science qui les étudie. Science numismatique (Ac.). Les recherches savantes de l'abbé Barthélemy (...) ne laissent plus à désirer (...) qu'une preuve de l'utilité réelle, ou même de l'existence de cette science numismatique (JOUY, Hermite, t.3, 1813, p.149). Le bon M. Franchetti (...) me présente aux bibliothécaires de Brera et à M. Cattaneo, Directeur du cabinet numismatique (MICHELET, Journal, 1830, p.71).
En partic. Dessiné, profilé comme sur une monnaie ou une médaille. Quand il parle, l'action est au comble (...) profil antique et numismatique, profil de l'avocat tout cicéronien (SAINTE-BEUVE, Poisons, 1869, p.94). Il avait une de ces belles têtes «numismatiques», qui semblent faites pour être frappées en médailles (VERNE, Île myst., 1874, p.10).
II.Subst. fém.
A. —Science ayant pour objet l'étude des monnaies anciennes ou contemporaines, des espèces monétaires, des médailles, des jetons, des oboles. Société, bulletin de numismatique; les spécialistes de numismatique. L'histoire et la numismatique rendent l'étude de la géographie moins laborieuse, quoiqu'elles paraissent la compliquer (JOUBERT, Pensées, t.1, 1824, p.459). On trouve même à Bourges un savant qui s'occupe de numismatique avec zèle et science, c'est M. Mater (STENDHAL, Mém. touriste, t. 1, 1838, p.360):
1. Maintenant il s'adonnait à l'agriculture, à la politique et aux affaires; mais il aimait chèrement la numismatique, et ses mains élégantes avaient besoin de toucher des médailles.
A. FRANCE, Mannequin, 1897, p.25.
B. —Émission, frappe des monnaies ou des médailles. Quelques siècles plus tard elle s'attaque à des modèles issus eux aussi de la numismatique hellène (HUYGHE, Dialog. avec visible, 1955, p.188):
2. ... il a dans la Syrie du Nord jeté les bases d'une tradition dynastique durable, déjà adaptée au milieu —la numismatique de Tancrède est ici le symbole de son oeuvre —les légendes sont en langue grecque; le chef normand est représenté dans un costume en partie byzantin, en partie musulman...
GROUSSET, Croisades, 1939, p. 92.
REM. Numismatographie, subst. fém. Description des monnaies et des médailles (d'apr. ADELINE, Lex. termes art, 1884, p.210).
Prononc. et Orth.:[nymismatik]. Att. ds Ac. dep.1762. Étymol. et Hist. A. Adj. 1. 1579 «qui concerne la monnaie» (A. LE POIS, Discours sur les medalles et graveures antiques, f° 35 v° ds GDF. Compl.); 2. 1740 [éd.] science numismatique (Mém. de Trévoux, juin, 2e partie, p.1190). B. Subst. fém. 1. 1803 «science des médailles» (WAILLY). 2. 1939 «émission, frappe des monnaies ou des médailles» (GROUSSET, loc. cit.). Dér. de numisma, numismatis «pièce de monnaie, monnaie», empr. au gr. «id.»; suff. -ique. Fréq. abs. littér.:14.

numismatique [nymismatik] adj. et n. f.
ÉTYM. 1579; du lat. numisma, var. de nomisma, mot grec « monnaie ».
1 Adj. Relatif aux monnaies, aux médailles, à leur connaissance. || Recherches numismatiques. || Étudier une monnaie du point de vue numismatique.
1 (Cyrus Smith). Véritable Américain du nord, maigre, osseux, efflanqué, âgé de quarante-cinq ans environ, il grisonnait déjà par ses cheveux ras et par sa barbe, dont il ne conservait qu'une épaisse moustache. Il avait une de ces belles têtes « numismatiques », qui semblent faites pour être frappées en médailles, les yeux ardents, la bouche sérieuse, la physionomie d'un savant de l'école militante.
J. Verne, l'Île mystérieuse, t. I, p. 13.
2 N. f. (1803). Connaissance, science des médailles et des monnaies comme témoins des civilisations. || Vocabulaire de la numismatique, termes de numismatique. Médaille, monnaie.
2 (…) si l'histoire de la monnaie ressortit à la science économique (…) la numismatique, en toute rigueur, est une science qui s'attache non pas à des phénomènes sociaux (…) mais à des objets (…) Le champ de la numismatique (…) demeure immense parce que (…) la monnaie revêt dans l'Antiquité surtout (…) des aspects infiniment variés (…) elle est une mine de renseignements sur l'histoire des religions, des mœurs, de l'art, des rapports sociaux ou commerciaux, sur la civilisation, sur la politique.
Jean Babelon, la Numismatique antique, p. 7.
tableau Noms de sciences et d'activités à caractère scientifique.
DÉR. Numismate.

Encyclopédie Universelle. 2012.