NÉGRIER
NÉGRIER
Terme qui désigne l’homme prenant part personnellement au commerce des esclaves noirs d’Afrique, ainsi que le bâtiment servant à leur transport.
Les Noirs d’Afrique destinés à l’exportation étaient généralement rassemblés et acheminés jusqu’à la côte par des négriers noirs ou parfois même arabes. Les acheteurs étaient européens ou arabes, selon les régions, et ils employaient souvent des agents ou des experts noirs pour les aider dans leurs tractations avec les autorités locales ainsi que dans les différentes opérations de troc, de chargement et aussi de ravitaillement en eau potable.
Les commandants et les équipages des navires de transport étaient aussi qualifiés de négriers, de même que les agents ou commerçants consignataires qui prenaient en charge le débarquement et la vente des esclaves arrivés à destination.
Monopole d’État ou de compagnies nationales, aussi bien en Afrique (de fait, sinon dans la forme) qu’en Europe et dans les colonies européennes d’Amérique, le commerce des esclaves africains fut de tout temps, et spécialement aux XVIIe et XVIIIe siècles, extraordinairement structuré, hiérarchisé, contrôlé et taxé à chaque stade. Le nombre des négriers, qu’ils fussent africains, arabes ou européens, était donc élevé, mais sans commune mesure avec celui des fonctionnaires, hommes de gouvernement, banquiers, propriétaires fonciers, armateurs, pour ne pas parler de la foule des artisans des ports, engagés eux aussi, mais indirectement, dans le commerce des Africains.
Il fallut attendre les campagnes du XIXe siècle en faveur de l’abolition de l’esclavage et de la traite pour que «négrier» prenne un sens nettement péjoratif. Les négriers eux-mêmes préféraient le terme de traitant, plus neutre, ou, encore mieux, de négociant, prémices d’une certaine pudeur, sinon de gêne, à s’avouer marchands d’esclaves.
négrier, ière [ negrije, ijɛr ] adj. et n. m.
• 1685; de nègre
1 ♦ Relatif à la traite des Noirs; qui s'occupait de la traite des Noirs. Capitaine, vaisseau négrier.
2 ♦ N. m. Celui qui se livrait à la traite des Noirs, marchand d'esclaves. — Par anal. Personne qui traite ses employés comme des esclaves.
♢ Navire qui servait à la traite des Noirs. Les négriers nantais.
● négrier nom masculin Personne qui faisait la traite des Noirs. Bâtiment qui servait à ce commerce. Employeur qui traite ses employés comme des esclaves. ● négrier, négrière adjectif Relatif à la traite des Noirs : Navire négrier.
négrier, ère
adj. et n. m.
rI./r adj. Qui a rapport à la traite des Noirs; qui se livre, qui sert à la traite des Noirs. Capitaine négrier. Navire négrier.
rII./r n. m.
d1./d Celui qui faisait la traite des Noirs.
— Navire qui servait à faire la traite des Noirs.
d2./d Fig. Chef d'entreprise dur et âpre comme un marchand d'esclaves.
⇒NÉGRIER, -IÈRE, adj. et subst. masc.
A. —(Navire) qui transportait des esclaves noirs. Il voyait embarquer des esclaves sur un bâtiment négrier qui allait bientôt quitter le port (DURAS, Ourika, 1824, p.26). Notre navire était un négrier, Et dès qu'on fut au large, on ne tint plus secrète L'intention d'aller là-bas faire la traite (COPPÉE, Poés., t.2, 1878, p.269).
B. —(Armateur, marchand) qui transportait, faisait le commerce des esclaves noirs. Je vends mes noirs à bon compte, et j'ai fait ainsi le bonheur des colons, de mon équipage, mais par-dessus tout j'ai puni un infâme négrier comme toi, qui vend ses frères, ainsi que des bestiaux (SUE, Atar-Gull, 1831, p.14). Il avouait d'ailleurs avoir été négrier; se déclarant esclavagiste par humanité (ARÈNE, Veine argile, 1896, p.156):
• ♦ Enfin la traite des noirs rapportait gros: en 1780, on jugeait que les «négriers» de Liverpool gagnaient 300 000 livres sterling par an; de 1783 à 1793, ils armèrent de 110 à 120 navires qui vendirent plus de 300 000 esclaves dont le prix dépassa 15 millions de livres sterling.
LEFEBVRE, Révol. fr., 1963, p.28.
— P.anal.
1. Personne qui traite durement ses subordonnés, ses collaborateurs. Les directeurs [de théâtre] (...) tel cet affreux Koening que nous a dépeint Léon Daudet, véritable négrier, toujours l'injure à la bouche (MORAND, Excurs. immob., 1944, p.144).
2. Personne qui embauche des nègres (v. ce mot I B 4 a). Un érudit (...) assumait la responsabilité de la collection vis-à-vis du négrier qui lui donnait généreusement 400 francs par volume (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p.381).
3. Personne qui fait commerce d'une main-d'oeuvre exploitée sans limites. Mais il y a pire encore: les «négriers» qui embauchent des gars pour les louer à des entreprises (Le Nouvel Observateur, 15 déc. 1969, p.31, col. 3).
C. —Adj. Relatif au trafic des esclaves de race noire. Ils ne travaillent plus pour la traite ni pour la marine. La vraie Nantes négrière du XVIIIe siècle, l'île Feydeau, est déserte (MICHELET, Journal, 1853, p.213). Les Africains réduits en esclavage n'ont pu maintenir dans leur nouvel habitat les structures sociales de lignage, de classe ou de village, que le trafic négrier avait détruites (Traité sociol., 1968, p.328).
— P.anal. Relatif à l'embauche, au traitement des travailleurs immigrés dans les pays occidentaux. Aujourd'hui, avec 800 000 étrangers sur son sol, la Suisse vient en tête et de loin —au côté du Luxembourg —dans la liste des pays «négriers» du XXe siècle européen. On peut dire qu'à l'heure actuelle, un travailleur sur trois y est étranger (L'Express, 20 mars 1967, p.63, col. 2).
Prononc. et Orth.:[], fém. [-]. Att. ds Ac. dep. 1798. Étymol. et Hist. A. Adj. 1. 1685 capitaine négrier (Doc. in MOREAU DE SAINT-MÉRY, Loix et Constitutions des Colonies françoises de l'Amérique sous le vent, t.1, p.407 ds ARV., p.365); 2. 1730 navire négrier, vaisseau négrier (SAVARY). B. Subst. 1. 1801 «navire qui sert au commerce des nègres» (MERCIER Néol. Suppl.); 2. a) 1831 «marchand d'esclaves» (SUE, loc. cit.); b) 1837 «chef d'entreprise qui traite ses employés comme des esclaves» (VIGNY, Journal poète, p.1060). Dér. de nègre; suff. -ier. Fréq. abs. littér.:47. Bbg. KEMNA 1901, p.77.
négrier, ière [negʀije, ijɛʀ] adj. et n.
ÉTYM. 1685, n. m. « capitaine d'un navire de traite »; de nègre.
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1 Adj. (1829). Relatif à la traite des noirs, qui s'occupe de la traite des noirs. || Capitaine, vaisseau négrier. || Littérature négrière.
2 N. m. Celui qui se livrait à la traite des noirs, achetait, transportait et vendait des esclaves noirs. ⇒ Courtier (en chair humaine), marchand (d'esclaves).
1 Au Brésil ! (…) Mon oncle m'a laissé dix lieues carrées de pays invendables, voilà pourquoi je possède encore cette habitation; j'y ai cent nègres, rien que des nègres, des négresses et des négrillons achetés par mon oncle (…) — Le neveu d'un négrier ! (…) Cydalise, mon enfant, es-tu négrophile ?
Balzac, la Cousine Bette, Pl., t. VI, p. 489.
2 Quand la traite des nègres fut défendue (…) le capitaine Ledoux devint un homme précieux pour les trafiquants de bois d'ébène (…) À son bord, les menottes et les chaînes, dont les bâtiments négriers ont provision, étaient fabriquées d'après un système nouveau, et soigneusement vernies pour les préserver de la rouille.
Mérimée, Mosaïque, IV.
♦ (1730). Navire servant à la traite des esclaves noirs.
♦ (XXe). Fig. Personne qui fait travailler ses employés, les personnes qui dépendent d'elle comme des esclaves. || Ce patron, ce régisseur, ce chef d'équipe est un (vrai, véritable) négrier.
3 Ce qu'étaient les régisseurs de l'époque, il faut l'avoir vu pour y croire. Des négriers.
F. Giroud, Si je mens…
Encyclopédie Universelle. 2012.