PAGANISME
PAGANISME
Païen, paganisme sont des mots de chrétien, des étiquettes que la religion montante attache aux religions déclinantes. Les chrétiens ont appelé paganisme le polythéisme antique, auquel les gens des campagnes (latin, pagani ) restèrent longtemps fidèles. Par extension, les théologiens ont réputé païennes toutes les formes religieuses qui ne sont ni juives ni chrétiennes; il y a hésitation pour l’islam, troisième religion du Livre: le Moyen Âge a parfois traité de païens les musulmans. Certains phénoménologues des religions ont essayé de définir le paganisme avec d’autres critères que ceux de l’histoire ou de la géographie et, bien entendu, ils ont retiré du mot toute pointe polémique. Selon eux, le paganisme est un mode d’appréhension du sacré (ou du divin) à travers des médiations purement naturelles: celles de la nature matérielle, de la nature vivante ou de la nature psychologique de l’homme (représentations des dieux sous formes cosmique, végétale, animale, humaine). À l’opposé, le judaïsme et, par dérivation, le christianisme seraient la visée d’un dieu sans figure (donc surclassant toute représentation), à travers une médiation active, volontaire, historique: le vouloir de ce dieu coïncide avec le vouloir effectif et efficient de ses témoins, de la communauté qui se consacre à lui et qui s’intitule «peuple de Dieu». Le paganisme en serait resté à une religion d’imagination, de représentation, tandis que le judéo-christianisme se serait élevé à une religion d’action, de révélation par et dans l’action d’un groupe qui fait l’histoire. Propagé dans des milieux syncrétiques, le christianisme a intégré néanmoins maints éléments païens; sa complexité actuelle renvoie à des sources hétérogènes (le judaïsme lui-même déborde mosaïsme et prophétisme).
Le lexique païen , paganisme , paganiser , n’appartenant qu’à la sphère d’influence du christianisme historique, il y a lieu, quand il s’agit d’autres religions, notamment celles du Moyen-Orient, de l’Orient, de l’Extrême-Orient, soit d’employer un autre vocabulaire (on prendra de préférence le leur), soit de signaler que le recours à une terminologie occidentale n’est qu’une concession à l’usage, non un critère absolu (il serait entaché d’ethnocentrisme).
paganisme [ paganism ] n. m.
• 1546; paienisme 1155; lat. ecclés. paganismus → païen
♦ Nom donné par les chrétiens de la fin de l'Empire romain aux cultes polythéistes. ⇒ gentilité, polythéisme. Le paganisme hellénique.
♢ Par ext. L'Antiquité gréco-romaine. « Dans le paganisme, où chaque État avait son culte et ses dieux, il n'y avait point de guerres de religion » (Rousseau).
● paganisme nom masculin (latin ecclésiastique paganismus, du latin classique paganus, païen) Nom donné par les chrétiens des premiers siècles au polythéisme, auquel les habitants des campagnes restèrent longtemps fidèles. Nom donné par les chrétiens à l'état d'une population qui n'a pas encore été évangélisée. ● paganisme (citations) nom masculin (latin ecclésiastique paganismus, du latin classique paganus, païen) Gilbert Keith Chesterton Londres 1874-Beaconsfield, Buckinghamshire, 1936 Le paganisme est une tentative pour atteindre les divines réalités sans le secours de la raison, et par la seule vertu de l'imagination. Paganism is an attempt to reach the divine reality through the imagination alone, in its own field reason does not restrain it at all. Manalive, V
paganisme
n. m. Nom donné, lors du triomphe du christianisme, aux religions polythéistes. Le paganisme romain.
— Par ext. Ce qui rappelle les tendances, les moeurs des païens.
⇒PAGANISME, subst. masc.
A. —Ensemble des religions polythéistes de l'Antiquité. V. muflisme ex. de Flaubert.
— En partic. Religions polythéistes de l'Antiquité gréco-latine. Il n'y a pas plus de rapports entre l'art florentin et celui des sculpteurs d'Athènes ou de l'Italie impériale qu'il n'y en avait entre la religion et le rythme social de la Florence du quinzième siècle et le paganisme gréco-latin (FAURE, Hist. art, 1914, p.377).
B. —Attitude religieuse, morale ou intellectuelle de celui qui s'inspire des religions polythéistes de l'Antiquité:
• ♦ ... c'est le souvenir même du moyen âge et de son christianisme qui donne cette ardeur et à la fois ce raffinement artistique au paganisme de plusieurs de nos contemporains. Si tout le moyen âge n'avait pleuré et saigné sous la Croix, Mme Juliette Lamber jouirait-elle si profondément de ses dieux grecs?
LEMAITRE, Contemp., 1885, p.161.
C. —P. ext. Manière d'être, de penser, d'un individu ou d'un groupe d'individus, caractérisée par l'absence de croyance en un dieu. Synon. athéisme, incroyance. Il y a du missionnaire dans tous les prêtres comme celui-là, quotidiennement en lutte avec le paganisme moderne des grandes villes (BOURGET, Actes suivent, 1926, p.63). Hélène ne remarquait pas que ma plus grande pudeur était justement celle de ce paganisme qu'elle étalait (GIRAUDOUX, Simon, 1926, p.79).
REM. Paganiste, subst., synon. rare de païen. —Oui, oui, disait-elle [Médée], j'ai toujours cru qu'il y avait dans mon père quelque chose d'olympien. Ne fût-ce que cette même et parcimonieuse loufoquerie que les dieux nous ont fait voir en ordonnant le monde. —Voyons, Médée, fit Jason, qui était bon paganiste (TOULET, Comme une fantaisie, 1918, p.146).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1546 paganisme Romain (PALMERIN D'OLIVE, trad. I. Maugin, a 2 a d'apr. H. VAGANAY ds Rom. Forsch. t.32, p.119); 2. 1570 «ensemble de comportements qui, s'opposant au christianisme, se rapprochent des tendances de la civilisation gréco-latine» (F.ANT. ESTIENNE, Remonstrance [...] aux dames [...] de France [...] pour les induire à laisser l'habit du paganisme et prendre celuy de la femme [...] chrestienne [titre] ds GDF. Compl.). Empr. au lat. chrét. paganismus «gentilité, paganisme» (St AUGUSTIN ds BLAISE Lat. chrét.); cf. le synon. de paganisme a. fr. paienime «terre païenne, pays des infidèles» (ca 1150, Charroi de Nîmes, éd. D. McMillan, 138), «religion des païens» (1160-74, WACE, Rou, éd. A. J. Holden, II, 1096), forme encore relevée ds HUG., adaptation du lat. d'apr. païen. Fréq. abs. littér.:295. Fréq. rel. littér.: XIXes.: a) 637, b) 293; XXes.: a) 473, b) 268. Bbg. ROBLIN (M.). Paganisme et rusticité. Annales. 1953, n°8, pp.174-183.
paganisme [paganism] n. m.
ÉTYM. 1546; paienisme, surtout « terre des infidèles »; lat. ecclés. paganismus, de paganus.
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1 Religion polythéiste, et, spécialt, polythéisme gréco-romain (dans le discours des chrétiens). ⇒ Gentilité, polythéisme; 1. gentil, païen. || Le paganisme hellénique (cit. 2). || Fêtes (cit. 4) chrétiennes et cérémonies du paganisme. || Les dieux du paganisme.
1 Le système de réfutation du paganisme qui fera la base de l'argumentation de tous les Pères se trouve déjà complet dans pseudo-Clément. Le sens primitif de la mythologie était perdu chez tout le monde; les vieux mythes physiques, devenus des historiettes messéantes, n'offraient plus aucun aliment pour les âmes. Il était facile de montrer que les dieux de l'Olympe ont donné de très mauvais exemples et qu'en les imitant on serait un scélérat.
Renan, Marc-Aurèle, Œ., t. V, V, p. 791.
♦ Par ext. L'antiquité gréco-romaine, considérée sous l'angle religieux.
2 Que si l'on demande comment, dans le paganisme, où chaque État avait son culte et ses dieux, il n'y avait point de guerres de religion; je réponds que c'était par cela même que chaque État, ayant son culte propre aussi bien que son gouvernement, ne distinguait point ses dieux de ses lois.
Rousseau, Du contrat social, IV, VIII.
♦ (1605). Ensemble des peuples païens.
2 (Déb. XXe). Littér. Doctrine, attitude intellectuelle semblable à celle que l'on prête à l'antiquité gréco-romaine : sensualité, amour de la vie et du beau.
3 Je sais bien ce qui a nui à Théophile Gautier : son paganisme, son amour exclusif de la forme, son art de dur ciseleur.
Émile Henriot, les Romantiques, p. 201.
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CONTR. Christianisme.
COMP. Néo-paganisme.
Encyclopédie Universelle. 2012.