⇒GABER, verbe intrans.
Vieilli. Plaisanter, rire, moquer, railler. J'ai dépensé mon existence à courir sur les rochers faisant vingt articles et vingt romans par jour, riant, gabant (BALZAC, Corresp., 1830, p. 456). Vous m'offensez par vos vanteries insolentes (...) — Mes compagnons, dit-il, il est vrai que nous avons largement gabé (A. FRANCE, Contes Tournebroche, 1908, p. 13).
— En partic. Exagérer. Il y a déjà longtemps qu'on accuse les Français de gaber. Mais il est juste de dire que cet esprit d'exagération est souvent désintéressé; il dérive du désir habituel de produire un effet (MICHELET, Introd. Hist. univ. 1831, p. 452).
REM. 1. Gab, subst. masc., vieilli. a) Gageure fanfaronne et plaisante. Ils se mirent à gaber (...) et ils firent à l'envi des gageures (...) l'empereur fit le premier gab. Il dit : — Qu'on m'amène à cheval (...) le meilleur chevalier (A. FRANCE, Contes Tournebroche, 1908p. 5). b) Plaisanterie, facétie, jeu d'esprit. Toute une escouade d'ouvriers de la Creuse, qui choquaient leurs verres en parlant du pays et faisaient des gabs comme les douze pairs de Charlemagne (A. FRANCE, Étui nacre, Gestas, 1892, p. 147). 2. Gabeur, subst. masc. et adj., vieilli. Celui qui gabe, qui plaisante, se moque, qui aime rire. Cette horrible transformation d'un clerc joyeux, gabeur, rusé, fin, spirituel, goguenard, en notaire, la société l'accomplit lentement (BALZAC, Œuvres div., t. 3, 1840, p. 202). 3. Gabeler (se), verbe pronom. Se moquer, railler. Il a l'éloquence de Panurge, se gabelant sans pudeur de sa personne et de ceux qui l'ont nommé président (GONCOURT, Journal, 1892, p. 246).
Prononc. et Orth. : [gabe]. Ds Ac. 1694. Étymol. et Hist. Ca 1100 gaber « dire des plaisanteries » (Roland, éd. J. Bédier, 1781). Dér. de gab « plaisanterie, moquerie » (ca 1100, Roland, 2113), de l'a. nord. gabb « raillerie » cf. m. néerl. gabben « railler » (VERDAM), ou plutôt issu de l'a. nord. gabba « railler, se moquer de ». Mots apportés par les Vikings, leur adoption est sans doute à mettre en rapport avec la nuance spéciale d'ordre affectif qui s'y attachait (tandis que haine, honte, hargne, orgueil ... sont d'orig. frq.). Gab et ses nombreux dér. en a. fr. et en a. prov. tombent en désuétude à la fin du Moy. Âge avec la disparition de la chevalerie (v. VARILLAS, Hist. de Henry III, l. IV ds GDF. t. 4, pp. 197-198) pour ne plus survivre que dans les dial. (Ouest, francoprov., occitan); dans la langue littér., le verbe gaber a été repris, comme terme du Moy. Âge, au XIXe s. (cf. MICHELET, loc. cit.), cf. FEW t. 16, p. 3 et DEAF, col. 12-18. Bbg. JOURJON (A.). Rem. lexicogr. R. Philol. fr. 1915/16, t. 29, p. 232 (s.v. gab). - KRAEMER (E. von). Sém. de l'anc. fr. gab et gaber. In : [Mél. Nurmela (T.)]. Turku, 1967, pp. 73-90.
gaber [gabe] v. tr.
ÉTYM. 1080; de l'anc. scandinave gabba « railler », proprt « ouvrir grande la bouche » ou plutôt (Guiraud), le terme étant pan-roman, de la base méditerranéenne pré-indoeuropéenne gaba « gorge » (cf. aussi gobb- « enflé, gonflé »; → Gober, jabot).
❖
♦ Vx. Plaisanter (qqn). — Intrans. :
0 Voilà Lucien gabant, sautillant, léger de bonheur (…)
Balzac, Illusions perdues, Pl., t. IV, p. 605.
REM. Le mot est vivant en anc. franç., archaïque du XVe au XVIIe s., puis n'est plus attesté. Les exemples du XIXe s. sont des archaïsmes pittoresques.
❖
DÉR. Gabeur.
Encyclopédie Universelle. 2012.