⇒JE(-)NE(-)SAIS(-)QUOI, (JE NE SAIS QUOI, JE-NE-SAIS-QUOI)pron. indéf. et subst. masc. invar.
A. — Pron. indéf. Quelque chose qu'on ne peut ou qu'on feint de ne pouvoir préciser, définir ou exprimer nettement. Ces trivialités et ces sottises flattent je ne sais quoi de bas et de mauvais que nous portons au fond de notre âme depuis la chute originelle (LEMAITRE, Contemp., 1885, p. 318). Il y a dans les sages je ne sais quoi d'orgueilleux, quelque soin qu'ils mettent à se faire humbles et condescendants (RENAN, Avenir sc., 1890, p. 352). En ouvrant la porte à tâtons, j'ai dû casser quelque chose, un cadre, un vase, je ne sais quoi, cela craquait sous mes bottes... (BERNANOS, M. Ouine, 1943, p. 1382).
B. — Subst. masc. invar. Chose qu'on ne peut préciser, définir ou exprimer nettement. Le Je-ne-sais-quoi et le presque-rien, titre d'une œuvre de Vladimir Jankélévitch (1957). Ce Rod ineffable a souri (...) de la malheureuse Absence en moi du ton marquis, Du je-ne-sais-quoi polisson De bonne compagnie (VERLAINE, Œuvres compl., t. 3, Invect., 1896, p. 311) :
• Flick avait le cuir solide (...) il s'était tiré de l'aventure avec (...) un traînage de la quille gauche qui (...) ajoutait un je-ne-sais-quoi de piteusement misérable à ce qu'avait déjà sa personne de grotesque et de repoussant.
COURTELINE, Train 8 h 47, 1888 1re part, II, p. 20.
Prononc. : []. Étymol. et Hist. 1. Fin XIIIe s.ne sai quoi « quelque chose » (Chastelain de Coucy, éd. M. Delbouille, 2274); 2. a) 1531 je ne scay quoy « indéfinissable (un sentiment, une chose) » (EST., s.v. nescio (quid)); b) 1639 subst. (SOREL, Berger extravagant, l. VII, p. 57 ds BRUNOT t. 3, p. 67). Composé de je; ne; sais (forme de savoir) et quoi. Bbg. GUELLOUZ (S.). Le P. Bouhours et le Je ne sais quoi. Les Annales. Écon. Société. Civilisation. 1971, t. 7, n° 2, pp. 3-14. - JANKÉLÉVITCH (V.). Le Je-ne-sais-quoi. Paris, 1957, passim. - KOEHLER (E.). « Je ne sais quoi ». Rom. Jahrb. 1953-54, t. 6, pp. 21-59. - NAVARRO DE ADRIAENSENS (J.-M.). Je ne sais quoi : Bouhours-Feijoo-Montesquieu. Rom. Jahrb. 1970, t. 21, pp. 107-115. - SAUDER (G.). Empfindsamkeit... Stuttgart, 1974, 341 p. - SCHALK (Fr.). Nochmals zum je ne sais quoi. Rom. Forsch. 1974, t. 86, pp. 131-138. - SIMON (P.H.). Le Je-ne-sais quoi devant la raison classique. Cah. de l'Assoc. des ét. fr. 1959, t. 11, pp. 104-117. - THORMANN (W.-E.). Again the « Je ne sais quoi ». Mod. Lang. Notes. 1958, t. 73, pp. 351-355.
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♦ Vx (langue class.) ou allus. littér. Chose qu'on ne peut définir ou exprimer, bien qu'on en sente nettement l'existence ou les effets. ⇒ Chose (quelque chose). || Elle a un je ne sais quoi qui plaît. || Ce je ne sais quoi de flétri (cit. 22) dans son visage (→ Frémissant, cit. 6; exprimer, cit. 31). || « Ces je ne sais quoi qu'on ne peut expliquer » (→ Attacher, cit. 55, Corneille, et aussi amour, cit. 9, Corneille). — || « Un je ne sais quoi qui n'a plus de nom dans aucune langue » (→ Cadavre, cit. 2, Bossuet).
1 La cause (de l'amour) en est un je ne sais quoi (Corneille), et les effets en sont effroyables. Ce je ne sais quoi, si peu de chose qu'on ne peut le reconnaître, remue toute la terre, les princes, les armées, le monde entier.
Pascal, Pensées, II, 162.
2 Pourquoi aime-t-on une femme ? Bien souvent, cela tient uniquement à ce que la courbe de son nez, l'arc de ses sourcils, l'ovale de son visage, que sais-je ? ont ce je ne sais quoi auquel correspond en vous un autre je ne sais quoi qui fait le diable à quatre dans votre imagination.
Loti, Aziyadé, III, XL.
♦ Absolt. || « Le je-ne-sais-quoi et le presque-rien », essai de Vladimir Jankélévitch.
Encyclopédie Universelle. 2012.