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je

je [ ʒə ] pron. pers.
eo 842, puis jo et je; lat. ego
1Pronom personnel de la première personne du singulier, sans distinction de genre, en fonction de sujet. me, moi. Je parle. J'entends. J'habille. Je hais. Je me décide. Je ne viens pas. Je ne sais combien, pourquoi. je ne sais quoi. Je ne sais où. « Je puis dire des jours entiers je-t-aime sans pouvoir peut-être jamais passer à “je l'aime” » (Barthes). Je soussigné Untel certifie que... (Renforcé par moi) Moi, je viens. REM. En cas d'inversion, le e devient muet : Irai-je [ irɛʒ ]; Dis-je; Puis-je ?; Que vois-je ?; Puissé-je vous convaincre. Je est parfois remplacé par un nous de majesté ou de modestie.
2Fam. Avec la valeur d'une deuxième ou d'une troisième personne. Et je te pousse, et je te bouscule.
3 N. m. inv. Employer le je dans un récit, une autobiographie. Le « je » du narrateur. « Ce Je, accusé justement d'impertinence [...] implique cependant une grande modestie » (Baudelaire).
Philos. Le je : principe auquel l'individu attribue ses états et ses actes. ⇒ ego, moi.

je pronom personnel (latin ego) Forme atone du pronom personnel, sujet du verbe à la première personne du singulier, désignant le locuteur, la personne qui parle, sans distinction de sexe : Je mange. J'aime. Que dis-je ? Qu'ai-je fait ?je (citations) pronom personnel (latin ego) Samuel Beckett Foxrock, près de Dublin, 1906-Paris 1989 Je dis je en sachant que ce n'est pas moi. L'Innommable Éditions de Minuit Francis Ponge Montpellier 1899-Le Bar-sur-Loup 1988 Je : cette apparition mince et floue, qui figure en tête de la plupart de nos phrases. Réflexions sur les statuettes, figures et peintures d'Alberto Giacometti Gallimard Arthur Rimbaud Charleville 1854-Marseille 1891 Car Je est un autre. Si le cuivre s'éveille clairon, il n'y a rien de sa faute. Cela m'est évident : j'assiste à l'éclosion de ma pensée […]. Correspondance, à Paul Demeny, 15 mai 1871 Simone Weil Paris 1909-Londres 1943 Nous ne possédons rien au monde — car le hasard peut tout nous ôter — sinon le pouvoir de dire je. C'est cela qu'il faut donner à Dieu, c'est-à-dire détruire. La Pesanteur et la Grâce Plonje (difficultés) pronom personnel (latin ego) Emploi Inversion de je. Dans l’interrogation et l’exclamation, on ne peut employer je après un verbe dont la forme conjuguée n’a qu’une syllabe, sauf pour : ai-je ? dis-je ? dois-je ? puis-je ? suis-je ? vais-je ? vois-je ? En dehors de ces exceptions, on emploie est-ce que : est-ce que je sers ?est-ce que je dors ? - On évite également, pour des raisons d’euphonie, l’inversion de je après les verbes en -ge, même s’ils comportent plusieurs syllabes, et dans tous les cas où cette inversion peut prêter à équivoque : est-ce que je mange ? est-ce que je songe ?est-ce que je réponds ? (Et non : mangé-je ? songé-je ? réponds-je ?) → est-ce que. Registre La forme en employée avec je à la première personne de l’indicatif présent des verbes du premier groupe (et dussé-je, eussé-je, puissé-je), dans l’interrogation ou l’exclamation avec inversion du pronom, appartient au registre littéraire ou très soutenu. Le final du verbe se prononce ouvert (comme ait). Accord Si la personne qui dit je est une femme, l’adjectif qui s’y rapporte est toujours au féminin : je, soussignée Pierrette Audry, épouse Tarou... ● je (homonymes) pronom personnel (latin ego) jeu nom masculinje nom masculin Principe de la connaissance chez Hegel, par opposition au moi qui reflète la personnalité ; sujet qui parle, qui énonce, au titre de support de l'inconscient, chez Lacan.

je
pronom personnel sujet de la première personne du singulier, au masculin et au féminin. "Je pense, donc je suis" (Descartes). Où suis-je? Puissé-je réussir! - N. B.: Le e est élidé quand le verbe commence par une voyelle ou un h muet: j'écris, j'hésite.

⇒JE, pron. pers. et subst. masc.
I. — Pronom personnel non prédicatif (conjoint) de la 1re personne du singulier.
A. — [Dans un dialogue ou dans un discours] Celui, celle qui parle ou qui écrit; celui, celle qui dit « je ». Il dit : « Tiens! Tu travailles? » Je répondis : « J'écris Paludes » (GIDE, Paludes, 1895, p. 91). Je m'appelle Claudine, j'habite Montigny; j'y suis née en 1884; probablement je n'y mourrai pas (COLETTE, Cl. école, 1900, p. 7) :
1. Longtemps, je me suis couché de bonne heure. Parfois, à peine ma bougie éteinte, mes yeux se fermaient si vite que je n'avais pas le temps de me dire : « Je m'endors. »
PROUST, Swann, 1913, p. 3.
2. Je suis comme je suis
Je suis faite comme ça
Quand j'ai envie de rire
Oui je ris aux éclats
J'aime celui qui m'aime
Est-ce ma faute à moi
Si ce n'est pas le même
Que j'aime chaque fois
Je suis comme je suis
Je suis faite comme ça...
PRÉVERT, Paroles, 1946, p. 117.
B. — [Dans une syntaxe affective et familière, par syllepse de la pers., je remplace ou est remplacé par d'autres pronoms]
1. [Je remplace il/elle] :
3. Il ne sera content que lorsqu'il aura démonté le mécanisme. Il se brise lui-même les ongles à essayer de forcer les spirales. Et je te fouille... et je te tripote...
AUDIBERTI, Quoat, 1946, 2e tabl., p. 76.
2. [Je remplace tu] Une mère pourra dire à son enfant : Est-ce que j'aime toujours les gâteaux? (GREV. 1969, § 468).
3. Pop., vx. [Je remplace nous] —...Qu'est-ce que je peux faire pour vous, mesdames les épinceteuses — M'sieur Bertrand, je v'nons chez vous parce que j'osons pas aller trouver m'sieur Achille (MAUROIS, Bernard Quesnay, 1926, p. 33 ds DAM.-PICH. t. 6 1968 [1940]).
Rem. 1. Je est remplacé par nous, on. 2. Je est remplacé par le présentatif c'est : Moi, c'est Jean..., Jean Lévesque. Et toi, je sais toujours bien pour commencer que c'est Florentine... (ROY, Bonheur occas., 1945, p. 10).
C. — [Je a une valeur générique (je dis « je », parce que effectivement l'énoncé s'applique à moi, mais il s'appliquerait aussi bien à n'importe qui)] :
4. La conscience du devoir porte en elle le sentiment d'une obligation (...). Mais, si impérieux que soit ce commandement, il ne retire rien à la conviction que j'ai d'être libre, et me fait même sentir mieux qu'aucune autre épreuve la présence de ma liberté. Certes, du fait que je la conçois, la loi me commande, mais je sens qu'il dépend de moi de la suivre ou de la transgresser.
A. BRIDOUX, Morale, Paris, Hachette, 1945, p. 76.
D. — Syntaxe
1. Renforcement du suj. [Gén. dans un cont. fam. pour marquer un contraste avec qqn d'autre; je est précédé du pron. disjoint moi ou repris par lui]
Moi, je + verbe. Moi, je ne fis qu'un bond d'enthousiasme (CÉLINE, Voyage, 1932, p. 14). Louis est le plus pieux, Auguste le plus riche; moi je suis le plus intelligent (SARTRE, Mots, 1964, p. 4).
Je + verbe + moi :
5. — Puisque je vous dis que je paye la couleur, moi, toute la couleur; et que je paye le peintre, moi; puisque je vous dis que vous ne payez rien et que je paye tout, moi!
GIONO, Regain, 1930, p. 12.
2. Place du suj. [Je pron. atone est étroitement lié au verbe qui le suit — « Je pars, je bois » — et n'en est séparé que par l'adv. de négation ne — « Je ne pars pas » —, par un pron. pers. compl. atone — « Je le bois » — ou par les pron. adv. en et y — « J'en vois, j'y pars »]
Vieilli et littér. [L'expr. je soussigné, vestige de la lang. anc., où je, accentué, est séparé du verbe, fait exception] Je soussigné, ai l'honneur d'exposer à son Excellence le Ministre de l'Intérieur les faits qui suivent (HUGO, Corresp., 1830, p. 462) :
6. « Je soussigné donne et lègue aux enfants de ma sœur, Madame Ève Chardon, femme de David Séchard, ancien imprimeur à Angoulême, et de Monsieur David Séchard, la totalité des biens meubles et immeubles qui m'appartiendront au jour de mon décès (...) ».
BALZAC, Splend. et mis., 1846, p. 471.
3. Invers. du suj. [L'invers. du suj. se fait dans la lang. châtiée ou littér.]
a) [Selon la nature de la prop.]
[Dans des prop. interr.] Les hommes? Pourquoi les aimerais-je? Est-ce qu'ils m'aiment? (SARTRE, Mains sales, 1948, 5e tabl., 3, p. 212).
[Dans des prop. exclam.] Et d'ailleurs, étais-je niais d'avoir pris mes chimères pour des réalités! (BOURGET, Disciple, 1889, p. 137).
[Dans des prop. concessives] Cette partie, dont j'ai vu le début, et que j'ai suivie de jour en jour, je veux la suivre jusqu'au bout, et dussé-je en être victime (GIDE, Journal, 1943, p. 177).
[Dans des prop. incises] Le fait est, lui répondis-je, qu'il est déjà très mystérieux que deux et deux fassent quatre (VILLIERS DE L'I.-A., Contes cruels, 1883, p. 292).
[Après un adv. en tête de phrase] Sans doute craignais-je moins son influence depuis que j'aimais réellement et physiquement Cyril (SAGAN, Bonjour tristesse, 1954, p. 159) :
7. ... au cœur de la ville arabe, en vain cherchais-je une figure aimable où poser volontiers le regard et où raccrocher quelque espoir ...
GIDE, Journal, 1943, p. 231.
Rem. L'invers. est possible après aussi : Aussi ne me séparerai-je jamais d'Hélène (GIRAUDOUX, Guerre Troie, 1935, I, 4, p. 37) et certains adv. ou loc. adv. comme à peine, peut-être, tout au plus... Je est alors une syll. muette.
b) [Selon le temps du verbe]
[Avec les verbes à l'imp., au fut. et au cond., l'invers. se réalise aisément, ainsi qu'aux temps composés] Avouerai-je que dans cette église, je me suis senti aussi peu touché que dans une... (GREEN, Journal, 1935, p. 8). Qu'aurais-je dit? (VERCORS, Silence mer, 1942, p. 17). Mais ces hommes, me disais-je, vivent non des choses mais du sens des choses (SAINT-EXUP., Citad., 1944, p. 830).
Rem. Si le verbe est à un temps composé, le pron. je se place entre l'auxil. et le part. passé : À peine ai-je franchi la porte que Folcoche me réclame (H. BAZIN, Vipère, 1948, p. 266).
Rare. [Avec le passé simple] Encore une cave! ne pus-je m'empêcher de dire (DUHAMEL, Cri des profondeurs, p. 192 ds GREV. 1969, § 709).
[Au prés.]
♦ [Avec les verbes du 1er groupe, l'invers. est possible; le e muet final devient é que l'on prononce è] Exigé-je donc trop de moi? (GIDE, Porte étr., 1909, p. 589). Causé-je trop longuement avec un ami? (DUHAMEL, Les Plaisirs et les jeux, 1922, p. 175 ds R. LE BIDOIS, L'Invers. du suj. dans la prose contemp., Paris, D'Artrey, 1952, p. 56). Ne parlé-je pas d'eux comme autant d'adversaires? (COLETTE, Petit Parisien, 20 févr. 1941, p. 175 ds R. LE BIDOIS, L'Invers. du suj. dans la prose contemp., Paris, D'Artrey, 1952, p. 56).
Rem. 1. Quelquefois, surtout p. plaisant., la syll. finale reste muette. Père Ubu. — Que ne vous assom-je, mère Ubu! (JARRY, Ubu, 1895, I, 1, p. 35). En passant devant chez le docteur Castellant, je me suis dit « Ose-je?  » puis je n'ai pas osé (Mme EJ, 10 mars 1928 ds DAM.-PICH. t. 4 1969, § 1576). 2. L'adjonction de la finale en é peut entraîner des modifications phoniques ou graphiques : - aie > ayé : je paie > payé-je, j'essaie > essayé-je; - oie > oyé : je broie > broyé-je, je nettoie > nettoyé-je; - uie > uyé : j'essuie > essuyé-je, j'ennuie > ennuyé-je; - è...e > e...é : je mène > mené-je, je pèse > pesé-je; - è...e > é...é : j'altère > altéré-je, je désespère > désespéré-je. 3. Le verbe envoyer, rattaché quelquefois au 3e groupe, peut être traité comme tel : ou bien en envoie-je un? (ibid., § 1572).
♦ [Avec les verbes du 2e groupe, l'invers. semble exclue]
♦ [Avec les verbes du 3e groupe, je ne se prête bien à l'invers. qu'avec des verbes très usuels dont le prés. de l'ind. est monosyllabique à la 1re pers. (être, dire, avoir, faire, devoir, pouvoir, savoir, voir, vouloir)] Aussi ne fais-je que le prendre au mot en le traitant à peu près comme un inconnu (FROMENTIN, Dominique, 1863, p. 3). Ne pouvant plus à cause de mon travail tenir régulièrement mon journal, du moins veux-je m'astreindre à dicter chaque soir ce que je désire ne pas laisser s'évanouir complètement (DU BOS, Journal, 1921, p. 7). Ah! me dis-je, ce sont là les bruits du charroi (SAINT-EXUP., Citad., 1944, p. 830).
♦ [Avec les verbes à vocalisme nasal ou dont le rad. se termine par une liquide, on évite l'invers. du suj. au moyen de la périphrase est-ce que (cf. R. LE BIDOIS, op. cit., p. 35)]
Rem. Toutefois, on trouve des ex. où l'invers. peut être employée p. plaisant. Mais encore une fois, quel danger cours-je? (S. WEBER, Un Client peu sérieux, 1923 ds DAM.-PICH. t. 4 1969, § 1572). — Mais sacré au nom de D..., réponds-je..., vous un homme? (M. GEORGES-MICHEL, Chronique à la Rose, 1923, ibid.).
♦ [P. anal., avec les verbes du 1er groupe, on ajoute quelquefois un é aux rad. du 3e groupe] Aussi metté-je toujours quelques chiffons rouges dans ma parure pour que ma joie n'aille jamais trop loin (BALZAC, Peau chagr., 1831, p. 70). Sincèrement, connaissé-je le catholicisme (R. BAZIN, Charles de Foucauld, p. 87 ds R. LE BIDOIS, op. cit.). Ai-je cousu, coussé-je, coudrai-je dans du cuir? (COLETTE, Fanal, 1949, p. 28).
Rem. Ces formes dans lesquelles l'adjonction du é au rad. peut entraîner des modifications graph., sont considérées comme des barbarismes.
[Au subj., l'invers. ne se rencontre que dans certaines tournures figées (puissé-je, dussé-je, ...)] Puissé-je voir enfin des larmes Monter jusqu'à vos yeux (TOULET, Contrerimes, 1920, p. 9).
Rem. P. anal. on a pu écrire : Saché-je d'où provient, sirènes, votre ennui Quand vous vous lamentez, au large, dans la nuit? (APOLL., Bestiaire, 1911, p. 27).
4. Omission du suj.
a) [Je peut être omis dans la conversation fam. ou dans un style volontairement bref] Vous n'êtes pas sérieux. — Jure que si (H. LAVEDAN, Les Nocturnes p. 6 ds SANDFELD, t. 1 1965, § 11). — Sais pas (...) fait Bernard en se levant. Vais me coucher? Garçon! (MARTIN DU G., Devenir, 1909, p. 46).
b) [Dans une suite de verbes au même temps coordonnés et ayant le même suj.] Après les paroles du commandant, je saluai et me dirigeai vers la lucarne (BORDEAUX, Fort de Vaux, 1916, p. 249).
Rem. 1. Les grammairiens recommandent l'omission si les verbes sont réunis par ni : Je ne l'aime ni ne l'aime pas (GYP, Leurs âmes, 1895 ds SANDFELD t. 1 1965, § 15). Cependant, on trouve des ex. de répétition même dans ce cas : — N'exagérez pas. — Je n'exagère ni je n'oublie (CAPUS, ARÈNE, L'Adversaire, II, 1, ibid.). 2. Si les verbes ne sont pas au même temps, les grammairiens recommandent la reprise de je : Je ne l'ai pas déchirée [la lettre] et je te l'envoie (BOURGET, Lazarine, 1917, ibid.). Mais je est souvent omis : Je suis résolu à servir mon parti, et ne me laisserai pas arrêter par des réactions psychologiques (MALRAUX, Espoir, 1937, p. 774), en partic. si le verbe est répété (cf. SANDFELD t. 1 1965, §15-16) : Je pensais et pense toujours qu'entre soixante et soixante-dix ans (MONTHERL., Pasiphaé, 1936, p. 104).
E. — Morphol. [Je s'élide devant un verbe commençant par une voyelle ou un h « muet »] L'histoire que je raconte ici, j'ai mis toute ma force à la vivre et ma vertu s'y est usée (GIDE, Porte étr., 1909, p. 495). Lia. — Pourquoi êtes-vous ici? Parce que j'ai laissé griller le pain, ou parce que je hais mon mari? (GIRAUDOUX, Sodome, 1943, I, 1, p. 27).
[Je ne s'élide pas quand il suit le verbe même s'il se trouve devant voyelle] V. supra ex. 7.
[Dans la lang. pop., voire fam. je tend à se réduire à j', même devant une consonne : j'vais ..., j'sais, etc.] C'est la grâce que j'me souhaite (LAFORGUE, Complaintes, 1885, p. 59). Moi j'sais pas les paroles. Alors je chant' l'air! (FEYDEAU, Dame Maxim's, 1914, I, 1, p. 5). J'vais voir si c'est ainsi! Que je crie à Arthur, et me voici parti à m'engager (CÉLINE, Voyage, 1932, p. 14). Tous ceux qu'étaient vivants et qui me caressaient attendaient que j'sois mort pour pouvoir me bouffer (PRÉVERT, Paroles, 1946, p. 24).
II. — Subst. masc. [Avec ou sans déterm.]
A. — Le mot, le pronom je. Le procédé qui consiste à désigner par un « je » le héros principal, constitue un moyen à la fois efficace et facile (SARRAUTE, Ère soupçon, 1956, p. 74) :
8. Je [ital. ds le texte] et nous, premières personnes, expression de supériorité, servent à exprimer l'un le pouvoir domestique, l'autre le pouvoir public...
BONALD, Législ. primit., t. 1, 1802, p. 334.
B. — La personne qui dit « je » (dans tel ou tel texte). Le je du Voyage en Orient, sauf en de rares minutes, raconte la vie extérieure (DURRY, Nerval, 1956, p. 76).
C. — PHILOSOPHIE
1. La personne, l'individu. Synon. le moi :
9. On n'a jamais bien jugé le romantisme. Qui l'aurait jugé? les critiques!! Les romantiques? qui prouvent si bien que la chanson est si peu souvent l'œuvre, c'est-à-dire la pensée chantée et comprise du chanteur? Car Je est un autre. Si le cuivre s'éveille clairon, il n'y a rien de sa faute. Cela m'est évident : j'assiste à l'éclosion de ma pensée : je la regarde, je l'écoute : je lance un coup d'archet : la symphonie fait son remuement dans les profondeurs, ou tient d'un bond sur la scène.
RIMBAUD, Œuvres, Lettre à Paul Demeny, Paris, Garnier, 1962 [1871], p. 345.
2. [P. oppos. au moi] Sujet unique et immuable qui est responsable des états et des actes d'un individu. Le Je est unique et immuable, tandis que le Moi peut être multiple et changeant (FOULQ.-ST-JEAN 1962, p. 388). Et c'est le Je qui a conscience de ce Moi, si bien que ma personnalité totale est alors comme double, étant à la fois le sujet connaisseur et l'objet connu (W. JAMES, Précis de psychol., p. 227 ds FOULQ.-ST-JEAN 1962).
Rem. Certains philosophes n'admettent pas cette distinction et vont jusqu'à inverser le sens des termes. Le je est l'expression de la conscience superficielle, le moi est l'âme profonde (BREMOND, ibid.).
Prononc. et Orth. : [()]. V. supra E. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 842 eo pronom pers. (Serments de Strasbourg ds HENRY Chrestomathie t. 1, p. 1); 842 io (ibid., p. 2, 21); ca 1100 je (Roland, éd. J. Bédier, 1072); 2. 1871 philosophie « le moi » (RIMBAUD, loc. cit.). D'un lat. vulg. eo (attesté au VIe s.; cf. FEW t. 3, p. 207b), du lat. class. ego « moi, je », supposé d'après l'ensemble des lang. rom. : ital. io, roum. eu, esp. yo, port. eu, fr. je,... (cf. VÄÄN., p. 131, § 280). La diversité des formes d'a. fr. : gié, jeo, jo..., s'explique par des traitements phonét. variés, encore mal éclaircis, de eo, selon que la force d'accent s'était maintenue ou non (cf. FOUCHÉ t. 2, p. 162-163, FR. DE LA CHAUSSÉE, Initiation à la morphologie historique de l'ancien français, p. 74, § 58 et BOURC.-BOURC., § 49, II). La forme atone je, déjà attestée dans Roland semble provenir d'un affaiblissement de jo. L'emploi de jo/je devant le verbe est devenu plus fréq. à la suite de l'effacement des dés. verb. L'usage de je comme forme forte (dont il nous reste p. ex. la formule je soussigné) s'est maintenu jusqu'au XVIIe s. (cf. NYROP t. 5, § 177). Fréq. abs. littér. : 1 006 106. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 1 437 337, b) 1 440 731; XXe s. : a) 1 350 854, b) 1 468 046. Bbg. BOURGEACQ (J.). Moi, je ou c'est moi qui? Fr. R. 1970, t. 43, pp. 452-458. - HUNNIUS (K.). Frz. je : ein präfigiertes Konjugationsmorphem? Arch. St. n. Spr. 1977, t. 214, pp. 37-48. - JACOB (L.). De ce suis je à c'est moi. B. Soc. roum. de ling. rom. 1970, t. 7, pp. 91-96. - JANKÉLÉVITCH (V.). Le Je-ne-sais-quoi et le Presque-rien. Paris, 1980, passim. - LOFFLER-LAURIAN (A.-M.). L'Expr. du locuteur ds les discours sc. R. Ling. rom. 1980, t. 44, n° 173/174, pp. 135-157.

je [ʒə] pron. pers.
ÉTYM. 1080, Chanson de Roland; eo, io, 842, Serments de Strasbourg, puis jo et je; lat. class. ego. REM. S'écrit j' devant voyelle ou h muet.
1 Pronom personnel de la première personne du singulier des deux genres, au cas sujet ( Me, moi). || Je parle; j'entends; je hais; j'habite. || Je me décide. || J'y vais. || Je ne sais combien, pourquoi. || Je ne sais qui, je ne sais où. || Je ne sais quoi.Forme renforcée : moi, je sais.
1 Moi, je ne verrai plus, je serai morte, moi (…)
Anna de Noailles, l'Ombre des jours, Les regrets.
2 Rien n'existe ?… Moi, j'existe. Il n'y a pas de raison d'agir ?… Moi, j'agis. Ceux qui aiment la mort, qu'ils meurent s'ils veulent ! Moi, je vis, je veux vivre.
R. Rolland, Jean-Christophe, Dans la maison, p. 1010.
3 Je tiens la clef de ces parades
Ça me plaît de dire Moi je (…)
Aragon, Le Crève-cœur, Romance du temps qu'il fait.
3.1 Mme Verdurin ne laissait pas trop voir, sauf par une maussaderie qui eût averti un homme plus perspicace, le peu de cas qu'elle faisait de ce qu'écrivait Chochotte. Elle lui reprocha seulement une fois d'écrire si souvent « je ». Et il avait en effet l'habitude de l'écrire continuellement, d'abord parce que, par habitude de professeur, il se servait constamment d'expressions comme « j'accorde que », et même, pour dire « je veux bien que », « je veux que » (…)
Proust, le Temps retrouvé, Pl., t. III, p. 792.
REM. 1. Dans l'ancienne langue, je accentué pouvait être séparé du verbe. Il reste un vestige de cet usage dans la langue juridique : Je soussigné Untel certifie que… Dans le langage courant, de nos jours, je doit nécessairement s'appuyer sur une forme verbale de la première personne du singulier; autrement on emploie moi. → Moi. (« L'intérêt que moi-même y cherchais », Gide, la Porte étroite, IV, p. 86).
2. L'inversion ne peut se faire avec toutes les formes verbales. Chaque fois qu'elle existe je devient syllabe muette. Ex. : irai-je [iʀej]. → Inversion.
a) L'inversion est impossible avec les formes verbales terminées par une syllabe fermée (ex. : pars-je) ou un son nasal (exception faite pour entends-je).
b) Elle ne se fait pas avec les terminaisons de son i, u, oi sauf pour certaines formes très usitées : Que dis-je ? Où suis-je ? Qu'y puis-je ? (remplaçant peux-je). À peine eus-je terminé… Que vois-je ? Combien vous dois-je ?
c) Elle est courante avec les terminaisons en ai, ais des temps autres que le présent de l'indicatif. Lequel prendrai-je ? L'avouerai-je ? Finirai-je demain ? Dormais-je ou étais-je éveillé ? Toutefois elle se fait aussi au présent pour des formes verbales très courantes généralement monosyllabiques : Où vais-je ? Que fais-je ? Ai-je bien fait ?
d) On peut la pratiquer avec des terminaisons en e muet qu'on change alors en é [ɛ] (emploi littéraire). Rêvé-je ? Puissé-je le convaincre ! Dussé-je payer de ma vie…
4 (…) l'e muet du pronom je ne peut pas porter l'accent (…) on ne peut donc le faire précéder d'un autre e non accentué. Aussi a-t-on tourné la difficulté en altérant la forme verbale et en remplaçant l'e par un é (ou un è) […] Ce pis-aller, qui n'est d'ailleurs possible que dans le style écrit, a fait commettre plus d'un barbarisme (…) MM. Damourette et Pichon ont relevé des formes telles que connaissé-je (R. Bazin), allé-je (Verlaine), metté-je (Balzac) […] Autant de preuves que l'inversion de je est dangereuse et qu'il n'y faut recourir qu'avec prudence.
G. et R. Le Bidois, Syntaxe du franç. moderne, §849.
5 Qui m'en a détaché ? Qui suis-je, et que dois-je être ?
Lamartine, Premières méditations, « L'immortalité ».
6 Causé-je trop longtemps avec un ami (…)
G. Duhamel, les Plaisirs et les Jeux, p. 175.
3. Je peut être remplacé par nous chaque fois que le sujet souhaite donner plus de modestie à ses paroles, ses écrits, ou parfois au contraire plus d'apparat. → Nous.
2 N. m. invar. Employer le « je » dans un récit, une autobiographie (→ Parler à la 1re personne). || Le moi, le je reviennent très souvent dans les vers de Villon (→ Égotiste, cit.).
7 Cette idée me sourit. Oui, mais cette effroyable quantité de Je et de Moi ! Il y a de quoi donner de l'humeur au lecteur le plus bénévole. Je et Moi, ce serait, au talent près, comme M. de Chateaubriand, ce roi des égotistes.
« De je mis avec moi tu fais la récidive… »
Je me dis ce vers à chaque fois que je lis une de ses pages.
Stendhal, Vie de Henry Brulard, 1.
8 Ce Je, accusé justement d'impertinence dans beaucoup de cas, implique cependant une grande modestie; il enferme l'écrivain dans les limites les plus strictes de la sincérité. En réduisant sa tâche, il la rend plus facile.
Baudelaire, l'Art romantique, XXI.
Philos. || Le je : le principe auquel l'individu attribue ses états et ses actes. || Le « je » et le « moi » sont opposés dans des sens divers par certains philosophes. Ego, moi.
9 Jamais, jusqu'à lui (Descartes), philosophe ne s'était si délibérément exposé sur le théâtre de sa pensée, payant de sa personne, osant le Je pendant des pages entières (…)
Valéry, Variété V, p. 232.
10 Un homme se sent exister comme conscience avant toute philosophie (…) Appelons je cette conscience (…) À ce je s'oppose le moi comme la pensée de lui-même.
René Le Senne, in Cuvillier, Nouveau voc. de la langue philosophique, art. Je.

Encyclopédie Universelle. 2012.