PENSIONNAIRE
PENSIONNAIRE
Terme (en hollandais pensionaris , du latin médiéval pensionarius ) qui désigne communément, jusqu’à la fin du XVIIIe siècle dans les Pays-Bas, le fonctionnaire principal du magistrat ou conseil de ville dans les agglomérations les plus importantes. Le pensionnaire était ainsi appelé parce qu’il recevait un salaire ou pension. Le titre apparaît en Flandre sous Philippe de Bourgogne et dans les provinces de Zélande et de Hollande sous Charles le Téméraire. En Hollande, les premiers pensionnaires furent ceux de Dordrecht (1468) et de Haarlem (1478). En dépit de différences, parfois marquées d’une ville à l’autre, dans certaines de ses attributions, le pensionnaire est tout à la fois avocat ou conseiller juridique et porte-parole de sa ville: il exerce la fonction de secrétaire de l’assemblée municipale et est de plein droit membre de la députation qui représente la ville dans les états (ou assemblée) de la province. Seul membre permanent du conseil, le pensionnaire est à même d’exercer une influence considérable sur la conduite des affaires, aussi bien de la ville que de la province. Grotius, pensionnaire de la ville de Rotterdam, en fournit le meilleur exemple.
Au sein des états de Hollande, le pensionnaire de la noblesse a, jusqu’à la mort d’Oldenbarnevelt en 1619, le titre d’avocat de Hollande. On sait tout le lustre qu’Oldenbarnevelt, compagnon de Guillaume le Taciturne, donna à cette fonction qu’il remplit de 1586 à 1619. C’est l’avocat, en effet, qui convoque les états, dirige les délibérations, prépare les résolutions, tient les dossiers des affaires. Membre permanent du conseil chargé de l’administration quotidienne, il est à la fois ministre de la Justice et des Finances. Il dirige la députation qui représente la province aux états généraux et est pratiquement responsable de la diplomatie des Provinces-Unies.
À la chute d’Oldenbarnevelt, la fonction d’avocat est supprimée. On crée à la place le poste quinquennal de conseiller-pensionnaire (Raad-Pensionaris ), encore appelé grand pensionnaire. De 1653 à 1672, durant la période «sans stathouder», Jean de Witt, plusieurs fois réélu comme grand pensionnaire, devait encore accroître le prestige et l’importance de la fonction. Celle-ci ne survécut pas à la chute de la République des Provinces-Unies à la fin du XVIIIe siècle.
pensionnaire [ pɑ̃sjɔnɛr ] n.
• 1323; de pension
1 ♦ Vx Personne qui reçoit une pension. ⇒ pensionné. (1835) Mod. Comédien, comédienne qui reçoit un traitement fixe. Les pensionnaires et les sociétaires de la Comédie-Française.
♢ Étudiant ou jeune artiste qui bénéficie d'un séjour dans une fondation, une école. Les pensionnaires de la Villa Médicis.
2 ♦ (1596) Personne qui prend pension chez un particulier, dans un hôtel. « une compatriote, Mme Kergaran, qui prenait des pensionnaires » (Maupassant). — Fam. Les pensionnaires d'une prison, d'une maison de retraite.
3 ♦ (1680) Élève logé et nourri dans l'établissement scolaire qu'il fréquente. ⇒ interne. Les pensionnaires, les demi-pensionnaires et les externes.
♢ N. f. Vieilli Jeune fille ignorante, naïve. « Elle s'extasiait, comme une pensionnaire, sur la veste blanche du barman » (Radiguet).
● pensionnaire nom (de pension) Personne qui paie pour la nourriture et le logement chez un particulier, dans une pension de famille. Élève logé, nourri et instruit dans un établissement d'enseignement. Personne logée et nourrie dans un établissement public spécial : Les pensionnaires d'un hospice. Comédien de la troupe de la Comédie-Française, qui reçoit un traitement fixe sans participer aux bénéfices. Personne qui recevait une pension d'un prince, de l'État ou d'un particulier. Dans la République des Provinces-Unies (XVIe-XVIIIe s.), gouverneur de province jouant le rôle de Premier ministre dans sa province. (Le grand pensionnaire, qui était en même temps pensionnaire de la province de Hollande, jouait le même rôle auprès des états généraux.) ● pensionnaire (synonymes) nom (de pension) Élève logé, nourri et instruit dans un établissement d'enseignement.
Synonymes :
- interne
Contraires :
- externe
pensionnaire
n.
d1./d Personne qui verse une pension pour être logée et nourrie (chez des particuliers, dans un hôtel, une maison de retraite, un établissement scolaire). Les pensionnaires d'un collège.
d2./d THEAT Pensionnaire de la Comédie-Française: acteur, actrice qui reçoit de la Comédie-Française un salaire fixe (par oppos. à sociétaire, qui participe en plus aux bénéfices).
⇒PENSIONNAIRE, subst.
A. —[Corresp. à pension A] Personne qui reçoit une pension.
1. Vieilli. Personne qui reçoit une pension (d'un souverain, d'un État, d'un particulier...). Synon. mod. pensionné. La foule innombrable des pensionnaires du prince (MARAT, Pamphlets, Dénonc. Necker, 1790, p.112). [En 1825] de grandes dissemblances existaient entre la réglementation concernant les pensionnaires de l'administration des finances et celle propre aux fonctionnaires des autres services publics (PRADELLE, Service P.T.T. Fr., 1903, p.184).
— P. plaisant. Pensionnaire du roi. ,,Prisonnier, homme détenu qui est nourri aux dépens du roi`` (HAUTEL 1808).
— DR. CANON. Personne qui jouit d'une pension sur un bénéfice. Cet évêque a des pensionnaires qui diminuent son revenu. Cet abbé a un pensionnaire (Ac. 1798-1878).
— HIST. (Provinces-Unies). Chef de l'administration civile de chacune des sept provinces aux XVIIe et XVIIIes. C'étaient les pensionnaires qui portaient la parole dans l'assemblée des états (Ac. 1835, 1878). Chaque province de la république avait (...) son Pensionnaire. Ces magistrats étaient (...) un obstacle aux projets d'usurpation de la maison d'Orange (Pol. 1868).
♦Le grand pensionnaire (de Hollande). Titre donné par les auteurs français au chef du pouvoir exécutif de Hollande lorsqu'il n'y avait pas de stathouder. En 1652, Jean de Witt est nommé grand pensionnaire de Hollande (...) il (...) tâche de circonscrire la guerre à l'océan (DU CAMP, Hollande, 1859, p.54).
En appos. avec valeur d'adj., rare. L'assemblée des états qui élisait ce magistrat, lui conférait dans l'acte de sa nomination le titre de conseiller pensionnaire (Pol. 1868).
2. De nos jours
a) Artiste, étudiant, chercheur qui poursuit ses travaux, ses études, ses recherches aux frais de l'État dans une fondation, une école. Pensionnaire de la Fondation Thiers. La nomination des pensionnaires est faite pour une année et peut être renouvelée; celle des chargés de mission est faite pour une mission déterminée. Leurs travaux consistent en études, explorations ou fouilles relatives aux civilisations qui se sont succédé en Égypte et dans les régions voisines (Encyclop. éduc., 1960, p.249).
— Lauréat du grand prix de Rome pendant son séjour à l'Académie de France à Rome. Pensionnaire de l'École de Rome, de la Villa Médicis. Le colossal répond à la fois aux doctrines de Quatremère et aux goûts de Napoléon. (...) les candidats au grand prix, les pensionnaires de l'Académie multiplient les colonnes, les arcades, les fenêtres (HAUTECOEUR, Art sous Révol. et Emp., 1954, p.31).
b) THÉÂTRE. Comédien(ne), généralement engagé(e) à l'année, qui dans une association théâtrale reçoit un traitement fixe et ne participe pas aux bénéfices de la société. Pensionnaire du Théâtre Français. Les actrices étaient des professionnelles, appartenant à l'Odéon ou à d'autres théâtres parisiens, et il y avait parmi elles deux pensionnaires de la Comédie-Française (A. FRANCE, Vie fleur, 1922, p.548). Le Théâtre de la Renaissance, dirigé par Hostein, jouait l'opérette et comptait au nombre de ses pensionnaires Jeanne Granier (L. SCHNEIDER, Maîtres opérette fr., 1924, p.178).
— En appos. avec valeur d'adj., vx. Comédien pensionnaire (Ac. 1878).
B. —1. a) Personne qui prend pension dans un restaurant, une pension de famille ou chez un particulier en général moyennant paiement. Prendre, recevoir des pensionnaires; les pensionnaires d'une auberge, d'un hôtel, d'un restaurant. Je fus placé chez un professeur de médecine qui tenait des pensionnaires (CONSTANT, «Cahier rouge», 1830, p.11). Les maisons familiales de vacances. Ce sont de petits hôtels mais les pensionnaires y participent au service (Tour. Fr., 1960, p.46):
• ♦ ... j'ai bien assez perdu depuis cinq jours que le guignon s'est logé chez moi. J'aurais donné dix écus pour que ce bonhomme-là fût parti ces jours-ci (...). Ça frappe mes pensionnaires. Pour un rien, je le ferais porter à l'hôpital. Enfin, mettez-vous à ma place. Mon établissement avant tout, c'est ma vie, à moi.
BALZAC, Goriot, 1835, p.300.
♦En appos. avec valeur d'adj. Les trois ou quatre habitués pensionnaires de l'établissement (...) ont encore une heure à rester à table (NERVAL, Voy. Orient, t.1, 1851, p.2).
— P. ext. Personne qui est nourrie et logée dans un établissement public spécialisé. Les pensionnaires d'un hospice, d'un hôpital, d'une maison de retraite. Notre traitement [la psychanalyse] n'est applicable qu'aux pensionnaires d'établissements pour malades nerveux (FREUD, Introd. psychanal., trad. par V. Jankélévitch, 1959 [1922], p.494). Ces fous (...) pensionnaires d'un asile (PROUST, Sodome, 1922, p.807).
— P. plaisant., fam. [Le détenu, à sa soeur:] tes enfants t'attendent (...) Ah ça! tu ne leur dis pas, j'espère, que leur nononcle est pensionnaire ici? (SUE, Myst. Paris, t.8, 1843, p.14). Je visitai une prison de femmes (...). Le directeur de cette prison touchait à l'âge de la retraite (...). Il ne se faisait pas d'illusions sur la moralité de ses trois cents pensionnaires (A. FRANCE, Crainquebille, Vol. dom., 1904, p.307).
— En partic. Pensionnaire de maison close. Prostituée vivant dans une maison close. Il (...) se vantait d'entretenir des relations avec des dames de la ville, servantes de brasserie ou pensionnaires de maisons closes (MOSELLY, Terres lorr., 1907, p.143).
b) P. anal. Animal nourri et logé chez un particulier ou dans un établissement équipé pour ses besoins et moyennant paiement. Les pensionnaires du zoo. La satisfaction d'un entrepreneur de ménagerie, au moment où il exhibe son pensionnaire dangereux, favori du public (VOGÜÉ, Morts, 1899, p.58). Sénac, la porte entr'ouverte, m'a prié de faire attention à son nouveau pensionnaire, une sorte de berger allemand d'allure famélique (DUHAMEL, Maîtres, 1937, p.111).
2. En partic.
a) Élève nourri et logé dans l'établissement où il fait ses études. Synon. interne; anton. externe. Demi-pensionnaire; jeune, pauvre, petite pensionnaire; costume, uniforme de pensionnaire; pensionnaire de couvent, de collège, de lycée. Comme les religieuses, les pensionnaires ne voyaient leurs parents qu'au parloir (HUGO, Misér., t.1, 1862, p.585). Il réclama la faveur d'être pensionnaire, afin de ne pas perdre le temps des allées et venues (MAURIAC, Myst. Frontenac, 1933, p.76).
— En appos. avec valeur d'adj. [Ce texte] prévoit que ce service [de surveillance] ne peut être imposé aux instituteurs-adjoints en ce qui concerne les élèves pensionnaires, quand un internat est annexé à l'école (Encyclop. éduc., 1960, p.121).
b) P. anal., fam., péj. Jeune fille, jeune femme qui a conservé l'ignorance, la naïveté d'une élève en pension. Il faudra cinq ans avant de tuer chez elle la pensionnaire (BALZAC, Corresp., 1835, p.740).
— P. compar. Lia demande, comme une pensionnaire, l'explication d'un tas de choses que lui refuse Saint-Victor, comme n'étant pas convenables (GONCOURT, Journal, 1859, p.655). Il rougit comme une pensionnaire. La timidité sied aux bruns comme les fleurs aux grands arbres (THEURIET, Mariage Gérard, 1875, p.49).
— Empl. adj. Avait-elle su répondre? N'avait-elle pas été trop gauche, trop pensionnaire? (DANIEL-ROPS, Mort, 1934, p.155). La voici toute pareille à ce qu'elle était tantôt en venant. Terriblement femme, elle si pensionnaire il y a un instant. Terriblement intacte en apparence, elle qui n'est plus intacte. Terriblement jeune personne bien élevée (MONTHERL., Pitié femmes, 1936, p.1097).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist.1. a) 1323 «personne qui reçoit une pension» (Doc. ds P. VARIN, Arch. admin. de la ville de Reims, t.1, 1re part., p.351); b) 1835 comédien pensionnaire, pensionnaire (Ac.); c) 1868 «étudiant ou jeune artiste qui bénéficie d'un séjour dans une fondation, une école» (LITTRÉ); 2. 1596 «personne qui prend pension chez un particulier» (HULSIUS, f° QQ4 r°: pensionnaire); 3. a) 1579 [éd.] «élève logé et nourri dans l'établissement scolaire qu'il fréquente» (LARIVEY, Les Escolliers II, 3 ds Les six premières comédies facécieuses, f° 290 v°); b) 1769 fém. «jeune fille qui a conservé la candeur de l'élève encore en pension» (Mme DU DEFFAND, Lettre à Walpole, 2 nov. ds RITTER). Dér. de pension; suff. -aire. Fréq. abs. littér.:716. Fréq. rel. littér.:XIXes.: a) 921, b) 1746; XXes.: a) 742, b) 876. Bbg. DARM. 1877, p.197.
pensionnaire [pɑ̃sjɔnɛʀ] n.
ÉTYM. 1323; de pension.
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b (1702). Hist. || Le grand pensionnaire de Hollande, ou, ellipt, le grand pensionnaire : titre porté par le premier fonctionnaire de Hollande qui joua un rôle important dans la politique de la république des Provinces-Unies au XVIIe siècle. — Adj. || Le conseiller pensionnaire.
d (1835). Mod. (Théâtre). Acteur, actrice dont la rémunération consiste en un traitement fixe et qui ne participe pas aux bénéfices de la société. ⇒ Acteur, comédien. — (1893). || Les pensionnaires et les sociétaires de la Comédie-Française.
e (1868). Étudiant ou jeune artiste qui bénéficie d'un séjour dans une fondation, une école. || Pensionnaire de la villa Médicis, de la Fondation Thiers…
2 a (1596). Personne qui prend pension (I., 2.) chez un particulier, dans un hôtel, une pension de famille, un restaurant… || Les pensionnaires de madame Vauquer (→ Fructification, cit. 2; obliger, cit. 19).
1 Des voisins, à qui on demanda conseil indiquèrent une compatriote, Mme Kergaran, qui prenait des pensionnaires (…) La patronne habitait au premier avec sa bonne; on faisait la cuisine et on prenait les repas au second; quatre pensionnaires bretons logeaient au troisième et au quatrième.
Maupassant, les Sœurs Rondoli, « La patronne ».
b (V. 1872). Personne qui est logée et nourrie dans un établissement public, hospice, hôpital (cit. 3), etc. Fam. || Les pensionnaires d'une prison : les prisonniers.
3 (1680). Élève logé et nourri dans l'établissement scolaire qu'il fréquente. ⇒ Interne. || Les pensionnaires, les demi-pensionnaires et les externes. || Mettre son fils pensionnaire dans un lycée, dans une institution libre. — Une pensionnaire (→ Grognon, cit. 4). — N. f. (Avec l'idée d'innocence, de naïveté). → Gobelet, cit. 1. || Elle est naïve comme une petite pensionnaire.
2 J'ai dans l'idée que j'emploierai ce temps-là, et que nous lui donnerons une femme toute formée, au lieu de son innocente Pensionnaire.
Laclos, les Liaisons dangereuses, XX.
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CONTR. Externe.
COMP. Demi-pensionnaire.
Encyclopédie Universelle. 2012.