PLASTIQUES
Dans le langage courant, les matières plastiques sont des matériaux organiques, apparus sur le marché il y a une centaine d’années, qui se caractérisent par leur grande facilité de mise en œuvre et leurs excellents rapports propriétés-poids et propriétés-prix. Il semble que ce soit Leo Hendrik Baekeland qui ait utilisé le premier, vers 1909, le terme de «plastique» en tant que substantif pour désigner cette nouvelle classe de matériaux.
D’un point de vue physique, une matière plastique se définit comme une matière qui se déforme uniquement pour des contraintes mécaniques supérieures à une valeur seuil. Chimiquement, les constituants essentiels des plastiques sont des molécules géantes: les macromolécules . Ces macromolécules sont en fait des polymères , c’est-à-dire des édifices composés par la répétition d’un ou de plusieurs groupes d’atomes (les unités constitutives), attachés les uns aux autres par des liaisons chimiques.
S’il est exact que Jöns Jacob Berzelius a introduit le terme « polymère» dès 1832 – bien que la définition qu’il en donne soit confuse et que la structure chimique qu’il a voulu décrire est probablement celle d’une variété d’isomère –, le concept de «macromolécule» ne s’est imposé que progressivement, à partir de 1922, grâce aux travaux de Hermann Staudinger.
La plupart des molécules organiques du monde végétal ou animal sont des macromolécules, mais le terme plastique est réservé aux matériaux à base de macromolécules synthétisées par l’homme, ou de macromolécules naturelles, modifiées par l’intervention de l’homme. Pour Leo Hendrik Baekeland, les plastiques englobaient aussi bien les résines que les élastomères, voire les fibres artificielles et synthétiques. Aujourd’hui, on les limite aux substances polymères, à l’exclusion des élastomères et des fibres.
Les premières matières plastiques ont été obtenues par modification de macromolécules naturelles. À partir de 1819, Henry Braconnot abordait l’étude de la nature chimique de la cellulose et décrivait en 1833 la réaction de sa nitration. Mais ce n’est qu’à la suite des travaux de Christian Friedrich Schönbein, en 1847, que la nitrocellulose a été utilisée dans la fabrication des laques. Il a fallu attendre 1868 et la découverte de l’effet plastifiant du camphre pour que les frères John Wesley et Isaiah Hyatt se servent de la nitrocellulose comme matériau de remplacement de l’ivoire pour le moulage de boules de billard. Dès ce moment apparaissent les trois critères qui vont présider à l’essor des matières plastiques: facilité de mise en œuvre, propriétés si possible au moins équivalentes à celles des matières conventionnelles, bon rapport propriétés-prix.
La formation d’un polymère entièrement synthétique a été observée pour la première fois, en 1832, par Henri Victor Regnault, qui, après avoir préparé du chlorure de vinylidène, a constaté qu’en ampoules scellées ce liquide devenait trouble. En effet, il se déposait une poudre blanche, non cristalline, qu’il pensait être un isomère du chlorure de vinylidène et qui, en fait, était son polymère. Un an plus tard, E. Simon décrivait la réaction de polymérisation du styrène. Mais la première commercialisation d’une matière plastique entièrement synthétique est attribuée à Baekeland. En 1907, il avait déposé un brevet pour la fabrication d’une résine à mouler par compression à base de phénol et de formaldéhyde, et créé en 1910 la société Bakélite pour l’exploitation de ce brevet.
Bien que la frontière entre les différentes classes de matières plastiques ait de plus en plus tendance à s’estomper, il reste d’usage de distinguer les matières thermoplastiques des matières thermodurcissables . Les matières thermoplastiques fondent de façon réversible par simple chauffage. Les plus connues sont le polyéthylène (PE), le polypropylène (PP), le poly(chlorure de vinyle) (PVC), le polystyrène (PS). Les matières thermodurcissables fondent également par chauffage mais n’atteignent leur état chimique final que par une cuisson prolongée qui les rend infusibles. Cette classe est représentée par les résines phénoliques, les résines uréeet mélamine-formaldéhydes, les résines époxydes et les résines polyesters insaturées.
Fabrication
Les polymères, composants essentiels des matières thermoplastiques, sont fabriqués à partir d’un monomère ou d’un mélange de monomères. Les macromolécules résultant de cette synthèse sont caractérisées par la répétition, dans la même molécule, d’un grand nombre d’unités constitutives. Généralement, la macromolécule formée est filiforme, le polymère obtenu est dit linéaire ou en chaîne, mais bien d’autres cas peuvent se présenter. Il est possible, par exemple, que la chaîne principale porte des chaînes latérales plus ou moins nombreuses et de tailles plus ou moins importantes: il s’agit, alors, d’un polymère «branché». Les propriétés des matières plastiques dépendent beaucoup de leur architecture moléculaire. Elles dépendent également de leur masse moléculaire moyenne et de la fonction de distribution de ces masses (un polymère n’est jamais constitué de molécules dont toutes les masses moléculaires sont égales). Lors de la fabrication des polymères, il s’agit donc de contrôler ces différents paramètres par un choix judicieux des amorceurs de la réaction et des conditions de polymérisation: milieu réactionnel, température, pression, durée de la réaction. L’un des problèmes majeurs rencontrés dans la production industrielle des polymères est celui de l’évacuation de la chaleur de polymérisation. Sa solution dépend des techniques de fabrication retenues. Ce qui suit en décrit les principales.
La plus simple, dans son principe, est la technique de polymérisation en masse : le réacteur ne contient que le monomère et l’amorceur. Deux cas doivent être distingués suivant que le polymère est soluble dans son monomère – polymérisation homogène – ou insoluble – polymérisation hétérogène .
La polymérisation en masse du styrène, qui donne le polystyrène (PS), est un exemple typique d’une polymérisation homogène en masse. Dans l’ancien procédé de polymérisation en continu de la Badische Anilin und Soda Fabrik (B.A.S.F.), le monomère est prépolymérisé à une température de l’ordre de 80 0C dans deux réacteurs de 2 m3 de capacité. Le taux de conversion est poussé jusqu’à 30-35 p. 100. Cette prépolymérisation est nécessaire à l’obtention de masses moléculaires élevées qui confèrent au polymère de bonnes propriétés mécaniques. La solution du polymère dans son monomère est ensuite transférée dans une tour de 75 cm de diamètre et de 6 m de hauteur. La polymérisation y est achevée par élévation progressive de la température jusqu’à 200 0C. À la sortie de la tour, le polymère est extrudé et granulé. Entre la tour et l’extrudeuse, un dévolatiliseur élimine le monomère non converti. En 1980, la B.A.S.F. a modifié son procédé qui ne comprend plus qu’un seul réacteur (fig. 1) dont le système d’agitation a été soigneusement étudié afin de maîtriser la répartition des températures et des concentrations dans le réacteur. Le poly(méthacrylate de méthyle) ou PMMA, le poly(téréphtalate d’éthylène-glycol) ou PET, le polyamide 66 (PA 66) sont d’autres exemples de polymères obtenus par polymérisation homogène en masse.
Le poly(chlorure de vinyle) n’est pas soluble dans son monomère et sa polymérisation en masse est donc du type hétérogène. Le procédé le plus connu est celui de Rhône-Poulenc, dérivé d’un procédé mis au point dès 1951 par Saint-Gobain. Il est schématisé sur la figure 2. Le rôle de la prépolymérisation est de contrôler la dimension des particules de polymère qui précipitent au fur et à mesure de l’avancement de la réaction. La prépolymérisation est poursuivie jusqu’à un taux de conversion de 10 à 12 p. 100. La suspension de polymère dans le monomère est ensuite transférée dans le réacteur principal. Le taux de conversion y atteint quelque 70 p. 100 avant que la réaction ne soit interrompue et le polymère récupéré après dégazage sous vide. En Europe de l’Ouest, 10 p. 100 du PVC est obtenu par cette technique.
On classe en général la polymérisation radicalaire de l’éthylène sous haute pression – de 100 à 300 MPa –, à des températures de 200 à 280 0C, parmi les polymérisations hétérogènes en masse, bien que dans ces conditions l’éthylène soit dans un état supercritique. Le polyéthylène obtenu est ramifié. Pour cette raison, il ne cristallise que très partiellement et sa densité est faible (de 0,910 à 0,935). Il est connu sous le nom de polyéthylène basse densité (PEBD) ou de polyéthylène basse densité radicalaire (PEBDR). Dans les procédés à basses pressions et à basses températures, dans lesquels l’amorçage de la polymérisation est réalisé depuis 1968 à l’aide d’amorçeurs superactifs du type ionique (et non plus radicalaire), le polyéthylène récupéré à la sortie des réacteurs est linéaire, son taux de cristallinité est élevé et sa densité se situe entre 0,935 et 0,970; on l’appelle polyéthylène haute densité (PEHD). Le polypropylène est synthétisé par des procédés analogues à ceux du PEHD. Depuis 1977, la gamme des polyéthylènes disponibles sur le marché s’est étendue aux polyéthylènes de basse densité (de 0,91 à 0,93) mais de structure linéaire (PEBDL). Il s’agit en réalité de polyéthylène contenant quelques pour-cent d’un autre monomère, du butène, de l’hexène ou du méthylpentène par exemple.
Les procédés de polymérisation à basses pressions de l’éthylène et du propylène considérés actuellement comme les plus avantageux sont ceux qui opèrent en phase gazeuse. Ce ne sont cependant pas les seuls: il existe des procédés de polymérisation en solution ou en suspension.
D’autres polymères sont fabriqués en solution soit en milieu homogène, lorsque le polymère est soluble dans le solvant utilisé (cas de la polymérisation cationique de l’isobutène dans le chlorure de méthyle), soit en milieu hétérogène, lorsque le polymère n’est pas soluble dans le solvant (cas de la polymérisation de l’éthylène dans un hydrocarbure dans le procédé Phillips). Le choix de la nature du solvant est important pour les polymérisations amorcées ioniquement car elle joue un rôle essentiel dans le mécanisme de la réaction. Les problèmes soulevés par l’élimination du solvant en fin de réactions constituent un inconvénient majeur de cette technique, surtout s’il s’agit de solvant organique.
Ces problèmes sont beaucoup moins ardus lorsque le milieu réactionnel est de l’eau. De plus, l’eau facilite l’évacuation de la chaleur de polymérisation. C’est la raison pour laquelle, lorsque l’amorçage est du type radicalaire, la polymérisation en suspension ou en émulsion aqueuse est préférée aux polymérisations en masse ou en solutions organiques. Ainsi, 70 p. 100 du PVC est synthétisé par polymérisation en suspension. De fines gouttelettes de monomère, dans lequel on a dissous l’amorceur, sont dispersées par agitation dans de l’eau. On peut considérer, à l’échelle de la gouttelette (quelques dixièmes de millimètres de diamètre), qu’il s’agit d’une polymérisation en masse.
Bien que la majorité du polystyrène soit fabriquée par un procédé en masse (éventuellement modifié par addition d’une faible quantité de solvant), le procédé en suspension est toujours utilisé. La figure 3 donne le schéma des principes d’une telle installation.
La tendance à la coagulation du milieu réactionnel et, parfois, l’impossibilité d’obtenir des produits de masses moléculaires élevées sont deux inconvénients de la polymérisation en suspension. La polymérisation en émulsion essaie d’éviter ces problèmes. Elle diffère de la polymérisation en suspension par l’utilisation d’agents tensioactifs [cf. INTERFACES], encore que des agents tensioactifs soient également introduits, en très faibles concentrations, dans la polymérisation en suspension. Leur but est de faciliter la dispersion du monomère et d’éviter la prise en masse du milieu réactionnel. Elle diffère, également, de la polymérisation en suspension par l’utilisation d’amorceurs solubles dans la phase aqueuse et non pas dans le monomère.
La polymérisation en émulsion est une technique de choix dans la préparation des latex pour les peintures à base d’acétate de vinyle et de dérivés acryliques. Les diamètres des particules obtenues par ce procédé varient entre 0,05 et 3 猪m, alors que ceux des particules obtenues par le procédé en suspension ont de 50 à 500 猪m.
Propriétés
L’emballage, l’électroménager, la construction, les transports, les loisirs, le médical regorgent d’exemples d’applications des matières plastiques. En Europe, en 1986, 75 kg de matières plastiques entraient en moyenne dans la construction des voitures automobiles. Ce chiffre n’était que de 55 kg en 1980. Le hayon de la Citroën BX est en résine polyester chargée de fibre de verre, le béquet arrière de la Peugeot 205 GT est moulé par injection en polyamide renforcé par une charge minérale. La très grande majorité des pare-chocs sont actuellement réalisés avec des mélanges polymères. Bien d’autres pièces, non visibles, sont fabriquées en matières plastiques. Ainsi, le moulage des réservoirs d’essence en polyéthylène de hautes masses moléculaires permet d’utiliser au mieux la place disponible et d’augmenter la contenance du réservoir. Les bonnes résistances à la corrosion et au vieillissement du PE sont également intervenues en sa faveur pour cette application.
Cette énumération des matières plastiques mises en œuvre dans l’industrie automobile est loin d’être complète puisqu’on utilise également des matières plastiques transparentes, poly(méthacrylate de méthyle) et polycarbonate (PC), dans la fabrication des projecteurs, et du poly(oxyméthylène) (POM) dans la réalisation des pièces de précision.
Quand on se base sur les propriétés des matières plastiques, on les sépare souvent en matières plastiques de commodité et en matières plastiques techniques ou de spécialités.
Par matières plastiques de commodité, on entend les matières plastiques traditionnelles de grande diffusion telles les polyoléfines (PE et PP), les PVC, les PS et leurs dérivés, les polyesters insaturés et les résines thermodurcissables les plus courantes. Les termes de matières plastiques techniques et de spécialités sont plus difficiles à définir. En général, on classe sous ces vocables les matériaux de très hautes performances mécaniques, thermiques, chimiques, électriques ou optiques, qui sont utilisés grâce à ces performances. Certaines matières plastiques de grande diffusion, telles les polyamides (PA), les polycarbonates saturés (PC), les poly(oxyméthylènes) ou POM, les poly(oxyphénylènes) (PPO), sont considérées comme des polymères techniques. Mais des polymères offrant des propriétés spéciales et déjà commercialisées depuis longtemps, comme les résines fluorées et les silicones, ou de commercialisation plus récente, tels les poly(sulfures de phénylène) ou PPS, les poly(éthersulfones), les copolyesterétheramides, appartiennent également à cette classe.
L’une des propriétés qui a assuré le succès des matières plastiques est leur légèreté. La masse volumique de la plupart d’entre elles se situe entre 0,9 et 1,5 g . cm size=1漣3, lorsqu’elles sont sous forme compacte. Par expansion d’un gaz préalablement dissous dans la masse fondue, il est possible d’abaisser ces valeurs à quelque 0,01 g . cm size=1漣3. Le choix d’un matériau pour une application donnée est en général fondé sur ses propriétés spécifiques, c’est-à-dire sur ses caractéristiques par unité de poids. C’est pourquoi la faible masse volumique des matières plastiques joue souvent en leur faveur.
Les matières plastiques se distinguent des autres matériaux par leurs propriétés thermiques. Leurs coefficients de dilatation linéaire thermique approchent 5 憐 10 size=1漣5 K size=1漣1 aux basses températures quand la matière est rigide. Elles tendent vers 20 憐 10 size=1漣5 K size=1漣1 quand on élève la température et que la matière est souple. À titre de comparaison, on relève des coefficients de dilatation linéaire thermique oscillant entre 0 et 0,7 憐 10 size=1漣5 K size=1漣1 pour le verre, entre 1,1 et 1,4 憐 10 size=1漣5 K size=1漣1 pour les aciers, entre 2 et 2,5 憐 10 size=1漣5 K size=1漣1 pour les alliages d’aluminium. La conductivité calorifique des matières plastiques est, en général, inférieure à celle d’autres matériaux. C’est une propriété dont il est largement fait usage dans l’isolement thermique. La conductibilité thermique des matières plastiques se situe entre 0,13 et 0,4 W . m size=1漣1 . K size=1漣1, alors que celle du verre avoisine 1 W . m size=1漣1 . K size=1漣1 et celle de l’aluminium 220 W . m size=1漣1 . K size=1漣1.
À la suite de plusieurs accidents graves, l’attention du public a été attirée sur la tenue au feu des matières plastiques. Parmi les polymères courants, seuls le PVC rigide et les phénoplastes chargés sont difficiles à enflammer, d’autres comme les polyamides et les aminoplastes brûlent mais ne propagent pas la flamme, d’autres, enfin, tels les polyoléfines et le polystyrène, brûlent facilement. Dans ces derniers cas, on peut améliorer la résistance à la combustion, en ajoutant à la matière plastique des agents ignifugeants. Les plus utilisés sont à base de trihydroxydes d’aluminium, d’oxydes d’antimoine, de dérivés organiques halogénés ou de phosphates. Les concentrations nécessaires sont importantes, et de ce fait l’ajout d’agents ignifugeants se traduit, parfois, par des pertes sur les autres propriétés.
Une bonne tenue à températures élevées est souvent exigée des matières plastiques. Elle est caractérisée par la température pour laquelle la grandeur considérée n’a diminué que de moitié après 11 000 heures d’exposition en permanence à cette température. Selon cette convention, la température maximale d’utilisation de la plupart des polymères de commodité est voisine de 50 0C, celle des polyamides et des polycarbonates se situe vers 100 0C, elle atteint et dépasse même 200 0C pour les polyamides, les polyéthercétones, les poly(sulfures de phénylènes).
En réalité, la température limite d’utilisation, qui sert souvent de critère pour distinguer les matières plastiques de commodité des matières plastiques techniques, est difficile à déterminer sans ambiguïté. Elle est fonction de la propriété considérée: ainsi, les constantes diélectriques varient faiblement avec la température, alors que les propriétés mécaniques évoluent très rapidement. Pour une matière donnée, il n’existe donc pas une seule température limite, car elles dépendent également de la durée d’utilisation, et pour des temps qui ne dépassent pas quelques heures: certaines matières plastiques résistent à des températures égales, et même supérieures, à 500 0C.
L’une des propriétés les plus appréciées des matières plastiques est leur bonne résistance à l’environnement. Des phénomènes analogues à la rouille du fer ou à la corrosion d’autres métaux leur sont inconnus. Cela ne signifie pas, néanmoins, qu’elles soient insensibles à l’enrivonnement. Mises en présence de certaines substances, elles peuvent gonfler, se dissoudre, se dégrader chimiquement suivant la nature de la substance et leur propre composition. Mais, quelle que soit l’aggressivité du milieu, on peut prétendre qu’il existe un polymère capable de lui résister. Le poly(tétrafluoroéthylène) ou PTFE passe pour être le plastique dont la résistance aux agents chimiques est la meilleure.
Malgré leur bonne inertie chimique, les matières plastiques, comme toutes les substances organiques, se dégradent peu à peu sous l’influence conjuguée d’agents chimiques, de la chaleur et du rayonnement solaire ultraviolet. Si les mécanismes complexes de cette dégradation sont souvent mal connus, on dispose actuellement d’un nombre important de produits qui, additionnés à faibles concentrations (de l’ordre du pour-cent) aux résines, les stabilisent à la chaleur et au rayonnement ultraviolet. On mesurera les succès enregistrés dans ce domaine en se rappelant que ces stabilisants permettent d’utiliser le poly(chlorure de vinyle) comme matière première de l’emballage alimentaire transparent. Pourtant, le problème à résoudre était complexe puisque ces stabilisants doivent empêcher la dégradation du PVC, d’abord au cours de sa mise en œuvre à des températures de 200 0C, puis pendant toute sa durée d’utilisation. Ce but doit être atteint sans nuire à la transparence ni à la compatibilité du produit avec les aliments qu’il contient. Le problème se complique car la tendance actuelle exige de plus que ces emballages soient biodégradables après leur utilisation.
Dans la majorité des applications, les propriétés mécaniques des matières plastiques sont déterminantes pour leur choix. Sous l’influence d’une contrainte s , les matières plastiques subissent une déformation 﨎 suivant des lois dont la plus générale est représentée sur la figure 4. Pour des allongements inférieurs à quelques unités pour mille, les déformations sont réversibles; mais, pour beaucoup de polymères, au-delà d’une certaine valeur de la déformation, voisine de 1 p. 100, la limite d’élasticité est franchie et les déformations sont, au moins partiellement, irréversibles. L’allongement à la rupture peut atteindre plusieurs fois la longueur initiale de la pièce.
Pour les matériaux conventionnels, on a l’habitude de caractériser la rigidité mécanique par le module de Young (E), qui est le rapport de la contrainte à la déformation dans le domaine des faibles déformations [cf. ÉLASTICITÉ]. Ce module, pour les matières plastiques rigides, est de l’ordre de 2 000 MPa. Mais, en renforçant les matières plastiques avec des fibres polymères (en polyamides aromatiques, par exemple), des fibres de verre ou de carbone, il est possible de multiplier ce nombre par un facteur 10 ou 30 et d’atteindre, ou même de dépasser, les valeurs des modules de l’acier. Rapportés à l’unité de masse, les modules des plastiques renforcés sont nettement plus élevés que ceux de la plupart des autres matériaux.
Lorsqu’on évalue leurs performances mécaniques, il convient, cependant, de ne pas perdre de vue que le comportement des plastiques est très différent de celui des matériaux conventionnels, comme les métaux: la courbe contrainte-déformation (fig. 4) dépend dans une large mesure du temps qui s’est écoulé entre le moment de l’application de la contrainte et celui de la mesure de la déformation. Les valeurs de la contrainte sont d’autant plus faibles que ce temps est plus long. Ce phénomène, connu sous le nom de fluage si la sollicitation est constante, traduit la nature simultanément visqueuse et élastique des plastiques, il oblige les ingénieurs à une approche différente dans la conception des pièces de celles auxquelles les ont habitués les matériaux conventionnels. Les performances des matières plastiques sont, par ailleurs, très sensibles à la vitesse de sollicitation. Si la déformation est imposée brutalement, un plastique se comporte selon la courbe en pointillés de la figure 4: il est beaucoup plus rigide et incapable de supporter des grandes déformations, de sorte qu’il casse avant d’avoir atteint des déformations irréversibles (rupture du type fragile). La sensibilité à la vitesse de déformation est une des raisons pour lesquelles il est difficile de caractériser la résistance des plastiques au choc. Certains, tels les polyéthylènes de basses densités, ne cassent pas dans les conditions normalisées des essais. Il est courant d’améliorer la résistance à la fracture des plastiques en leur incorporant des globules élastomères de 0,1 à 10 猪m de diamètre, à des concentrations de quelques pour-cent. Un grand nombre de mélanges de polymères, basés sur ce principe, ont été commercialisés ces dernières années.
Les plastiques ne sont pas seulement utilisés pour leurs bonnes propriétés physico-chimiques et mécaniques. Très tôt, ils ont trouvé des applications en tant qu’isolants électriques. Les propriétés demandées dans les domaines d’applications électriques et électroniques sont:
– La résistivité volumique qui dépasse fréquemment 1015 行 . cm. La résistance des plastiques au claquage thermique, au claquage par décharge et au claquage par cheminement est donc très bonne.
– La constante diélectrique et la tangente de l’angle de perte qui caractérisent leur comportement en champ alternatif. Pour des polymères faiblement polaires tels que le polyéthylène et le poly(tétrafluoroéthylène), la tangente de l’angle de perte est inférieure à 0,0005 de 60 à 106 Hz.
L’essor actuel de l’électronique n’est pas concevable sans l’apport des plastiques, la prolifération de l’électronique dans la vie courante a suscité la mise au point de plastiques en vue de leur utilisation en tant qu’écrans protecteurs contre les rayonnements électromagnétiques. Les propriétés requises sont généralement obtenues par l’incorporation de charges conductrices. D’autres recherches se poursuivent pour le développement de plastiques intrinsèquement conducteurs destinés à remplacer les semi-conducteurs minéraux pour certaines applications en opto-électronique.
Enfin, la transparence des plastiques en fait des matériaux de choix pour l’emballage et pour les applications dans le bâtiment et l’optique (lunetterie, appareillage photographique, câblerie optique), où ils concurrencent de plus en plus les verres minéraux.
Mise en œuvre
Le choix du procédé de transformation dépend de la nature du plastique (thermodurcissable ou thermoplastique), de la pièce à réaliser et de l’importance de la série.
En règle générale, la matière plastique n’est pas utilisée telle qu’elle sort du réacteur de fabrication, mais elle est additionnée: de stabilisants pour augmenter sa résistance à la dégradation thermique ou ultraviolette; de lubrifiants pour faciliter sa mise en œuvre; de plastifiants pour adapter sa rigidité à l’usage prévu; d’ignifugeants pour améliorer sa résistance au feu; de charges inertes pour diminuer son prix; de charges renforçantes pour augmenter ses propriétés mécaniques.
Avant sa mise en œuvre finale, la résine se présente sous la forme de poudres ou de granulés, plus rarement sous la forme de liquides dont il convient d’achever la polymérisation. Mais les plastiques peuvent également être livrés aux transformateurs sous forme de demi-produits: films, feuilles, plaques, joncs, tubes, par exemple.
Le procédé de moulage le plus ancien des pièces fabriquées en grandes séries est le moulage par compression. Il consiste à introduire la matière dans un moule ouvert, à la chauffer pour la rendre fluide, puis, par fermeture du moule, à la soumettre à des pressions de quelques MPa à quelques dizaines de MPa pour l’obliger à épouser les contours de l’empreinte. Cette technique est réservée, de préférence, aux résines thermodurcissables. Leur cuisson est achevée dans le moule, et il n’est donc pas nécessaire de le refroidir avant l’éjection de la pièce. Le moulage par compression-transfert est une variante du moulage par compression: la matière est fluidifiée dans un organe distinct de l’empreinte du moule avant d’être transférée dans cette empreinte.
Le moulage par injection est la technique la plus pratiquée pour les fabrications en grandes séries de pièces en matières thermoplastiques. La matière est fluidifiée et mise sous pression dans une vis, puis injectée, à des pressions de 100 à 300 MPa dans l’empreinte. Cette fois-ci, le moule est maintenu à basse température pour que la matière se solidifie. Dès que la pièce est suffisamment rigide, elle est éjectée. La gamme de machines dont disposent les transformateurs s’étend des machines capables d’injecter des pièces dont le poids ne représente qu’une fraction de gramme (pour l’horlogerie) jusqu’à celles qui sont capables d’injecter des pièces de plusieurs dizaines de kilogrammes (pour l’automobile, par exemple).
La technique de transformation la plus utilisée est l’extrusion, puisque plus de 50 p. 100 des résines thermoplastiques passent par une extrudeuse. Comme pour l’injection, la matière est fluidifiée et mise sous pression (quelques dizaines de MPa) à l’aide d’une vis. Elle est ensuite poussée à travers une filière. L’extrusion est le procédé de fabrication des films, des feuilles, des plaques et des profilés de toutes formes. En extrudant un tuyau, en le gonflant et en le plaquant à la sortie de la filière contre les parois d’un moule, on fabrique des corps creux depuis les flacons et les bouteilles jusqu’aux cuves de plusieurs milliers de litres de capacité. Les cadences de fabrication sont très élevées. Pour les bouteilles d’eau minérale, par exemple, elles atteignent 10 000 bouteilles par heure et par machine. En alimentant les filières avec plusieurs extrudeuses, on peut obtenir des profilés ou des corps multicouches. À chaque couche est dévolue une fonction particulière: alimentarité, imperméabilité, coloration, etc. Ces dernières années, l’évolution des extrudeuses, des machines à injecter, des presses pour le moulage à compression a été fortement marquée par l’irruption de la microélectronique et de la robotique. Aux procédés qui concernent les fabrications en grandes séries, on peut ajouter la fabrication des films, de feuilles et de plaques par calandrage. Il existe aussi une multitude de techniques adaptées aux fabrications en séries de moyennes importances.
Les plaques de poly(méthacrylate de méthyle) de très haute qualité optique sont obtenues par coulée de méthacrylate de méthyle entre deux glaces de verre suivie d’une polymérisation in situ. Par fusion d’un polymère dans un moule partiellement rempli et animé d’un mouvement de rotation, on réalise des récipients de fortes épaisseurs (15 mm par exemple) et de grandes capacités (20 000 litres et plus) dans des conditions économiques très avantageuses.
Le moulage par trempage est surtout utilisé pour les revêtements ou la fabrication d’objets minces (gants de protection). Le formage à chaud de feuilles ou de plaques est très répandu dans l’industrie de l’automobile ou de l’électroménager (faces internes des portes de voiture, de réfrigérateur, etc.).
Dans la technique du bobinage filamentaire, les rovings, paquets de fibres de verre continues et parallèles, enrobés d’une résine du type époxyde ou polyester insaturé, sont bobinés sous tension sur une forme. La résine est, ensuite, durcie par cuisson. Les performances mécaniques des tuyaux et réservoirs réalisés ainsi sont particulièrement élevées.
Une technique qui a connu un grand essor est connue sous le nom de R.I.M. (Reaction Injection Moulding ) ou R.R.I.M. (Reinforced Reaction Injection Moulding ) lorsqu’elle fait appel à une résine renforcée avec de la fibre de verre. Actuellement, la résine est le plus souvent du polyuréthanne (PUR). Ses deux composants sont soigneusement dosés, mélangés et introduits dans le moule. La synthèse de la résine s’y achève. La pression qui règne dans le moule est basse, moins de 1 MPa, de sorte qu’il est aisé de fabriquer économiquement des pièces de grande surface. Le principal bénéficiaire du R.R.I.M. est l’industrie automobile. L’avenir du procédé dépend de la mise au point de résines de cinétique de polymérisation rapide et reproductible.
Aperçu économique
Jusqu’à la première crise pétrolière, en 1973, le développement des matières plastiques a été foudroyant et leur taux de croissance a été bien supérieur à celui des autres produits industriels. Ainsi, entre 1950 et 1970, la production de l’acier a été multipliée par 2,9, celle de l’aluminium par 7,2, celle des plastiques par 20. Seule la production des textiles synthétiques s’est développée plus rapidement puisque, pendant la même période, elle a été multipliée par 48. Depuis 1974, l’évolution de la production des plastiques a été plus régulière. En 1988, la production française de quelque 4,07 millions de tonnes a été stationnaire, alors que la consommation, en augmentation (3,3 millions de t en 1985) l’est également (3,56 millions de t en 1988 pour 2,4 millions de t en 1985).
Une analyse plus fine indique que le développement des matières plastiques de commodité (de grande diffusion) est plus lent que celui des matières plastiques techniques. Mais il existe également des différences importantes à l’intérieur d’une même classe de matières plastiques. Ainsi, de 1984 à 1985, la consommation du polyéthylène basse densité radicalaire a augmenté de 1 p. 100, celle du polyéthylène haute densité de 5 p. 100, alors que celle du polyéthylène basse densité linéaire, apparue sur le marché à partir de 1982, a fait un bond de 40 p. 100.
Bien que les matières plastiques se soient imposées grâce à leurs propriétés, c’est leur prix de vente qui contrôle leur volume de production. Au début de l’année 1986, ces prix étaient de l’ordre de 5,50 F/kg pour le poly(chlorure de vinyle), de 6 F/kg pour le polyéthylène, de 7 F/kg pour le propylène et de 8 F/kg pour le polystyrène. Ils sont plus élevés pour les polymères techniques: les polyamides valent environ 25 F/kg, les polycarbonates 30 F/kg, les polysulfones 80 F/kg et les poly(tétrafluoroéthylènes) 100 F/kg.
Seules la conversion systématique, dans les années soixante, de la carbochimie à la pétrochimie et la réalisation d’unités de production de grandes capacités ont permis de pratiquer des prix aussi bas. Les unités modernes de production atteignent et même dépassent des capacités de production de 100 000 tonnes par an.
L’essor extraordinaire des plastiques avant la crise de 1974 et la course à la rentabilité ont entraîné une surcapacité de production. La concurrence s’est traduite par une restructuration de l’industrie chimique et en particulier de l’industrie chimique française à partir de 1980. La situation s’est considérablement améliorée, mais les menaces dues aux variations mal contrôlées du prix du brut et l’installation de nouveaux sites de production près des puits de pétrole, au Moyen-Orient par exemple, continuent à peser sur l’industrie des plastiques.
Ce contexte économique difficile a orienté les producteurs de matières plastiques vers la mise au point de nouveaux matériaux en mélangeant des plastiques existants. Cette nouvelle orientation est moins logique qu’il n’y paraît à première vue, car la plupart des plastiques ne sont pas miscibles entre eux. Pour obtenir des mélanges de bonne valeur commerciale, il est nécessaire de faire appel à des adjuvants et à des techniques de mélange spéciales. Néanmoins, comparée à la mise au point d’un nouveau polymère, la mise au point d’un mélange n’exige que peu de temps (de 2 à 5 années, par exemple) et les investissements nécessaires à la construction d’installations de mélange sont considérablement plus faibles que ceux qu’exige la construction d’une unité de production. Les mélanges possèdent des propriétés que n’ont pas les polymères qui les composent: la facilité de mise en œuvre – polycarbonate-copolymère (acrylonitrile-butadiène-styrène) ou ABS –, la stabilité dimensionnelle à haute température – ABS-poly(chlorure de vinyle) –, l’imperméabilité aux fluides – polyéthylène-polyamide –, la bonne tenue au feu – polycarbonate-poly(téréphtalate de butylène) ou PBTP – et surtout la bonne résistance au choc – polypropylène-élastomère du type EPDM.
Puisque les ressources forcément limitées en pétrole pèsent sur l’avenir des plastiques, on a envisagé d’utiliser d’autres sources de matières premières, comme la biomasse, encore que 6 p. 100 seulement du brut et du gaz naturel soient consommés pour la production des matières plastiques. Quelle que soit la matière première utilisée, l’ère des matières plastiques, grâce à la grande variété de leurs propriétés, n’est pas prête de s’achever.
Encyclopédie Universelle. 2012.