AUTISME
AUTISME
Terme usité en psychiatrie, donné parfois comme synonyme d’introversion, et qui signifie qu’un sujet porte ses investissements sur son monde intérieur, en abandonnant tout contact avec ce qui l’entoure. Les seules réalités sont pour lui d’ordre interne: imagination, sensibilité, angoisses, désirs. Même s’il ne nie pas expressément l’existence du monde extérieur, tout au moins se comporte-t-il comme si aucun échange n’était possible avec lui. L’impénétrabilité et l’incompréhensibilité sont deux qualités caractéristiques d’un comportement autistique.
Bleuler, en 1911, approche ainsi la personnalité autistique: «L’évasion de la réalité, avec, en même temps, la prédominance relative ou absolue de la vie intérieure, nous l’appelons autisme» (Dementia praecox oder Gruppe der Schizophrenien , Leipzig-Vienne, 1911). Cet autisme, poursuit-il, «est la conséquence directe de la dislocation schizophrénique. [...]. Pour si extravagantes qu’elles soient, les fantasmagories des malades n’entrent pas, dans l’esprit des malades, en conflit avec la réalité. Ce mode de pensée s’apparente au rêve et à la pensée des primitifs et des enfants.»
Pour H. Ey, le sens à donner à l’autisme est nettement plus précis et fort: c’est le noyau essentiel et caractéristique de la psychose schizophrénique. «La schizophrénie ne se constitue qu’au fur et à mesure que se constitue un être schizophrène, à mesure que s’organise ce monde intérieur qu’est l’autisme, au fur et à mesure que la personne du schizophrène devient autistique. C’est l’autisme qui, comme noyau de la psychose, confère au syndrome schizophrénique sa portée clinique, sa valeur diagnostique et pronostique» («Psychoses chroniques», in Encyclopédie médico-chirurgicale: Psychiatrie , no 37 282 A 20).
Pour décrire un peu plus profondément la personnalité autistique, on en rappellera certains traits essentiels. Dans l’autisme, la personnalité a perdu son unité, elle est divisée. C’est la Spaltung , au sens de Bleuler, la dislocation. Ici, le schéma corporel aussi bien que l’idéal de soi et d’unité, qui permet de construire chaque personne en un compromis de tendances et de fonctions plus ou moins équilibrées, sont rompus. La conséquence de cette schize, c’est que le monde des fantasmes devient le seul monde réel. «Tout est tellement «symbolique» dans la vie des schizophrènes, dans le sens d’une émanation constante de la sphère des images et des pulsions, que ce symbolisme, à force d’être direct et massif, n’a plus de signification. Il traverse de part en part le langage et les conduites du schizophrène et s’étale à claire-voie. Ce monde chimérique n’est pas là comme une immense fresque de merveilleux; il est plutôt une architectonie idéique compliquée et baroque qui accumule ses labyrinthes et ses impasses et rétrécit progressivement l’horizon.»
autisme [ otism ] n. m.
• 1913; all. Autismus, du gr. autos « soi-même »
♦ Psychiatr. Détachement de la réalité extérieure, la vie mentale du sujet étant occupée tout entière par son monde intérieur. L'autisme est l'attitude caractéristique des schizophrènes. — Littér. Forte tendance à l'introversion et à l'égocentrisme.
● autisme nom masculin (allemand Autismus, du grec autos, soi-même) Trouble du développement complexe affectant la fonction cérébrale, rendant impossible l'établissement d'un lien social avec le monde environnant.
autisme
n. m. PSYCHIAT Repliement pathologique sur soi-même, accompagné de perte de contact avec la réalité extérieure. V. schizophrénie.
⇒AUTISME, subst. masc.
PSYCHOL. ,,Attitude mentale spéciale aux schizophrènes, caractérisée par le repliement sur soi-même, un mode de pensée détaché de la réalité et une prédominance de la vie intérieure`` (Méd. Biol. t. 1 1970) :
• 1. Un peu plus tard, Bleuler, puis Kretschmer décrivaient à leur tour deux grandes constitutions dominantes de toute l'histoire psychique : la syntonie (Bleuler) ou constitution cyclothymique (Kretschmer) et l'autisme (Bleuler) ou constitution schizothymique (Kretschmer); la première est assez voisine de celle que définit Dupré; la seconde se caractérise par un psychisme qui rompt le contact vital avec la réalité, et renferme l'individu sur le développement en vase clos, dans une solitude de plus en plus totale, de thèmes intérieurs progressivement mécanisés. La psychose consécutive est la schizophrénie.
MOUNIER, Traité du caractère, 1946, p. 33.
— Autisme infantile précoce. Schizophrénie infantile, ainsi nommée par Kanner, et caractérisée par un repliement sur soi tel qu'il entraîne l'altération du sens des réalités, l'enfant ne distinguant pas les êtres des choses, et l'absence totale du langage.
Rem. Attesté ds MOOR 1966, Méd. Biol. t. 1 1970.
— P. ext. Forme de repli sur soi, avec refus de la réalité et de la communication avec autrui :
• 2. ... pas plus qu'aucune activité personnelle, l'intelligence ne se définit et ne s'exerce dans l'isolement. Quand elle se replie à l'excès, elle divague bientôt vers le monde clos de l'autisme. C'est le sort de toute pensée qui s'enivre de sa suffisance et fuit la confrontation, s'amollit et glisse à la rêverie, se raidit et tourne à l'idée fixe, ou s'obscurcit et s'embrume de nuées. L'égocentrisme produit des effets analogues, bien que plus modérés.
MOUNIER, Traité du caractère, 1946, p. 657.
PRONONC. ET ORTH. :[] ou [-]. Pt ROB. donne les deux possibilités de prononc., Pt Lar. 1968 transcrit uniquement [o] fermé. Pour [o] fermé ou [] ouvert, cf. aussi augmenter.
ÉTYMOL. ET HIST. — 1923, 30 avr., psych. (A. ANTHEAUME, H. CLAUDE, L'Encéphale, Journal de neurol. et de psych., éd. Delarue, p. 395 : Contribution à l'étude de l'autisme : l'attitude interrogative, par MM. Minkowski et Targowla — ... Les auteurs décrivent ce trouble sous le nom d'« attitude interrogative ». Cette attitude, ainsi que la façon dont le malade enchaîne les questions, les unes aux autres, correspondent exactement à la notion de l'autisme; elles accusent une perte profonde du contact avec la réalité).
Empr. à l'all. Autismus, terme créé en 1911 par le psychiatre suisse E. Bleuler (Dementia praecox oder Gruppe der Schizophrenien, éd. Franz Deuticke, p. 52 : Diese Loslösung von der Wirklichkeit zusammen mit dem relativen und absoluten Überwiegen des Binnenlebens nennen wir Autismus1 [en note 1] : Autismus ist ungefähr das gleiche, was Freud Autoerotismus nennt), dér. du gr. « soi-même ».
STAT. — Fréq. abs. littér. :12.
BBG. — Foi t. 1 1968. — FOULQ.-ST-JEAN 1962. — GARNIER-DEL. 1961 [1958]. — LAFON 1969. — LAL. 1968. — Lar. méd. Suppl. 1970. — MARCH. 1970. — Méd. Biol. t. 1 1970. — MOOR 1966. — MUCCH. Psychol. 1969. — NEYRON 1970. — PIÉRON 1963. — PIGUET 1960. — POROT 1960. — Psychol. 1969. — SILL. 1965.
autisme [otism; ɔtism] n. m.
ÉTYM. 1923; all. Autismus, Bleuler, 1912; du grec autos « soi-même ».
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♦ Psychopath. Détachement de la réalité extérieure, la vie mentale du sujet étant occupée tout entière par son monde intérieur. || Tendance à l'autisme. ⇒ Égocentrisme, introversion. || L'autisme est l'attitude mentale propre aux schizophrènes.
1 L'autisme (…) constitue la conduite favorite des êtres faibles hantés par le sentiment de leur infériorité, qui trouvent un réconfort dans les fictions de l'imagination. Il est l'attitude normale de l'enfant, qui a une prédilection pour le rêve et le jeu.
2 Freud a commencé par expliquer ce symbolisme inconscient par des mécanismes de camouflage dus au refoulement, mais il s'est rallié à la conception plus large de Bleuler qui, avec l'« autisme », expliquait le symbolisme par la centration sur le moi et il a prolongé ses recherches dans la direction des symboles artistiques.
J. Piaget, Épistémologie des sciences de l'homme, p. 355.
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DÉR. Autiste, autistique.
Encyclopédie Universelle. 2012.