PÉRICLÈS
Pendant des décennies, Périclès a été le maître incontesté d’Athènes, par la volonté du peuple qui l’élisait chaque année parmi les dix stratèges. Comme Thucydide l’a dit avec force (II, LXV): «En apparence c’était la démocratie, en réalité le gouvernement d’un seul.» Mais cette situation ne s’explique pas par son seul génie: il a profité d’un équilibre social, au reste renforcé par ses mesures hardies, qui rendait solidaires les paysans de l’Attique, les artisans et les commerçants d’Athènes et les marins du Pirée, solidaires aussi les citoyens et les métèques, enrichis par la prodigieuse expansion économique d’Athènes.
Il a mérité de donner son nom à tout un siècle, celui de la grandeur d’Athènes, devenue grâce à lui l’«école de la Grèce » (Thucydide, II, XLI), mérité aussi d’être rangé par Aristote (Éthique à Nicomaque , VI, 5, 1140 b 7) parmi les hommes d’État sages (phronimoi ), c’est-à-dire ceux qui modèlent leur politique sur un idéal raisonné.
Périclès entre dans la vie publique alors que pâlit l’étoile de l’aristocrate Cimon et que se développe un vif mouvement démocratique, conséquence tardive des guerres médiques où Athènes n’avait pu remporter sa paradoxale victoire que par les sacrifices du démos tout entier. Vite investi de la confiance du peuple, il est réélu stratège pendant quinze années successives. C’est donc dans le cadre de la constitution clisthénienne, sans occuper de magistrature exceptionnelle, qu’il dirige en fait une cité sensible au prestige de son génie et qui fait sienne la politique à la fois pragmatique et idéaliste qu’il lui propose.
Le personnage
Périclès descend de deux familles nobles d’Athènes. Il est le fils du Bouzyge Xanthippe, chef démocrate, ostracisé par le peuple; par sa mère Agaristé, nièce de Clisthène, le grand réformateur qui a fait accomplir à la cité les pas décisifs sur la voie de la démocratie, il appartient aux Alcméonides, un illustre génos de tradition démocratique.
Deux de ses maîtres semblent avoir exercé sur lui une influence de premier plan: Damon d’Oa, qui professe la croyance au progrès continu, et Anaxagore de Clazomènes, le prophète du nous , de la raison humaine organisatrice du cosmos livré au chaos.
On peut se représenter Périclès grâce au buste de Crésilas dont il reste plusieurs copies: les traits fins et graves, le visage animé par la méditation intérieure, lucide et énergique à la fois. Il vit simplement, malgré une solide fortune, et les siens le lui reprochent amèrement. Très réservé, un peu hautain peut-être (le comique Ion le peint «plein de hauteur et de fierté dans les manières»), il n’est en rien un démagogue. Il parle peu à l’assemblée du peuple, mais, quand il prend la parole dans les moments de crise, il déploie une éloquence que ses contemporains ont qualifiée d’olympienne, fustigeant et exaltant à la fois ses auditeurs. Parfaitement maître de lui, impassible, il ne sourit pas et on ne l’a vu pleurer qu’en deux occasions, lors du procès d’Aspasie, et à la mort de son dernier fils. Ce qui n’ôte rien à son humanité profonde, qui apparaît dans ses dernières paroles, sur son lit de mort: «Ce qu’il y a de plus grand et de plus glorieux dans ma vie, c’est que jamais je n’ai fait prendre le deuil à aucun Athénien.»
Ce lettré, cet admirateur des philosophes et des sophistes, qui ne craint pas de passer toute une journée à discuter avec Protagoras d’Abdère de problèmes de responsabilité criminelle, vit dans un cercle d’amis où l’on compte les esprits les plus nobles d’Athènes, Hérodote, Anaxagore, Sophocle, Protagoras, Hippodamos, Phidias. Ils entourent sa concubine, la Milésienne Aspasie, pour qui il nourrit un amour sincère et qui étonne, voire scandalise.
L’œuvre intérieure
À l’intérieur de la cité, Périclès agit d’abord comme second d’Éphialte. Leur premier soin est de lutter contre la puissance exceptionnelle que l’ancien conseil aristocratique de l’Aréopage avait récupérée à la faveur des guerres médiques: après plusieurs procès intentés à des aréopagites qui déconsidèrent cette assemblée, Éphialte et Périclès lui font retirer «toutes ses fonctions surajoutées», dont héritent les rouages démocratiques, assemblée du peuple, conseil des cinq cents et tribunal populaire de l’Héliée.
Une nouvelle démocratie
Encore fallait-il permettre à tous les citoyens, quelle que fût leur condition de fortune, d’accéder au maniement des affaires publiques. Après l’assassinat d’Éphialte, Périclès, devenu leader incontesté du parti démocratique qui a pris le pouvoir après l’ostracisme de Cimon, s’y emploie de toute son énergie. Dès 457 ou 456, les zeugites (citoyens de la troisième classe censitaire) ont accès à l’archontat, la vieille magistrature, peu à peu dépouillée de ses pouvoirs depuis la création des stratèges, mais qui conserve un incontestable prestige; l’on sait d’autre part par Aristote que même les thètes (citoyens de la quatrième classe) sont admis à l’archontat. La pratique du tirage au sort pour la désignation des magistrats – religieuse dans son principe, mais qui sert les intérêts des démocrates – se répand largement en se substituant à l’élection.
Ces réformes auraient pu rester lettre morte si l’on n’avait pas procuré aux pauvres, candidats à des fonctions publiques, de quoi compenser la perte de leur salaire. L’institution la plus originale de Périclès, conseillé, dit-on, par Damon, est la création d’une rétribution (la misthophorie) pour les bouleutes (membres du conseil des cinq cents), les archontes, les magistrats secondaires, les héliastes (juges du tribunal de l’héliée). Réforme limitée du reste, puisque la participation aux séances de l’assemblée du peuple, devoir primordial du citoyen, n’entraîne aucun misthos (rétribution), et que les charges publiques les plus importantes, notamment la stratégie, restent de purs honneurs, et sont réservées ainsi aux citoyens aisés. Cette réforme s’avère néanmoins capitale, puisqu’elle permet à la cité d’Athènes de devenir dans les faits une démocratie, où une fraction importante du démos participe au maniement des affaires de l’État.
La condition de citoyen devient donc un métier rémunérateur pour beaucoup de petites gens qui touchent un misthos public, au reste modeste. De même les hoplites (fantassins) et les marins reçoivent un misthos , tandis que les cavaliers se voient attribuer une indemnité d’entretien pour leur cheval. Le service militaire, devoir par excellence du citoyen, est ainsi source de profits, et de profits non négligeables à une époque où se multiplient les opérations sur terre et sur mer.
D’autre part, Périclès favorise la fondation de nombreuses apoikiai , ces colonies militaires destinées à surveiller les villes de l’empire et où l’on installe des citoyens pauvres en les dotant d’un lot de terre (cléros ), tout en leur conservant leurs droits à Athènes. Par cette attribution d’un domaine foncier, bon nombre de thètes accèdent à la classe des zeugites.
Une politique de grands travaux
Enfin Périclès multiplie les grands travaux à Athènes même et dans l’Attique, procurant aussi du travail non seulement à des artistes, mais à des artisans, à des ouvriers, à des manœuvres. Dans la biographie qu’il a écrite, Plutarque indique bien qu’il consacrait les ressources de l’État «à des ouvrages qui lui donneraient, une fois accomplis, un renom immortel, et, en s’accomplissant, un bien-être immédiat; ranimant tous les arts et mettant tous les bras en mouvement, ils procurent un salaire (misthos ), peu s’en faut, à la ville entière» (chap. XI). Il définit ainsi excellemment la double visée de cette politique considérable de grands travaux: faire d’Athènes, patrie de la démocratie, une ville plus belle que toutes les autres – ce qu’elle était loin d’être, surtout après les ruines des guerres médiques (au reste, il faut rappeler que certaines cités coloniales, de Sicile par exemple, avaient réalisé un effort de construction bien supérieur à celui d’Athènes) –, mais aussi multiplier les emplois et fournir du travail à tous, donc augmenter le niveau de vie de l’Athénien moyen.
Le soin le plus minutieux est évidemment donné à la reconstruction des monuments de l’Acropole qui, après la tornade de la seconde guerre médique, n’avait pu, faute de crédits, qu’être réaménagée sommairement. Un plan d’ensemble est conçu, à la fois net et varié, qui évite ainsi toute monotonie et permet de conserver d’antiques vestiges, presque des reliques de la religion la plus ancienne. On a de bonnes raisons d’estimer que Périclès n’a pu réaliser cette œuvre que grâce au concours de Phidias, ensemblier de la colline sainte et, pourrait-on dire, comme son surintendant des beaux arts. La première tâche était de reprendre les efforts de Clisthène, fondateur de la démocratie, pour doter la patronne de la cité, Athéna, d’un nouveau temple digne d’elle et des Athéniens: c’est le Parthénon, remarquable par ses dimensions imposantes (façade de huit colonnes et non de six, comme dans la plupart des temples grecs) et par la frise ionique qui s’ajoute paradoxalement à cet édifice dorique. La décoration sculptée est ainsi doublée, et à dessein, car elle délivre un message qui traduit une partie de la pensée politique de Périclès. Les frontons illustrent à l’est la naissance d’Athéna, à l’ouest la dispute de l’Attique entre Athéna et Poséidon en présence des vieilles familles mythiques: ainsi est exaltée la divinité poliade, de même que l’aide qu’elle apporte à la cité depuis des temps immémoriaux. Les métopes de la frise dorique (gigantomachie, prise de Troie, amazonomachie, centauromachie) évoquent quatre scènes de bataille où l’on voit l’ordre triompher de l’anarchie, l’esprit de la matière, l’organisation de la confusion. Enfin, sur la frise ionique des Panathénées, c’est le peuple entier d’Athènes qui, dans la joie d’une réjouissance commune, porte ses offrandes aux dieux, réunis dans une grave assemblée, sur la côte noble (à l’est). Dans le naos , l’Athéna Parthénos de Phidias montre la déesse en armes, tenant sur sa main la Victoire (Nikè ): fière représentation de la déesse vigilante qui est comme le symbole de la cité qui porte son nom.
L’Acropole est aussi dotée d’une entrée monumentale, les Propylées, presque achevés au début de la guerre du Péloponnèse. Les autres édifices, entièrement ioniques, ne seront élevés qu’après la mort de Périclès, mais selon le plan d’ensemble qu’il avait conçu avec Phidias. Au reste, il est probable que l’Erechtheion, un temple double d’Athéna et de Poséidon, protecteurs par excellence de l’Attique, destiné à recueillir les reliques des plus vieux cultes nationaux, a été commencé de son vivant.
Le reste de l’œuvre architecturale n’est pas moins important. Athènes est dotée d’un odéon, dont la forme rappelle la tente de Xerxès, l’ennemi exécré et vaincu, le Pirée d’une halle au blé (alphitopolis ). Un temple dorique est élevé conjointement à Héphaïstos et à Athéna sur la butte de l’agora qui domine le quartier industriel du Céramique. Les temples de Némésis à Rhamnonte et de Poséidon au cap Sounion, détruits par le Perse, sont reconstruits, également en dorique. Ces trois édifices sont apparemment l’œuvre d’un même architecte, ce qui permet d’insister sur le plan d’ensemble voulu par Périclès. Enfin la salle d’initiation (télestérion ) d’Éleusis est considérablement agrandie par rapport à l’état antérieur, dû à Cimon, ce qui montre à la fois le succès des mystères, où les Athéniens allaient chercher des gages de vie éternelle, et le désir du grand stratège de renforcer l’équilibre religieux de la cité: les cultes chthoniens chers au peuple ne sont pas moins encouragés que les cultes poliades de l’Acropole, et Phidias lui-même sculpte pour le sanctuaire d’Éleusis le magnifique relief qui respire une intense spiritualité et où Déméter et Coré, les deux déesses compatissantes, remettent au jeune Triptolème le premier grain de blé qui permettra la naissance de l’agriculture et de la civilisation.
Au total, l’œuvre intérieure de Périclès, qui est considérable, répond à des objectifs variés. Forte et riche, Athènes se doit de se revêtir d’une parure monumentale, où, comme il le dit lui-même dans Thucydide (II, XL), «elle sait concilier le goût du beau avec la simplicité»: ainsi elle honore les dieux qui la protègent; elle attire vers elle les étrangers, sensibles à ce cadre de beauté comme à l’éclat des fêtes qui s’y déroulent; elle éduque la sensibilité esthétique et la conscience civique de ses habitants. Mais il ne faut pas négliger la finalité sociale, qui est essentielle. On parle volontiers du «socialisme d’État» de Périclès. Encore faut-il préciser: Périclès a voulu résoudre le problème du paupérisme en créant de nombreux misthoi , civils ou militaires, en fondant des colonies, en multipliant les chantiers. Si l’on relit sa biographie dans Plutarque, on constate partout l’obsession lancinante du misthos dans une politique qui vise avant tout à élever le niveau de vie des citoyens les plus pauvres, c’est-à-dire de la masse du démos . Cette ferme volonté est corroborée par le pamphlet écrit, à la veille de la guerre du Péloponnèse, par un ennemi déclaré de la démocratie, que l’on désigne conventionnellement sous le nom de «vieil oligarque»: «Le bien-être des pauvres, des gens du peuple et des classes inférieures et la multiplication des gens de cette sorte renforcent la démocratie» (Constitution d’Athènes , I, IV). Les résultats tangibles de cette politique apparaissent dans la nette diminution de la proportion des thètes dans le corps civique entre la seconde guerre médique et la guerre du Péloponnèse: 20 000 thètes sur 30 000 citoyens en 480, 20 000 thètes sur 42 000 citoyens en 431.
L’impérialisme de Périclès
Athènes et ses alliés
Si Athènes est forte et riche, c’est en grande partie à son empire qu’elle le doit. Dans le développement de cette puissance impériale, Périclès est l’héritier de tous ceux qui ont conseillé le peuple d’Athènes, depuis les guerres médiques, le démocrate Thémistocle, le modéré Aristide, l’aristocrate Cimon, mais il accélère nettement l’évolution de la confédération de Délos, qui avait été à l’origine une libre association de cités autour d’Athènes en vue de se prémunir contre un retour en force du Grand Roi, vers un empire (archè ) où Athènes impose sa volonté à ses alliés, devenus en fait ses sujets. En 454, par une décision symbolique, Périclès fait transporter le trésor fédéral de Délos sur l’Acropole d’Athènes. Une série de mesures précises renforcent ensuite l’organisation centralisatrice au bénéfice exclusif d’Athènes: le décret de Cléarchos interdit tout monnayage d’argent aux alliés et impose à tous les poids et mesures athéniens; le décret de Cleinias établit un système rigoureux pour la perception du tribut; enfin, l’empire est divisé en cinq districts, afin d’améliorer la perception du tribut (phoros ) versé à Athènes par les alliés. De plus en plus, le trésor fédéral est utilisé aux seules fins d’Athènes pour subvenir aux besoins des grands chantiers de travaux publics et pour célébrer les fêtes avec plus d’éclat. Le chef des aristocrates, Thucydide, fils de Mélésias, reproche durement cette politique à Périclès, déclarant que «les sommes versées pour les besoins de la guerre servent à dorer et à parer la ville comme une coquette, à la surcharger de pierres précieuses, de statues et de temples de mille talents» (Plutarque, Vie de Périclès , XII). Périclès a beau jeu de répondre qu’Athènes remplit fidèlement ses obligations, puisqu’elle assure efficacement la défense commune contre les Barbares, et que c’est à bon droit qu’elle utilise à son gré les tributs. Il est suivi par le peuple athénien qui frappe Thucydide d’ostracisme en 443.
Certaines cités puissantes parmi les alliés ne supportent pas cette mainmise renforcée d’Athènes et l’on enregistre des révoltes, comme il y en avait déjà eu sous Cimon: les plus importantes sont celles de l’Eubée en 446 et de Samos en 441. De nouvelles colonies militaires sont fondées, les unes sur les marges du monde barbare (Hellespont, Thrace), les autres chez les alliés remuants (Eubée, Naxos). L’empire continue de ce fait à s’étendre, notamment en Asie Mineure et dans le Pont-Euxin à la suite d’une démonstration navale menée par Périclès en personne.
Si Périclès intervient ainsi lui-même, comme un peu plus tôt contre Samos révoltée, c’est que l’empire est au cœur de la puissance athénienne. Par leurs contributions, les cités sujettes permettent à Athènes de disposer d’une flotte de guerre exceptionnellement puissante, grâce à laquelle elle fait la loi dans toute la Méditérranée orientale, de disposer aussi de finances solides qui autorisent une politique sociale aux larges vues. Démocratie et impérialisme sont indissolublement liés: ce sont les tributs qui permettent d’assurer largement les misthoi , base de l’extinction du paupérisme. On est frappé, en lisant les discours que Thucydide prête à Périclès, du cynisme qui s’y étale: Athènes a la force pour elle, elle se doit de l’utiliser au maximum. D’où cette contradiction frappante: Athènes a développé la première forme de démocratie véritable, rendant le peuple maître de son destin, mais elle n’a pu le faire qu’en exploitant les alliés qui s’étaient remis à elle et en les privant de leur autonomie. Elle cueillera d’ailleurs les fruits amers de ses outrances, car l’empire s’écroulera d’une seule pièce à la fin de la guerre du Péloponnèse, quand elle ne pourra plus lui imposer sa dure hégémonie.
La politique extérieure
Sur le plan extérieur, la politique de Périclès est d’abord d’une hardiesse extrême: il croit pouvoir lutter sur un double front, contre le Grand Roi, avec qui la paix n’a pas été signée à la fin des guerres médiques, et contre Sparte et ses alliés, avec qui Athènes, sous Cimon, avait entretenu de bons rapports. Contre Artaxerxès Ier, successeur de Xerxès, Athènes mène une grande expédition en Égypte pour soutenir un vassal révolté, Inaros, mais elle subit un désastre dans l’île de Prosopitis (454). En 449 ou 448, Athènes et le Grand Roi concluent la paix (dite paix de Callias) sur la base du statu quo: c’est pour Athènes un important succès, même si ce n’est pas le traité victorieux dont Périclès avait pu rêver un temps, car la confédération athénienne est reconnue, et par là même la liberté des Grecs d’Asie, opprimés pendant tant d’années par le Barbare. Contre les Péloponnésiens et leurs alliés béotiens se déroule une lutte indécise, avec alternance de succès et d’échecs. Lasses de cette guerre, que l’on appelle parfois, à bon droit, la «première guerre du Péloponnèse », Sparte et Athènes signent en 446 une trève de trente ans.
Paradoxalement, Périclès tente aussi des entreprises panhelléniques, sans doute parce qu’il espère montrer ainsi le rayonnement d’Athènes. Mais un projet de congrès panhellénique avorte; c’est aussi en vain qu’il essaie d’imposer à toutes les cités d’envoyer les prémices de leurs récoltes aux déesses d’Éleusis. Il réussit cependant dans son projet d’une fondation coloniale unissant des colons de nombreuses cités grecques à Thourioi, dans l’Italie du Sud.
La trève de 446 ne dure pas trente ans, loin de là. Sous l’égide de Périclès, Athènes se lance dans une politique impérialiste exacerbée, essayant de provoquer l’épreuve de force afin d’éliminer ses rivales, essentiellement les cités du Péloponnèse. Deux incidents graves, les affaires de Corcyre et de Potidée, l’opposent directement à Corinthe, qu’offusque le triomphe économique d’Athènes. Finalement, des deux côtés on aspire à la guerre qui apparaît comme le seul moyen de sortir d’une situation ambiguë: elle éclate en 431. Périclès s’y est préparé en mettant sur pied une stratégie subtile: tous les habitants de l’Attique devront se réfugier derrière les Longs Murs qui réunissent désormais Athènes et le Pirée, et n’auront rien à craindre des armées péloponnésiennes, tandis que la flotte athénienne, invincible, interviendra au loin, usant méthodiquement l’ennemi.
Les débuts de la guerre sont difficiles: les Péloponnésiens investissent l’Attique, la peste s’abat sur Athènes. Le peuple, incertain, retire sa confiance à Périclès, qui est déposé et condamné en 430. Il vient d’être réélu stratège, quand il est emporté par la peste (429). Il laisse les Athéniens à un moment crucial, au début d’une guerre qui connaîtra d’innombrables péripéties et finira en catastrophe, sans que l’on puisse taxer le stratège d’impéritie ou d’imprévoyance, tant ses successeurs accumuleront les fautes.
Cette œuvre considérable n’a pas été réalisée sans rencontrer des résistances, non seulement celles des aristocrates, éliminés du pouvoir et qui déploraient avec des regrets poignants la mainmise du peuple, de ceux qu’ils appelaient «les méchants», sur la cité, mais aussi celles d’une partie du démos . Périclès s’est usé au pouvoir, il a vu ses amis, et Aspasie elle-même, traînés en justice ou cruellement raillés par les comiques, il a pu mesurer l’ingratitude d’une cité qui l’a condamné pour malversations avant de lui redonner sa place à la tête de l’État.
Périclès
(v. 495 - 429 av. J.-C.) homme d'état athénien, membre de la grande famille des Alcméonides, fils de Xanthippos et d'Agaristê. Excellent orateur, il devint, en 459 av. J.-C., le chef du parti démocratique. Il demeura à la tête de l'état de 443 à 429 avec la seule fonction de stratège, renouvelée chaque année. Sa compagne Aspasie réunit autour d'eux les plus brillants esprits de l'Attique. Il réalisa des réformes démocratiques et porta à son apogée la puissance navale et coloniale d'Athènes. En 454, il fit transférer le trésor de guerre de Délos sur l'Acropole, notam. pour embellir la cité: construction du Parthénon (sous la responsabilité de Phidias), des nouveaux Propylées, du nouvel érechthéion, etc. Son époque prit le nom de "siècle de Périclès". Il mourut de la peste.
Encyclopédie Universelle. 2012.