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RÉGIONS
RÉGIONS

La régionalisation française s’est faite tardivement et timidement. Ce n’est que depuis 1986 que toutes les régions sont des collectivités locales, c’est-à-dire des institutions administratives à compétence générale chargées de la gestion de leur territoire.

L’émergence tardive des régions en tant que collectivités publiques tient moins à des réticences vis-à-vis de la décentralisation, car la France est décentralisée depuis bien longtemps avec les communes et les départements ainsi que les territoires d’outre-mer, qu’à de profondes hésitations dans le choix du cadre régional et le rôle exact que pourrait jouer l’institution régionale par rapport aux autres collectivités territoriales.

On pouvait lire, dans le rapport de la commission de développement des responsabilités locales (rapport Guichard) publié en 1976, que «la région est encore l’objet de nombreuses controverses. Certains mettent sur elle beaucoup d’espoir ou d’ambition, d’autres n’y lisent que des éléments de crainte pour la clarté de nos mécanismes et l’unité de notre pays». Et la commission recommandait de «poursuivre l’expérience entreprise en lui apportant des améliorations».

En 1985, les vingt-deux régions métropolitaines et les quatre régions d’outre-mer (Guadeloupe, Guyane, Martinique et Réunion) représentent trois mille agents et ont pesé pour 5 p. 100 dans les dépenses d’investissements publics. Les dépenses régionales se sont chiffrées à 27,5 milliards de francs en 1987, en augmentation de 16,5 p. 100 par rapport à 1986 où elles avaient déjà augmenté de près de 30 p. 100 par rapport à 1985. Les recettes fiscales pour 1988 s’élèvent à environ 16,9 milliards de francs, soit 300 francs par habitant. Nées tardivement, les régions ont pris un essor rapide et jouent désormais un rôle essentiel au sein des institutions administratives, en particulier dans le domaine du développement économique.

1. L’évolution des régions vers leur maturité

L’accession des régions au rang de collectivité locale est le fruit d’une évolution dont le point de départ est la nécessité de disposer d’un échelon supra-départemental de déconcentration des services de l’État. À cet impératif se sont jointes des exigences d’ordre économique liées aux politiques de planification et d’aménagement du territoire. Cela explique que la région, apparue comme un simple rouage de l’administration centrale, soit passée, en 1972, au stade d’une décentralisation limitée avant de devenir, en 1982, le support d’une véritable collectivité territoriale.

Des circonscriptions administratives régionales

Jusqu’en 1972, les régions sont des circonscriptions administratives territoriales. La loi départementale du 10 août 1871 avait déjà prévu des «ententes interdépartementales» après une proposition de Raudot en faveur d’une division de la France en vingt-quatre circonscriptions administratives qualifiées de «provinces», qui auraient été dotées d’un «gouverneur» et d’un «conseil de gouvernement» nommés par l’exécutif central et d’un «conseil provincial» composé de membres choisis par les conseils généraux et compétents pour un certain nombre d’affaires d’intérêt régional.

La IIIe République connut de nombreuses tentatives en faveur de la création de régions. Une circulaire du 15 septembre 1910 envisagea de les doter de la personnalité morale et d’instituer un «préfet régional ayant autorité sur les préfets des départements». Ce texte resta sans suite de même que les projets gouvernementaux déposés après la Première Guerre mondiale à la suite des travaux de commissions parlementaires ou extra-parlementaires. Le même sort fut réservé aux propositions de loi, notamment celles de Hovelacque (1895) et de Beauquier (1902) ainsi qu’aux rapports, tels ceux de Hennessy (1918) ou de Bellet (1923). Finalement, la région s’est imposée sous la pression des exigences économiques avec la timide organisation préconisée, en 1917, par le ministre du Commerce Clémentel, et mise en place par un arrêté du 25 avril 1919.

Avec cette réforme furent créés des «groupements régionaux de chambres de commerce» sous le nom de «régions économiques» au nombre de dix-sept et dotées d’un «comité régional» comportant deux membres par chambre de commerce, désignés pour six ans et renouvelables par tiers tous les deux ans. Ce comité, assisté d’un organe consultatif associant des représentants des pouvoirs publics et des socioprofessionnels, était chargé de faire des propositions relatives au développement industriel, commercial et agricole de la région. Ces groupements ont ultérieurement acquis le statut d’établissements publics.

Le cadre régional prit une plus grande importance avec le régime de Vichy. L’acte dit loi du 19 avril 1941 prévoyait l’institution de dix-huit préfets régionaux pour assurer le maintien de l’ordre et la direction des opérations de ravitaillement. Ils étaient assistés dans cette double tâche par un «intendant de police» et un «intendant aux affaires économiques». Les préfets des départements et les directeurs des services régionaux de l’État se trouvaient placés sous leur autorité. L’institution fut abolie avec le retour de la légalité républicaine, mais le cadre régional ne disparût pas pour autant puisqu’il fut repris par les autorités de la libération avec les «commissaires régionaux de la République» créés par l’ordonnance du 10 janvier 1944 puis supprimés en 1946.

La IVe République se montra d’abord peu favorable aux préoccupations régionalistes. La Constitution du 27 octobre 1946, qui reconnaissait comme collectivités territoriales les communes, les départements et les territoires d’outre-mer, ne disait mot de la région. Bien plus, les constituants rejetèrent la proposition de R. Capitant visant à introduire la faculté, pour le législateur, de créer de nouvelles collectivités locales. À la suite des grèves insurrectionnelles de 1947, une loi du 24 mai 1948 devait prévoir, à l’inspection générale de l’administration du ministère de l’Intérieur, des emplois d’inspecteurs généraux en mission extraordinaire (igame) dont le ressort territorial correspondait aux neuf régions militaires. Ils étaient chargés d’assurer une coordination étroite des pouvoirs civils et militaires en vue du maintien de l’ordre, et leurs attributions furent progressivement élargies aux domaines administratif et économique.

À la fin de la IVe République, les idées régionales prirent plus de force en raison des impératifs de l’aménagement du territoire et de la planification urbaine. On assista alors au développement d’une «régionalisation fonctionnelle», relais nécessaire d’administration économique entre l’État et les départements. À partir de 1954, des associations se formèrent avec, pour objectif, le développement économique d’une région. Elles furent consacrées, à la fin de 1954, sous la forme de «comités d’expansion économique».

L’établissement de programmes d’action régionale fut prévu par un décret-loi du 30 juin 1955, suivi d’un arrêté du 28 octobre 1956 qui délimitait vingt-trois régions de programmes. Cette évolution se poursuivit en 1958 avec la création des «plans régionaux de développement économique et social et d’aménagement du territoire». Enfin, deux décrets des 7 janvier 1959 et 2 juin 1960 définirent le cadre de vingt et une circonscriptions d’action régionale (C.A.R.). Celles-ci étaient dotées d’un préfet coordonnateur et d’une conférence interdépartementale qui étaient consultés avec les comités d’expansion sur les tranches régionales du quatrième plan. L’armature administrative des régions se trouva renforcée par deux décrets du 14 mars 1964 créant une structure permanente et uniforme articulée autour du préfet de région et sa «mission». Deux organes consultatifs étaient prévus: la conférence administrative régionale (C.A.R.) et la commission de développement économique régional (Coder).

Des établissements publics régionaux

Une étape très importante est marquée par le rejet, lors du référendum du 27 avril 1969, du projet du général de Gaulle visant à la fois l’institution de véritables collectivités territoriales régionales et la réforme du Sénat. L’assemblée régionale devait comprendre, selon le projet de référendum, d’une part des élus (députés de la région et représentants des collectivités locales), d’autre part des conseillers régionaux représentant les intérêts économiques et sociaux. Le rejet de ce projet a certainement pesé lourd sur l’avenir de l’idée régionale. Il explique que la création d’une institution régionale décentralisée ne se soit faite, avec la loi du 5 juillet 1972, que sous la forme d’un établissement public aux compétences étroitement limitées et dont la loi elle-même prévoyait qu’il ne disposerait pas de services propres.

C’est pourtant avec cette loi que les régions ont pris timidement leur place au sein des institutions administratives décentralisées. Les régions de la loi de 1972 comprennent trois organes:

– Le conseil régional composé des parlementaires de la région (députés et sénateurs de la région), de représentants des collectivités locales élus par les conseils généraux et de représentants des agglomérations.

– Le préfet de région qui est à la fois le représentant de l’État dans la région et l’exécutif de l’établissement public. C’est le préfet du département du chef-lieu de la région.

– Un comité économique et social composé de représentants des organismes et activités à caractère économique, social, professionnel, familial, éducatif, scientifique, culturel et sportif de la région. Il est chargé de donner son avis sur les questions les plus importantes entrant dans la compétence des régions.

L’établissement public régional (E.P.R.) a pour mission de contribuer au développement économique et social de la région. Il a un rôle d’étude et de coordination mais peut également participer au financement d’équipements collectifs présentant un intérêt régional direct. Il peut même réaliser lui-même de tels équipements avec l’accord et pour le compte d’autres personnes publiques.

Enfin, la loi de 1972 prévoit que l’établissement public régional peut bénéficier du transfert de compétences de l’État dans le domaine du développement régional. Elle ménage ainsi des possibilités d’évolution qui seront utilisées entre 1975 et 1977, époque où seront transférées aux régions des compétences en matière, notamment, de parcs naturels régionaux et d’équipements sportifs ou sanitaires, puis en 1979, date à laquelle leur seront transférées des compétences en matière de transports.

Cependant, les ressources financières des régions demeurent dans un cadre très strict, un plafond de ressources fiscales étant même prévu: 25 francs par habitant en 1972, montant porté à 67,68 F en 1981.

La décennie 1970-1980 marque la conversion de la gauche à l’option régionaliste. Une proposition de loi socialiste portant décentralisation de l’État est déposée au Parlement au début de l’année 1980. Après l’alternance de l’année 1981, le nouveau gouvernement élabore un projet de loi relatif aux droits et libertés des communes, des départements et des régions qui est devenu la loi du 2 mars 1982. La réforme est étendue à la région Corse par une loi votée le même jour et aux régions d’outre-mer par une loi du 31 décembre 1982. Les régions sont véritablement devenues des collectivités territoriales à partir de l’élection des conseils régionaux au suffrage universel direct le 16 mars 1986. La région Corse et les régions d’outre-mer étaient quant à elles déjà devenues des collectivités territoriales à partir de 1982 et de 1983.

2. La place actuelle des régions dans les institutions politiques et administratives françaises

Les régions sont désormais des collectivités territoriales. Cependant, contrairement aux autres collectivités territoriales, leur existence n’est pas garantie constitutionnellement. Elles ne figurent pas, en effet, dans l’énumération des collectivités territoriales de la République donnée par l’article 72 de la Constitution et sont une création du législateur que la Constitution habilite à créer de nouvelles collectivités territoriales. Leur vocation essentielle est d’ordre économique, mais l’institution régionale est aussi apparue comme un cadre privilégié de diversification des institutions afin d’adapter la décentralisation aux impératifs locaux. Cela explique le statut particulier de la région d’Île-de-France comme celui de la Corse ou des régions d’outre-mer auxquelles on a voulu donner une plus grande autonomie.

Traits généraux de l’organisation régionale

Structure des régions

La structure de la région s’articule autour de trois organes: le conseil régional, le président du conseil régional et le comité économique et social.

– Le conseil régional, organe délibérant de la région, est élu pour six ans au suffrage universel direct en vertu de la loi du 2 mars 1982 et de celle du 10 juillet 1985 qui a déterminé le mode de scrutin: la représentation proportionnelle dans le cadre départemental. Les effectifs vont de 31 (Guyane) à 197 (Île-de-France); le renouvellement se fait intégralement tous les six ans.

– Le conseil régional élit son président et son bureau. Le président du conseil régional a un rôle essentiel puisqu’il est, depuis 1982, l’exécutif de la région. Il est élu par le conseil régional pour six ans et a pour fonctions de préparer et d’exécuter les délibérations du conseil ainsi que de diriger les services de la région. Il est à noter, de ce point de vue, que si, dans la législation de 1972, les régions n’avaient pas de services propres, elles peuvent, depuis 1982, créer les services nécessaires à l’exercice de leurs missions.

Le personnel régional est, en principe, soumis au statut des fonctionnaires territoriaux. Depuis les lois de décentralisation, ses effectifs ont connu une croissance sensible.

Le président du conseil régional est assisté d’un bureau composé de lui-même et de quatre à dix vice-présidents, ainsi, éventuellement, que d’autres membres. Le bureau est élu en même temps que le président et pour la même durée que lui. Le conseil régional peut déléguer certaines attributions au bureau et les vice-présidents peuvent recevoir des délégations de signature de la part du président.

– Le comité économique et social, chargé de représenter les intérêts économiques, sociaux et culturels de la région, est l’assemblée consultative de la région. Il comprend de quatre-vingts à cent dix membres qui se répartissent de la manière suivante: 35 p. 100 de représentants des entreprises et activités professionnelles non salariées de la région, 35 p. 100 de membres des organisations syndicales représentatives au niveau national et de la Fédération de l’éducation nationale, 25 p. 100 de représentants des «organismes qui participent à la vie collective de la région», 5 p. 100 au plus des sièges revenant à des personnalités qui «concourent au développement de la région». Le comité économique et social donne obligatoirement son avis sur les questions les plus importantes qui entrent dans les attributions régionales, notamment le plan et le budget, et il peut, de sa propre initiative, émettre des avis sur toute question de la compétence de la région.

Compétences régionales

Les régions sont les collectivités locales dont la vocation principale est la plus affirmée: c’est le développement économique. Cette vocation traditionnelle a été renforcée par le législateur de 1982, qui a prévu que le conseil régional est compétent pour «promouvoir le développement économique et social, sanitaire, culturel et scientifique de la région et l’aménagement de son territoire et pour assurer la préservation de son identité».

C’est dans le cadre de cette vocation économique traditionnelle que les lois de décentralisation, notamment celle du 7 janvier 1983 et celle du 22 juillet 1983, ont étendu les compétences de la région.

La région a un rôle essentiel en matière de développement économique puisqu’elle a le monopole de l’attribution des aides directes aux entreprises (primes, prêts et avances, et bonifications d’intérêts). Ces aides peuvent être, le cas échéant, complétées par les communes et les départements. Pour 1985, les régions ont accordé quelque 1 800 millions de francs d’aides directes aux entreprises (il s’agit de transferts financiers directs) et 239 millions de francs d’aides indirectes (il s’agit d’interventions qui ne constituent pas des transferts financiers directs comme les locations de bâtiments). Les chiffres correspondants pour l’ensemble des collectivités locales sont respectivement de 4 713 millions de francs et 1 543 millions de francs.

Les régions peuvent aussi, comme les départements, accorder toute aide directe ou indirecte à une entreprise en difficulté «lorsque la protection des intérêts économiques et sociaux de la population l’exige». Cette faculté a été supprimée pour les communes, par une loi du 5 janvier 1988. Les régions ont accordé, à ce titre, aux entreprises 239 millions de francs en 1985. On peut cependant remarquer que la part des aides régionales aux entreprises demeure assez limitée si on la compare aux sommes distribuées par les institutions régionales dans les autres États membres de la Communauté européenne (tabl. 1).

La région a également un rôle essentiel en matière d’équipements publics, et c’est d’ailleurs dans ce rôle que le législateur de 1972 voulait, pour l’essentiel, la confiner. Elle peut, en effet, participer au financement de tout équipement présentant un intérêt régional direct. Cependant, les lois de décentralisation ont fait sortir la région du cadre strict qui leur avait été assigné par le législateur de 1972 en lui confiant la gestion d’un certain nombre de services publics. Ainsi, en matière d’enseignement, la région gère les lycées et a la responsabilité des bâtiments et des investissements. En matière culturelle, elle contribue au mécénat public par le biais des Fonds régionaux d’art contemporain. En matière de formation professionnelle, elle participe à la programmation avec l’État et assure la gestion d’un fonds régional de la formation professionnelle. Elle est compétente en matière de ports fluviaux et de voies d’eau, et elle détient des responsabilités plus spécialisées en matière de logement ou d’urbanisme. Elle se voit également attribuer, par la loi d’orientation des transports intérieurs, une mission de planification et de coordination des investissements.

Enfin et surtout, la loi Rocard du 29 juillet 1982 a renforcé, de manière significative, le rôle de la région en matière de planification. En premier lieu, la région participe à l’élaboration et à l’exécution du plan national. Pour l’exécution du plan national sont passés entre l’État et les régions des contrats de plan qui comportent, sur un certain nombre d’opérations, des engagements réciproques. Pour la période 1984-1988, l’État a consacré plus de 40 milliards de francs aux contrats de plan alors que, de leur côté, les vingt-deux régions métropolitaines ont apporté 24,5 milliards de francs (tabl. 2). Trois secteurs apparaissent privilégiés dans les contrats de plan: d’une part, les transports auxquels sont consacrés 38 p. 100 du montant des contrats, ensuite, la modernisation des activités productives avec 17 p. 100 et, enfin, l’action sanitaire et sociale avec 11 p. 100 des crédits. On peut noter cependant une grande concentration des crédits de l’État, puisque près de 40 p. 100 des crédits contractualisés sont réservés à trois régions: l’Île-de-France (17 p. 100), le Nord - Pas-de-Calais (11 p. 100) et la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (10 p. 100). On peut également noter que, pendant cette période, les régions ont consacré plus du quart de leur budget (26 p. 100) au financement des contrats de plan (tabl. 3). Il appartient, en second lieu, à la région d’élaborer un plan régional après consultation des conseils généraux et des communes les plus importantes. Cette obligation de consultation n’est pas une simple formalité puisque sa violation a entraîné l’annulation par le tribunal administratif de Montpellier du contrat de plan de la région Languedoc-Roussillon. Pour l’exécution du plan régional, la région peut passer des contrats de plan avec d’autres collectivités publiques ou avec des entreprises.

L’importance des sommes en jeu donne un relief particulier à la question de savoir quelle valeur il faut reconnaître aux contrats de plan. Le Conseil d’État a été saisi de cette question dans l’affaire du Synchrotron, un accélérateur de particules qui doit être réalisé par le Centre européen de recherche nucléaire. L’État s’était engagé, dans le contrat de plan avec la région Alsace, à soutenir la candidature de Strasbourg pour l’implantation de l’équipement. Mais, finalement, il avait soutenu la candidature de Grenoble. Le Conseil d’État a jugé qu’on ne pouvait obtenir l’annulation d’une décision allant à l’encontre du contrat de plan mais que la violation de celui-ci par l’État pouvait engager sa responsabilité (Ass. 8 janvier 1988, ministère chargé du Plan et de l’Aménagement du territoire contre la Communauté urbaine de Strasbourg).

Finances régionales

Les budgets régionaux ont une place encore limitée dans l’ensemble des dépenses publiques: 27,5 milliards de francs en 1987. Les régions bénéficient de dotations de l’État: dotation générale de décentralisation destinée à compenser les charges provenant des transferts de compétences, dotation spécifique de formation professionnelle et d’apprentissage, dotation régionale d’équipements scolaires. Mais elles bénéficient également de recettes fiscales: 16,8 milliards de francs en 1988, soit 300 francs par habitant. Ces recettes fiscales sont constituées par le produit des impôts locaux classiques (taxe d’habitation, taxe professionnelle, taxe sur les propriétés foncières bâties, taxe sur les propriétés foncières non bâties): 139 francs par habitant pour 1988 (contre 813 francs par habitant pour les départements et 1 832 francs par habitant pour les communes), par celui de la taxe sur les cartes grises depuis 1983 (3 721 millions de francs en 1987), de la taxe sur les permis de conduire (237 millions de francs en 1987) et des taxes additionnelles aux droits d’enregistrements (3 045 millions de francs en 1987) [tabl. 4 et 5].

Les statuts régionaux particuliers

La situation tout à fait particulière de la région parisienne a nécessité l’adoption d’un statut spécial par la loi du 6 mai 1976 dont certaines dispositions sont encore en vigueur après les lois de décentralisation. On peut relever que les fonctions de président du conseil régional sont incompatibles avec celles de maire de Paris ou de membre du gouvernement et que la région Île-de-France a des compétences particulières, par exemple en matière d’espaces verts et de transports, ainsi que des recettes plus diversifiées que celles des autres régions.

La reconnaissance au profit de la Corse d’une autonomie régionale plus poussée fait partie d’une politique d’ensemble destinée à résoudre les difficultés que connaît l’île, en particulier du fait des menées autonomistes. La région de Corse est régie par un statut spécial depuis la loi du 2 mars 1982, votée en même temps que la grande loi de décentralisation. Ce statut a été modifié par la loi du 13 mai 1991. Le conseil régional, appelé assemblée de Corse, a été élu au suffrage universel direct dès 1982. Le président de l’assemblée de Corse est élu pour trois ans. La région Corse a des compétences plus étendues que les autres régions, en particulier dans les domaines de l’éducation et de la formation, de l’environnement, de la culture et de la communication ainsi que du développement de l’île. Le législateur a également prévu l’existence d’organes administratifs supplémentaires.

Auprès de l’assemblée est placé un conseil économique et social qui correspond aux comités économiques et sociaux des régions de droit commun. Mais il existe aussi un conseil de la culture, de l’éducation et du cadre de vie, qui représente les organismes intervenant dans ces domaines ainsi que différents établissements publics appelés «offices»: l’office d’équipement hydraulique, l’office du développement agricole et l’office des transports, ainsi qu’un établissement public régional d’urbanisme. Enfin, la région Corse peut créer des «agences», qui ont le statut d’établissements publics.

Les quatre régions d’outre-mer (Guadeloupe, Guyane, Martinique et Réunion) ont un statut particulier défini par une loi du 31 décembre 1982. Le trait le plus frappant est que ces quatre régions ne comprennent chacune qu’un seul département. Autrement dit, le même territoire constitue à la fois un département et une région. Le mode d’élection des conseillers régionaux est le même que pour les autres régions. Comme pour la Corse, le législateur a créé une instance consultative supplémentaire, le comité de la culture, de l’éducation et du cadre de vie, et prévu que le conseil régional pourrait créer des organes chargés d’assurer la réalisation des projets intéressant la région ainsi que le fonctionnement des services publics régionaux.

Deux pouvoirs particuliers sont reconnus aux régions d’outre-mer: d’une part, le conseil régional peut, comme l’assemblée de Corse, faire au Premier ministre des propositions en ce qui concerne le développement de la région ainsi que le fonctionnement des services de l’État, d’autre part, il peut être appelé à donner au gouvernement son avis sur tout projet d’accord avec des États voisins.

Les régions sont devenues désormais des collectivités territoriales majeures. Leur contrôle est un enjeu politique de première importance. Deux questions se posent quant à leur avenir: la première est celle d’une réforme éventuelle du mode de scrutin pour l’élection du conseil régional que l’on a pensé, un moment, aligner sur celui des communes; la seconde, celle d’une clarification de leurs compétences dans le cadre d’une redéfinition d’ensemble des fonctions des différentes collectivités locales.

Encyclopédie Universelle. 2012.