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SAINT EMPIRE ROMAIN GERMANIQUE
SAINT EMPIRE ROMAIN GERMANIQUE

Le Saint Empire romain germanique, qui prit en Occident, selon une forme originale et dans un cadre territorial particulier, la suite de l’Empire romain, lui-même restauré théoriquement entre 800 et 924 dans l’Empire carolingien, fut une institution essentiellement médiévale; la suprême institution d’ailleurs, puisque, apparu en 962 grâce à l’action d’Otton le Grand, il prétendit très tôt être l’organisme politique unique de la Chrétienté, qui avait vocation à regrouper peuples, royaumes et principautés de l’Europe catholique et à les gouverner conformément à la mission spéciale que Dieu lui avait confiée. Toutefois, cette prétention au dominium mundi , qu’exprimèrent très rarement les empereurs eux-mêmes, ne fut qu’une ambition idéale. En réalité, ceux-ci dirigèrent l’Allemagne et l’Italie, ainsi que quelques régions limitrophes, mais non le sud de la Péninsule où se forma le royaume de Sicile.

Aux XIe, XIIe et XIIIe siècles, de sa fondation à l’année 1250, le Saint Empire, dont la gloire était éclatante, représenta ainsi une force singulière. Cependant, les plus brillants empereurs, Ottonides avec les trois Ottons, Saliens avec Henri III et Henri IV, Staufen surtout avec Frédéric Ier Barberousse et Frédéric II, ne surent jamais s’imposer définitivement à l’Allemagne, d’une part parce qu’ils ne purent pas instituer l’hérédité de la couronne, qui était conférée par l’élection des princes électeurs, d’autre part parce qu’ils s’épuisèrent en des combats harassants en Italie, où ils se heurtèrent aux villes. En 1250, la mort de Frédéric II sonna le glas des rêves de domination de l’Italie. Dès lors, l’Empire devint seulement allemand; il en donna acte à l’histoire par la Bulle d’or de 1356.

Il échut alors, grâce aux relations nouées avec les princes électeurs, à la dynastie des Habsbourg, qui tenta de lui redonner de l’éclat, mais n’y réussit pas en raison des contestations internes et de l’opposition de la France. En 1648, les traités de Westphalie démembrèrent l’Allemagne, et l’Empire cessa d’être un élément de puissance; il resta un titre prestigieux mais creux. Postérieurement, en perdant la prédominance en Allemagne au profit de la Prusse et en ne sachant pas résister aux menées de la Révolution française et de Napoléon Ier, les Habsbourg ne lui conférèrent aucun renom nouveau. Ils durent y renoncer en 1806, date à laquelle mourut effectivement la vieille institution médiévale, altérée depuis fort longtemps.

Naissance et signification

La geste d’Otton le Grand

L’Empire carolingien, sans dynamisme ni cohésion depuis les dernières années du IXe siècle (mort de Charles le Gros, 888), avait officiellement cessé d’être une réalité politique à la mort de l’empereur Bérenger de Frioul (924). Son souvenir continuait cependant à hanter les esprits et à exalter les ambitions. Ce fut sans doute pour cette raison qu’en 962 le roi de Germanie, Otton Ier le Grand, de la dynastie des ducs de Saxe, qui s’était couvert de gloire aux yeux de ses compatriotes en écrasant sur le Lech (955) les envahisseurs hongrois et qui était intervenu en Italie contre les entreprises de Bérenger II, petit-fils de Bérenger de Frioul, en faveur du pape Jean XII, décida de reprendre le sceptre impérial et se fit couronner par le pontife (2 févr. 962). Ce faisant, il lui semblait purement et simplement assumer la continuité carolingienne, après un hiatus de trente-huit ans.

Les assises territoriales de cet empire étaient toutefois différentes dès l’origine, puisqu’il allait comprendre essentiellement le royaume de Germanie (réparti en six duchés: la Saxe, la Bavière, la Franconie, la Souabe, la Lorraine, la Bohême, devenue royaume au XIIe siècle) et celui d’Italie (encore que l’action du monarque fût pratiquement nulle dans les contrées méridionales), auxquels viendra s’ajouter en 1038 le royaume de Bourgogne (c’est-à-dire les pays compris entre la Saône et le Rhône à l’ouest, les sommets alpins et les confins germaniques en Bavière et Souabe à l’est, et la plaine suisse, le Jura, les régions alpines de France, la Provence au nord). Le royaume de France n’y était pas intégré et le centre de gravité politique était, plus encore que naguère, établi en Allemagne. C’est pour cette raison que les historiens ont qualifié cet empire de romain germanique.

Conception et organisation de l’Empire

Construction fondamentalement allemande, l’Empire romain germanique prétendait, comme le carolingien, à l’universalité, c’est-à-dire au gouvernement de tout l’Occident chrétien, gouvernement exercé en certaines régions d’une manière seulement théorique et par la simple reconnaissance de la préséance impériale. Il entendait même, dans ses plus nobles ambitions, prendre la suite de l’Empire romain et rassembler tous les peuples communiant dans la civilisation chrétienne latine, un tel idéal n’ayant cessé d’animer la plupart des empereurs des XIe, XIIe et XIIIe siècles; le plus ardent dans cette recherche ayant été le petit-fils d’Otton le Grand, l’empereur Otton III (983-1002), petit-fils aussi par sa mère de l’empereur byzantin, et qui, installé effectivement à Rome, rêva d’établir sous son autorité le dominium mundi .

La réalité, néanmoins, avait rompu avec les institutions et les traditions de l’Antiquité, et, même si elle s’animait encore sous l’effet de la dynamique qu’apportait la civilisation chrétienne, elle faisait de l’Empire un édifice germano-italien, dans lequel on pouvait, selon les normes et le temps, accorder la place prédominante soit à l’Allemagne, soit à l’Italie.

L’inachèvement territorial de l’Empire ne constituait pas en soi une faiblesse; il était en effet illusoire de vouloir gouverner alors des pays très étendus; en revanche, l’inorganisation des institutions ne cessa de nuire au maintien de la cohésion. En dehors de l’empereur lui-même et de sa chancellerie (issue des chancelleries d’Allemagne et d’Italie), il n’y eut en effet jamais d’institution purement impériale. Le souverain gouvernait l’Allemagne en tant que roi avec des services peu développés (quelques officiers et ministériaux, la Diète, ou Reichstag, qui réunissait tous les seigneurs et hauts prélats), sans même disposer des ressources d’un domaine royal spécifique (il n’avait que ses biens propres), ayant en sa faveur le pouvoir qui lui était reconnu d’exercer l’office public en matière judiciaire et de faire régner l’ordre et la paix. Quant à l’Italie et à la Bourgogne, il les régissait aussi en vertu de son titre royal, mais ses moyens d’action y étaient encore plus limités. Bien plus, aucune succession héréditaire n’était admise: on devenait empereur en étant élu roi de Germanie par les princes (choisi généralement dans une famille ducale), ce qui donnait droit à la titulature de roi des Romains ; après quoi, il fallait être couronné à Rome par le pape et recevoir, à l’occasion, les couronnes royales d’Italie et de Bourgogne. À chaque changement de règne, le rôle des princes allemands et du pape risquait donc d’être déterminant.

L’apogée de l’Empire médiéval: Ottonides, Saliens et Staufen

Entre 962 et 1250, les empereurs les plus valeureux tentèrent inlassablement de renforcer leur autorité en Allemagne et de soumettre les Italiens. Ils s’usèrent à l’une et à l’autre tâche et échouèrent finalement; mais leurs entreprises ne manquèrent pas de grandeur.

Conscient des faiblesses de l’édifice impérial, Otton le Grand s’efforça d’y remédier en s’assurant soit directement, soit par l’intermédiaire de ses parents et de ses fidèles sujets le contrôle des principaux duchés allemands et en établissant en Italie des hommes qui lui étaient dévoués. De plus, il confia aux évêques la délégation de certaines fonctions publiques (certains droits régaliens), estimant que, de cette façon, ces fonctions ne lui échapperaient pas puisque les évêques ne pouvaient pas se succéder de père en fils. Il lui fallait donc contrôler les élections épiscopales, en fait nommer les prélats, ce qu’il n’hésita pas à faire, conformément d’ailleurs à la tradition carolingienne.

Cette politique lui permit de jouer un rôle éminent dans tout l’Occident et d’intervenir, entre autres, dans les affaires intérieures du royaume de France. Afin d’assurer la continuité de son œuvre, il s’employa à garder dans sa famille la couronne, que son père avait déjà portée en Allemagne, en faisant désigner de son vivant son fils comme souverain associé. Ainsi Otton II, puis le fils de celui-ci, Otton III, accédèrent-ils à l’Empire. Malheureusement, la poursuite de rêves démesurés en Italie par ce dernier, qui négligea l’Allemagne, ainsi que les désordres inhérents à cette époque d’anarchie féodale lézardèrent gravement l’édifice.

À partir de 1024, une nouvelle dynastie accéda au pouvoir, celle des Franconiens ou Saliens, dont les membres, suivant le même procédé, parvinrent à se transmettre le pouvoir de père en fils et œuvrèrent pour restaurer la puissance impériale, leur époque constituant, selon la formule d’un historien allemand, «l’ère du progrès et de la promesse». Conrad II (1024-1039), très habilement et très prudemment, sut ne pas trop s’engager en Italie. Henri III (1039-1056) y intervint davantage, mais rétablit très fermement la coopération avec l’épiscopat et avec la papauté. Henri IV (1056-1106) s’appuya sur ses clients de la moyenne noblesse allemande, à qui il confia de hautes dignités (le plus célèbre bénéficiaire de cette politique étant le seigneur de Beuren, de Waiblingen et de Staufen, ou Hohenstaufen, investi du duché de Souabe). Il s’attacha, en outre, à créer, en Allemagne et en Italie, un domaine foncier au profit de la monarchie. Malheureusement, la réforme grégorienne et la querelle des Investitures qui en résulta le conduisirent à une rupture avec l’Église romaine, rupture inévitable du fait que le refus du Saint-Siège de toute intervention laïque dans les promotions épiscopales aboutit à la destruction du système ottonien. Après lui, son fils Henri V (1106-1125) continua la lutte, mais dut accepter le concordat de Worms (1122) qui, accordant au pape l’investiture spirituelle et à l’empereur la seule investiture temporelle, risquait d’anéantir très vite tous les efforts entrepris depuis un siècle.

Après une période de troubles, marquée par la rivalité entre les familles Welf et Staufen sous les règnes de Lothaire III (allié aux Welf) et de Conrad III (Staufen), Frédéric Barberousse (1152-1190) entreprit de redonner à l’Empire tout son prestige. Il fonda son programme sur une étroite collaboration avec la très haute noblesse, créant de nouveaux duchés qu’il distribua à certains de ses puissants vassaux, et chercha à asseoir son autorité sur la possession d’un domaine bien géré. Il n’hésita pas à intervenir en Italie et sut faire reconnaître ses droits par les villes (diète de Roncaglia, 1158). Il fit désigner de son vivant son fils Henri VI comme son associé. Malgré l’âpreté de la lutte qui l’opposa aux Italiens et à la papauté, il réussit à s’imposer et à donner à l’Empire germano-italien un éclat jusqu’ici inégalé.

Malheureusement, son action ne pouvait être poursuivie en Italie sans épuiser l’Allemagne. Celle-ci, d’ailleurs, fut à nouveau profondément divisée après la condamnation

du Welf Henri le Lion par un tribunal royal, si bien qu’à la mort d’Henri VI les princes ne purent se mettre d’accord et élurent deux monarques, un Welf (Otton de Brunswick) et un Staufen (Philippe de Souabe), ce qui affaiblit considérablement l’institution. Finalement, grâce à l’action d’Innocent III et après l’échec de ces deux personnages, le fils d’Henri VI, Frédéric II, roi de Sicile par sa mère, accéda à l’Empire en 1220. Il décida alors, avec un génie particulier, d’en faire une réalité puissante, centrée essentiellement sur l’Italie, ce qui le conduisit à négliger l’Allemagne et à accorder aux princes de très larges libertés. Lui aussi dut lutter contre le Saint-Siège et le fit avec une rudesse inégalée. Mais, lorsqu’il disparut en 1250, il laissait un Empire dépourvu de puissance, l’Italie terriblement divisée et en proie à la guerre civile (guelfes et gibelins), l’Allemagne morcelée, la Bourgogne oubliée. À cette date, l’Empire romain germanique, tel que l’avaient conçu, voulu ou rêvé les princes du Moyen Âge, avait vécu.

L’Empire purement allemand

Le repli de l’Allemagne

Pendant le Grand Interrègne (1250-1273), la papauté s’obstina à empêcher l’accès au pouvoir des descendants des Staufen. Après cette période de vingt-trois années, les princes promus à la dignité impériale prirent conscience, malgré les ambitions irréalistes de certains d’entre eux, notamment Henri VII de Luxembourg (1308-1313), de l’impossibilité de maintenir leur autorité dans la Péninsule, d’autant que les électeurs, comme la papauté, eurent soin de ne pas donner la couronne à des personnages trop puissants.

L’entreprise du Saint-Siège, toutefois, indisposa les grands de Germanie qui ne souhaitaient pas voir les pontifes se mêler de leurs affaires. Cela permit à l’empereur Charles IV de Luxembourg de laïciser l’Empire par la Bulle d’or de 1356, qui donna en fait à l’Allemagne sa première constitution. En vertu de cet édit, le nombre des princes électeurs (qui, depuis Frédéric Barberousse et Frédéric II, n’avait cessé de diminuer, ces monarques tenant à favoriser seulement les plus puissants) est fixé à sept: les archevêques de Mayence, de Cologne et de Trèves, le roi de Bohême, le duc de Saxe, le margrave de Brandebourg et le comte palatin du Rhin. Ces sept personnages élisent le roi de Germanie et roi des Romains, mais aucune allusion n’est faite à une quelconque intervention du pape par la suite. Ainsi, par le système de désignation du souverain, l’Empire est devenu purement allemand. Son territoire est celui de l’Allemagne. Cependant, sur le plan politique, dès cette époque, il ne représente rien de plus qu’un titre creux, l’élu ne recevant aucun pouvoir et ne disposant que de ses États propres et de ses qualités personnelles qui peuvent lui permettre parfois d’entreprendre de grandes choses; ainsi, Sigismond convoqua le concile de Constance en 1414 pour mettre fin au grand schisme d’Occident. La Bulle d’or déclare en outre que les électorats sont indivisibles et pourvus de droits régaliens. Cette disposition, s’ajoutant aux privilèges obtenus par les princes depuis Frédéric II et aux habitudes ensuite contractées, fit de l’Empire un conglomérat de principautés: les Allemagnes.

L’Empire aux mains des Habsbourg

Sous le couvert de cette division et de l’indifférence à l’institution, les princes de la maison d’Autriche, ou Habsbourg, réussirent à accaparer la couronne à partir de 1438 et surent profiter de celle-ci pour poursuivre inlassablement un programme tendant à accroître leurs propres États. Ils menèrent particulièrement à bien une politique matrimoniale systématique en se servant au mieux du prestige que conférait le titre impérial. Ainsi parvinrent-ils à s’imposer définitivement en Autriche et dans les pays voisins (Styrie, Tyrol, Carniole, Carinthie), puis à s’introduire dans le vaste domaine des ducs de Bourgogne, annexant la Franche-Comté et la Flandre. L’Empire fut donc pour eux à la fois une source de gloire et un moyen de servir leurs ambitions. Mais, même reçu et régi par Charles Quint (1514-1558), il ne représentait rien de plus qu’un titre.

De plus en plus, en effet, et davantage encore avec la Réforme et avec les guerres de religion, l’Allemagne se morcelait. Dès la fin du XVIe siècle, les principautés s’y faisaient plus nombreuses, maints seigneurs accaparant des droits régaliens exercés jusqu’alors par les puissants. La guerre de Trente Ans et le recul de la maison d’Autriche aggravèrent cette situation, que rendirent officielle les traités de Westphalie (1648). Ceux-ci imposèrent que l’Empire restât électif (le collège électoral étant porté à huit membres avec l’adjonction du duc de Bavière) et réduisirent à néant les pouvoirs auxquels l’empereur aurait encore pu prétendre en théorie. Un seul organisme demeura réellement, le Reichstag, mais il groupa trois cent cinquante États pratiquement autonomes. Les Habsbourg, à leur tour, avaient échoué.

La mort sans gloire

Bien qu’ils ne soient pas parvenus à restaurer la puissance et la cohésion impériales, les Habsbourg ne renoncèrent pas pour autant à tirer parti des préséances que leur conféraient leur titre et des relations entretenues grâce à lui pour jouer un rôle éminent dans les affaires allemandes. Ils comptèrent surtout, pour réaliser cette ambition, sur l’appui des princes électeurs et des princes catholiques. Malheureusement, dans la seconde moitié du XVIIe et au début du XVIIIe siècle, trois entreprises les gênèrent. Ce fut, d’une part, l’hégémonie de Louis XIV en Europe et la poursuite par ce monarque d’un programme allemand défavorable à la maison d’Autriche, qui dut accepter en 1684 les «réunions» de territoires accomplies par la France. Ce fut, d’autre part, les actions guerrières perpétrées par les Turcs qui, des années durant, constituèrent une menace fort grave pour les pays du moyen Danube. Ce fut, enfin et avant tout, à l’intérieur même de l’Empire, la montée de l’électorat de Brandebourg dont le chef, un Hohenzollern, le margrave Frédéric Ier, obtint en 1700 de l’empereur Léopold Ier le titre de roi de Prusse, et qui entreprit de regrouper autour de lui les princes protestants. En revanche, stimulée par ces difficultés et étant parvenue à rejeter définitivement les Turcs (victoire du Kahlenberg, près de Vienne, en 1683), la monarchie des Habsbourg se renforça, à la fois politiquement et militairement, et étendit ou affermit son autorité sur divers territoires d’Allemagne méridionale, sur la Hongrie et sur certains Slaves du Sud.

Au cours du XVIIIe siècle se joua donc, selon ces données, le dernier acte de la vie de l’Empire, directement liée au destin des Habsbourg. Dans un premier temps, ceux-ci purent croire encore qu’ils allaient rétablir leur hégémonie en Europe en renforçant les droits de leur dynastie sur la couronne d’Espagne. Mais, à l’issue de la guerre de la Succession d’Espagne, ils durent, au traité de Rastadt (1714), non seulement renoncer au trône de Madrid mais aussi abandonner l’électorat de Bavière et l’électorat de Cologne. Du coup, leurs possessions allemandes (Autriche, Tyrol, Styrie, Carniole, Carinthie) pesèrent d’un poids moindre que leurs domaines «extérieurs» (Bohême et régions voisines, Hongrie, pays slaves du Sud, Italie du Nord). En conséquence, l’empereur se fit un peu plus étranger aux affaires du Reich, tenu par toutes les cours et chancelleries comme typiquement allemand.

Aussi, dans un second temps, dut-il, avec une position souvent inconfortable, s’opposer en Allemagne même aux prétentions des Hohenzollern, les luttes des deux maisons s’imbriquant dans les complexes rivalités des puissances européennes. En 1740, à la mort de l’empereur Charles VI, la direction de la dynastie échut à sa fille Marie-Thérèse qui, ne pouvant ceindre elle-même la couronne impériale, rencontra d’énormes difficultés à faire reconnaître comme empereur son époux François-Étienne de Lorraine; elle y parvint en 1745 au cours de la guerre de la Succession d’Autriche. De 1756 à 1763, elle rêva quelque temps, grâce à l’alliance qu’elle conclut avec la Russie et avec la France, d’éliminer la Prusse de Frédéric II (guerre de Sept Ans); cependant, elle dut renoncer à cet espoir et accepter une paix qui maintenait le statu quo. En fait, dès ce moment, l’Empire n’apparaissait même plus comme un enjeu; la véritable et seule compétition portait sur le gouvernement et sur la direction de l’Allemagne.

Cependant, alors qu’on aurait pu s’attendre à un règlement de comptes définitif entre l’Autriche et la Prusse, qui eût maintenu, au moins comme fiction, la dénomination impériale allemande, les entreprises françaises de la Révolution puis de Napoléon Ier bouleversèrent cette évolution. L’Empire s’opposa à la politique révolutionnaire en la personne de Léopold II, réconcilié pour un temps avec le roi de Prusse. Mais Napoléon Ier, lorsqu’il décida de réorganiser l’Allemagne, sut jouer des intrigues princières et des ambitions prussiennes contre les Habsbourg. En 1803, la diète d’Empire accepta une redistribution des États qui mit en place des frontières internes qui se sont maintenues jusqu’à nos jours. Après sa victoire sur les Habsbourg à Austerlitz et le traité de Presbourg (1805) qui favorisait les principautés du sud de l’Allemagne (Bavière et Wurtemberg) aux dépens de l’Autriche, Napoléon créa la Confédération du Rhin, dont les États membres décidèrent de s’exclure de l’Empire. Du coup, celui-ci cessait d’exister, ce qu’admit, le 6 août 1806, le dernier «empereur romain» couronné, François II. Les Habsbourg, toutefois, gardèrent le titre impérial et se dénommèrent «empereurs d’Autriche». Quant au Hohenzollern, il allait attendre jusqu’en 1871 que la maison de Vienne fût totalement évincée pour se faire proclamer «empereur allemand» (IIe Reich).

Saint Empire romain germanique
nom donné à l'empire fondé en 962 par Otton Ier. La dislocation de l'empire de Charlemagne permit à Otton Ier, roi de Germanie, puis d'Italie, protecteur de l'église, de prétendre à la couronne impériale. Au faîte de sa puissance (XIe s.), le Saint Empire englobait l'Allemagne, l'Italie du N. et du Centre, la Lorraine, la Bourgogne et les marches de l'Est. Le pape Grégoire VII, qui voulait renforcer le pouvoir de l'église, déclencha la querelle des Investitures (1059-1122), que suivit la lutte du Sacerdoce (c'est-à-dire la papauté) et de l'Empire (1154-1250). Ce dernier, dépouillé de ses territ. italiens et bourguignons, se réduisit, à partir du XVe s., au royaume germanique, un agrégat de 350 territoires. En 1356, Charles IV, par la Bulle d'or, organisa l'élection impériale, confiée à sept princes dits "électeurs". En 1440, avec Frédéric III, les Habsbourg accédèrent au trône impérial, qui disparut quand François II prit le titre d'empereur d'Autriche (1806) sous le nom de François Ier.

Encyclopédie Universelle. 2012.