BALISTIQUE
La balistique est la partie de la physique qui étudie le mouvement des corps lancés dans l’espace et, plus spécialement, les projectiles de guerre soit à l’intérieur d’une bouche à feu, soit indépendamment de celle-ci. On divise habituellement cette étude en trois parties: la balistique intérieure qui étudie la propulsion du projectile dans le canon, la balistique extérieure qui traite du mouvement du projectile de révolution autopropulsé ou non sur sa trajectoire dans le milieu environnant (air, eau ou espace) et la balistique des effets qui détermine les performances du projectile.
Balistique intérieure
Charges propulsives
La balistique intérieure s’intéresse uniquement au canon et à la fusée qui ont en commun l’emploi, comme source d’énergie propulsive, d’un propergol qui agit habituellement par expansion contrôlée ou directe de gaz chauds. Les propergols peuvent être des substances gazeuses, liquides, solides ou le mélange des trois. Cependant, en raison des difficultés de stockage, les propergols les plus employés sont solides ou liquides. Le contrôle de la combustion des propergols liquides s’effectue au moyen de mécanismes auxiliaires qui règlent la quantité de carburant admise dans la chambre de combustion.
Pour les propergols solides, toute la masse est contenue dans la chambre de combustion dès la mise à feu. La combustion est contrôlée par la forme géométrique des grains ou des blocs de poudre. Lors de la mise à feu d’une charge, la combustion se produit sur toutes les surfaces de façon uniforme. Ainsi, toutes les surfaces reculent à la même vitesse et il est possible d’obtenir une série de relations qui caractérisent le débit des gaz émis par la poudre en fonction de sa géométrie initiale, de sa nature, de la géométrie évolutive du grain et de la pression extérieure. Dans la pratique, on recherche des poudres parfaitement progressives que l’on obtient en donnant aux grains des formes convenables en pratiquant, par exemple, des perforations. Il y a une certaine analogie entre les différents systèmes de propulsion utilisant la poudre que sont le canon classique, le canon sans recul et la roquette. En effet, on passe du canon classique au canon sans recul par aménagement d’une tuyère à la partie arrière de la culasse, du canon sans recul au système de propulsion par moteur fusée par liaison du projectile à la chambre à poudre (qui devient le propulseur) et par la suppression du tube. Les problèmes de balistique intérieure d’un canon présentent donc une certaine similitude avec les problèmes de balistique intérieure des moteurs fusées. Dans tous les cas, il s’agit d’équilibrer deux débits de gaz: l’un correspond à l’émission des gaz lors de la combustion de la poudre, l’autre à l’écoulement des gaz qui poussent le projectile ou qui s’écoulent par une tuyère.
Selon les systèmes employés, le rendement, c’est-à-dire l’énergie utilisée, diffère d’une part par les valeurs des pressions mises en jeu (jusqu’à 600 MPa pour le canon, 100 MPa pour le canon sans recul, 50 MPa pour la roquette), d’autre part par les masses de poudre nécessaire; quand il faut un kilogramme de poudre avec un canon classique pour amener une charge utile sur un objectif, il en faut 3 avec un canon sans recul et 4 avec une roquette.
Balistique intérieure des canons
La balistique intérieure étudie les phénomènes qui se produisent dans une bouche à feu avant l’éjection du projectile, tels que les variations de pression entre les différents points de l’arme et la vitesse d’éjection du projectile. Schématiquement, l’effet canon est produit par la combustion à l’intérieur d’une chambre d’une certaine masse de poudre. La chambre se prolonge par un tube cylindrique, le canon, dans lequel se déplace un projectile sous l’action de la pression des gaz. La vitesse de combustion de la poudre, qui se présente sous forme de grains de géométrie bien définie, croît avec la pression. Cette combustion a tendance à faire augmenter la pression dans la chambre. Lorsque le projectile se déplace dans le tube vers l’extérieur, le volume offert aux gaz augmente. Le mouvement de l’obus a donc tendance à faire baisser la pression.
La courbe de développement des pressions à l’intérieur du canon (fig. 1), pour un fonctionnement normal, peut être décomposée en trois phases:
– la montée en pression jusqu’à une pression de forcement à partir de laquelle le projectile commence son mouvement;
– la combustion de la poudre avec un maximum de pression et une pression de fin de combustion;
– la détente des gaz avec une pression de bouche.
Les problèmes de la balistique intérieure présentent un double aspect: d’une part un aspect mécanique pour l’étude du mouvement du projectile et de la masse reculante, et, d’autre part, un aspect thermodynamique pour l’établissement du bilan énergétique. À partir des données géométriques du canon (volume offert aux gaz, calibre, volume total de l’arme), des données mécaniques (masse du projectile) et des données thermodynamiques (masse de la poudre, propriétés des gaz émis, vitesse de combustion), le «balisticien» va chercher à connaître, en fonction du temps, la vitesse du projectile, la pression, la température, la masse de poudre brûlée ou qui reste à brûler. Il est donc conduit à écrire et résoudre un système de quatre équations:
– l’équation fondamentale de la dynamique c’est-à-dire une relation entre la pression et la vitesse du projectile;
– les équations d’état des gaz sous la forme de deux relations, une entre la température et la pression, et une entre la vitesse de combustion et la pression;
– enfin le bilan énergétique par une relation entre la température et la vitesse du projectile.
Balistique extérieure
La balistique extérieure peut être considérée comme une branche de la mécanique rationnelle. À ce titre, elle cherche à mettre sous forme d’équation le mouvement d’un projectile tiré par une bouche à feu ou celle d’un missile autopropulsé. L’étude comporte le mouvement du centre de gravité du projectile et son mouvement autour de son centre de gravité.
Trajectoire balistique des obus
Pour écrire l’équation de la trajectoire d’un projectile tiré par un canon, il suffit d’appliquer le principe fondamental de la dynamique: la somme des forces extérieures appliquées au projectile est égale au produit de sa masse par la dérivée du vecteur vitesse V g du centre de gravité (F = m (dV g /dt )) et la somme des moments des forces extérieures appliquées au projectile par rapport au centre de gravité est égale à la dérivée du moment cinétique H g par rapport au centre de gravité (Mg = dH g /dt ). On obtient, ainsi, deux systèmes de trois équations différentielles dont la résolution consiste en la détermination des coordonnées du centre de gravité et des angles déterminant l’orientation du projectile.
Le problème consiste donc à définir les forces extérieures. Ce sont les forces aérodynamiques appliquées à l’obus (forces et moments de traînée et de portance, forces et moments d’amortissement de tangage et de lacet, couple de roulis, couple d’amortissement de roulis, force et moment de Magnus), la pesanteur (masse et forces d’inertie de Coriolis) et les forces d’autopropulsion.
Afin d’obtenir des trajectoires reproductibles et une portée maximale, la forme la mieux adaptée pour l’obus est une géométrie cylindro-ogivale; celle-ci crée un problème de stabilité qui est, en partie, résolu en faisant en sorte que l’angle entre l’axe de révolution du projectile et le vecteur vitesse reste de l’ordre de quelques degrés. Dans ce cas, la partie principale de l’action de l’atmosphère ambiante est une force qui se trouve dans le plan défini par l’axe de révolution du projectile et le vecteur vitesse aérodynamique, et dont le point d’application est, en première approximation, sur l’axe de révolution. C’est le moment de cette force qui va conditionner les mouvements du projectile autour de son centre de gravité.
Un autre aspect de la balistique extérieure consiste, à partir des calculs vérifiés sur les champs de tir (tirs balistiques), à établir les tables de tir, documents destinés aux utilisateurs pour la mise en œuvre de l’arme dans des conditions déterminées. Elles donnent, en fonction de la masse de poudre, la liste des angles de tir pour les différentes portées, les caractéristiques de la trajectoire telles que durée de trajet, angle de chute, dérivation, dispersion et valeurs des éléments pouvant modifier la trajectoire théorique (vent longitudinal et transversal, température et densité de l’air, poids de l’obus, vitesse initiale de l’obus) (fig. 2).
Trajectoire balistique des engins
Déterminer la trajectoire des engins balistiques consiste à étudier le mouvement des missiles lancés de la terre, puis abandonnés à eux-mêmes et destinés à revenir sur terre. De tels engins sont lancés dans une direction fixe, en général la verticale, puis, pendant la traversée de l’atmosphère terrestre, sont soumis à une accélération, en même temps que la direction de leur vecteur vitesse est modifiée. Cette phase d’accélération est ensuite suivie d’une phase non propulsée et non freinée par l’air, pratiquement inexistant, c’est la partie balistique de la trajectoire qui se termine lors de la rentrée dans l’atmosphère.
D’une façon générale, tout objet lancé de la terre avec une vitesse inférieure à la vitesse de libération est un engin balistique qui retournera obligatoirement sur terre. Sa trajectoire est une ellipse dont le plan passe par le centre de la terre qui en est l’un des foyers. Le point de départ a pour symétrique le point d’impact à l’arrivée.
Calcul des trajectoires
Dans la pratique, on recherche l’angle de tir suivant lequel doit être pointé le canon en utilisant le système des équations différentielles pour lesquelles les données balistiques et les conditions initiales sont connues. La méthode de calcul consiste à diviser la durée de vol du projectile en un très grand nombre d’intervalles, chacun d’eux correspondant à un arc de trajectoire. À partir des coordonnées (x , y , z ) d’une des extrémités de chaque segment d’arc et des angles d’orientation et de leurs dérivées, on détermine les mêmes éléments pour l’autre extrémité de l’arc, soit en soumettant chaque arc aux perturbations extérieures, soit en les appliquant à toute la trajectoire.
Pour les missiles guidés, il y a peu d’intérêt à les lancer de façon précise vers la cible car le vol est contrôlé sur toute la trajectoire. Les missiles balistiques sont guidés depuis leur lancement jusqu’à la fin de la phase propulsée. Le pointage vers l’objectif doit être terminé à la fin de la phase propulsée.
Les données fournies par le calculateur sont celles qu’il faut entrer, avant le lancement, dans le système de guidage pour que, à la fin de la phase de propulsion, le missile soit placé dans les conditions requises.
Balistique des effets
La balistique des effets étudie, pour les obus d’artillerie, la répartition des éclats, leur grosseur, leur vitesse ou la répartition des sous-munitions transportées.
Les projectiles classiques sont chargés en explosif qui fragmente l’enveloppe à proximité de l’objectif. L’expérience montre que les éclats se répartissent en trois gerbes: une gerbe d’ogive projetée vers l’avant, une gerbe de culot projetée vers l’arrière, enfin une gerbe latérale, la plus importante, constituant une nappe étroite perpendiculaire à l’axe de l’obus. Le «munitionnaire» cherche à accroître l’efficacité des munitions en optimisant la dispersion des éclats, leur répartition, leur énergie en fonction des cibles et la distribution des sous-munitions.
balistique [ balistik ] adj. et n. f.
• 1647; de baliste
1 ♦ Relatif aux projectiles. Machines balistiques. Galvanomètre balistique : galvanomètre sans ressort de rappel, pour mesurer des quantités d'électricité. Engin balistique : fusée.
2 ♦ N. f. (1900) Science du mouvement des projectiles et des engins uniquement soumis aux forces de gravitation. ⇒ cinématique, cinétique, dynamique, mécanique; astronautique.
● balistique nom féminin (latin scientifique ballistica, du latin classique ballista, baliste) Science qui étudie les mouvements des corps lancés dans l'espace, et plus spécialement des projectiles de guerre. ● balistique adjectif Relatif à la balistique. ● balistique (expressions) adjectif Galvanomètre balistique, galvanomètre que l'on utilise à la mesure des quantités d'électricité qui le traversent, en un temps très court, par l'observation de la première élongation. Missile balistique ou, vieux, engin balistique, missile qui se déplace à la façon d'un projectile. (C'est une arme destinée à atteindre l'adversaire au plus profond de son territoire. Sa trajectoire comporte trois phases : une phase propulsée ; une phase balistique ; une phase de rentrée.) Trajectoire balistique, trajectoire d'un projectile soumis aux seules forces de gravitation.
balistique
adj. et n. f.
d1./d adj. Relatif au mouvement des projectiles. Théorie, expériences balistiques.
|| AVIAT Vol balistique d'un avion: phase du vol au cours de laquelle les effets de la pesanteur sont annulés.
|| Engin balistique, fonctionnant sous l'effet de la gravitation seule.
d2./d n. f. Science du mouvement des projectiles lancés dans l'espace.
⇒BALISTIQUE, adj. et subst. fém.
I.— Emploi adj. Relatif aux projectiles, à leur tir, leur trajectoire, leur portée, etc. :
• 1. — Au seizième siècle, observa Bossuet, on rayait les canons. — Oui, répondit Combeferre, cela augmente la puissance balistique, mais diminue la justesse de tir.
HUGO, Les Misérables, t. 2, 1862, p. 439.
• 2. Rue de Richelieu, un escogriffe muni d'un sac plein de cailloux bombardait les fenêtres et cassait les vitres, encourageant son tir et sa vigueur, sa précision balistiques d'imprécations séditieuses variées.
A. ARNOUX, Roi d'un jour, 1956, p. 26.
♦ Galvanomètre balistique. ,,Appareil dérivé du galvanomètre à cadre mobile et destiné à la mesure d'une quantité d'électricité traversant un circuit pendant un temps très court`` (LAITIER 1969).
♦ Pendule balistique. ,,Appareil destiné, soit à évaluer la force d'expansion de la poudre, soit à mesurer la vitesse avec laquelle un projectile sort de l'arme qui sert à le lancer`` (PRIVAT-FOC. 1870).
♦ Poudre balistique. ,,Synon. de poudre propulsive`` (Lar. encyclop.).
♦ Engin balistique. ,,... fusée de guerre permettant de porter une charge nucléaire jusqu'à un objectif ennemi se trouvant à 10 000 km de distance et davantage. L'intérêt de ces redoutables engins, c'est qu'ils constituent souvent la fusée porteuse des satellites artificiels et autres engins cosmiques`` (GALIANA Astronaut. 1963). Engin balistique téléguidé à tête nucléaire (GOLDSCHMIDT, L'Aventure atomique, 1962).
SYNT. Application, coefficient, dérivation, effet, étude, expérience, fusée, mesure, missile, propriété, puissance, qualité, vol balistique.
— Au fig. :
• 3. ... L'intelligence du blé serait encore bien plus remarquable, qui, n'étant doué d'aucune faculté balistique, pressentit que la faim de l'homme allait réclamer sa farine, ...
GIDE, Feuillets, 1925, p. 809.
II.— Emploi subst. Science qui a pour objet l'étude de la trajectoire des projectiles. Balistique intérieure, balistique extérieure :
• 4. Croyez-vous, monsieur Orso, qu'une balle de plomb se fonde par la rapidité de son trajet dans l'air? Vous qui avez étudié la balistique, vous devriez bien me dire si c'est une erreur.
MÉRIMÉE, Colomba, 1840, p. 89.
• 5. ... une opération très particulière dans le domaine de la balistique fut réalisée par le cinquième Sputnik lourd qui largua et expédia vers la planète Vénus une sonde spatiale alors que lui-même était en orbite (12 février 1961); ce mode de lancement qui ouvre des voies nouvelles suppose la parfaite maîtrise d'une technique extrêmement délicate.
Hist. gén. des sc., t. 3, vol. 2, 1964, p. 582.
— Au fig. :
• 6. Madame de Portenduère... envoya vingt mille francs, tout ce qu'elle possédait, sur une lettre où Savinien, instruit par ses amis dans la balistique des ruses dirigées par les enfants contre les coffres-forts paternels, parlait de billets à payer et du déshonneur de laisser protester sa signature.
BALZAC, Ursule Mirouët, 1841, p. 118.
PRONONC. :[balistik].
ÉTYMOL. ET HIST. — 1. 1647 subst. « science du mouvement des projectiles » (Mersenne dans C. HUYGENS, Œuvres Compl., I, 54 dans BARB. Misc. 9, n° 4 : J'en avois traité dans la balistique, proposition 36); 2. 1649 adj. « relatif au mouvement des projectiles » (HILARION DE COSTE, Vie de Mersenne, cité dans Corresp. de Mersenne, I, 1933, Note sur la vie de Mersenne, 37, ibid., 12 : Feu Mr Jean Jacques Barillon, [...] auquel il [Mersenne] a dédié ses Phenomenes ballistiques, où il explique les jets des boulets).
Empr. au lat. sc. ballistica (1644. MERSENNE, Cogitata physico-mathematica, 6e traité, Ballistica et acontismologia dans Fr. mod., t. 9, p. 46); lui-même dér. du lat. ballista (baliste1); l'expr. pendule balistique est transcrite de l'angl. ballistii pendulum (1778 dans NED), nom donné au pendule inventé par B. Robins pour mesurer la vitesse des projectiles et décrit en 1742 (BARB., loc. cit.).
STAT. — Fréq. abs. littér. :37.
balistique [balistik] adj. et n. f.
ÉTYM. 1647, subst.; adj., 1649; lat. sc. ballistica, du lat. ballista. → 1. Baliste.
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1 Adj. Relatif aux projectiles. || Pendule balistique, qui sert à mesurer la vitesse, la force d'expansion des projectiles d'armes à feu. || Puissance, onde balistique. || Machine balistique, qui sert à lancer des projectiles. || Engin balistique : engin qui se déplace à la manière d'un projectile. || Engin balistique intercontinental. ⇒ Fusée.
1 Le coefficient balistique de la balle, son énergie à la bouche (…) je sais tout là-dessus.
Jacques Teboul, Vermeer, p. 154.
2 N. f. Science du mouvement des projectiles et des engins uniquement soumis aux forces de gravitation. ⇒ Cinématique, cinétique, dynamique, mécanique; astronautique.
2 La balistique est une science qui s'occupe de l'étude du mouvement des projectiles. Elle se divise en deux parties : la balistique extérieure, qui s'occupe de déterminer toutes les conditions du mouvement du projectile en dehors de l'arme qui l'a lancé; et la balistique intérieure, qui traite du mouvement du projectile dans l'âme de la pièce.
P. Poiré, Dict. des sciences.
➪ tableau Noms de sciences et d'activités à caractère scientifique.
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DÉR. Balisticien, balistiquement.
Encyclopédie Universelle. 2012.