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SHI
SHI

La langue chinoise répond difficilement aux exigences de l’expression analytique, à cause de la polyvalence grammaticale de tous ses mots – qui leur confère en revanche autonomie et puissance suggestive; l’imprécision des phrases entraîne la nécessité du rythme et du parallélisme: une telle langue se prête donc tout naturellement aux formes poétiques. Or, elle ne possède pas de mot voulant dire «poésie»; shi a une signification sensiblement plus étroite; c’est seulement dans la littérature contemporaine, où les catégories traditionnelles n’existent plus, qu’il a un sens général et s’oppose à sanwen , «prose».

Shi dans son acception restreinte

Un rapprochement qui tient à vrai dire de l’artifice a été fait entre le caractère shi , où figure la clé de la parole, et le caractère zhi , «volonté, idéal», où figure celle du cœur. Le zhi , qui est en quelque sorte à l’état potentiel dans le cœur, s’exprime par la parole; il se réalisera par le shi . Celui-ci serait donc «ce vers quoi tend l’idéal».

Cette signification vaut ce qu’elle vaut; toujours est-il que shi , au sens strict, ne désigne qu’un ensemble de formes poétiques qui exclut le fu , sorte de prose artistique avec rythme et rimes, et quelques autres genres plus tardifs, tel le ci , florissant sous les Song.

Le shi s’applique: 1. au gushi et au yuefu , qui datent des Zhou et des Han et qui forment le gu ti , le «style ancien»; 2. au lüshi et au jueju , qu’on appelle le xin ti , le «nouveau style».

Le gushi , «poème ancien», n’obéit pas encore à des règles fixes concernant les tons et les rimes. Le prototype en est le Shi jing , le Canon des poèmes , composé pour les neuf dixièmes de vers de quatre pieds. Sont classés également sous cette dénomination les très beaux Dix-Neuf Poèmes anciens et d’autres poèmes qui présentent, tout comme les œuvres du Shi jing , la caractéristique d’être anonymes. Le gushi demeure très florissant aux IIe et IIIe siècles après J.-C., et est encore employé spontanément par Tao Qian au IVe siècle. Ces «poèmes anciens», du moins ceux des Han, étaient souvent issus des Yuefu (mot à mot: «Bureau de la musique»). Ce genre poétique doit son nom à l’académie fondée par l’empereur Wu des Han en vue de faire recueillir et choisir des chansons de toutes les provinces pour les adapter et les mettre en musique. À vrai dire, les artistes du Yuefu et leurs successeurs ont été aussi de vrais créateurs. Un nouveau langage poétique, d’une grande fraîcheur d’inspiration, est à l’origine de ce genre qui, plus tard, cessera d’être chanté. Une récente école chinoise de savants y voit surtout un document sur les classes sociales.

Le lüshi est une poésie (shi ) assujettie à une métrique ( ) stricte. Rendu possible par le travail technique de Shen Yue (fin du Ve s. apr. J.-C.), il ne fut reconnu comme genre propre que sous les Tang. Il est formé de strophes de huit vers; un parallélisme doit exister entre le troisième et le quatrième vers, un autre entre le cinquième et le sixième. Le jueju («vers interrompus», appelé ainsi en raison de sa brièveté) est un quatrain. Ces deux sortes de poèmes sont formés de vers de cinq ou de sept pieds. Certaines syllabes du vers, certains vers de la strophe obéissent à des lois difficiles concernant des «tons», qui ne sont pas indifféremment ping («unis») ou ce («obliques»). Des règles déterminées fixaient aussi ceux des vers qui devaient être rimés.

Élargissement du sens

Telles sont en quelques mots les implications précises du caractère shi . Sa seconde acception, beaucoup plus large, est «poème».

Pour les raisons déjà évoquées, le sens du rythme et l’expression poétique jouent un rôle essentiel dans l’ensemble de la littérature chinoise ; aussi est-il parfois difficile de classer un genre donné dans la prose ou dans la poésie.

Celle-ci ne s’est jamais parlée. Tantôt on la psalmodiait, tantôt on la chantait. Elle existe partout en Chine. Cultivée avec prédilection par les philosophes eux-mêmes, rarement de caractère narratif ou épique, on en trouve presque toujours accompagnant les œuvres peintes, on en trouve aussi jusque dans la rue. D’ailleurs la poésie lettrée a généralement eu recours aux rythmes populaires pour se revitaliser et se renouveler périodiquement.

C’est seulement sous les Tang que les écrivains prennent conscience des possibilités propres à leur langue. Ils avaient découvert en particulier que les tons font partie intégrante du mot; des théoriciens distinguent et classent aussi plusieurs sortes de parallélismes dans les expressions comme dans les vers. La langue poétique devient très élaborée.

Si élaborée que des obstacles d’ordre formel rendent bien difficile tout essai de traduction dans une langue occidentale. Les difficultés ne sont pas moindres en ce qui concerne le fond, le contenu.

L’abondance des «allusions littéraires» exige en effet du lecteur une grande érudition. Quant aux thèmes traditionnels, aux clichés inlassablement répétés, quant aux images et figures, il faut connaître la pensée chinoise ancienne pour en comprendre le symbolisme.

Mais aussi, au long des siècles, certains mandarins en quittant la vie publique qui les figeait ont exprimé dans leurs vers l’élan du mysticisme taoïste adouci par l’apport bouddhique, et le retour à l’état d’innocence. En célébrant la nature, l’amitié, la terre natale, la fidélité dans la séparation, ils ont retrouvé des sentiments spontanés qui ont valeur universelle.

shi ou che nom masculin (mot chinois signifiant chanson ou poème) Genre poétique chinois pratiqué sous les Tang et les Song.

Encyclopédie Universelle. 2012.