TRANSFUSION SANGUINE
Sous le nom de transfusion sanguine on englobe la collecte et l’utilisation du sang total, ainsi que la préparation des dérivés du sang: globules rouges et plaquettes sanguines d’une part, plasma et fractions plasmatiques d’autre part. Les demandes de produits sanguins n’ont cessé de croître jusqu’en 1985. La survenue de l’épidémie de sida, à l’origine de la contamination de nombreux hémophiles et transfusés, a entraîné une réduction progressive des transfusions de globules rouges et de plasma liquide dont les indications sont devenues plus restrictives.
La transfusion de sang total
Prélèvements de sang
En France, le don du sang est volontaire, anonyme et bénévole. Il s’agit là d’un véritable devoir civique de l’homme sain vis-à-vis de l’homme malade. Peut donner son sang tout sujet âgé de dix-huit ans à soixante-cinq ans ayant une tension artérielle normale, indemne de toute affection chronique, telle que syphilis, paludisme, cancer, tuberculose et ne présentant pas d’allergie majeure.
L’interrogatoire des bénévoles a été considérablement renforcé, un questionnaire vise à éliminer les donneurs appartenant à un «groupe à risque» (homosexuels à partenaires multiples, toxicomanes). Aux tests sérologiques pratiqués avant 1985 (syphilis, hépatite B) se sont ajoutés de nouveaux tests de détection des maladies infectieuses: sida (HIV 1 et 2 en 1985), autres hépatites virales (transaminases et anticorps anti-HBc en 1988, anticorps anti-HCV en 1990), puis détection des anticorps anti-HTLV 1 et 2 (en 1991).
On recueille le sang (de 300 à 450 ml) dans des sacs en matière plastique, contenant une solution anticoagulante: presque toujours 75 millilitres d’une solution citrate-phosphate-dextrose (CPD).
Le prélèvement se fait de préférence à jeun ou après un repas léger ne comprenant ni lait ni beurre. Le donneur étant en position semi-couchée, on ponctionne une veine du pli du coude après désinfection de la peau. Le sac est agité mécaniquement afin d’éviter la coagulation. Le prélèvement terminé, on recueille quelques millilitres de sang dans un flacon «pilote» afin de procéder à des tests de compatibilité, à des contrôles sérologiques, pour détecter des porteurs de virus ou de parasites, et de déterminer le groupe sanguin.
Le sang est ensuite conservé à 4 0C dans un réfrigérateur ou en chambre froide, pendant quinze à vingt et un jours au maximum. On peut augmenter au-delà de vingt et un jours la durée de conservation en ajoutant des dérivés de l’adénosine (CPD-adénine).
La transfusion proprement dite
Il est important de vérifier le groupe sanguin du malade, ainsi que celui du sang à transfuser. Une réaction de compatibilité entre le sang à injecter et le sang du receveur est particulièrement nécessaire lorsque ce dernier a pu s’être immunisé lors de transfusions précédentes. De toute façon, il est recommandé de pratiquer une ultime vérification des groupes sanguins au chevet du malade, pour éviter toute erreur de destinataire.
On injecte le sang au moyen d’un dispositif de perfusion en matière plastique transparente, comprenant une chambre filtrante avec un niveau et un goutte-à-goutte. Après avoir purgé le dispositif de l’air qu’il contient, on ponctionne la veine du donneur, on règle le débit du goutte-à-goutte et on surveille le receveur, plus particulièrement au cours de l’injection, relativement lente, des cinquante premiers millilitres. En cas de réactions anormales (frissons, pâleur, agitation, douleurs lombaires), on interrompt immédiatement la transfusion.
En chirurgie , la transfusion permet de compenser les pertes sanguines (que l’on apprécie de façon précise par pesée des compresses). Sans transfusion, la «grande chirurgie» (chirurgie thoracique, neurochirurgie, chirurgie orthopédique, traitement des accidents de la route, chirurgie vasculaire) ne serait pas possible. Si l’on est obligé de recourir dans certains cas à des transfusions massives, il faut éviter les abus et ne pas injecter systématiquement du sang pour toute intervention bénigne. Enfin, dans la période postopératoire, la transfusion trouve encore des indications en cas de correction insuffisante peropératoire ou de complications postopératoires (hémorragies, dénutrition).
L’autotransfusion a pris un essor récent en raison du risque résiduel bien que minime de transmission virale (donneurs en période présérologique). C’est ainsi que, avant une intervention chirurgicale planifiée (orthopédique surtout), du sang peut être prélevé au futur opéré pendant les trois semaines précédant l’intervention. Il est transfusé pendant ou après l’intervention sans risque de conflit immunologique ou de transmission de virus.
Dans les maternités , la transfusion rend des services inestimables dans tous les cas d’accidents hémorragiques graves. C’est ainsi que le traitement d’urgence de la grossesse extra-utérine consiste à ligaturer la trompe et le vaisseau qui saigne, et à remplacer le sang perdu. Au moment de l’accouchement ou de la délivrance, on observe quelquefois des syndromes hémorragiques très sévères liés le plus souvent à une défibrination (par coagulation intravasculaire ou fibrinolyse). Il est important de rétablir la masse sanguine et d’injecter en même temps les facteurs de coagulation qui font défaut.
Dans ces différentes formes de chocs hémorragiques , traumatiques ou opératoires, la transfusion permet de rétablir une masse sanguine circulante normale et de corriger la chute de la tension artérielle.
Les indications médicales de la transfusion consistent essentiellement dans le traitement des anémies, qui proviennent soit d’un défaut de production des globules rouges (aplasies médullaires, anémies des leucémies aiguës), soit d’un excès de destruction des globules rouges (anémies par hémolyse), soit encore d’une tendance hémorragique constitutionnelle ou acquise (hémophilie, purpuras thrombopéniques).
L’exsanguino-transfusion (remplacement des deux tiers ou des trois quarts de la masse sanguine) sert, chez le nouveau-né ou chez l’adulte, à éliminer des produits toxiques ou des anticorps. Le rein artificiel et tous les systèmes de circulation extracorporelle nécessitent des quantités importantes de sang pour leur fonctionnement.
Le nombre de prélèvements annuels en France, qui était de l’ordre de quatre millions en 1985, est à présent voisin de trois millions.
Les dérivés du sang
Il est possible, par centrifugation, de séparer le plasma (liquide jaune ambré) de certains éléments figurés en suspension, essentiellement les globules rouges et les plaquettes sanguines [cf. SANG].
Les concentrés globulaires
Les concentrés globulaires ont des indications très étendues grâce à l’utilisation de doubles sacs en plastique. Chez la plupart des malades médicaux (sauf ceux qui ont une atteinte de l’hémostase) et presque tous les malades chirurgicaux (sauf pendant la période peropératoire), la transfusion de globules rouges concentrés est préférable à celle de sang total, car elle réduit les risques de surcharge vasculaire et d’immunisation .
Il est possible de préparer des concentrés de globules rouges lavés afin d’éliminer le plasma et les autres éléments figurés, ainsi que des concentrés de leucocytes et de plaquettes par filtration sur des filtres spéciaux en coton.
Enfin, on peut conserver les globules rouges durant des années par congélation à – 85 0C, ou à la température de l’azote liquide, après addition d’une substance protectrice, comme le glycérol, que l’on soustrait au moment de l’emploi. Les hématies congelées sont précieuses pour les sangs appartenant à des catégories très rares.
Le plasma
On obtient le plasma soit au cours de la préparation des concentrés globulaires, soit spécialement par plasmaphérèse. Cette technique consiste à prélever du sang à un donneur, à séparer le plasma, puis à restituer au sujet ses propres globules rouges par autotransfusion.
L’emploi du plasma sec , après une vogue initiale considérable, a connu une désaffection en raison du risque de transmission virale. Seul le plasma congelé en unités individuelles demeure autorisé.
Les fractions plasmatiques
Le plasma est fractionné en vue d’isoler et de concentrer ses constituants les plus précieux pour la thérapeutique: albumine, fractions coagulantes, gammaglobulines.
L’albumine possède les mêmes propriétés que le plasma total pour traiter les «états de choc», en particulier ceux des brûlés. Les solutions concentrées d’albumine permettent de restaurer la masse liquidienne en circulation dans les vaisseaux, sans risque de transmission d’hépatite B ou C du fait de son chauffage, dix heures à 60 0C.
Les fractions coagulantes contiennent soit les facteurs antihémophiliques, soit un mélange de facteurs vitamine K-dépendants (complexe prothrombique et facteur IX), préparé pour la première fois en France sous le nom de P.P.S.B. Les concentrés de facteur VIII sont utilisés pour le traitement de l’hémophilie A (85 p. 100 des hémophilies). Ces concentrés sont de plus en plus purifiés, et, depuis peu, on dispose de facteur VIII recombinant. Le P.P.S.B. est utilisé pour traiter l’hémophilie B, les intoxications par les antivitamines K et le syndrome hémorragique du nouveau-né. Les concentrés purifiés de facteur IX tendent à remplacer le P.P.S.B. dans le traitement de l’hémophilie B. Toutes les fractions coagulantes subissent, depuis 1985, une inactivation virale (par la chaleur ou par solvants-détergents).
Les gammaglobulines ou immunoglobulines sont des fractions d’anticorps concentrés permettant de lutter contre certaines maladies infectieuses, bactériennes ou virales, soit à titre préventif (coqueluche, oreillons, tétanos, hépatite virale, rubéole), soit à titre curatif pour une infection déjà déclarée. Certaines immunoglobulines sont capables de prévenir des accidents de nature non pas infectieuse mais immunologique; c’est ainsi que chez les femmes «Rhésus négatif» dont le mari est «Rhésus positif» des gammaglobulines anti-Rhésus permettent de prévenir la maladie hémolytique du nouveau-né, à condition de les injecter immédiatement après le premier accouchement et à chaque accouchement ou avortement ultérieur.
Les immunoglobulines injectables par voie intraveineuse sont utilisées dans les rares agammaglobulinémies congénitales et surtout dans le traitement des affections auto-immunes (telles les thrombopénies idiopathiques).
Les risques de la transfusion
Des germes Gram négatif risquent à titre exceptionnel de se développer lorsque le sang est conservé à 4 0C; leur toxine est capable de provoquer chez le receveur un choc mortel. Les risques les plus importants sont de nature immunologique (incompatibilité érythrocytaire) et de nature infectieuse (risques devenus très faibles mais non nuls): transmission de parasites (paludisme) ou de virus (hépatites à virus, sida, parvovirus B 19). Ces accidents ne doivent pas faire oublier que la transfusion sauve des milliers de vies humaines, et cela grâce à la générosité des donneurs bénévoles.
La transmission du sida par le sang et ses dérivés, observée dans la plupart des pays industrialisés entre les années 1980 et 1985 dans des proportions et délais comparables, a conduit à réformer nombre d’organisations transfusionnelles. En France, une Agence française du sang a été créée pour renforcer le contrôle des bonnes pratiques de préparation des produits sanguins et pour assurer «l’hémo-vigilance» (suivi des receveurs). La production et la distribution des produits labiles (sang total, concentrés de globules rouges, de leucocytes, de plaquettes) ont été disjointes de celles des produits stables (fractions plasmatiques), soumis à autorisation de mise sur le marché auprès de l’Agence du médicament. Le fractionnement du plasma est désormais placé sous l’autorité d’un Laboratoire français du fractionnement qui regroupe les anciens centres de fractionnement. Certains d’entre eux ont été supprimés. C’est le cas du C.N.T.S. dont les installations de fractionnement demeurent toutefois utilisées.
Encyclopédie Universelle. 2012.