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TYPOLOGIE

TYPOLOGIE

La démarche scientifique est par essence classificatoire. Elle s’efforce de découper le réel en différentes unités, rassemblées ensuite dans des catégories représentant chacune un type. Ainsi la zoologie classe les animaux en familles, en genres et en espèces dotés de caractéristiques communes. Dans la mesure où elles visent à donner un sens aux données de l’observation, les sciences sociales doivent recourir à des opérations identiques, mais en un domaine où les objets à classer présentent un haut degré de singularité.

En sociologie, par exemple, la constitution de types sociaux ne peut se faire à partir de recensements exhaustifs permettant la confection de monographies que l’on comparerait ensuite pour les classer; ce serait là une tâche sans fin. Une telle construction ne peut résulter, comme l’a bien vu Durkheim, que d’une sélection de traits significatifs d’un petit nombre de sociétés dans une espèce choisie. Typer une société consistera alors à la classer selon ses caractères considérés comme essentiels. L’auteur de De la division du travail social a pu de cette façon établir, sur une base morphologique, une typologie des sociétés inspirée de celle de Spencer: l’élément le plus simple, combiné avec lui-même, produit des modes de groupements de plus en plus complexes depuis la horde, segment unique, jusqu’aux sociétés polysegmentaires composées, telles que l’Empire romain.

D’une manière générale, l’élaboration d’une typologie des sociétés globales suppose un ordonnancement du réel à partir d’un critère dominant. Ainsi Marx et Engels ont proposé une classification des sociétés en fonction du mode de production dominant dans chacune d’entre elles. Ils distinguent six types: la communauté tribale, la société asiatique, la cité antique, la société germanique, la société féodale, la société capitaliste bourgeoise. S’appuyant sur la logique interne de cette typologie, ils prévoient un septième type à venir: la société communiste, ce qui revient à poser le problème classique de l’évolutionnisme car la distinction de niveaux différents de développement traduit une conception finaliste de l’histoire.

Construite, en revanche, dans une perspective non historique, la typologie bipolaire de Tönnies distingue l’organisation sociale communautaire de l’organisation sociale sociétaire. La première est fondée sur le sentiment, la fraternité, l’identification à l’ensemble. La seconde repose sur l’intérêt individuel, le calcul, la compétition. Sans doute la typologie de Tönnies n’échappe pas à l’écueil finaliste car celui-ci interprète l’évolution de l’humanité comme un passage progressif du type communautaire au type sociétaire, mais inspirée des travaux de H. Maine qui a distingué les sociétés de statut et celles de contrat, elle est à l’origine de nombreuses classifications dichotomiques telles que sociétés sacrées et sociétés profanes de H. Becker, sociétés ouvertes et sociétés closes de K. Popper, sociétés à relations communautaires et sociétés à relations associationnelles de Mac Iver. Redfield, de son côté, a établi une distinction entre société archaïque (folk society ) et société urbaine tandis que Rocher a opposé la société traditionnelle à la société technologique.

Divers auteurs, Mumford puis H. Janne, ont utilisé la technologie comme critère pour construire une classification des sociétés historiques. D’autres ont retenu le facteur démographique. Ainsi Riesman a récemment distingué trois états démographiques successifs auxquels correspondent des personnalités individuelles spécifiques. Dans la société de subsistance, la personnalité dominante est celle d’un individu au comportement rigide et traditionnel. Dans la société industrielle, l’individu type est à caractère intro-déterminé car il définit sa conduite en fonction de valeurs intériorisées susceptibles de lui fournir un système de réponses face à des situations non prévisibles. Enfin dans la société de consommation de masse, l’individu type est à personnalité extro-déterminée, orientée essentiellement par un désir d’identification au milieu englobant.

Les moyens de communication de l’information ont également servi de critères, — à Mac Luhan notamment, qui a discerné trois phases successives dans l’histoire de l’humanité: la société archaïque où prédomine la parole; la galaxie Gutenberg sur laquelle règnent l’écriture et l’imprimé; enfin la galaxie Marconi où dominent les médias électroniques.

Mais c’est à T. Parsons qu’il revient d’avoir élaboré une des typologies les plus originales. Fondant son approche sur la différenciation progressive qui s’opère entre culture et organisation sociale, il a récusé le schéma évolutionniste unilinéaire et avancé comme condition d’une interprétation de l’évolution l’usage d’une théorie analytique intégrant une grande diversité de facteurs. Son modèle comprend trois types successifs de sociétés: les sociétés primitives au très faible degré de différenciation où le système de parenté sert de fondement à l’organisation de la société, de cadre à l’exercice du pouvoir politique et à la production économique, de lieu originaire du religieux et du symbolique; les sociétés intermédiaires où apparaît l’écriture, ce qui confère une plus grande autonomie à la culture, la rend plus indépendante du contexte concret — la religion y revêt une dimension plus universitaire; les sociétés modernes caractérisées par la prédominance d’une rationalité formelle incarnée dans le droit et révélateur d’un haut degré d’autonomie de leur appareil normatif.

Cependant la typologie est une méthode dont l’aire d’application n’est en rien limitée à la sociologie. En psychologie comme en psychologie sociale elle a été mise en œuvre aussi bien par Adorno, qui a dessiné différents types de personnalité en insistant plus particulièrement sur la personnalité autoritaire, que par Ruth Benedict qui, dans la perspective propre au culturalisme, a typé deux catégories d’individus, les apoliniens favorisant l’harmonie et les dionysiaques recherchant plutôt la compétion.

Les typologies peuvent également jouer un rôle essentiel dans des domaines d’activité à visée plus concrète et plus immédiate tels que le marketing. Avant de lancer un produit nouveau un fabricant peut, en effet, avoir recours à un ensemble d’études sur les besoins des consommateurs et leurs comportements qui conduiront à l’élaboration d’une typologie de ces consommateurs ainsi que de leur mode de consommation. C’est en fonction des données ainsi recueillies que le produit sera élaboré. Par cette voie, la typologie devient un instrument de l’activité économique d’une société.

Des pratiques analogues s’appliquent au champ politique. À partir de l’utilisation de techniques spécifiques de traitement de l’information telles que l’analyse factorielle, il est possible de dresser une typologie des électeurs qui renseigne sur les attitudes psychologiques et les comportements des citoyens. On est alors en mesure de définir un contenu plus adéquat, en termes de communication, lorsqu’on s’adresse à chaque groupe d’électeurs potentiels.

Ainsi, qu’elle soit dirigée vers la connaissance ou vers l’action, la démarche typologique, par la réduction des données qu’elle permet et par les conditions d’une interprétation du réel qu’elle réunit, constitue un outil irremplaçable dans le développement des sciences sociales.

• 1841; de typo- et -logie

1 ♦ Science des types humains, considérés du point de vue des rapports entre les caractères organiques et mentaux. Typologie anthropologique, de Wechniakoff (1897).

2 ♦ Science de l'élaboration des types, facilitant l'analyse d'une réalité complexe et la classification (⇒ systématique). Typologie des structures sociales, économiques.

♢ Systèmes de types. ⇒ classification. Une typologie des régimes politiques. Faire une typologie des dictionnaires.

n. f. Didac. Science qui, à partir d'ensembles, vise à élaborer des types, constitués par regroupement de données ayant en commun certains traits caractéristiques.

— Classification par types. Typologie des langues.

⇒TYPOLOGIE, subst. fém.

A. — Science de l'analyse et de la description des formes typiques d'une réalité complexe, permettant la classification; p. méton., systèmes de types. Synon. classification, systématique, taxinomie. Typologie des dictionnaires. La typologie, ou classification des types, s'exerce aussi bien sur les individus humains (envisagés du point de vue physique ou psychologique) que sur les espèces animales ou même les plantes et les simples phénomènes de la nature (JULIA 1984).

— LING. ,,Méthode de classification des langues qui s'appuie sur leurs caractéristiques internes, telles qu'elles se dégagent d'une analyse rigoureuse`` (D. D. L. 1976).

— PSYCHOL. ,,Étude des types humains du point de vue de leur constitution physique, mais, d'ordinaire, en corrélation avec leurs dispositions morales ou psychiques`` (FOULQ. 1971). Typologie anthropologique. L'une des tendances les plus représentatives de la typologie contemporaine fut l'œuvre de Kretschmer sur les correspondances entre certains types morphologiques et certaines constitutions mentales (POROT 1960).

— SOCIOL. Étude des traits caractéristiques d'un ensemble de données empiriques complexes d'un phénomène social, en vue de les classer en types, en systèmes. Synon. moins usuel typique. Typologie économique; typologie des structures sociales, des voies urbaines. Lorsqu'on utilise plusieurs critères de classification pour répartir des individus et que la combinaison des critères permet de définir des classes non hiérarchisées, on parle plutôt de typologie que de classification (BOUDON-BOURR. Sociol. 1982).

♦ SOCIOL. POL. Typologie politique. Classification des régimes politiques fondée sur un ou plusieurs critères. Les nomenclatures d'Aristote, de Bodin ou de Montesquieu sont des typologies politiques (DEBB.-DAUDET Pol. 1978).

B. — HIST. DES ARTS, RELIG. ,,Parallélisme de l'Ancien et du Nouveau Testament qui est un élément de base de l'iconographie du Moyen-Âge chrétien`` (VOGÜÉ-NEUFVILLE 1971).

Prononc.: []. Étymol. et Hist. 1841 « classification, étude des différents types » (E. VILLEMIN, Français peints par eux-mêmes, t. 4, Le Botaniste, p. 311). Formé de type « ensemble des traits généraux caractérisant un genre d'êtres ou de choses » et de l'élém. formant -logie. Fréq. abs. littér.: 42.

DÉR. Typologique, adj. [En parlant d'une classification] Qui appartient à la typologie; fondé sur une typologie. Schéma typologique. C'est un des mérites de Kretschmer d'avoir toujours souligné, dans ses descriptions typologiques, l'ambivalence des traits, et les possibilités supérieures qu'offre chaque syndrome caractérologique à côté des types de qualité médiocre (MOUNIER, Traité caract., 1946, p. 368). — []. — 1^re attest. 1914 (J. DÉCHELETTE, Manuel archéol. préhist., celt. et gallo-romaine, t. 3, p. 5); de typologie, suff. -ique.

BBG. — DUB. Dér. 1962, p. 50. — KERBRAT-ORECCHIONI (C.). L'Énonciation de la subjectivité ds le lang. Paris, 1980, pp. 156-171.

typologie [tipɔlɔʒi] n. f.

ÉTYM. 1840; de typo-, et -logie.

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I Didact.

1 Vieilli. Science des types humains, considérés du point de vue des rapports entre les caractères organiques et mentaux. ⇒ Biotypologie. || Typologie anthropologique, de Wechniakoff (1897).