ÉCOLE MATERNELLE
ÉCOLE MATERNELLE
L’école maternelle française reçoit les enfants de deux à six ans — et cela, sans obligation. Seuls les services rendus (garde, éducation, dépistage précoce des handicaps...) peuvent expliquer son succès: 90 p. 100 des enfants de trois ans, pratiquement la totalité des plus âgés, fréquentent «la maternelle». Avant que ne soit abandonné le principe de leur admission en 1993, on comptait même jusqu’à 36 p. 100 des enfants de deux ans.
C’est en 1769 que le pasteur vosgien Jean Oberlin (mort en 1821) ouvre la première classe «maternelle»; en 1837, l’éducateur allemand Frédéric Froebel (mort en 1852) crée les jardins d’enfants, alors que le Parisien Denys Cochin (mort en 1841) développe les salles dites d’asile, «à l’instar de l’Angleterre». Malgré les efforts de Marie Pape Carpantier (morte en 1878), l’enseignement y est si «dogmatique» que, dès 1883, Jules Ferry remplace ces asiles par une «école naturelle», «où l’enfant sera une personne, non un numéro». Ainsi s’exprime la véritable créatrice des maternelles, l’inspectrice générale Pauline Kergomard (morte en 1925). Suivant en cela les médecins créateurs Ovide Decroly (mort en 1932) et Maria Montessori (morte en 1952), le décret du 15 juin 1921 achève l’intégration des écoles maternelles dans le domaine du ministère de l’Instruction publique et leur fixe des finalités: s’occuper d’éducation avant tout, «s’en tenir à l’initiation à la lecture, l’écriture, le calcul». «Ces acquisitions ne sont pas dominantes», dit l’arrêté du 18 mars 1977. Les objectifs majeurs sont les suivants: coordination motrice, adresse manuelle (latéralisée), acuité sensorielle, annexion progressive du rythme et du «schéma de son corps», affermissement du langage parlé, dessiné, approche (avec l’âge...) du langage écrit.
De deux à quatre ans, la pensée reste engluée dans l’égocentrisme; déjà, dit Jean Piaget, la fonction symbolique permet de distinguer signifiant et signifié; ensuite se manifeste le syncrétisme d’assimilation; après cinq ans et demi, les représentations s’organisent dans le temps et l’espace: facteur de sociabilisation, le langage bénéficie d’une large expansion — ce qui permet le contact et «les émotions partagées» (C. Vandelplas-Holper).
De la sorte, à l’école maternelle, le sujet de l’éducation compte plus que l’objet de l’enseignement. «Il faut donc, dit Pauline Kergomard, connaître l’enfant, ses besoins [...] et possibilités» (L’Éducation maternelle , II, p. 22). Cela suppose qu’on recrute des psychologues et des médecins scolaires. D’autant que «l’enfant s’efface devant les enfants» (Bianca Zazzo). Il y a loin du bébé égocentrique de deux ans à la gamine et au gamin charmants et civilisés de six ans (L. Barsames et F. I. Ilg, L’Enfant de deux ans , P.U.F.; Marie de Maistre, Les Enfants de six ans en grande section , J.-P. Delarge). Mais la diversité se porte au niveau de chacun(e). D’où des procédures personnalisées actives. Et ludiques. Les jeux se déploient dans «un climat d’amitié et de liberté» (Suzanne Herbinière-Lebert), au sein d’une maison aérée et aux meubles mobiles. Fait unique dans notre système d’éducation, les jouets figurent dans le matériel obligatoire. Ainsi, de l’état solitaire à l’action solidaire, de l’initiation à l’initiative (projets), l’enfant s’engage, travaille: gestuelle et danses; mimes et jeux sensoriels ou dramatiques; chant et petits orchestres; dessin-peinture, découpage, modelage, céramique...; activités langagières et sociales (correspondance dessinée, clubs U.N.E.S.C.O.); jeux lexiques, graphiques, mathématiques; contes, mythes...
D’évidence, l’école maternelle réclame des maîtresses (le nombre des instituteurs reste infime) aimant les enfants, les comprenant, se comportant davantage en animatrices socioculturelles qu’en maîtres d’école — le problème pédagogique étant encore compliqué par l’attention à donner aux jeunes étrangers et aux «enfants à haut risque psychologique» (Marie de Maistre). Voilà qui suppose une option et des stages au sein de la formation des instituteurs — et une forte culture continuée. D’autres modèles se manifestent: en Italie (intégration de tous les personnels — et des enfants en difficulté); en Angleterre et au Québec (rôle des parents, souplesse des structures); en Suède, surtout (fort encadrement, priorité aux enfants d’étrangers ou de mères au travail).
Digne d’éloges, l’école maternelle française connaît pourtant des difficultés. Tout en conservant son autonomie, il lui faut atténuer les deux sevrages de deux et six ans (B. Zazzo) en se liant, d’une part, aux crèches et, d’autre part, à l’école primaire et aux institutions sociales de l’environnement. Pour protéger son originalité, elle doit se garder de tout dérapage didactique, de tout «enseignement» prématuré. École maternelle? Soit, mais en ne sombrant ni dans la scolarisation ni dans le maternalisme. Chargées de l’identification, de l’épanouissement des enfants jusqu’à six ans , les petites écoles ont toujours un grand dessein, un grand destin.
Encyclopédie Universelle. 2012.