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BOMARZO
BOMARZO

BOMARZ

Le jardin Bomarzo de Vicino Orsini, duc de Bomarzo, situé entre Rome et Orvieto, dans la région d’Étrurie, longtemps laissé à l’abandon et ignoré, fut découvert par les surréalistes. Il demeure un mystère de l’architecture de la Renaissance. Une dédicace gravée au nom du cardinal Madruccio (propriétaire d’une villa dans les monts Cimini) permet de le situer vers 1561, date précoce pour un jardin qui annonce le baroque. Bomarzo est l’altération de Polimartium ; le changement de nom date de 1543. Les dernières recherches semblent prouver que sa réalisation est le fait de l’architecte et archéologue Pirro Ligorio (1513?-1585), successeur de Michel-Ange pour la construction de Saint-Pierre de Rome, auteur de l’encyclopédie Les Antiquités de Rome (œuvre manuscrite dispersée à travers l’Europe) et de l’un des premiers plans de Rome avec l’emplacement des monuments. L’idée de Bomarzo est sans doute inspirée du petit livre du bouffon Domenico Taialcaze, Nouvelles de l’autre monde , qui rendait hommage à un parent de Vicino Orsini. À Bomarzo, où le village entoure une forteresse médiévale (convertie en villa renaissante), le seul emplacement possible pour le jardin se trouvait hors des murs, sur un terrain en pente raide, site privilégié pour le traditionnel jardin Renaissance à terrasses. Ce terrain, caractéristique de la campagne romaine, qui concentre les éléments typiques du paysage dans un espace restreint, correspondait à l’image de la Terraferma de Véronèse (fresques de la villa Maser). Mais Orsini centre son attention sur les gros affleurements rocheux, qu’il fait tailler en figures gigantesques, prises dans un réseau de marches et de sentiers boisés. L’accès au jardin, en contrebas dans la vallée, se fait par une arche; de là, deux directions possibles: l’une droit au temple, l’autre plongeant dans un bosquet (les inscriptions sacro bosco le désignent comme le bois sacré des Anciens). Des formes rompues par le temps jonchent le sol: tête plus grande que nature, tête romaine au profil pur comme celles du jardin du musée des Thermes à Rome, vase romain haut de trois mètres, géante gisant à même le sol. Parmi les formes sculptées dans le péperin (tuf volcanique) se devinent des scènes mythiques: sur une terrasse, à l’entrée, un géant écartèle un personnage enraciné par sa chevelure; une réplique miniaturisée de la victime se présente un peu plus loin, au bord d’un bassin, sous les traits d’un enfant tenu, la tête en bas, par deux tritons aux ailes de papillon. Une femme assise fait face à une sorte de dieu couché au-dessus du bassin; il tient une corne d’abondance. Vers le temple, deux géantes s’affrontent, figées, l’une à queue de serpent ou de poisson et une femme reptile, sorte de Harpie; une esplanade de gladiateurs est taillée dans le rocher. Dans la prairie, une gigantesque tête d’ogre, la bouche béante, les yeux grands ouverts, sert de refuge (taillés à même la bouche, un banc, une table en guise de langue); vers la sortie, une tête semblable à l’ogre, plus petite, couronnée d’un globe, est auréolée d’ailes de papillon. Les terrasses sont souvent entourées d’immenses urnes, de glands et de pommes de pin géants; les bassins, peuplés d’une faune marine (dauphins, tritons, sortes de grenouilles). L’ensemble du jardin est bizarrement peuplé: un éléphant caparaçonné comme pour une parade, un dragon attaqué par trois bêtes sauvages, une énorme tortue surmontée d’une déesse ailée affronte un monstre qui dévore lui-même une bête marine; près de l’escalier conduisant au temple se dressent une bête mythique (mouton ou bélier) et deux ours trapus; l’un tient une rose géante et l’autre le blason des Orsini; deux lions, un mâle et une femelle, séparent l’affrontement des géantes; enfin, un cerbère, à triple tête agressive, défend l’entrée du temple. On trouve des motifs similaires dans d’autres villas (villa Lante, villa Odescalchi, villa Chigi): grandes pommes de pin de pierre, nymphes à ailes de papillon, grands vases cannelés en guise de décoration et de balustrades; des monstres plus petits, villa Odescalchi à Bassano di Sutri. Bomarzo n’est pas isolé, il participe d’un ensemble de jardins (Bagnaia, Papacqua). Cet intérêt marqué pour le jardin et la peinture de ruines avait pour pendant, en architecture, le retour vers l’idéal de la maison antique, dans une période où on lisait souvent Aristote («L’art accomplit ce que la nature ne peut réaliser» Physique , II, 8). Le duc de Bomarzo était lui-même imprégné du Roland furieux de l’Arioste (des inscriptions dans l’esprit de cette époque ont été retrouvées, disséminées dans le jardin); ces figures seraient donc l’illustration des mythes du monde antique (Mars-Hercule, Cérès-Proserpine), une thématique du naturalisme religieux: l’union des morts avec les forces de la nature. Il faut souligner le caractère astrologique (cf. villa Maser) dans la présence de l’éléphant , signe zodiacal, et de son pendant à Papacqua sous le signe du chameau . De petites constructions occupent également ce jardin: un amphithéâtre décoré de statuettes à coiffures archaïques, une maisonnette (penchée) qui s’élève sur deux étages, ornés à l’angle d’un ours présentant un blason (cimier, forteresse); et un bloc sculpté en forme de mausolée, au fronton décoré. Le temple, classique, présente un portique et un péristyle de même conception que le temple de la Fortune virile à Rome et le portique des Caryatides sur l’acropole d’Athènes; à l’intérieur, la voûte est ornée d’étoiles. Dans l’ensemble, les figures et les constructions ne suivent pas l’agencement symétrique propre à la Renaissance, étant donné leur origine naturelle; mais les recherches confirmeront peut-être leur cohérence.

Encyclopédie Universelle. 2012.