blaser [ blaze ] v. tr. <conjug. : 1> ♦ Littér. Atténuer (une sensation, une émotion) par l'abus. ⇒ dégoûter, désabuser, lasser, rassasier, soûler. « L'exercice de la Terreur a blasé le crime, comme les liqueurs fortes blasent le palais » (Saint-Just). — Blaser qqn. Cette vie luxueuse l'a blasé. — Pronom. « L'amour vrai ne se blase point » (Hugo). Finir par se blaser.
● blaser verbe transitif (néerlandais blasen, enfler) Rendre quelqu'un insensible à certaines sensations, lui inspirer le dégoût de tout : L'abus des plaisirs l'a blasé. ● blaser (homonymes) verbe transitif (néerlandais blasen, enfler) ● blaser (synonymes) verbe transitif (néerlandais blasen, enfler) Rendre quelqu'un insensible à certaines sensations, lui inspirer le dégoÛt...
Synonymes :
- dégoûter
- désabuser
- lasser
Contraires :
- attirer
- exalter
blaser
v.
rI./r v. tr.
d1./d émousser les sens.
d2./d Fig. Rendre incapable d'émotions, de sentiments. Les excès l'ont blasé.
rII./r v. Pron. Devenir blasé.
⇒BLASER, verbe trans.
A.— Emploi trans.
1. Vx. Émousser le sens du goût par excès de mets ou de boisson (attesté dans la plupart des dict. gén.).
2. Rendre, par une pratique abusive, insensible, indifférent aux émotions vives, aux plaisirs. Une bonne pendaison, cela distrait, en province, et cela blase un peu les gens sur la mort (SARTRE, Les Mouches, 1943, p. 15) :
• 1. Il y a même des personnes vraiment sensibles que l'exagération doucereuse affadit sur leurs propres impressions, et qu'on blase sur le sentiment comme on pourroit les blaser sur la religion, par les sermons ennuyeux et les pratiques superstitieuses.
Mme DE STAËL, De l'Allemagne, t. 4, 1810, p. 361.
• 2. Il voyagea ainsi en Italie, et ce lui fut une ivresse. Il fallut la vie administrative et le séjour à poste fixe au consulat de Cività-Vecchia pour le blaser sur les sensations.
P. BOURGET, Essais de psychol. contemp., 1883, p. 238.
Rem. S'emploie fréquemment au passif et se constr. avec les prép. de ou sur. Être blasé de qqc. ou sur qqc. :
• 3. Le public est blasé sur ces accumulations de richesses, avant même que les échafauds ne soient enlevés.
VIOLLET-LE-DUC, Entretiens sur l'archit., t. 2, 1872, p. 114.
B.— Emploi pronom. Devenir blasé, n'avoir plus de goût pour :
• 4. À peine arrivée à la ville,
Un évêque la remarqua;
Puis, se blasant de l'évangile,
Pour les drapeaux elle abdiqua.
BOREL, Rhapsodies, 1831, p. 148.
• 5. C'était pourtant un charmant et gentil service que celui de la belle Fleur-De-Lys, et il lui avait paru tel autrefois; mais le capitaine s'était blasé peu à peu; ...
HUGO, Notre-Dame de Paris, 1832, p. 280.
• 6. ... il faut profiter du fait que, ne me blasant jamais sur nulle grande chose, chacune d'elle me donne toujours davantage.
DU BOS, Journal, 1925, p. 384.
Prononc. :[], (je me) blase [].
Étymol. ET HIST. — [XVIIe s. exemple de M. Regnier d'apr. Trév. 1743, v. G. Raibaud dans Fr. mod., t. 6, p. 359]; 1740 (Ac. : Blaser, se blaser. S'user à force de boire des liqueurs fortes); 1762 fig. (Ac. : un homme blasé); 1797 se blaser (G. SÉNAC DE MEILHAN, L'Émigré, p. 1758); 1817 subst. (G. DE STAËL, Considérations sur les principaux événements de la Révolution fr., p. 371).
Terme implanté dans le domaine pic. : rouchi blasé « blême par l'usage fréq. des liqueurs fortes » (HÉCART), wallon blasé « atteint d'une maladie qui se manifeste par une enflure, notamment au visage, par suite de l'abus des liqueurs alcooliques » (VERM.), v. aussi VALKH., p. 62; prob. d'orig. néerl. : le verbe m. néerl. blasen est en effet attesté au sens de « gonfler, enfler, » (VERDAM), sens qui ne semble cependant pas s'être conservé dans le néerl. mod. blazen, seul susceptible d'avoir été empr. par le fr. mod. et uniquement attesté au sens de « souffler ». Un empr. au prov. blazir « faire faner, détériorer », d'un frq. blâsjan « être enflammé », à rapprocher du m. h. all. blas « bougie, flambeau » (EWFS2) fait difficulté des points de vue morphol. et géographique.
STAT. — Fréq. abs. littér. :52.
blaser [blaze] v. tr.
ÉTYM. Mil. XVIIe, Mathurin Régnier; p.-ê. du moy. néerl. blazen « gonfler, enfler », d'où blasé en picard, rouchi « gonflé ou blêmi par l'excès d'alcool »; on a invoqué aussi le provençal blazir « faner, abîmer », d'orig. francique; Guiraud propose de rattacher blason à ce sémantisme.
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1 Vx. Brûler, user par l'excès d'alcool.
1 Un corps que la nature avait bien composé,
Mais que le feu qu'il boit sans ressource a blasé (…)
2 (1762). Mod. Affaiblir, émousser les sens de (qqn); atténuer (les sensations, les impressions) par l'abus. ⇒ Dégoûter, désabuser, fatiguer, lasser, rassasier, soûler. || Les mets épicés, les liqueurs fortes blasent le goût. || Une vie trop facile l'a complètement blasé, l'a blasé sur tout.
2 L'exercice de la Terreur a blasé le crime, comme les liqueurs fortes blasent le palais.
Saint-Just, cité par Jaurès, Hist. socialiste…, t. VIII, p. 392.
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se blaser v. pron.
ÉTYM. (1785, Sade).
♦ Devenir blasé. — (Personnes). || Se blaser de qqch. || Se blaser sur qqch. || Il est encore jeune et enthousiaste, mais il finira par se blaser. || Se blaser d'un spectacle quotidien.
♦ (Sentiments) :
2.1 L'amour vrai ne se blase point.
Hugo, l'Homme qui rit, II, 2, 9 (→ Attiédir, cit. 9).
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blasé, ée passif, p. p. et adj.
♦ Plus courant.
b (Personnes, facultés psychiques, sentiments). Dont les sensations, les émotions ont perdu leur vigueur et leur fraîcheur, qui n'éprouve plus de plaisir à rien. ⇒ Froid, indifférent, insensible; dégoûté, fatigué. || Être complètement blasé (→ Être revenu de tout, avoir fait le tour de…). || Être blasé par l'excès, l'habitude. || Blasé de qqch. — Des personnes blasées. || Un milieu blasé. — Esprit, cœur blasé.
3 Les sens usés sans avoir joui, l'esprit affaibli sans avoir produit rien de bon, et blasé sans avoir rien goûté.
d'Alembert, Œuvres, t. IV, p. 220.
4 Ainsi la pointe de la douleur est émoussée, non que le cœur soit blasé, non que l'âme soit aride (…)
Mme de Staël, Corinne, II, 4.
5 Avant la fin du jour blasé du lendemain (…)
Hugo, les Chants du crépuscule, 13.
6 (…) quoi que l'on ait dit de la satiété et du dégoût qui suit ordinairement la possession, tout homme qui a l'âme un peu bien située, et qui n'est pas blasé misérablement et sans ressource, sent son amour s'augmenter de son bonheur (…)
Th. Gautier, Mlle de Maupin, VII.
7 Les gens qui se disent blasés n'ont jamais rien éprouvé : la sensibilité ne s'use pas.
J. Renard, Journal, 28 déc. 1896.
7.1 On jouit certes mieux du théâtre quand on l'aime et qu'il est mauvais, que quand, blasé, on est dans une belle loge devant des acteurs de choix (…)
Proust, Jean Santeuil, Pl., p. 747.
8 À côté de ces doctrines dissolvantes, la recherche de la jouissance a créé cette étrange société qui, bientôt, trouvait dans les perversions les plus singulières un coup de fouet aux sens blasés.
Louis Madelin, Talleyrand, XL, p. 436.
9 Ce sont les esprits blasés, ce sont les esprits prévenus qui ne savent plus rien voir, qui ne peuvent plus rien découvrir avec leurs yeux ternis et secs.
G. Duhamel, le Temps de la recherche, XVI.
♦ N. (1817). || Un blasé, une blasée. || Faire le blasé. ⇒ Dégoûté, sceptique.
10 (…) lui, s'épuisant à vouloir procurer à cette blasée d'amour une commotion qu'elle ignorât encore (…)
Alphonse Daudet, Sapho, VIII.
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DÉR. Blasement.
Encyclopédie Universelle. 2012.