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BRAMANTE
BRAMANTE

Le nom de Bramante est lié à quelques-unes des œuvres les plus importantes du XVIe siècle, celles qui ont donné naissance à un langage architectural qui, de Rome, s’étendit au cours des siècles dans l’Europe entière.

Bramante avait hérité du Quattro-cento, plus particulièrement d’Alberti, sa curiosité pour l’Antiquité. Il voulut arracher aux monuments du passé les secrets de leur technique, et les adapter aux exigences de son temps. Mais son intérêt pour l’architecture romaine ne le détourna pas de l’art gothique. Bramante fut considéré à juste titre comme «le plus grand inventeur de formes architecturales depuis l’Antiquité».

1. Le peintre

Donato di Pascuccio d’Antonio, dit Bramante (variante du surnom hérité de son père: Abramante, Barbanti), naquit en 1444 à Monte Asdruvaldo, localité dépendant aujourd’hui de la commune de Fermignano, et qui faisait alors partie du territoire d’Urbino.

Avant 1476-1477, il séjourna quelques années à Urbino; puis, de 1477 à 1499, il vécut en Lombardie, d’abord à Bergame, puis à Milan (le voyage Urbino-Bergame lui permit sans doute de passer par Ravenne et Mantoue). Il fit aussi quelques séjours à Pavie, et Vigevano, et plusieurs voyages, en particulier à Rome, où il s’établit définitivement en 1499. Il mourut, à Rome, le 11 avril 1514.

Il n’existe aucun document sur la formation de l’activité de Bramante dans sa jeunesse. Il arriva à Urbino certainement assez tôt pour assister à l’élaboration d’un des milieux les plus fervents et les plus caractéristiques de la Renaissance italienne. Les œuvres à lui attribuées avec certitude témoignent de ce que fut sa première formation: contact avec des maîtres comme Piero della Francesca, Luciano Laurana, Melozzo; climat humaniste entretenu par Frédéric de Montefeltro. Bramante avait vingt-huit ans quand Laurana abandonna définitivement Urbino, laissant inachevées plusieurs parties du palais ducal – prévues dans son projet d’ensemble, mais dont les dessins définitifs n’étaient pas terminés. Il restait en particulier le Studiolo, la chapelle du Perdono, le petit temple des Muses et le mausolée. C’est précisément dans ces différentes études que Bramante révélera pour la première fois sa personnalité. Il eut en outre l’occasion d’affronter les problèmes techniques au côté des maîtres lombards au service des Montefeltro (la présence des maîtres maçons venant de Côme est attestée par les textes) et de Francesco di Giogio.

La première mention de son activité (1477, peinture de la façade et de la grande salle du palais du Pouvoir de Bergame) met en évidence son goût prononcé pour la peinture en trompe l’œil. Un autre texte indique qu’il n’était pas seulement peintre, mais aussi architecte (1479, projet pour la façade de Sainte-Marie près San Satiro). Nous le retrouvons peintre à Milan, au palais Fontana (mais les rares fresques conservées dont il fit lui-même le dessin, ne sont pas de sa main), à la maison Panigarola (Hommes d’armes, Héraclite et Démocrite ), et peut-être au château Sforza (Argos ). Le Christ de Chiaravalle , aujourd’hui à Brera, sur panneau de bois, est un témoignage précieux, sinon unique, sur son activité dans le domaine de la peinture de chevalet.

Ces œuvres témoignent de l’influence de Piero della Francesca, de Melozzo (spécialement les Hommes d’armes de la maison Panigarola) et de Boccati. À cette influence s’ajoute celle des œuvres d’Hercule de Ferrare, plus évidente encore sur la gravure faite en 1481 par Prevedari, d’après le dessin de Bramante. Bien qu’il n’existe aucune autre peinture (ni aucune mention de peinture) exécutée après cette date (sinon, peut-être, dans le portique de Saint-Jean-de-Latran, à Rome, une fresque peinte pour le jubilé de 1500), Bramante continuait à s’y intéresser, puisque Ludovic le More écrit en 1493 que Bramante «se délectait autant de la peinture que de l’architecture». Mais c’est surtout en tant qu’architecte qu’après 1479 il s’affirmera, d’abord en Lombardie, puis à Rome.

2. Architecte en Lombardie

Bramante fit ses premières expériences architecturales en Lombardie, avec le sanctuaire de la Pitié, et l’église contiguë de Sainte-Marie près San Satiro. Dans le sanctuaire de la Pitié, remontant au IXe siècle, l’architecte garda la structure originale, dissimulant simplement la partie basse – en forme de croix grecque – par une base circulaire, et insérant la petite coupole dans un tambour polygonal. Un puissant mouvement de surfaces et de masses contrastantes caractérisait ainsi la partie supérieure du temple à l’extérieur, tandis que le rythme circulaire de la base en rétablissait l’unité. En recouvrant la construction par un assemblage de surfaces et de trompe-l’œil, Bramante adoptait un parti déjà utilisé à Urbino et à Bergame.

Il appliquera de nouveau ce principe à Sainte-Marie près San Satiro: son projet initial était trop important pour l’espace disponible; cet édifice à trois nefs et à vaste transept aurait dû avoir un chœur d’égale importance qui ne put être construit faute de place (une rue qu’on ne pouvait dévier). Bramante ne voulut pas renoncer à un chœur aux proportions grandioses et réalisa donc une structure en trompe l’œil, peinte et modelée dans le stuc. Grâce à ce procédé, il parvint à donner à cet ensemble de petites dimensions un aspect monumental de type albertien. Le baptistère, inséré dans un angle extérieur de l’église, est à plan central. Le décor de ce petit édifice, conçu comme un sanctuaire, s’inspire en partie de motifs provenant du palais d’Urbino, mais aussi de l’œuvre de sculpteur-architecte de Crema, Agostino de Fonduti.

Du sacré au profane

L’activité de Bramante s’exerça également dans le domaine de l’architecture civile. Nous ne savons pas avec précision à quel moment Ludovic le More lui confie la résidence de Vigenano, sans doute assez tôt, peut-être même vers 1480. Malheureusement, il ne reste que peu de chose des travaux que fit exécuter Bramante (et qui durèrent jusqu’en 1495); mais l’aménagement de la grande place qui sert d’atrium au palais ducal et à la cathédrale marque les débuts de Bramante urbaniste.

Il fit les dessins de l’hôpital Majeur de Milan (1485), puis revit les projets présentés pour le couronnement de la croisée du transept de la cathédrale (1488-1490). Il collabora aussi au projet, altéré par plusieurs modifications, de la cathédrale de Pavie (1488). L’espace intérieur des nefs se prolonge dans l’immense articulation du transept et du chœur; ce dernier est traité comme un édifice à plan central amplifié par une énorme coupole, qui ne sera élevée en fait qu’au XIXe siècle. Le parti qui rappelle la vieille église Saint-Laurent à Milan fait de la cathédrale de Pavie une des créations les plus spectaculaires de Bramante. En 1492, alors que la construction était à peine amorcée, l’architecte abandonna le chantier, peut-être en raison de la nouvelle charge qui lui avait été confiée à Milan par Ludovic le More: la construction du chœur de Sainte-Marie-desGrâces dont le prince désirait faire le mausolée des Sforza. Le volume principal est cubique, flanqué de deux absides latérales, et relié à un chœur profond à absides. L’ensemble est complété par une énorme coupole hémisphérique dont la surface interne est rythmée d’imperceptibles jeux d’ombre et de lumière. L’œuvre dénote une parfaite connaissance des idées de Léonard, mais aussi l’influence d’Alberti et de Laurana. La réalisation de cet édifice ne fut malheureusement pas du tout conforme au projet d’origine.

Pendant la construction, on demanda à Bramante des dessins pour l’agrandissement de l’abbaye de Saint-Ambroise; les travaux portèrent d’abord sur le cloître des chanoines, dont une seule aile fut terminée en 1495, puis furent poursuivis au sud, où les cloîtres, commencés en 1497, ne furent achevés qu’au siècle suivant.

3. Activités romaines

En 1495 était construit à Rome le palais de la Chancellerie dont l’architecture rappelle par plusieurs côtés celle d’Urbino; l’hypothèse d’une participation de Bramante à ces travaux a été avancée: on retrouve les modules très caractéristiques de son architecture, surtout dans la cour et dans l’église de San Lorenzo in Damaso reliée au palais. De Milan, Bramante se serait donc rendu à Rome pour un court séjour avant de s’y établir définitivement et, à cette occasion, il aurait donné des dessins pour certaines parties de la Chancellerie.

Quoi qu’il en soit, l’activité romaine de Bramante est attestée à partir du 17 août 1500: la commande des pilastres et des colonnes du cloître de Sainte-Marie-de-la-Paix, dont il avait fourni les dessins. Le cloître fut achevé en 1504. Au rez-de-chaussée, des arcatures reposant sur des pilastres doriques, à l’étage, un entablement porté par des colonnes qui alternent avec des pilastres composites: Bramante ne réussira plus jamais à concilier avec un tel bonheur les acquisitions si diverses de sa formation architecturale.

La construction du cloître était en cours quand lui fut confié le projet du Tempietto de San Pietro in Montorio. L’édifice avait été commandé pour enchâsser le lieu du supplice de saint Pierre. Le projet de Bramante comprenait non seulement le temple rond – presque un tabernacle – à plan central qui seul sera réalisé, mais aussi, pour cerner l’édifice, un cloître circulaire creusé de niches. Ce projet s’inspire directement de l’étude approfondie faite par Bramante des monuments de la Rome antique; d’où un sens des proportions plus aigu que celui que l’on éprouvait alors à Milan, des contrastes d’ombre et de lumière plus prononcés, une plus grande unité, des formes dépouillées de tout motif décoratif superflu. Aussi, bien qu’étant de dimensions modestes, le temple acquiert-il, grâce à l’organisation des volumes, une monumentalité exceptionnelle, qu’accentuent encore les jeux de clair-obscur.

On ne connaît pas la date à laquelle Jules II chargea Bramante d’aménager une partie des palais du Vatican, la zone s’étendant de l’actuelle cour de San Damaso au Belvédère d’Innocent VIII. Le projet prévoyait l’aménagement du terrain, qui est en forte déclivité, par des terrasses, des escaliers et des exèdres. Des mutilations et des transformations devaient altérer l’unité de cet ensemble qui n’en influencera pas moins les aménagements de jardins, de parcs et d’ensembles monumentaux.

Les travaux étaient à peine commencés quand fut décidée la reconstruction totale de la vieille basilique de Saint-Pierre, prévue de longue date.

L’édition autographe du projet intitial de Bramante ne nous est pas parvenue et il faut tenter de le reconstituer à partir de dessins anciens et d’une vue de l’église reproduite sur la célèbre médaille du Caradosso. Bramante était une fois de plus affronté au même problème: créer un édifice surmonté d’une coupole vers laquelle convergent les espaces du pourtour. À Saint-Pierre, ce thème est déployé avec grandeur: croix grecque surmontée d’une immense coupole hémisphérique, chapelles cruciformes flanquées de tours d’angle, coupole reposant à l’intérieur sur un haut tambour percé de fenêtres et ceint d’une colonnade. Quatre énormes pilastres destinés à soutenir le tambour devaient constituer les points d’articulation entre la partie centrale, couverte par la coupole, et le déambulatoire cruciforme du pourtour, couvert par quatre petites coupoles d’angles et entouré d’un jeu compliqué d’absides et de niches. Les références à l’architecture romaine (le Panthéon) ou paléochrétienne étaient évidentes.

La construction commence le 18 avril 1506; en 1510, les quatre piliers du centre sont achevés; une première interruption a lieu à la mort de Jules II (1513) et les travaux peu avancés s’arrêtent à la mort de l’architecte.

Simultanément avec ces grands travaux, Bramante avait eu d’autres engagements pendant le pontificat de Jules II: à Todi, dessins pour Sainte-Marie-de-la-Consolation; à Lorette, consolidation de la coupole et travaux pour le sanctuaire de la Santa Casa (1509); à Rome, chœur de Sainte-Marie-du-Peuple (1509), tracé de la via Giulia, projet du palais des Tribunaux avec l’église annexe de San Biagio della Pagnotta et construction de la demeure – détruite aujourd’hui – qu’habitera Raphaël.

Bramante
(Donato d'Angelo Lazzari, dit) (1444 - 1514) peintre et architecte italien. Il implanta la Renaiss. class. à Rome. Ses plans de la nouvelle basilique St-Pierre furent radicalement modifiés lors de la construction.

Encyclopédie Universelle. 2012.