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BRÛLURES
BRÛLURES

Les brûlures sont la conséquence du contact entre les tissus et une source d’énergie calorique telle que flammes, liquides ou solides chauds, radiations ou électricité. Certaines substances chimiques, acides ou bases fortes, peuvent provoquer des lésions analogues. Les organes internes sont quelquefois atteints, comme c’est le cas pour le pharynx ou l’œsophage lors de l’absorption de liquides brûlants, ou la trachée sous l’action des gaz inflammables. Cependant, dans la majorité des cas, ce sont les aires cutanées qui sont les plus exposées et ce sont les brûlures cutanées qui sont prises pour type de description du syndrome.

Les pays industrialisés paient un tribut de l’ordre de 7,5 brûlés pour 1 000 habitants avec une mortalité d’environ 4,3 pour 100 000, dont 60 p. 100 pour les enfants de moins de 15 ans et les personnes de plus de 65 ans. Les nourrissons se brûlent surtout à l’eau bouillante, les enfants de 3 à 14 ans par le feu, les adultes par accident professionnel, les personnes âgées par accidents domestiques (vêtements, literie, appareils à flamme ou électriques mal entretenus); les alcooliques, les malades neurologiques et psychiatriques y sont plus exposés.

Classification

Les brûlures se caractérisent par leur profondeur qui commande souvent le pronostic fonctionnel et par leur étendue qui commande généralement le pronostic vital. Un segment de membre carbonisé peut avoir un pronostic vital moins sombre qu’une brûlure cutanée très étendue.

Suivant la profondeur, on divise, depuis Dupuytren, les brûlures en six degrés. Mais en fait les trois dernières variétés, qui concernent l’atteinte du tissu cellulaire sous-cutané, des muscles et des os, ne modifient pas la gravité générale de la brûlure. On a donc tendance aujourd’hui à retenir trois degrés. Au premier degré l’érythème (coup de soleil banal sans «cloques» par exemple) se caractérise par la rougeur de la peau. La brûlure est limitée à l’épiderme, son étendue peut lui conférer une certaine gravité. Le deuxième degré se caractérise par les phlyctènes (vulgairement, cloques) dues au décollement de la couche cornée de la peau de la couche de Malpighi. Elles sont remplies d’une sérosité claire. Après quelques jours, sous l’épiderme décollé, apparaît le corps papillaire d’un rouge vif, très sensible. L’épidermisation se fera à partir des formations épidermiques intradermiques intactes (glandes sudoripares, appareils pilo-sébacés) qui se comportent comme des îlots épidermiques. Au troisième degré l’escarre cutanée est typique. Elle est formée de taches grises ou noires, sèches et insensibles au toucher. Toute l’épaisseur de la peau est atteinte. Cette escarre doit tomber pour que la cicatrisation se fasse par bourgeonnement et épidermisation de la périphérie cutanée vers le centre. Dans les brûlures étendues, on peut observer les trois degrés de brûlures dans des régions différentes.

Il existe de nombreuses échelles d’évaluation de la gravité de la brûlure. Toutes font intervenir la surface corporelle atteinte (Fabricius Hildanus , dès 1607, Berkov, Land et Browder, Pulaski et Tennison...); la plupart tiennent aussi compte de la profondeur, de l’âge des brûlés et parfois de leurs maladies chroniques (insuffisance respiratoire, rénale, hépatique, diabète, alcoolisme) qui aggravent le pronostic.

Évolution clinique et biologique des brûlures graves

Après une phase d’agitation, parfois de délire, s’installe un état de choc avec ses signes généraux classiques. Le tableau clinique comporte l’hypotension, le pouls imprenable, l’hypothermie, l’anurie, parfois des vomissements sanglants (un tubage gastrique ramène presque toujours du sang dans les cas graves). Il est accompagné de désordres biologiques: l’hémoconcentration, l’hyperazotémie, l’abaissement du pH (acidose) avec hyperlactacidémie, l’abaissement de la pression en C2 et de la réserve alcaline. Si une thérapeutique précoce a permis de dépasser le stade du choc initial, s’installe une phase qui est dominée d’abord par le fonctionnement rénal, puis par ce qu’on peut appeler un état de choc chronique au cours duquel la fragilité du malade est considérable, l’infection menaçante, le catabolisme azoté difficile à combattre, l’équilibre azoté difficile à maintenir, la réparation des plaies lente, la prise des greffes parfois décevante.

Le stade précoce du choc dépend de deux sortes de facteurs. Les premiers sont avant tout locaux.

De nombreuses substances (bradykinine, histamine, sérotonine) libérées dans la circulation peuvent avoir à distance des effets vasomoteurs défavorables. Mais surtout les polypeptides libérés par la brûlure, ou par les germes qui l’infectent en surface, devront être détoxifiés par le foie. Comme après toute agression importante, le système adréno-sympathique est excité et libère des catécholamines. Celles-ci vont produire une vaso-constriction dans les organes abdominaux qui, combinée à la spoliation de la masse sanguine, provoque une déficience de la circulation dans les reins (exclusion cortico-rénale), le foie (chute du débit hépatique), l’intestin (infarctus intestinaux). D’où difficulté de détoxifier (gluco- ou sulfo-conjugaison) par le foie et d’excréter par le rein ces produits toxiques. Enfin, les perturbations de la circulation hépatique diminuent les possibilités pour le foie de retransformer l’acide lactique en glucose (néoglucogenèse) comme il le fait normalement – d’où la stabilité de l’acidose – et de transformer l’ammoniac d’origine intestinale en urée – d’où l’hyperammoniémie. L’insuffisance hépato-rénale domine donc l’évolution secondaire des grands brûlés. La perte liquidienne considérable constatée au niveau des régions brûlées et l’œdème, dont elles sont le siège quelques heures après la brûlure, cause de diminution de la masse circulante et de choc hypovolémique, obligeaient autrefois à des remplacements hydriques massifs et secondairement dangereux. Le traitement local précoce et la neuroplégie en ont diminué considérablement l’importance.

La réaction endocrinienne mettant en jeu le couple hypophyso-surrénal, plus tardive que le stade de choc, conditionne en partie l’intense catabolisme azoté, les troubles de cicatrisation, le bilan potassique négatif.

Dès les premiers jours, l’infection de la brûlure et du brûlé conditionne les possibilités de survie et la qualité de la cicatrisation. L’infection locale aggrave les lésions initiales de la brûlure, les germes trouvant là des conditions très favorables à leur multiplication. À partir de ces foyers locaux, les risques de propagation à distance – infection pulmonaire ou rénale –, de généralisation – septicémie – sont considérables et permanents. Les conditions de la lutte anti-infectieuse ne se limitent pas, et de loin, à l’emploi d’antibiotiques, l’état local, l’état général – nutritionnel en particulier –, les maladies associées (diabète) conditionnent l’état infectieux qui, à son tour, retentit sur eux.

Formes étiologiques

Les brûlures par liquides chauds sont généralement de faible gravité; celles par flammes sont généralement graves du fait que les vêtements s’enflamment et qu’il s’ensuit un contact étendu et prolongé. Les vêtements en nylon sont particulièrement dangereux du fait de leur inflammabilité et de leur incrustation dans les plaies. L’électricité peut provoquer une électrocution avec arrêt cardiaque, mais elle peut aussi provoquer des lésions de brûlures avec nécrose profonde, souvent de faible étendue au début, mais qui s’accroît par nécrose secondaire passée primitivement inaperçue. Les acides et les bases fortes sont des causes de brûlures profondes. Mais les plus sournoises sont celles qui sont dues aux rayons X et au radium, car on peut n’observer aucun effet particulier avant une semaine. Les tissus se réparent mal et nécessitent une exérèse chirurgicale et des greffes. Les cicatrices peuvent se cancériser tardivement. Les explosions atomiques libèrent des formes d’énergie variées, et les lésions ne se limitent pas à la peau mais aux tissus profonds, surtout ceux à multiplication active comme la moelle osseuse. Une irradiation de plus de 300 röntgens est généralement fatale en quelques semaines.

Thérapeutique

Traitement du choc

La douleur atroce de la brûlure nécessite, le plus rapidement possible, l’utilisation d’analgésiques puissants (analogues modernes de la morphine) à doses importantes. Calmer la douleur n’est pas seulement un geste de compassion; c’est un élément essentiel du traitement initial. On associe généralement à ces analgésiques, pour compléter et potentialiser leur action, des neuroleptiques (neuroplégie, déconnection neuro-végétative, neuroleptanalgésie) qui limitent la libération de catécholamines et entravent l’établissement du choc en s’opposant à la vasoconstriction au niveau des organes splanchniques, sous couvert d’une transfusion plasmatique. Tant que le malade n’est pas en milieu hospitalier et pendant le transport, il ne faut pas le déshabiller. Le déshabillage ne peut qu’accroître ses souffrances et ouvrir la porte à l’infection; il se fera en milieu stérile, et constitue le premier temps du traitement local; excision des phlyctènes, décapage en baignoire stérile, abrasion, excision immédiatement suivie de greffe ou de pansement de peau hétérologue. Ces traitements nécessitent tous des conditions chirurgicales d’asepsie et d’anesthésie; conditions qui restent indispensables pour les pansements ultérieurs. En l’absence d’une asepsie rigoureuse, les risques infectieux sont multipliés au point que l’on construit actuellement les services de brûlés avec une climatisation en atmosphère contrôlée et en surpression. L’absence de protection neurovégétative entraîne le risque d’apparition de chocs secondaires ou de syndromes d’irritation neuro-végétative (vomito negro, ulcères gastriques).

Les pertes liquidiennes sont abondantes pendant les premières heures et doivent être compensées (plasma, sérum-albumine, liquides de substitution) en même temps qu’est entrepris sans aucun retard l’apport de calories immédiatement utilisables sous forme de soluté glucosé peu (10 p. 100) ou fortement (30 p. 100) hypertonique, dont l’efficacité est grandement améliorée par l’adjonction d’insuline même si le brûlé n’est pas diabétique. Cet apport immédiat permet d’attendre que la reprise du transit intestinal bloqué par l’agression autorise l’utilisation de la voie digestive en vue de l’alimentation intensive continue.

L’injection préventive de sérum antitétanique et l’emploi rationnel d’antibiotiques assurent la prophylaxie de l’infection en obéissant avec rigueur aux règles habituelles de la réanimation.

Traitement secondaire

Le grand brûlé en phase secondaire et tardive est un grand insuffisant hépatique qui doit réaliser de vastes régénérations tissulaires et cicatrisations. L’infection menaçante exige, elle aussi, des apports caloriques très importants. De trois à cinq mille calories, à forte prédominance protéique, sont nécessaires quotidiennement. Cet apport considérable pose des problèmes techniques difficiles que les techniques modernes d’alimentation parentérale puis, après la reprise du transit intestinal, l’alimentation par sonde continue ont réussi à résoudre au prix de surveillance et de soins incessants. Mieux l’équilibre diététique sera réalisé, meilleure sera la réparation tissulaire, moins fréquente sera la nécessité de recourir aux greffes cutanées.

Il existe de nombreux traitements locaux dont il est difficile d’apprécier la valeur, mais qui se réduisent à deux grands types. Les pansements fermés utilisent en général des produits gras qui isolent la surface brûlée de l’air extérieur; ils favoriseraient l’infection superficielle. Les méthodes «ouvertes» exposent les brûlures à l’air ou à une atmosphère d’oxygène stérile; il se forme ainsi rapidement sur les lésions suintantes une croûte sèche protectrice; l’infection locale est alors considérablement réduite.

L’apparition de lits fluidiques, suspendant les sujets alités sur des jets nombreux et rapprochés d’air ou d’oxygène, en lévitation gazeuse, a considérablement réduit l’apparition de ces escarres particulièrement nombreuses et profondes aux points d’appui. Les décapages réguliers en baignoires stériles permettent d’éliminer à mesure de leur apparition ces escarres, même minimes.

À mi-chemin entre ces deux types de traitement on emploie encore soit la pose de lambeaux de peau provenant de donneurs volontaires – lambeaux qui ne «prendront» pas et ne sont donc pas une greffe mais un «pansement» biologique – soit des bains antiseptiques fréquents ou même, pour des segments de membre, des irrigations continues dans des sacs plastiques étanches de solutés contenant des antibiotiques. Le traitement local de brûlures très profondes dues à l’électricité à haute tension ou aux acides concentrés peut enfin nécessiter l’amputation de régions irrécupérables qui compromettent par leur seule présence la guérison des autres zones brûlées.

Les greffes sont indispensables à la cicatrisation des brûlures profondes. Elles ont été faites parfois précocement et même immédiatement. En fait, elles ne doivent être pratiquées que sur un lit tissulaire propre et sain. Elles se recueillent au dermatome dans des régions saines, doivent être fines et recouvrir toute la surface brûlée.

Le progrès en matière de greffon cutané a consisté à en accroître la surface utile en découpant le lambeau prélevé selon une sorte de résille. Cette technique a permis de gagner un temps précieux et, par là-même, d’améliorer le pronostic des brûlures étendues. En cas de cicatrice rétractile, des corrections chirurgicales sont nécessaires.

Formes particulières

Les brûlures internes posent des problèmes difficiles à résoudre. Les brûlures des voies respiratoires (trachée et bronches) sont souvent hors d’atteinte pour la thérapeutique et conduisent à la mort par asphyxie et broncho-pneumonie.

Encyclopédie Universelle. 2012.