criminel, elle [ kriminɛl ] adj. et n.
• 1080; lat. criminalis, de crimen « crime »
1 ♦ Qui est coupable d'une grave infraction à la morale, à la loi. Criminel devant Dieu et devant les hommes. Par ext. Desseins criminels. Dans une criminelle intention. Un incendie criminel. Avortement criminel, pratiqué en dehors de l'I. V. G. — Fam. Par exagér. C'est criminel d'attacher ce chien, de jeter ce vin.
2 ♦ N. Dr. Personne qui est coupable d'un crime (2 o). ⇒ coupable, incendiaire, malfaiteur, meurtrier, violeur, voleur. Le criminel et ses complices. Criminel de guerre, qui commet des atrocités au cours d'une guerre. — Fam. (Par exagér.) Coupable (d'une faute, d'une sottise). Voilà le criminel.
3 ♦ N. Cour. Personne coupable de meurtre. ⇒ assassin. Le criminel a laissé des indices; est en fuite. Condamnation, exécution d'un criminel.
4 ♦ Dr. Relatif aux actes délictueux et à leur répression (⇒ pénal). Droit criminel. Vx Code d'instruction criminelle : code pénal. — Juridiction criminelle. ⇒ assises (cour d'assises). Être condamné à la réclusion criminelle à perpétuité. Brigade criminelle, ellipt la criminelle (fam. la Crim[e] ). N. m. Juridiction criminelle. Avocat au criminel. Poursuivre qqn au criminel.
⊗ CONTR. Innocent, juste, légitime, vertueux.
● criminel nom masculin Matière criminelle. ● criminel, criminelle adjectif (bas latin criminalis) Relatif au crime, ou qui constitue un crime : Incendie criminel. Relatif à la répression, à la sanction du crime : Brigade criminelle. Qui conçoit un crime, y participe : Une organisation criminelle. Qui est à l'origine d'événements très graves, qui les laisse passivement se produire : Un silence criminel. Qui est contraire aux lois morales ; condamnable : Amour criminel. ● criminel, criminelle (expressions) adjectif (bas latin criminalis) Familier. C'est criminel de, c'est une faute très grave : C'est criminel de construire une tour dans ce vieux quartier. ● criminel, criminelle nom Personne coupable d'un crime. Assassin, meurtrier. ● criminel, criminelle (citations) nom Guillaume Apollinaire de Kostrowitzky, dit Guillaume Apollinaire Rome 1880-Paris 1918 […] L'hérésiarque était pareil à tous les hommes car tous sont à la fois pécheurs et saints quand ils ne sont pas criminels et martyrs. L'Hérésiarque et Cie Stock François René, vicomte de Chateaubriand Saint-Malo 1768-Paris 1848 Je suis vertueux sans plaisir ; si j'étais criminel, je le serais sans remords. Les Natchez Charles Ferré Paris 1845-Satory 1871 Les trahisons se châtient, tandis que les faiblesses s'excusent. Mieux vaudrait des criminels et point des hésitants. Correspondance, à Vallès, 19 mars 1871 Fedor Mikhaïlovitch Dostoïevski Moscou 1821-Saint-Pétersbourg 1881 Si le juge était juste, peut-être le criminel ne serait-il pas coupable. Les Frères Karamazov ● criminel, criminelle (expressions) nom Criminel de guerre, celui qui a commis un acte contraire aux lois et coutumes de la guerre.
criminel, elle
adj. et n.
rI./r Cour.
d1./d adj. Qui est condamnable, répréhensible du point de vue de la morale. Une action, une passion criminelle.
d2./d n. Personne qui a commis un crime.
|| adj. Relatif à une personne qui a commis un crime. Main criminelle.
rII./r DR
d1./d n. Coupable d'un crime (sens 3). Condamner un criminel.
d2./d adj. Qui a trait à la répression pénale. Instruction criminelle. Chambre criminelle de la Cour de cassation. Le droit criminel.
|| n. m. Juridiction criminelle. Poursuivre un inculpé au criminel.
⇒CRIMINEL, ELLE, adj. et subst.
A.— Qui réalise un crime.
1. [En parlant d'une pers.]
a) Qui est coupable de quelque crime, de quelque infraction grave. La seule intention de pécher est ainsi punie. Car qui médite un crime est déjà criminel (VIGNY, Journal poète, 1852, p. 1295). En moins de dix secondes, il [le brick] était englouti avec son criminel équipage (VERNE, Île myst., 1874, p. 450) :
• 1. Le ministre pervers relit plusieurs fois la lettre impériale qui l'éloigne de la cour. Ses joues pâles, ses yeux égarés, sa bouche entr'ouverte, exprimoient les douleurs du courtisan criminel qui voit s'évanouir dans un instant les songes de sa vie.
CHATEAUBRIAND, Les Martyrs, t. 3, 1810, p. 142.
b) Emploi subst. Celui, celle qui a commis un crime; celui, celle qui est accusé(e) de crime. Grands criminels. Criminels de Droit commun (cf. MÉNARD, Rêv. païen, 1876, p. 214). Criminels de guerre (cf. Charte Nations Unies 1946, p. 155). Les citoyennes vouaient la criminelle au supplice (A. FRANCE, Dieux ont soif, 1912, p. 97; cf. également crime ex. 2) :
• 2. Aussi, depuis huit jours que le pourvoi du criminel était rejeté par la Cour de Cassation, Monsieur de Granville s'occupait-il de cette affaire et suspendait-il l'ordre d'exécution de jour en jour...
BALZAC, Splendeurs et misères des courtisanes, 1847, p. 556.
• 3. Le criminel serait donc un primitif attardé parmi nous. Il n'entre là aucune idée de dégénérescence semblable à celle dont font état les criminologistes actuels. Lombroso ne parle que d'une croissance interrompue, d'un homme des cavernes se promenant parmi nous. En 1887, il ajoute l'épilepsie aux facteurs criminogènes anatomiques.
DAVID, La Cybernétique et l'humain, 1965, p. 115.
2. [En parlant d'une chose]
a) Qui constitue un crime :
• 4. Des agents du pouvoir exécutif enlèvent ce conspirateur de sa prison, et ni le procureur-syndic de la commune, ni le procureur du Châtelet ne font la moindre démarche : ce n'est que lorsque leur silence criminel est dénoncé à l'Assemblée nationale qu'ils se déterminent enfin à le rompre.
MARAT, Les Pamphlets, On nous endort, prenons-y garde, 1790, p. 225.
b) Qui est illicite, condamnable, contraire aux lois divines, morales. Amour criminel; action criminelle. Passion criminelle (cf. CHATEAUBR., Natchez, 1826, p. 139). L'amour doit être sanctifié par le mariage, et cette passion devient vite criminelle si elle n'est consacrée par un sacrement (STENDHAL, Lamiel, 1842, p. 99) :
• 5. On assurait qu'un externe nommé Bruet se rendait sous ses fenêtres pour échanger avec elle des signes. Certains complotèrent d'aller surprendre ce manège criminel.
ESTAUNIÉ, L'Empreinte, 1896, p. 67.
3. Au fig.
a) Qui appartient, physiquement ou moralement, à un criminel. C'est là... là... que ma main criminelle versa le sang d'un infortuné (GUILBERT DE PIXER., Cœlina, 1801, III, 1, p. 42; cf. également MAURIAC, Th. Desqueyroux, 1927, p. 241). Lexique d'argot criminel (MORAND, New York, 1930, p. 75).
b) Qui conçoit, ou sert à concevoir, réalise, ou sert à réaliser un crime. Vous êtes trop bon pour jamais concevoir de criminelles pensées (BALZAC, Langeais, 1834, p. 264). La femme (...) demeura sur une chaise, au pied de la couche criminelle (MAUPASS., Contes et nouv., t. 1, Port, 1889, p. 1337). Projets criminels (A. FRANCE, Dieux ont soif, 1912, p. 98).
B.— Qui concerne les crimes.
1. DROIT
a) Qui concerne la législation, la procédure relatives aux poursuites, aux jugements et aux peines des infractions. Code d'Instruction criminelle, lois criminelles; procès criminel. Jugement criminel (COURNOT, Fondem. connaiss., 1851, p. 427) :
• 6. En 1899, MM. Ballot-Beaupré et Manau font encore résistance à cette jurisprudence. Et la Cour de Cassation, toutes chambres réunies, n'accepte pas davantage la jurisprudence criminelle inaugurée par la Chambre criminelle en 1896.
BARRÈS, Mes Cahiers, 1908-09, p. 105.
SYNT. Affaires criminelles; condamnation criminelle; code, droit, greffe criminel; juge criminel; instruction, justice, matière, procédure criminelle; procès, tribunal criminel.
b) Emploi subst. masc. Juridiction criminelle. Grand criminel, petit criminel (cf. également civil ex. 10) :
• 7. ... il ne prit de conclusions que comme partie civile, les conclusions au criminel appartenant, suivant l'usage de France, au procureur du roi exclusivement.
BARANTE, Hist. des ducs de Bourgogne, t. 3, 1821-24, p. 84.
• 8. L'affaire ainsi posée arriverait au Tribunal, et monsieur Lesourd verrait alors à porter l'affaire au criminel en provoquant une instruction.
BALZAC, Pierrette, 1840, p. 143.
— Cour. Au criminel. En mauvaise part. Cette méthode, qui consiste à conclure au criminel d'après les traces de pas, est tout à fait primitive (G. LEROUX, Myst. jaune, 1907, p. 93).
♦ Expr. proverbiale. Prendre qqc. au criminel. S'en tenir offensé.
Rem. Attesté ds la plupart des dict. gén. du XIXe s. dont Ac. 1798-1878, hormis les Lar. sauf Lar. 20e.
Aller d'abord au criminel. Juger défavorablement d'après les apparences.
Rem. Attesté ds la plupart des dict. gén. du XIXe s. dont Ac. 1798-1878 ainsi que ds DG.
2. Mod. Qui étudie les crimes, la criminalité; qui se rapporte aux crimes, à la criminalité. Phénomène criminel (cf. Traité sociol., 1968, p. 224). Sociologie criminelle (cf. Traité sociol., 1968 p. 409).
Prononc. et Orth. :[]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. A. 1. Ca 1080 « impie » adj. (Roland, éd. J. Bédier, 2456 : la gent criminel); 2. 1174-76 « qui constitue un crime » adj. pechiez criminals « péchés mortels » (G. DE PONT-STE-MAXENCE, St Thomas, éd. E. Walberg, 29). B. Ca 1174-78 dr. adj. (F. DE FOUGÈRES, Manières, 516 ds T.-L. : dreit creminal); 1648 subst. au criminel (Guez de Balzac ds Lar. Lang. fr.). Empr. au b. lat. criminalis « criminel (p. oppos. à civil) », en lat. chrét. « blâmable »; cf. criminalia peccata « péchés mortels ». Fréq. abs. littér. :2 091. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 4 176, b) 1 714; XXe s. : a) 3 802, b) 2 122.
DÉR. Criminaliser, verbe trans. DR. Porter, renvoyer à la juridiction criminelle un procès évoqué devant la juridiction civile ou, le plus souvent, correctionnelle. Criminaliser une affaire (Ac. 1798-1932). — [kriminalize], (je) criminalise [kriminali:z]. Ds Ac. 1694-1932. — 1res attest. 1. 1584 « incriminer » (J. de Barraud ds DELB. Rec.); 2. 1694 dr. criminaliser une affaire (Ac.); de criminel, suff. -iser.
BBG. — RITTER (F.). Les Quatre dict. fr. B. de l'Inst. nat. genevois. 1905, t. 36, p. 390 (s.v. criminaliser).
criminel, elle [kʀiminɛl] adj. et n.
ÉTYM. 1080, adj. Chanson de Roland; 1648, n.; bas lat. criminalis, de crimen. → Crime.
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1 a (Personnes). Qui est coupable d'une grave infraction à la morale, ou, spécialt, d'une infraction que les lois punissent d'une peine afflictive ou infamante (⇒ Crime, 1. et 2.). || L'Homme criminel, ouvrage de Lombroso. || Se rendre criminel (→ Autorité, cit. 3). || Elle est criminelle devant Dieu et devant les hommes. || Tous ceux qui sont accusés ne sont pas criminels (Académie).
1 Je le crois criminel, puisque vous l'accusez.
Racine, Phèdre, V, 7.
2 (…) celui qui, sans Autorité, tue un criminel, se rend criminel lui-même (…)
Pascal, les Provinciales, XIV.
b (Choses). || Âme criminelle.
3 Grâces au ciel, mes mains ne sont pas criminelles.
Plût aux Dieux que mon cœur fût innocent comme elles !
Racine, Phèdre, I, 3.
♦ (Sentiments, actions). Très coupable. || Attachements (cit. 6) criminels. || Passion criminelle. || Désirs, desseins criminels. || Actes criminels (→ Avortement, cit. 2). || Une politique criminelle. || Vie criminelle.
4 Un amour criminel causa toute sa haine.
Racine, Phèdre, IV, 1.
5 (…) et jamais il n'eut un projet qui ne fût malhonnête ou criminel.
Laclos, les Liaisons dangereuses, I, IX.
6 (…) en peignant la misère si laide, si avilie, parfois si vicieuse et si criminelle, leur but (de certains artistes) est-il atteint, et l'effet en est-il salutaire, comme ils le voudraient ?
G. Sand, la Mare au diable, I, p. 12.
♦ Fam. (Par exagér.). || C'est criminel de jeter du pain.
2 N. Personne qui est coupable d'un crime (en général, au sens 2 de crime). ⇒ Coupable; bandit, gangster, gredin (vx), malfaiteur, scélérat; assassin, empoisonneur, homicide, incendiaire, meurtrier, tortionnaire et le suff. -cide (du lat. caedere « tuer »). || Criminel dégénéré, fou, irresponsable; responsable. || Un grand criminel. || Criminel d'État : auteur d'un crime d'État. || Criminel de guerre, qui commet des atrocités au cours d'une guerre. — Criminel qui commet un nouveau crime. ⇒ Récidiviste. || Demander l'extradition d'un criminel. || Arrêter le criminel et ses complices. || Passer les menottes à un criminel. || Identification des criminels. ⇒ Anthropométrie. || Interroger, juger, condamner le criminel. Anciennt. || Criminel condamné au bagne, aux travaux forcés. ⇒ Bagnard, forçat; convict. || Exécuter un criminel. ⇒ Exécution. || Lyncher un criminel.
REM. En droit, le mot désigne tout auteur de crime (2.), mais dans le langage courant, il ne s'applique guère qu'aux meurtriers (→ Assassin, meurtrier) ou aux auteurs de sévices graves.
7 Condamnée ! Ah ! ce mot est choquant, et n'est fait
Que pour les criminels.
Molière, les Femmes savantes, V, 4.
8 Il y a des criminels que le magistrat punit, il y en a d'autres qu'il corrige.
Montesquieu, l'Esprit des lois, XXVI, 24.
9 Les malfaiteurs ont été condamnés aux mines, aux travaux publics; leurs châtiments sont devenus utiles à l'État : institution non moins sage qu'humaine, partout ailleurs on ne sait que tuer un criminel, avec appareil; sans jamais avoir empêché les crimes.
Voltaire, Hist. de l'Empire de Russie, I, 8.
10 Et puis… et puis… ces doctrines qui consistent à confondre maintenant les criminels et les aliénés, les démonomanes et les fous, sont insensées quand on y songe !
Huysmans, Là-bas, VIII, p. 111.
10.1 Le commissaire. — Un homme sans domicile… savez-vous bien ce que c'est ?…
Jean Guenille. — Un malheureux… probable…
Le commissaire. — Non… un réfractaire… quelque chose comme un déserteur civil… un criminel… quelquefois… un délinquant, toujours… vous êtes un délinquant, Jean Guenille…
O. Mirbeau, le Portefeuille, Comédie en 1 acte, Lib. Théâtrale, 1954, p. 22 (1900).
11 Quinette n'osait jurer qu'il n'avait pas obéi à quelque impulsion aussi aveugle que celle qui conduit les criminels à un traquenard de police.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. II, VIII, p. 80.
11.1 Le meurtrier, la plupart du temps, se sent innocent quand il tue. Tout criminel s'acquitte avant le jugement. Il s'estime, sinon dans son droit, du moins excusé par les circonstances. Il ne pense pas ni ne prévoit; lorsqu'il pense, c'est pour prévoir qu'il sera excusé totalement ou partiellement.
Camus, Réflexions sur la guillotine, in Essais, Pl., p. 1033.
11.2 Nous en savons assez pour dire que tel grand criminel mérite les travaux forcés à perpétuité. Mais nous n'en savons pas assez pour décréter qu'il soit ôté à son propre avenir, c'est-à-dire à notre commune chance de réparation.
Camus, Réflexions sur la guillotine, in Essais, Pl., p. 1061.
♦ Fam. (Par exagér.). Coupable (d'une faute, d'une sottise). || Ah ! || Voilà le criminel.
3 Adj. (Dr. et cour.). Relatif aux actes délictueux et à leur répression (⇒ Pénal). || Droit criminel. || Législation criminelle. || Instruction criminelle. || Code d'instruction criminelle. || Procédure criminelle. — Juridiction criminelle. ⇒ Assise (cit. 8 et supra). || Chambre criminelle (→ Bouffon, cit. 9). || Procès criminel. || Impliquer qqn dans une affaire criminelle. || Audience criminelle. || Juge criminel. || Peines en matières criminelles (→ Afflictif, cit. 2).
12 Droit criminel ou droit pénal ? Le premier de ces termes vise les actes délictueux, qu'il s'agit d'atteindre; le second s'applique aux sanctions. L'usage courant les emploie comme synonymes pour désigner la science juridique qui traite de la répression.
Donnedieu de Vabres, Précis de droit criminel, no 2.
♦ N. m. Dr. Juridiction criminelle. (Surtout dans : au criminel; s'oppose à civil, à correctionnel). || Avocat au criminel. || Poursuivre qqn au criminel. || Procéder au criminel. || Être jugé au criminel.
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CONTR. Innocent, juste, légitime, vertueux.
DÉR. Criminellement.
Encyclopédie Universelle. 2012.