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crucifier

crucifier [ krysifje ] v. tr. <conjug. : 7>
• 1119; lat. chrét. crucifigere « mettre en croix », d'apr. les v. en -fier
1Attacher (un condamné) sur la croix pour l'y faire mourir. Jésus fut crucifié sur le Calvaire.
2Relig., myst. Faire souffrir intensément. martyriser, mortifier, supplicier, torturer. « Nous devons crucifier en nous le vieil homme » (Bossuet).

crucifier verbe transitif (latin crucifigere) Faire subir à quelqu'un le supplice de la croix. Littéraire. Faire subir à quelqu'un des tortures morales ; mortifier.

crucifier
v. tr.
d1./d Supplicier (qqn) en le fixant sur une croix pour l'y faire mourir. Les Romains ont crucifié le Christ.
d2./d Fig. Tourmenter cruellement. Son malheur le crucifie.

⇒CRUCIFIER, verbe trans.
A.— [P. réf. au supplice de la croix]
1. Faire mourir par le supplice de la croix. Cela valait la peine de créer le monde, dit Dieu, puisque vous l'avez fait servir à me crucifier! (CLAUDEL, Poés. div., 1952, p. 885).
Emploi abs., rare. Monde affreux qui fais grâce avec férocité. Toi dont l'aveuglement crucifie et lapide (HUGO, Fin Satan, 1885, p. 880).
2. P. métaph. et au fig. Soumettre à la torture, tourmenter.
a) [L'obj. est une pers.] Le souvenir de vos erreurs ne laissera pas de vous crucifier longtemps (GONCOURT, Mme Gervaisais, 1869, p. 199).
Emploi pronom. réfl., rare. Olivier resta immobile à la même place, se crucifiant sur la croix des souvenirs (MURGER, Scènes vie jeun., 1851, p. 174).
b) [L'obj. est un inanimé abstr.] :
1. C'est une étrange fantaisie
D'avoir voulu sur ce papier
Crucifier la poésie
Comme une fleur sur un herbier :
Elle n'est plus qu'une victime;
Il ne demeure sous vos yeux
Plus rien de sa primeur intime,
Tous les vers écrits sont si vieux!
SULLY PRUDHOMME, Les Vaines tendresses, Sur un album, 1875, p. 191.
SPIRITUALITÉ
♦ Anéantir dans la souffrance. Crucifier les complaisances de l'amour-propre (BLONDEL, Action, 1893, p. 397) :
2. Parce que Prouhèze et Rodrigue crucifient leur amour, ils le fixent à jamais et le rendent éternel.
MAURIAC, Le Nouv. Bloc-notes, 1961, p. 144.
♦ Mortifier (p. réf. à St Paul, Gal. 6/15). Hommes qui commandent à leur propre chair et qui crucifient leur volonté (BLOY, Désesp., 1886, p. 107).
B.— [P. réf. anal. à la forme d'une croix] Littér.
1. Disposer en croix. Un vrai jardin fruitier (...) où des pêchers sont crucifiés sur les murs (COPPÉE, Contes rap., 1889, p. 251). L'arbre qu'on crucifie pour fructifier (CLAUDEL, Tête d'or, 1890, 3e part., p. 165).
Emploi pronom. réfl. Se mettre en forme de croix. Leurs bras [des orateurs] se crucifient dans l'espace (ARNOUX, Paris, 1939, p. 66). Arg. On veut posséder une femme, se crucifier sur elle, et on croit conquérir sa propre rédemption (ABELLIO, Pacifiques, 1946, p. 85).
2. Partager en forme de croix. Par les quatre horizons qui crucifient le Monde (JAMMES, Clairières, 1906, p. 208).
Rem. 1. Si dans ces emplois crucifier renvoie princ. à la forme d'une croix, dans la plupart d'entre eux, la connotation de souffrance infligée ou subie est présente métaphoriquement. 2. On rencontre ds la docum. crucificateur, subst. masc. et adj., en emploi fig. Crucificateur qui inventa la torture de l'espalier (ARNOUX, Calendr. Fl., 1946, p. 92). Le pharisaïsme crucificateur de la Thora (BLOY, Désesp., 1886, p. 47). Non mentionné ds les dict. gén. du XIXe et du XXe siècle.
Prononc. et Orth. :[], (je) crucifie []. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. [Début XIe s. impér. lat. crucifige (La Passion du Christ, éd. D'Arco Silvio Avalle, 227)]; 1121-35 « faire subir le supplice de la croix » (PHILIPPE DE THAON, Bestiaire, éd. E. Walberg, 188); 2. 1269-78 au fig. « tourmenter » (J. DE MEUN, Rose, éd. F. Lecoy, 15041). Empr. avec attraction des verbes en-fier, au lat. chrét. crucifigere « mettre en croix (le Christ, les martyrs) » fig. « mortifier, tourmenter », déjà attesté en lat. impérial au sens de « mettre en croix ». Cf. le verbe cruciier « tourmenter » (4e quart XIIe s. ds T.-L.) — 1660, OUDIN, empr. au lat. cruciare « mettre en croix » et « tourmenter ». Fréq. abs. littér. :113.

crucifier [kʀysifje] v. tr.
ÉTYM. V. 1119; lat. ecclés. crucifigere « fixer sur la croix », de crux, crucis « croix », d'après les verbes en -fier.
1 Attacher (un condamné) sur la croix pour l'y faire mourir. Croix (mettre en). || Jésus fut crucifié sur le Calvaire (cit. 1).
1 Lorsqu'ils furent arrivés au lieu appelé Calvaire, ils l'y crucifièrent, ainsi que les malfaiteurs, l'un à droite, l'autre à gauche. Et Jésus disait : « Père, pardonnez-leur, car ils ne savent pas ce qu'ils font. »
Bible (Crampon), Évangile selon saint Luc, XXIII, 33-34.
2 Portant sa croix, il sortit vers le lieu dit du « Crâne », — ce qui se dit en hébreu Golgotha, — où ils le crucifièrent, et deux autres avec lui, un de chaque côté et Jésus au milieu.
Bible (Crampon), Évangile selon saint Jean, XIX, 17-18.
2.1 Ils tirent sur les cordes, ahanent, poussent, arrachent de terre à demi la formidable croix qui semble peser, malgré leurs efforts, un étrange poids de marbre. Ils font leur travail, ces rudes ouvriers. Ça n'est pas de leur faute s'ils crucifient des brigands ou un dieu. Ça ne les regarde pas, vous comprenez, et ce qui leur importe c'est que l'ouvrage soit bien faite et la croix bien plantée. La famille doit être nourrie.
J. Cau, le Chevalier, la Mort et le Diable, p. 86-87.
2 Relig. Faire souffrir intensément. Martyriser, mortifier, supplicier, torturer. || Crucifier sa chair, son cœur. || Une terrible maladie le crucifie.Au passif. || Être crucifié dans son amour, dans ses enfants.
3 Il faut renoncer à tout, tout crucifier pour le suivre.
Bossuet, Hist., II, 11, in Littré.
4 Nous devons crucifier en nous le vieil homme.
Bossuet, Pénitence, 3.
Absolument :
5 Elle est menée par une autre voie, par celle qui crucifie davantage.
Bossuet, Oraison funèbre d'Anne de Gonzague.
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se crucifier v. pron.
1 Par métaphore. || Se crucifier sur la croix du sacrifice.Par anal. Disposer son corps en forme de croix. || Se crucifier sur le sol.
2 Fig. (Relig.). Se faire souffrir intensément. Mortifier (se), torturer (se).
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crucifiant, ante p. prés. et adj.
Fig. Qui mortifie, qui torture. || Pratiques crucifiantes. || Vivre des heures crucifiantes. Suppliciant.
6 Ôtez de sa morale les maximes crucifiantes, la violence, l'humilité.
Massillon, Mot. de Convers., 31, in Littré, Dict., art. Crucifiant.
6.1 Les obscurités et les douleurs intérieures que l'âme éprouve dans sa vie intime d'amour divin sont seulement assez crucifiantes pour pouvoir servir de prix, de monnaie, si j'ose dire, pour l'achat de l'amour divin, notre bien suprême.
Claudel, Journal, févr. 1933.
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crucifié, ée p. p. adj. et n.
1 Mis en croix. || Adorer le Dieu crucifié.
7 Jésus crucifié, qui a été le scandale du monde, et qui a paru ignorance et folie aux philosophes du siècle, pour confondre l'arrogance humaine, est devenu le plus haut point de notre sagesse.
Bossuet, Panégyrique de saint Bernard, Préambule.
N. || Un crucifié, une crucifiée : supplicié, suppliciée mis(e) en croix.
N. m. Spécialt. || Le Crucifié, le Divin Crucifié : Jésus-Christ.
8 Il n'est pas triste. Ce sentiment de femme qui rêve au haut de la tour en filant sa quenouille lui est inconnu. S'il l'éprouve, nul ne le sait. Les prêtres du Crucifié lui ont appris que chacun allait le trajet de sa vie en projetant sur la terre l'ombre noire de la mort.
J. Cau, le Chevalier, la Mort et le Diable, p. 128.
N. Fig. Personne qui souffre atrocement.
2 Par anal. Disposé en forme de croix (connotant la douleur). || « Deux blessés couchés, crucifiés par terre » (H. Barbusse, le Feu, 1916, in T. L. F.).
3 Fig. Supplicié, torturé. Martyrisé. || Chair crucifiée. Mortifié.
(XXe). Littér. Qui dénote une torture morale violente. || Attitude crucifiée, visage crucifié, douloureux. || Parler d'une voix crucifiée.Crucifié de : torturé par. || Crucifié d'angoisse, de désespoir, de remords.
DÉR. Crucifiement. — (Du lat.) V. Crucifix, crucifixion.

Encyclopédie Universelle. 2012.