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CARMEL
CARMEL

Né au XIIe siècle, le Carmel, ordre mendiant voué à la solitude, à la prière et à l’apostolat, aime à se rattacher au prophète Élie. Illustré par de nombreux mystiques, Thérèse d’Avila, Jean de la Croix et Thérèse de Lisieux, il fut toujours considéré, en dépit des métamorphoses de l’institution, comme une des principales écoles d’oraison.

Le temps des incertitudes

Le Carmel doit son nom à la montagne de Palestine illustrée par Élie (I Rois, XVIII) et toujours considérée comme un lieu propice à la concentration. Jamblique assure que Pythagore aimait s’y retirer pour méditer. D’après une légende que certains textes antiques et récits de pèlerinage semblent accréditer, cette «sainte montagne» fut un lieu constamment habité par des anachorètes vivant sous le patronage du prophète Élie. Aussi les Carmes seraient-ils devenus, au XIIe siècle, les successeurs de ces ermites. En 1156, un monastère situé autour de la chapelle consacrée à la Vierge prit le nom de Notre-Dame du Mont-Carmel et les religieux furent appelés «frères de Notre-Dame». Leur vie était strictement érémitique: ils se consacraient à la prière et au travail, vivaient dans des huttes ou cellules séparées et ne se rencontraient que pour les offices liturgiques. Souhaitant posséder un document authentifiant leur mode de vie religieuse, ils s’adressèrent au patriarche de Jérusalem, Albert. Entre 1206 et 1214, ce dernier rédigea pour eux une Règle , approuvée par le pape Honorius III, en 1226, et par Grégoire IX, en 1229. Dès 1235, à la suite des revers éprouvés par les croisés, les ermites du Mont-Carmel essaimèrent en Occident. Ils y subirent l’influence des Dominicains et modelèrent leurs constitutions sur les leurs. Ils devenaient un ordre se vouant aussi à l’enseignement et aux missions.

Au XVIIe siècle, les Carmélites cloîtrées, fondées par Jean Soreth, s’établiront en France, venant d’Espagne – Mme Acarie (devenue sœur Marie de l’Incarnation) et le cardinal de Bérulle auront beaucoup contribué à cette venue. Elles conserveront, dans leur vie solitaire, des préoccupations d’ordre plus directement apostolique, tant par le sens donné à leur prière que par leur correspondance et leurs entretiens.

Les diverses réformes du Carmel n’ont jamais voulu contredire cette orientation apostolique, mais bien sauvegarder la vie contemplative par le rappel de l’érémitisme du Mont-Carmel. Dans son Exposition sur la règle (milieu du XVe s.) Jean Soreth exprime ainsi l’idéal carmélitain: «Tendre à une oraison continuelle, ininterrompue, persévérante... avancer avec effort vers l’immobile tranquillité de la pureté perpétuelle de l’âme.»

La singularité d’une vocation

La note dominante du Carmel est l’amour. Un amour résultant d’une constante présence à la Présence divine. Carmes et Carmélites sont les héritiers de leur père Élie, dont il est dit: «Alors le prophète Élie se leva comme un feu / Sa parole brûlait comme une torche» (Siracide, XLVIII, 1). Ainsi la vocation carmélitaine consiste à provoquer une orientation affective et à la maintenir par la prière dans le cœur des hommes. Mis à part quelques monastères, tel celui du Reposoir (Cluses), les carmels se situent dans les villes et non dans des lieux écartés comme les couvents des Chartreux et des Cisterciens, qui préfèrent les sites sauvages, les rochers, les montagnes, les vallées et les îles. Aucune architecture précise n’indique l’emplacement d’un carmel, dont la chapelle est toujours accessible aux passants. Parmi les ordres contemplatifs, les Carmes se situent à part. Ils sont voués au silence, tout en se tenant au courant des événements extérieurs; ils ignorent la beauté des espaces calmes éloignés des habitations. Pour eux, le désert se réalise intérieurement. Les Carmélites ont eu, durant longtemps, une activité missionnaire, qu’elles conservent encore grâce à leurs relations épistolaires avec des religieux évangélisant des contrées lointaines. Ces derniers confient leur solitude à l’affectueuse compassion de ces femmes dont la vie austère stimule leurs efforts et soutient leur esseulement. Aujourd’hui, les Carmes sont peu nombreux. Ils se divisent en France entre deux provinces: Avignon et Aquitaine (trois centres) et Paris (quatre centres). En revanche, on trouve en France cent seize monastères de Carmélites.

La mystique carmélitaine

Thérèse d’Avila et Jean de la Croix, l’un et l’autre en raison de la qualité de leur expérience et d’un sens psychologique très aigu, sont devenus les guides de générations de contemplatifs. C’est en partie grâce à leurs écrits que les Carmes restent fidèles à la tradition du Mont-Carmel. Thérèse d’Avila définit bien le sens de la vocation carmélitaine: «Nous qui portons ce saint habit du Carmel, nous sommes appelées à l’oraison et à la contemplation. Telle a été en effet notre première institution. Nous descendons de cette race de saints religieux du Mont-Carmel qui ne s’enfonçaient dans une solitude si profonde et ne vouaient au monde un mépris si absolu que pour aller à la recherche de ce trésor, je veux dire de cette pierre précieuse.»

Ainsi l’oraison désigne moins un moment qu’un état. L’âme s’oriente déjà vers Dieu dans la méditation d’un thème, un épisode de la vie du Christ par exemple. Le sujet méditant n’a pas à faire appel d’abord à son imagination, il est surtout invité à se mettre en présence de Dieu. Il lui importe plus d’aimer que de discourir. Les rapports entre Dieu et l’âme participent de l’échange amical, de l’amitié réciproque. Peu à peu, le simple regard succède au colloque affectif: l’âme se tient dans le silence et reçoit l’infusion de la lumière divine.

Le passage est insensible de la méditation à la contemplation. Comparable à une préparation, la méditation n’est qu’un relais: quand la lumière divine envahit l’âme, ensevelie dans le silence, la voie de l’union est ouverte. Une transformation s’est opérée, tout entière due à la grâce. Jean de la Croix décrit la longue purification qui précède l’union transformante: aridité, angoisse, nuit des sens. Les imperfections doivent être consumées. L’âme subit un sort analogue à celui que le feu fait subir au bois, le blessant, le dépouillant jusqu’à ce qu’il devienne feu.

Dans le vocabulaire carmélitain, qui sera généralement accepté par toutes les écoles à partir du XVIIe siècle, la contemplation est soit acquise soit infuse: dans le premier cas, l’âme collabore à l’action qui s’opère en elle, dans le second, elle demeure passive. Dans la contemplation passive, l’âme qui s’est placée sous la mouvance de l’Esprit-Saint accède à une connaissance de Dieu, obscure et unitive. Si le mystique peut souhaiter la contemplation infuse, il n’y accède jamais par son seul désir. Il lui appartient seulement de s’y préparer par un total dépouillement des images, un dépassement du sensible et aussi de l’intelligible. Le reste relève du dessein mystérieux de Dieu, et Dieu est un Dieu caché qui doit être découvert dans le mystère.

Les ouvrages de Jean de la Croix et de Thérèse d’Avila témoignent de leurs propres expériences spirituelles: ils représentent aussi l’essentiel de l’enseignement du Carmel sur l’oraison. Un dernier point mérite d’être souligné: les visions, les différents phénomènes qui affectent le corps ne manifestent pas la réalité de la vie spirituelle, puisque, au contraire, ils s’expliquent par la faiblesse des facultés humaines, incapables de supporter sans traumatisme l’invasion de l’invisible. Aussi est-ce pour les âmes «résolues à passer par la nudité de l’esprit» que Jean de la Croix dit avoir composé ses livres.

La mystique du Carmel s’exprime souvent dans un lyrisme affectif, aussi bien chez les auteurs d’origine espagnole que, par exemple, chez Thérèse de l’Enfant-Jésus. D’où son charme particulier, fait de poésie et de musique. L’âme contemplative carmélitaine possède le sens du rythme et de la beauté. Est-ce le résultat de l’esprit d’enfance qu’elle a tout fait pour acquérir? Le propre de l’enfant est de vivre intensément l’instant présent, et d’en communiquer la chaleur, avec spontanéité. Une seule exception, celle d’Élisabeth de la Trinité, dont la pensée, sans être vouée à la mystique spéculative, est nettement théologique et, de ce fait, plus sobre.

Le contemplatif carmélitain conserve un optimisme confiant et communique la joie née de sa propre expérience intérieure. À l’image de la montagne de Palestine, tout carmel est un lieu qui manifeste Dieu et s’ouvre à son mystère.

carmel nom masculin (du mont Carmel ) Couvent de carmes ou de carmélites. ● carmel (expressions) nom masculin (du mont Carmel ) Le Carmel, ordre des Carmes ou des Carmélites.

Carmel
(ordre de Notre-Dame-du-Mont-Carmel et, par abrév., le) ordre religieux catholique, né v. 1180 d'une communauté d'ermites rassemblés sur le mont Carmel, en Palestine. On distingue auj. les grands carmes ou carmes chaussés, les carmes déchaux (réformés), les carmélites (de l'anc. observance et réformées).

⇒CARMEL, subst. masc.
A.— Ordre religieux voué à la contemplation. Entrer au Carmel, la règle du Carmel.
Le Carmel français. Branche française de cet ordre. [Le cardinal Bérulle] le père du Carmel français (BREMOND, Hist. littér. du sentiment relig. en France, t. 3, 1921, p. 7).
B.— Couvent de religieux ou de religieuses appartenant à cet ordre. Le parloir, la porterie d'un carmel; la prieure d'un carmel :
Les carmels sont des maisons d'expiation et de pénitence; ils doivent appeler la persécution et non la fuir; ...
HUYSMANS, L'Oblat, t. 2, 1903, p. 197.
Prononc. :[]. Étymol. et Hist. 1156 Notre Dame du Mont-Carmel nom d'un monastère situé sur le mont Carmel, autour de la chapelle consacrée à la Vierge (d'apr. Encyclop. Univ. 1968); d'où le carmel nom d'un ordre mendiant voué à la solitude, à la prière et à l'apostolat; av. 1582 (Thérèse d'Avilla, ibid. : Nous qui portons ce saint habit du Carmel, nous sommes appelées à l'oraison et à la contemplation); 1803 les filles du Carmel (Mme COTTIN, Mathilde, t. 1, p. 370). Du topon. Carmel désignant une montagne d'Israël située sur la côte nord (au-dessus de l'actuelle Haïfa) dont il est question dans la Bible à propos du prophète Élie (I Rois, 18, 19; II Rois, 2, 25; Es. 33, 9; 35, 2) et où aux XIIe-XIIIe s. fut fondé le monastère qui porte son nom (v. Théol. cath., s.v. carmes). Fréq. abs. littér. :131.
DÉR. Carmélitain, aine, adj. Qui concerne les carmes et les carmélites, qui leur est propre. Mystique, spiritualité, vocation carmélitaine. Les études carmélitaines, revue trimestrielle, consacrée particulièrement aux grandes recherches de psychologie religieuse (La Civilisation écrite, 1939, p. 3407). 1re attest. 1611 subst. masc. plur. « carme » (COTGR.) attest. isolée, 1910 adj. (Théol. cath. : La tradition carmélitaine); de carmel, suff. -ain élargi sous l'infl. de carmélite, ou empr. au lat. tardif carmelitanus (cf. J.-B. DE CATHANEIS, Saeculum carmelitanum, Venise, 1507).

Encyclopédie Universelle. 2012.