déshonorer [ dezɔnɔre ] v. tr. <conjug. : 1>
• 1190 ; de dés- et honorer
1 ♦ Porter atteinte à l'honneur de (qqn). ⇒ avilir, déconsidérer, discréditer, salir. Déshonorer qqn par des médisances, des calomnies. ⇒ diffamer. Il a déshonoré sa famille. Cette action l'a déshonoré. « On accepte bien de souffrir, mais pas d'être déshonoré » (A. Gide). — Loc. Se croire déshonoré de faire qqch. : répugner à un acte que l'on croit dégradant et qui ne l'est pas. Il se croirait déshonoré de travailler de ses mains. — Absolt « Ce qui déshonore est funeste : un soufflet ne vous fait physiquement aucun mal, et cependant il vous tue » (Chateaubriand). « Les honneurs déshonorent » (Flaubert).
2 ♦ Spécialt, vieilli (Par référence à la morale sexuelle traditionnelle). Déshonorer une femme, une jeune fille, la séduire, abuser d'elle. — Déshonorer son mari, le tromper.
3 ♦ Littér. Faire tort à (qqch.). ⇒ défigurer, 1. dégrader. « Quittez ce lieu que vous déshonorez de votre ignoble présence ! » (Courteline). ⇒ souiller. — Déshonorer un édifice par des restaurations maladroites. ⇒ abîmer, déparer. L'escalier de pierre « était déshonoré de poussière, de crachats et de feuilles de salade » (France).
4 ♦ SE DÉSHONORERv. pron. Perdre l'honneur, se couvrir d'opprobre. « Les petites gens qui ont de l'honneur valent mieux que les grandes gens qui se déshonorent » (Balzac).
⊗ CONTR. Exalter, glorifier, honorer.
● déshonorer verbe transitif Faire perdre à quelqu'un son honneur, sa bonne réputation ; avilir, discréditer, déconsidérer, salir : Cette conduite le déshonore. Séduire une femme, abuser d'elle. Littéraire. Faire du tort à quelque chose ; déparer, défigurer, gâter : Cette fenêtre mal placée déshonore la façade. ● déshonorer (citations) verbe transitif Denis Diderot Langres 1713-Paris 1784 Quoi qu'on fasse, on ne peut se déshonorer quand on est riche. Le Neveu de Rameau Henry Millon de Montherlant Paris 1895-Paris 1972 Académie française, 1960 Nous vivons en un temps où, Dieu merci, une condamnation à mort ne déshonore plus personne. Malatesta, II, 4, Malatesta Gallimard ● déshonorer (synonymes) verbe transitif Faire perdre à quelqu'un son honneur, sa bonne réputation ; avilir...
Synonymes :
- avilir
- dégrader
- déprécier
- discréditer
- perdre
- salir
- souiller
Contraires :
- honorer
Littéraire. Faire du tort à quelque chose ; déparer, défigurer, gâter
Synonymes :
- défigurer
- dégrader
- déparer
- gâter
déshonorer
v. tr.
d1./d ôter l'honneur à (qqn). Cette action vile l'a déshonoré.
|| v. Pron. Il s'est déshonoré.
d2./d Vieilli Déshonorer une femme, la séduire, abuser d'elle.
d3./d Fig. Flétrir, ternir, enlaidir (qqch). Cette affreuse statue déshonore la place.
⇒DÉSHONORER, verbe trans.
A.— Porter atteinte à l'honneur de (quelqu'un). Synon. avilir, discréditer.
1. [Le compl. désigne une pers. ou l'une de ses caractéristiques] Si tu ne veux pas que, preuves en main et par un procès scandaleux, je déshonore ta mémoire, il faut que tu restitues sur-le-champ cette fortune (PONSON DU TERR., Rocambole, t. 1, 1859, p. 69). Telle est la légende accréditée sur un écrivain redoutable qu'il s'agit de déshonorer par tous les moyens (BLOY, Journal, 1892, p. 31) :
• 1. ... on sut qu'elle avait dit que Mme de Cambremer se moquait de lui, qu'il était la fable de son salon, qu'il allait déshonorer sa vieillesse, compromettre sa situation dans l'enseignement.
PROUST, Sodome et Gomorrhe, 1922, p. 1092.
• 2. Les conjurés contestaient la régence de Blanche de Castille. Ils cherchaient à déshonorer la veuve de Louis VIII en répandant le bruit de son inconduite et lui reprochaient d'être une étrangère.
BAINVILLE, Hist. de France, t. 1, 1924, p. 69.
— Emploi pronom. à valeur réfl. Perdre son honneur. Il ne le pourrait pas, non, il ne pourrait jamais le supporter, se déshonorer à ses yeux, en subissant leurs humiliations et leurs injustices (ROLLAND, Révolte, 1907, p. 598).
2. [Le compl. désigne une collectivité] Stendhal déclara qu'en reculant devant la guerre, le gouvernement déshonorait le pays, et il donna sa démission de Français (BOURGET, Essais psychol., 1883, p. 217). Nous en avons assez de ces camps de représailles qui déshonorent la vieille Europe des poètes et des musiciens (MAURIAC, Bâillon dén., 1945, p. 418).
3. Spéc. [Le compl. désigne une jeune fille, une femme] La séduire, abuser d'elle. Aussi son amant va-t-il, par un viol exécrable, la flétrir et la déshonorer sur le cercueil même de son père (MUSSET, Revue des Deux-Mondes, 1832, p. 610). Armand songeait déjà au bruit que cela ferait dans Sérianne quand il aurait déshonoré Suzanne. Ce serait facile, parce qu'il ne l'aimait pas (ARAGON, Beaux quart., 1936, p. 89).
B.— P. ext.
1. [Le compl. désigne un sentiment, une attitude, une manifestation de l'esprit ou de l'activité humaine] Causer du tort à, déprécier. La plaisanterie déshonore une œuvre, une critique grave et sérieuse est parfois un éloge, je saurai rendre votre article plus honorable (BALZAC, Illus. perdues, 1843, p. 512). J'ai vu, en effet, trop d'écrivains déshonorer leur talent en faisant des imitations d'eux-mêmes (GREEN, Journal, 1948, p. 138) :
• 3. Toutefois je vous propose cette idée, que la moindre trace d'emphase ou d'enflure, comme on voudra dire, déshonore aussi bien la musique que la statuaire; encore plus clairement la musique, parce que la musique, (...) se déforme par le plus faible remous de colère, d'orgueil ou de vanité.
ALAIN, Propos, 1921, p. 325.
2. [Le compl. désigne un lieu, une construction] Dégrader, défigurer. Çà et là, un vieux puits de mine abandonné, déchiqueté par les pluies, déshonoré par les ronces (VERNE, 500 millions, 1879, p. 64). La laideur de ces statues déshonore la grâce du lieu (MONTHERL., Pte Inf. Castille, 1929, p. 610) :
• 4. ... une balustrade riche et massive qui s'étend tout le long du faîte, et remplace ces toits plats, irréguliers, pointus, bizarres, qui déshonorent toute architecture, qui brisent toute ligne harmonieuse avec l'horizon, dans nos assemblages d'édifices bizarres que nous appelons villes,...
LAMARTINE, Voyage en Orient, t. 1, 1835, p. 74.
Prononc. et Orth. :[]. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. Fin XIIe s. deshonret (Sermons St Bernard, 72, 15 ds T.-L. [quod in se est, deum inhonorat]); début XIIIe s. deshonorez (2e continuation de Perceval, éd. W. Roach, 24085). Dér. de honorer; préf. dé(s)-. Fréq. abs. littér. :627. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 1 200, b) 920; XXe s. : a) 968, b) 565.
DÉR. Déshonorable, adj., rare. [En parlant d'une action]. Synon. de déshonorant. Je ne veux rien voir. Je ne crois rien de déshonorable de ma mère (MÉRIMÉE, Jacquerie, 1828, p. 370). — Dernière transcr. ds DG : dé-zo-no-rabl'. Ds Ac. 1798-1878. — 1re attest. ca 1265 (BRUNET LATIN, Trésor, II, 25, éd. Carmody, p. 195); de déshonorer, suff. -able.
BBG. — GIR. t. 2 Nouv. Rem. 1834, p. 29.
déshonorer [dezɔnɔʀe] v. tr.
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1 Priver (qqn) de l'honneur, porter atteinte à l'honneur de (qqn). ⇒ Avilir, déconsidérer, déprécier, discréditer, flétrir, salir, souiller. || Déshonorer qqn par des médisances, des calomnies… || Don Gormas déshonora Don Diègue en lui donnant un soufflet. — Par ext. || Déshonorer la mémoire, le nom de qqn. || Déshonorer par sa conduite un groupe dont on fait partie. || Il a déshonoré sa famille. — (Sujet n. d'action). || Cette action l'a déshonoré. || Ne tenez pas des discours qui vous déshonorent (cf. Qui ne sont pas à votre honneur).
1 De la main de ton père un coup irréparable
Déshonorait du mien la vieillesse honorable (…)
Corneille, le Cid, III, 4 (variations).
2 (…) je voudrais bien me défaire d'une femme qui me déshonore.
Molière, George Dandin, II, 7.
♦ Absolt. || La trahison déshonore.
3 Le ridicule déshonore plus que le déshonneur.
La Rochefoucauld, Maximes, 326.
4 (…) ce qui déshonore est funeste : un soufflet ne vous fait physiquement aucun mal, et cependant il vous tue.
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. IV, p. 43.
5 Les honneurs déshonorent.
Flaubert, Correspondance, IV, p. 315.
6 La vanité les persuade qu'un échec déshonore (…)
F. Mauriac, le Jeune Homme, p. 29.
♦ Déshonorer un groupe, un pays, une nation. || Cette intervention militaire, cette répression déshonore ce pays : ce pays s'est déshonoré par…
2 (Par référence à la morale sexuelle féminine traditionnelle. → Honneur). || Déshonorer une femme, une jeune fille, la séduire, abuser d'elle (→ ci-dessous Déshonoré, cit. 21).
7 (…) une vieille tante, qui veut à toute force que la seule approche d'un homme déshonore une fille (…)
Molière, le Bourgeois gentilhomme, III, 10.
8 Vous avez froidement, sous vos baisers infâmes,
Terni, flétri, souillé, déshonoré, brisé
Diane de Poitiers, comtesse de Brézé !
Hugo, Le roi s'amuse, I, 5.
3 Littér. Faire tort à (qqch.). || Ces théories déshonorent la science. ⇒ Défigurer, dégrader, déprécier (cit. 1), nuire (à). || Il déshonore son œuvre par des plaisanteries aussi vulgaires.
9 Chaque chose est ici vraie en partie, fausse en partie. La vérité essentielle n'est pas ainsi : elle est toute pure et toute vraie; ce mélange la déshonore et l'anéantit.
Pascal, Pensées, VI, 385.
10 (…) ces imaginations déshonorent la physique (…)
Voltaire, Essai sur les mœurs, Introduction, I.
11 Plus un mot ! Sortez, vous dis-je; allons, oust ! hors d'ici ! quittez ce lieu que vous déshonorez de votre ignoble présence !
Courteline, Messieurs les ronds-de-cuir, 5e tableau, I, p. 172.
♦ Déshonorer un édifice en altérant sa construction; déshonorer une peinture, etc. ⇒ Abîmer, déparer, gâter, mutiler.
12 (…) quelques gouttes de pluie avaient même déshonoré cette journée d'août.
Ch. Maurras, Anthinéa, p. 140.
13 Au bout du jardin sautelait une étroite rivière, si vive qu'elle emportait, d'un bond, tout ce qui l'eût pu déshonorer (…)
Colette, la Naissance du jour, p. 55.
4 Arbor. || Déshonorer un arbre, en couper la cime, la tête. ⇒ Écimer, étêter.
14 Les vertus les plus légères, s'il en est de telles, sont attachées comme la feuille au rameau qu'on déshonore en l'en dépouillant.
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se déshonorer v. pron.
♦ Perdre l'honneur, se couvrir d'opprobre. || Vous vous déshonorez en agissant ainsi. ⇒ aussi Prostituer (se).
15 (…) ceux qui avaient cru se déshonorer de rire à Paris, furent peut-être obligés de rire à Versailles pour se faire honneur.
Racine, les Plaideurs, Au lecteur.
16 (Je ne puis consentir) à me déshonorer en prisant ses ouvrages.
Molière, les Femmes savantes, I, 3.
17 (…) les petites gens qui ont de l'honneur valent mieux que les grandes gens qui se déshonorent.
Balzac, le Cabinet des antiques, Pl., t. IV, p. 422.
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déshonoré, ée p. p. adj.
1 Qui a perdu l'honneur. || Être déshonoré par une faillite. — ☑ Péj. Se croire déshonoré de faire qqch. : répugner à un acte que l'on croit abaissant et qui ne l'est pas.
18 J'ai suivi tes conseils, je meurs déshonorée.
Racine, Phèdre, III, 3.
19 On a le courage de ses opinions; de ses mœurs, point. On accepte bien de souffrir; mais pas d'être déshonoré.
Gide, Corydon, p. 22.
20 Quand Smith fait faillite, il n'est pas déshonoré.
G. Duhamel, Scènes de la vie future, XIV, p. 215.
♦ Spécialt (par euphém.). || Mari déshonoré. ⇒ Cocu, trompé.
♦ Spécialt. || Jeune fille déshonorée.
21 — (…) j'aimerais mieux me voir morte, que de me voir déshonorée (…) — Je serais assez lâche pour vous déshonorer ?
Molière, Dom Juan, II, 2.
21.1 Oh ! Madame, je ne sais plus ni ce que dit, ni ce que fit cet homme; mais l'état dans lequel je me retrouvai, ne me laissa que trop connaître à quel point j'avais été sa victime. Il était entièrement nuit quand je repris mes sens; j'étais au pied d'un arbre, hors de toutes les routes, froissée, ensanglantée… déshonorée, Madame.
Sade, Justine…, t. I, p. 63.
2 Avili, déprécié.
22 Le bon sens est aujourd'hui clairement déshonoré. Il n'y a pas de quoi se vanter s'il est si bien partagé.
A. Maurois, Études littéraires, Valéry, IV, II, t. I, p. 40.
22.1 Cette Conciergerie que je vois tous les jours — restaurée, déshonorée par des constructions annexes, mais massivement présente, avec ces cachots mêmes où… La seule pensée de ce qu'a souffert la reine m'étreint parfois d'une angoisse presque intolérable…
Claude Mauriac, le Temps immobile, p. 156.
♦ Concret. Abîmé, souillé.
23 À l'intérieur, l'escalier de pierre, bordé d'une magnifique grille de fer forgé, était déshonoré de poussière, de crachats et de feuilles de salade.
France, Jocaste, Œuvres, t. II, p. 11.
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CONTR. Exalter, glorifier, honorer. — Distinguer (se).
DÉR. Déshonorable, déshonorant.
Encyclopédie Universelle. 2012.