CAVITATION
CAVITATI
Ébullition d’un liquide sous vide, donc généralement à température ordinaire; ce vide peut être produit statiquement (par un émetteur d’ultrasons, par exemple) mais plus fréquemment au sein d’un écoulement, notamment dans les circuits hydrauliques, dans les machines hydrauliques (pompes, turbines) et autour des hélices marines. La cavitation prend toujours naissance à partir de «noyaux» ou «germes» qui sont constitués par les occlusions gazeuses au sein du liquide (bulles libres, particules gazeuses accrochées à des impuretés solides en suspension, ou piégées dans les anfractuosités de parois solides). Le modèle de la bulle sphérique permet de bien mettre en évidence la nature du phénomène: si on suppose — hypothèse réaliste à l’échelle des temps à considérer — que la masse d’air contenue dans cette bulle est constante, son équation d’équilibre s’écrit:
(avec p 0 pression ambiante, p n tension de vapeur d’eau, t tension superficielle, R rayon de la bulle, C constante). On voit alors qu’il n’y a d’équilibre possible que si
Rn est le rayon de la bulle pour la valeur critique p n, de la pression statique p 0. Pour p 0 麗 p c, la bulle ne peut plus se maintenir en équilibre dans le liquide, elle croît indéfiniment de volume par vaporisation du liquide qui l’entoure. p n est aussi appelé «seuil de cavitation». Quand un liquide contient des bulles relativement grosses et en quantité suffisante, le seuil de cavitation est très voisin de la tension de vapeur d’eau. Il est en revanche beaucoup plus petit si l’on prend des précautions particulières pour éliminer les bulles (des pressions négatives de 300 bars ont pu être expérimentalement obtenues sans cavitation).
Une fois formée, la cavitation se développe en prenant des formes variées, plus ou moins structurées, selon les conditions rencontrées: bulles isolées ou coalescentes (nuages), lames relativement lisses, poches fixes, tourbillons.
Quand une cavité, entraînée dans l’écoulement, traverse des zones où la pression croît de nouveau, elle se résorbe brutalement (en un temps de l’ordre du millième de seconde à peine), d’où le nom de «collapsus» donné à ce phénomène. En fin de collapsus, les vitesses et les pressions au voisinage immédiat des parois de la cavité sont très grandes (des pressions de 10 000 bars ont pu être mesurées); il y a alors formation d’une véritable onde de choc qui, comme toute onde de choc, dégénère en onde sonore. Le bruit qui en résulte est souvent la manifestation la plus évidente de la cavitation; il est atténué si la cavité contient une quantité suffisante de gaz, celui-ci, incondensable, jouant alors un rôle de matelas.
Le collapsus des cavités de vapeur est aussi à l’origine des érosions qui accompagnent la cavitation. Quand une bulle se contracte, sa forme est en effet instable; il se produit alors une sorte de microjet qui, au voisinage d’une paroi solide, a tendance à se diriger vers celle-ci. La vitesse dans ce jet étant élevée (de l’ordre de 100 m/s), il produit un microcratère quand il frappe la paroi. Lorsqu’une surface solide est ainsi le siège de collapsus répétés, elle commence par prendre un aspect de peau d’orange puis, après arrachement de matière, un aspect d’éponge, avant d’être finalement transpercée de part en part. La résistance d’un matériau à l’érosion de cavitation est naturellement liée aux autres caractéristiques mécaniques de ce matériau (résilience, dureté notamment).
Un autre effet de la cavitation, propre aux machines hydrauliques et aux hélices, et d’une façon générale aux surfaces portantes, consiste en une chute des performances mécaniques (rendement). C’est d’ailleurs parce que, à la fin du siècle dernier, on avait été surpris par les performances médiocres de navires rapides qu’on commença à s’intéresser sérieusement à la cavitation et, en particulier, à réaliser les premières installations expérimentales spécialisées.
Les effets de la cavitation (bruits, érosions, chute des performances mécaniques) sont le plus souvent nuisibles. C’est donc un phénomène à éviter dans toute la mesure du possible, ou à l’extrême rigueur à maîtriser (profils supercavitants pour les hélices ou les pompes fonctionnant à grande vitesse, profils ventilés pour atténuer le bruit, etc.).
La reproduction à échelle réduite du phénomène de cavitation fait apparaître un paramètre de similitude particulier, ou «nombre de cavitation»
(masse volumique du liquide, V vitesse), qui se présente comme le rapport d’une marge de sécurité (p 0-p n) à un risque (proportionnel à V2). Cette similitude doit naturellement être respectée en plus des similitudes habituelles (nombre de Reynolds, nombre de Reech-Froude notamment). Les installations correspondantes sont en général des tunnels hydrodynamiques mis en dépression.
On peut toutefois citer quelques applications utiles de la cavitation. Les propriétés érosives de la cavitation par jet sont à la base de certains outils pour travaux sous-marins (découpage, démolition). Le collapsus d’une macro-bulle de vapeur, qui produit un signal sonore particulièrement pur, est mis à profit en sismique sous-marine. Enfin, il faut rappeler que la trajectoire des particules élémentaires est généralement matérialisée par le sillage cavitant qu’elles laissent derrière elles quand elles traversent une «chambre à bulles», c’est-à-dire un récipient contenant de l’hydrogène liquide mis en dépression.
cavitation [ kavitasjɔ̃ ] n. f.
• 1902; du lat. cavitas, atis→ cavité
♦ Phys. Formation de cavités gazeuses dans un liquide soumis à des ondes ultrasonores.
● cavitation nom féminin (anglais cavitation, de cavity, cavité) Formation de cavités, remplies de vapeur ou de gaz, au sein d'un liquide en mouvement. Accumulation de défauts du réseau cristallin d'un métal, donnant des fissures et des porosités.
⇒CAVITATION, subst. fém.
PHYS. Phénomène suivant lequel des cavités de gaz ou de vapeur se creusent dans une masse de liquide rapidement propulsée, par exemple par une hélice de bateau. Des [phénomènes de cavitation] qui ont été étudiés à propos des hélices propulsives (L. PÉRISSE, Traité gén. des automob. à pétrole, 1907, p. 225). Faire usage de la cavitation ultrasonore (Journal de chim. et de phys., 1928, p. 69).
— P. méton. Cavité, espace vide de liquide, de fluide. Il se forme (...) une cavitation (P. PAINLEVÉ, Leçons sur la résistance des fluides non visqueux, 1930, p. 28).
Prononc. :[]. Étymol. et Hist. 1902, 27 oct. (A. NORMAND, Sur la cavitation dans les navires à hélices ds Comptes rendus hebdomadaires des séances de l'Ac. des Sc., t. 135, p. 662). Angl. cavitation (dér. avec suff. -ation de cavity « cavité »), nom donné par l'ingénieur angl. W. Fronde [1810-1879] au phénomène aérodynamique, cf. attest. de 1895 ds NED Suppl. Bbg. DUB. Dér. 1962, p. 33.
cavitation [kavitɑsjɔ̃] n. f.
ÉTYM. 1902; mot angl., 1895, du bas lat. cavitas, -atis. → Cavité.
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1 Phys. Formation de cavités (de gaz) dans un liquide en mouvement (quand la pression du liquide devient inférieure à la tension de vapeur).
0 Les liquides se vaporisent en dégageant des bulles, mélangées de gaz primitivement dissous, dans les zones où la pression descend (même d'une façon fugitive) au-dessous de la tension de vapeur du liquide à la température du moment.
Les bulles reprennent brusquement la forme liquide initiale lorsqu'elles reviennent dans les zones de pressions plus élevées. D'où variations brutales de volume du liquide qui provoquent de petits coups de marteau dont la répétition constante fait vibrer les machines et finit par dégrader les parois, fixes ou mobiles, du système.
Ce phénomène destructeur porte le nom de cavitation.
J. Larras, l'Hydraulique, p. 122.
2 Méd. Processus de développement de la carie dentaire.
Encyclopédie Universelle. 2012.