endurci, ie [ ɑ̃dyrsi ] adj.
1 ♦ Qui est devenu dur, insensible. ⇒fam. blindé. Cœurs endurcis. « Je n'ai jamais vu d'âme aussi endurcie que la vôtre » (Camus).
2 ♦ Qui avec le temps s'est fortifié, figé dans son opinion, son occupation. ⇒ invétéré. « Ces francs pécheurs, pécheurs endurcis, pleins et achevés » (Pascal). Un célibataire endurci. « Ses instincts de rond-de-cuir endurci » (Courteline).
endurci, ie
adj.
d1./d Devenu insensible. Un coeur endurci.
d2./d Qui s'est fortifié dans son état, ses habitudes. Un célibataire endurci. Un pécheur endurci.
⇒ENDURCI, IE, part. passé et adj.
I.— Part. passé de endurcir.
II.— Adjectif
A.— Rare. Qui est devenu physiquement (plus) dur, consistant, résistant, solide (cf. dur et durci). Le malade ne peut pas évacuer, parce que des matières sèches et endurcies bouchent le passage (GEOFFROY, Méd. prat., 1800, p. 387). La face cuite par la réverbération des rayons sur une terre endurcie et sonore (BALZAC, Paysans, 1844-50, p. 353).
— [En partic. en parlant de la peau, des muscles, des tissus] Rendu ou devenu plus ferme, ou plus épais, plus rugueux, plus racorni. Caravage confère une dure et massive consistance aux (...) pieds; ceux-ci osent étaler leurs plantes, salies de poussière et endurcies de callosités (HUYGHE, Dialog. avec visible, 1955, p. 283).
B.— Que l'habitude ou l'exercice a rendu plus endurant, plus résistant, moins sensible à une épreuve physique ou morale, plus dur au mal, à la fatigue, à la peur, etc. Endurci à la fatigue, aux coups. (Quasi-)synon. habitué à, rompu à. Sa chemise ouverte laissait voir son cou bruni, ses membres nerveux et endurcis aux fatigues (SUE, Atar Gull, 1831, p. 12). Le soleil blanc, chargé de pluie, ne gêne pas leurs visages endurcis au froid et au chaud (BARRÈS, Colline insp., 1913, p. 152) :
• 1. ... l'air si rude ou si accablant les flagelle si fort ou les consume si avant que les bœufs, endurcis cependant au mal, flairant l'étable, meuglent avidement.
PESQUIDOUX, Le Livre de raison, 1925, p. 140.
— Emploi abs. Corps endurci; travailleur endurci. Synon. aguerri, fortifié, trempé; anton. faible, sensible. Les nouveaux — le corps moins endurci — (...) sentaient frémir la fatigue dans leurs jambes endolories (DORGELÈS, Croix de bois, 1919, p. 35). Une éducation rude, sur un enfant psychiquement fort qui l'affronte en luttant, développe le « type César », actif et endurci (MOUNIER, Traité caract., 1946, p. 101).
— P. méton. [Avec un subst. abstr.] Plus robuste, plus solide. [Les Canadiens] dont ils n'avaient ni la force, ni la santé endurcie, ni la rudesse nécessaire, ni l'aptitude à toutes les besognes (HÉMON, M. Chapdelaine, 1916, p. 169).
C.— Qui est devenu dur, ou plus dur, moins humain, moins accessible ou inaccessible à des sentiments humains tels que la bonté, la bienveillance, la sympathie, la tendresse, la pitié, etc. (Quasi-)synon. cruel, dur, fermé, froid, impitoyable, indifférent, insensible, sec. J'étais aigri et endurci; je me laissai attendrir et séduire (LAMART., Confid., 1849, p. 103) :
• 2. Bien peu de villes ont les arbres que possède Lyon, et les parfums violents et suaves dans les rues de Lyon, au printemps, sont émouvants, comme la surprise de trouver une âme tendre et amoureuse chez un homme d'affaires endurci.
TRIOLET, Le Premier accroc coûte deux cents francs, 1945, p. 184.
♦ Cœur, âme endurci(e). Synon. desséché. Les cœurs en apparence les plus desséchés et les plus endurcis recèlent toujours (...) quelque affection (HUGO, Han d'Isl., 1823, p. 308). Les paysans du front ont le cœur endurci et ne s'émeuvent plus guère, après tant d'horreurs (DORGELÈS, Croix de bois, 1919 p. 222).
— P. méton. [Avec un subst. abstr.] Aveuglement endurci; haine endurcie. Synon. implacable, inflexible. Ce mélange de foi sublime et d'impiété endurcie, ces élans vers le ciel et ce pacte avec l'enfer (SAND, Lélia, 1833, p. 9).
— P. ext. Qui manifeste une insensibilité, une dureté de cœur apparente. Traits endurcis. Il avait un visage endurci mais bon, comme à l'armée il y en a tant (VIGNY, Serv. et grand milit., 1835, p. 33).
D.— Qui s'est installé durablement et de façon rigide dans une position, un état, une occupation, une opinion, et n'en démord pas. Athée, criminel endurci. Synon. impénitent, invétéré. Le coupable endurci, qui auroit eu le malheur de perdre la conscience naturelle (CHATEAUBR., Génie, t. 1, 1803, p. 240). Les criminels endurcis sont les seuls auxquels l'appareil pénal ne peut pas faire de mal (WEIL, Pesanteur, 1943, p. 78).
— Spéc. Pécheur endurci. Pécheur fermé au repentir, à la Grâce, qui ne manifeste aucune contrition de ses fautes et se refuse au pardon. Anton. repentant. Il m'arrive de rencontrer des pécheurs endurcis. La plupart ne se défendent contre Dieu que par une espèce de sentiment aveugle (BERNANOS, Journal curé camp., 1936, p. 1159) :
• 3. Anne-Catherine Emmerich nous dit que, de toutes les souffrances du Sauveur à Gethsémani, la plus amère, la plus poignante, fut la constatation de son impuissance devant le pécheur endurci, de son inefficacité devant Judas et au regard de ces foules innombrables pour qui rien ne s'est passé et Jésus-Christ est venu en vain.
CLAUDEL, Un Poète regarde la Croix, 1938, p. 272.
♦ Cœur, âme endurci(e). Il faut que vous ayez le cœur bien endurci pour refuser le secours de ce saint homme [le prêtre venu pour confesser Julien] (STENDHAL, Rouge et Noir, 1830, p. 494).
♦ Emploi subst. Des endurcis se convertirent. Et ceux que l'ennemi damnait Dans son cœur à l'abri se mirent (JAMMES, De tout temps, 1935, p. 156).
— P. ext., emploi iron. ou plais. Confirmé par l'âge, par l'habitude. Célibataire, fumeur endurci. Synon. avéré, invétéré, obstiné. C'était un dîner de (...) vieux garçons endurcis (...) Ils étaient alors quatorze bien décidés à ne jamais prendre femme (MAUPASS., Contes et nouv., t. 1, Verrou, 1882, p. 814). Rond-de-cuir endurci (COURTELINE, Ronds-de-cuir, 1893, 3e tabl., 1, p. 91). Solitaire endurci, M. des Lourdines aurait, à la rigueur, consenti à voir les gens, mais il ne voulait pas être vu (CHÂTEAUBRIANT, Lourdines, 1911, p. 9).
Prononc. et Orth. :[]. Ds Ac. 1694-1878. Fréq. abs. littér. :183.
Encyclopédie Universelle. 2012.