engouer (s') [ ɑ̃gwe ] v. pron. <conjug. : 1>
1 ♦ Vieilli S'étouffer en avalant trop vite. ⇒ s'étrangler. « Le petit Roger s'étouffait [...] , il s'était engoué comme il arrive aux bébés quelquefois » (Loti).
2 ♦ (1680) Se prendre d'une passion ou d'une admiration aussi excessive que passagère pour qqn ou qqch. ⇒ s'emballer, s'enticher, se toquer. « Après m'être engoué de M. Bâcle, qui n'était qu'un manant » (Rousseau). « Elle s'engouait d'un bibelot qu'elle avait vu, n'en dormait pas, courait l'acheter » (Flaubert).
⊗ CONTR. Dégoûter (se).
engouer (s')
v. Pron. S'engouer de: se prendre d'une passion excessive et passagère pour. Il s'engoua subitement de peinture. Syn. s'enticher.
⇒ENGOUER, verbe trans.
A.— Emploi trans., vx. Obstruer le gosier en avalant. Ce canard avala un morceau trop gros qui l'engoua (Ac. 1835, 1878).
— P. métaph. Cette angoisse (...) qui (...) engoue nos gestes (A. DAUDET, Nabab, 1877, p. 63). Il y eut bien d'autres présents, propres entre tous à m'engouer d'émotion (COLETTE, Fanal, 1949, p. 105).
B.— Emploi pronom. réfl.
1. Vieilli. S'obstruer le gosier en avalant avidement. Il buvait et mangeait si avidement qu'il s'est engoué (Ac. 1835, 1878).
— P. ext. S'étouffer. Il finit par s'engouer dans sa fureur et par tousser (GIONO, Hussard, 1951, p. 98).
2. Au fig., usuel. S'engouer de, pour qqn ou qqc. Se passionner, s'enthousiasmer d'une manière excessive, et le plus souvent éphémère, pour quelqu'un ou pour quelque chose. S'engouer d'un bibelot, de la mode du jour, pour un peintre. Elle qui se dégoûtait si vite des gens après s'en être engouée (SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t. 4, 1859, p. 319). Loyal, solitaire, indépendant, ne jurant par aucun parti, s'engouant peu pour tel ou tel personnage (SAINTE-BEUVE, Portr. littér., t. 1, 1844-64, p. 235) :
• Le duc de L. (...) s'engoua de tout ce qu'il voyait, de l'aspect du château par le clair de lune, de l'escalier gothique, surtout de la salle où nous étions.
DURAS, Édouard, 1825, p. 183.
Prononc. et Orth. :[], (j')engoue []. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. XIVe s. « avaler, se gaver (de) » (FROISSART, Chron., éd. Kervyn de Lettenhove, XI, 242 ds GDF.); 2. 1672 engoué « entêté de » (SOREL, Conn. des b. liv., 447 ds BRUNOT t. 4, p. 571); 1680 s'engoüer « s'entêter de » (RICH.). Empr. à une forme dial. non déterminée se rattachant comme joue, gave, gaver à l'étymon pré-latin gaba, gava (FEW t. 4, p. 4b). Fréq. abs. littér. :80.
engouer [ɑ̃gwe] v.
ÉTYM. XIVe; mot dial.; de en-, rad. de joue, et suff. verbal.
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♦ V. pron. (1555). Vieilli. S'étouffer en avalant trop vite. || S'engouer en mangeant gloutonnement. || Bébé qui s'engoue en tétant trop vite.
1 Il ne mange pas, il dévore,
Et le fait tant avidement
Qu'il s'engoue ordinairement.
Scarron, Virgile travesti, 3.
2 (…) on était venu m'avertir que le petit Roger s'étouffait (…) Ce n'était rien de grave; tout simplement, il s'était engoué, comme il arrive aux bébés quelquefois.
Loti, Figures et choses…, p. 16.
♦ Par ext. S'étouffer.
2.1 Un homme (…) était agité d'une sorte de transe hystérique (…) Les yeux lui sortaient de la tête. Il finit par s'engouer dans sa fureur et par tousser. Enfin, il cracha à la figure d'Angélo.
J. Giono, le Hussard sur le toit, p. 98.
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II V. pron. et passif. (V. 1680, Mme de Sévigné, Ménage, in Trévoux). || S'engouer de… : se prendre de passion, d'enthousiasme exagéré et le plus souvent passager pour une personne ou une chose. ⇒ Emballer (s'), éprendre (s'), entêter (s'), enthousiasmer (s'), enticher (s'), infatuer (s'), passionner (se), toquer (se). || Je me demande bien comment il a pu s'engouer de cette femme à ce point ! || S'engouer d'une nouveauté (engoué de…). Absolt et rare. || Il s'engoue facilement.
♦ Être engoué de…, pris d'enthousiasme. — Au p. p. (1672, Sorel). ⇒ Entiché, féru, imbu, infatué (vx), toqué. || Être engoué de musique baroque.
3 Madame de la Fayette vous a vue (…) elle est engouée de vous, c'est son mot (…)
Mme de Sévigné, 951, 4 févr. 1685.
4 On conviendra, je m'assure, qu'après m'être engoué de M. Bâcle, qui tout compté n'était qu'un manant, je pouvais m'engouer de M. Venture, qui avait de l'éducation, des talents, de l'esprit, de l'usage du monde, et qui pouvait passer pour un aimable débauché.
Rousseau, les Confessions, III.
5 Le curé m'écrivit en 1790 une lettre qui prouva qu'il s'était un peu engoué de la Révolution : il doit être dégrisé, ou il est bien têtu.
Rivarol, Lettres, À F. de Rivarol, 18 août 1797.
6 Incapable de résister à une envie, elle s'engouait d'un bibelot qu'elle avait vu, n'en dormait pas, courait l'acheter (…)
Flaubert, l'Éducation sentimentale, II, II.
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DÉR. Engouement.
Encyclopédie Universelle. 2012.