ensanglanter [ ɑ̃sɑ̃glɑ̃te ] v. tr. <conjug. : 1>
1 ♦ Couvrir, tacher de sang. Cour. au p. p. « De la morve ensanglantée sort de son nez » (Duras). ⇒ sanguinolent. Visage ensanglanté. ⇒ sanglant. « Il essuya le front ensanglanté de Marius » (Hugo).
♢ Par ext. Les règles de la tragédie classique interdisaient d'ensanglanter la scène, d'y porter une action sanglante.
2 ♦ Couvrir, souiller de sang qu'on fait couler (meurtre, guerre, etc.). Les guerres, les troubles qui ont ensanglanté le pays. Crimes qui ensanglantent un règne. « Un siècle ensanglanté par la haine » (R. Rolland).
3 ♦ Poét. Colorer de rouge. « Les clochers que le soleil couchant ensanglantait de ses feux » (Chateaubriand).
● ensanglanter verbe transitif (de sanglant) Tacher, couvrir de sang quelque chose, le corps de quelqu'un : Le blessé a ensanglanté ses vêtements. Marquer un lieu, un événement de faits sanglants, tragiques, violents : Un tragique accident a ensanglanté la fête.
ensanglanter
v. tr.
d1./d Tacher, couvrir de sang. Une blessure qui ensanglante le visage.
— Pp. adj. Des mains ensanglantées.
d2./d Souiller par un acte meurtrier. Les exactions qui ont ensanglanté le pays.
⇒ENSANGLANTER, verbe trans.
A.— [Ce qui est répandu est le sang humain ou animal]
1. [L'obj. désigne un animé ou le plus souvent un inanimé] Couvrir, maculer quelqu'un, quelque chose de sang. Quelle blessure avait pu ensanglanter ainsi le cuir (MALRAUX, Espoir, 1937, p. 828) :
• 1. LE CHAT-HUANT. —
Vive la nuit commode et molle
Où l'on peut lorsque l'on immole
Des lapereaux,
Ensanglanter la marjolaine
Sans avoir à prendre la peine
D'être un héros!
ROSTAND, Chantecler, 1910, II, 1, p. 85.
• 2. La frénésie de lucre et d'ambition politique disloque et ensanglante les cités. Le poignard, le poison sont l'arme naturelle et devenue pour ainsi dire légitime de la passion hagarde qui dévaste le cœur de l'individu.
FAURE, L'Esprit des formes, 1927, p. 112.
— Emploi pronom.
♦ réfl. dir. Vanessa s'accrochait à moi sur ces galets glissants, et bientôt ses pieds nus s'ensanglantèrent (GRACQ, Syrtes, 1951, p. 161).
♦ réfl. indir. En 1914, Savinio (...) s'ensanglantait les doigts sur les touches du grand « Erard » de la baronne (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 269).
— En partic. Couvrir du sang des victimes offertes en sacrifice. Avant l'invasion des Celtes Kimris, nos ancêtres les Gaulois n'ensanglantaient pas leurs autels (SAND, Jeanne, 1844, p. 110).
2. [L'obj. désigne une entité abstr., collective ou symbolique] Marquer ou charger d'incidents ou d'événements où le sang humain coule [le sang est le signe d'actions violentes, parfois fatales]. Et qu'enfin nul d'entre vous, et sous aucun prétexte, n'ensanglante nos jeux en provoquant ou en acceptant le combat à mort (COTTIN, Mathilde, t. 2, 1805, p. 139). La révolte des Cévennes, qui ensanglanta les premières années du dix-huitième siècle, fut sérieuse (SAINTE-BEUVE, Portr. contemp., t. 3, 1846-1869, p. 106). Qui a fait ces crimes? (...) les barbares (...) tous franchissant et ensanglantant la conscience humaine (HUGO, Actes et par. 4, 1885, p. 391).
— P. ext. Ensanglanter la scène d'un théâtre, les pages d'un livre, d'un roman. Y représenter, y décrire des actions où le sang est répandu. Aux horreurs dégoûtantes qui ensanglantent chaque page de Grégoire de Tours (STENDHAL, Amour, 1822, p. 192). C'est à qui rembrunira le plus le tableau, à qui ensanglantera la scène (JANIN, Âne mort, 1829, p. 105).
— P. métaph. [Le sang est le signe d'une blessure, d'une douleur morale] Les blessures qui (...) ensanglantent secrètement sa vie intime (LAMENNAIS, Lettres Cottu, 1834, p. 268).
B.— P. anal. Rendre rouge comme le sang. Les trois feux d'arrière ensanglantaient la neige (ZOLA, Bête hum., 1890, p. 167). Avec un petit pinceau gonflé de carmin, elle ensanglanta la bouche et toucha les pointes des seins (, Aphrodite, 1896, p. 21).
— En partic. [Chez les Romantiques, en parlant du soleil couchant] Les clochers, jumeaux de grandeur inégale, que le soleil couchant ensanglantait de ses feux sur la tenture noire des fumées de la cité (CHATEAUBR., Mém., t. 1, 1848, p. 440).
Rem. La docum. atteste le subst. masc. ensanglantement. Action d'ensanglanter quelqu'un ou quelque chose; ce qui en résulte. L'ensanglantement des batailles et la transformation des empires (ID., ibid., t. 3, 1848, p. 337).
Prononc. et Orth. :[]. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. Ca 1100 part. passé adjectivé ensanglantet « couvert de sang » (Roland, éd. J. Bédier, 1067); ca 1135 ensanglanter « tacher, couvrir de sang » (Couronnement Louis, éd. E. Langlois, 1318). Dér. de sanglant; préf. en-; suff. -é, dés. -er. Fréq. abs. littér. :120.
ensanglanter [ɑ̃sɑ̃glɑ̃te] v. tr.
ÉTYM. V. 1135; au p. p., 1080; de en-, sanglant, et suff. verbal.
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1 Couvrir, tacher de sang. || Ensanglanter le sol. — Au p. p. || Autel (cit. 6) ensanglanté par les sacrifices.
1 Ensanglantant l'autel qu'il tenait embrassé ?
Racine, Andromaque, III, 8.
♦ Au p. p. adj. (plus cour.). || Vêtements ensanglantés, visage ensanglanté. ⇒ Sanglant.
1.1 (…) il rassemble ses gens et vole à de nouveaux crimes. Peu après nous entendons des cris, et ces scélérats ensanglantés reviennent triomphants et chargés de dépouilles. Décampons lestement, dit Cœur-de-fer, nous avons tué trois hommes (…)
Sade, Justine…, t. I, p. 48.
2 (…) une femme qui hurlait à la mort, les aines ensanglantées, se tournait vers lui.
Camus, la Peste, p. 64.
♦ Par ext. || Les bienséances, les règles de la tragédie classique interdisaient d'ensanglanter la scène, d'y porter une action sanglante.
2 (Av. 1848). Poét. et vieilli. Colorer de rouge. || Le soleil couchant ensanglantait l'horizon (→ Couchant, cit. 1 et 3).
3 (…) à l'heure où le soleil tombant
Ensanglante le ciel de blessures vermeilles (…)
Baudelaire, les Fleurs du mal, « Tableaux parisiens », XCI.
3 (1640). Couvrir, souiller de sang qu'on fait couler (le sujet désigne le meurtre, la guerre, etc.). || Les guerres qui ont ensanglanté l'Europe. || Manifestations ensanglantées par un choc avec le service d'ordre. || Les jeux furent ensanglantés, dégénérèrent en rixe sanglante. || Troubles qui ensanglantent une région.
4 Enfin, l'Ossa, l'Olympe, et les bois du Pénée
Voyaient ensanglanter les banquets d'hyménée (…)
André Chénier, Bucoliques, « L'aveugle ».
5 Des querelles et des jalousies ensanglantèrent dans la suite la terre de l'hospitalité.
Chateaubriand, Atala, Prologue.
♦ (1643). Marquer par la violence, la mort, le sang répandu. || Ce crime cruel ensanglanta son règne. ⇒ Déshonorer. || Soldats qui ensanglantent leur triomphe en ne faisant point de quartier. || Époque ensanglantée (→ Aveugle, cit. 10).
6 Jephté ensanglante sa victoire par un sacrifice qui ne peut être excusé que par un ordre secret de Dieu.
Bossuet, Disc. sur l'Hist. universelle, I, 4.
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ensanglanté, ée p. p. adj.
♦ Voir ci-dessus à l'article.
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DÉR. Ensanglantement.
Encyclopédie Universelle. 2012.