exil [ ɛgzil ] n. m.
• XIIIe; exill 1080; de l'a. fr. essil, d'apr. le lat. exsilium
1 ♦ Expulsion de qqn hors de sa patrie, avec défense d'y rentrer; situation de la personne ainsi expulsée. ⇒ ban, bannissement, déportation, expulsion, ostracisme, proscription, relégation, transportation. Condamner qqn à l'exil. Envoyer en exil. Dissident en exil. Être rappelé d'exil. Lieu, terre d'exil. « L'exil est quelquefois, pour les caractères vifs et sensibles, un supplice beaucoup plus cruel que la mort » (Mme de Staël). Blavène « rappelé de Jersey par l'amnistie après cinq ans d'exil » (Giraudoux). Exil volontaire, qu'on s'impose selon les circonstances, le danger. ⇒ expatriation.
♢ Rare Lieu où qqn est exilé. « S'il y avait de beaux exils, Jersey serait un exil charmant » (Hugo).
2 ♦ Par ext. Littér. Obligation de séjourner hors d'un lieu, loin d'une personne qu'on regrette. ⇒ éloignement, séparation. Vivre loin d'elle est pour lui un dur exil. « La vie présente n'est qu'un exil; tournons nos regards vers la patrie céleste » (Taine) .
⊗ CONTR. Rappel; retour.
● exil nom masculin (latin exsilium, bannissement) Situation de quelqu'un qui est expulsé ou obligé de vivre hors de sa patrie ; lieu où cette personne réside à l'étranger : Être condamné à l'exil. Situation de quelqu'un qui est obligé de vivre ailleurs que là où il est habituellement, où il aime vivre ; ce lieu où il se sent étranger, mis à l'écart : Être relégué dans un exil provincial. En astrologie, situation d'un astre qui se trouve dans le signe du zodiaque opposé à son domicile (lieu d'exil). ● exil (citations) nom masculin (latin exsilium, bannissement) Paul Fort Reims 1872-Argenlieu, près de Montlhéry, Essonne, 1960 Il n'est qu'une espérance. Elle revient d'exil. Ballades françaises, Sur les jolis ponts de Paris Flammarion Victor Hugo Besançon 1802-Paris 1885 Quand la liberté rentrera, je rentrerai. Actes et paroles Victor Hugo Besançon 1802-Paris 1885 L'exil, c'est la nudité du droit. Ce que c'est que l'exil ● exil (synonymes) nom masculin (latin exsilium, bannissement) Situation de quelqu'un qui est expulsé ou obligé de vivre...
Synonymes :
- déportation
- relégation
Situation de quelqu'un qui est obligé de vivre ailleurs que...
Synonymes :
- éloignement
- séparation
Exil
n. m.
d1./d Action d'expulser qqn hors de sa patrie sans possibilité de retour; condition de celui qui est ainsi banni. Il a été condamné à l'exil. Vivre en exil.
d2./d Fig. Séjour obligé et pénible loin de ses proches, de ce à quoi l'on est attaché.
————————
Exil
(l'), la Captivité des Juifs à Babylone au VIe s. av. J.-C.
⇒EXIL, subst. masc.
A.— 1. Peine qui condamne quelqu'un à quitter son pays, avec interdiction d'y revenir, soit définitivement, soit pour un certain temps. Prononcer l'arrêt, la peine d'exil. L'exil ne semblait pas un supplice plus doux que la mort. Les jurisconsultes romains l'appelaient une peine capitale (FUSTEL DE COUL., Cité antique, 1864, p. 255). Nous serons consolés de tant de peines et de persécutions. L'exil prendra fin, voici l'aurore (CAMUS, Possédés, 1959, 1re part., 1er tabl., p. 939) :
• 1. M. de Toulouse se fera un grand honneur de faire lever l'exil de mon père, et moi j'enrage de ce qu'une injustice commise s'appelle une grâce lorsqu'elle cesse.
STAËL, Lettres jeun. 1787, p. 168.
• 2. Le ministre de la guerre (...) se retourne contre cet officier, le frappe d'exil pour avoir fait son devoir, et assure à un Walsin-Esterhazy l'impunité.
CLEMENCEAU, Iniquité, 1899, p. 44.
— En partic. Exil volontaire. La loi Sempronia qui permettait à un citoyen romain de prévenir par un exil volontaire une condamnation capitale (MICHELET, Hist. romaine, t. 2, 1831, p. 229).
SYNT. Envoyer en exil; acte, décret, liste, sentence d'exil; être menacé d'exil perpétuel; cinq ans d'exil pour forfaiture. Prendre le chemin de l'exil.
— P. ext., vx. Mesure de disgrâce assignant quelqu'un à une résidence forcée, loin de la cour ou de la ville. Il fut poursuivi, traqué par Bossuet, condamné à Rome, envoyé en exil à Cambrai (HUYSMANS, En route, t. 2, 1895, p. 241).
2. Au fig.
a) Tout changement de résidence, volontaire ou non, qui provoque un sentiment ou une impression de dépaysement. Je me punis par l'exil de tout le mal que je vous ai fait. Je pars (FLAUB., Mme Bovary, t. 2, 1857, p. 44). Les voyages, c'est l'exil volontaire (LORRAIN, Phocas, 1905, p. 268) :
• 3. ... elle partirait pour Berlin et y passerait l'année : elle envisageait cet exil avec terreur.
BEAUVOIR, Mém. fille, 1958, p. 354.
b) Éloignement affectif ou moral; séparation qui fait qu'un être est privé de ce à quoi ou de ce à qui il est attaché. L'exil du cœur; se sentir en exil. L'exil moral et la nostalgie de l'artiste que la nécessité a fait bureaucrate ou marchand (LEMAITRE, Contemp., 1885, p. 54). Un thème revient sans cesse, celui de l'imperfection de la vie quotidienne, de l'exil où nous sommes dans le « temps ». (BÉGUIN, Âme romant., 1939, p. 379) :
• 4. À lui tout seul il représente la silencieuse et hautaine réserve de l'esprit en exil dans la grossièreté ambiante.
FAURE, Hist. art, 1921, p. 56.
• 5. ... le premier acte de liberté pour le penseur classique est de suspicion : c'est un doute, et ce doute est un acte d'exil; le « je pense » se retire du piège du corps et du monde; il s'exalte en défiant le malin génie.
RICŒUR, Philos. volonté, 1949, p. 418.
B.— État de celui qui est contraint de vivre hors de son pays ou loin de sa résidence ordinaire. Les peines, la tristesse de l'exil. Le grand Arnauld (...) mourut dans l'exil, fidèle et attaché de cœur au roi qui le tenait banni (SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t. 1, 1840, p. 19). L'exil ne déchire pas, il use. Tu ne te repais plus que de songes et tu joues avec des dés vides (SAINT-EXUP., Citad., 1944, p. 591) :
• 6. ... la première chose que la peste apporta à nos concitoyens fut l'exil (...) oui, c'était bien le sentiment de l'exil que ce creux que nous portions constamment en nous, cette émotion précise, le désir déraisonnable de revenir en arrière ou au contraire de presser la marche du temps, ces flèches brûlantes de la mémoire.
CAMUS, Peste, 1947, p. 1274.
SYNT. Les larmes, la pluie noire, les longs jours de l'exil; un compagnon, un frère d'exil; souffrir de l'exil; manger le pain amer de l'exil.
C.— P. ext. Lieu où réside celui qui est exilé. Terre d'exil. S'il y avait de beaux exils, Jersey serait un exil charmant (HUGO, Corresp., 1852, p. 126).
— En partic., RELIG. [P. réf. à une conception qui fait de la condition humaine sur terre un exil] L'exil de la terre; l'âme en exil. La vie présente n'est qu'un exil; tournons nos regards vers la patrie céleste [déclare le christianisme] (TAINE, Philos. art, t. 2, 1865, p. 145).
— Spéc., ASTROL. Avoir tel astre en exil dans son thème. Planète qui n'est pas située dans le signe qui lui convient. L'exil est à l'opposé du domicile (HADÈS, Pluton ou les grands mystères, Paris, Niclaus, 1971, p. 48).
Rem. On rencontre dans la docum. exileur, euse, adj. Qui exile, d'exil. Despotisme exileur. Faible et seule et pleurante en la terre exileuse... (PÉGUY, Tapisserie Ste Geneviève et J. d'Arc, 1913, p. 111).
Prononc. et Orth. :[]. Cf. é-1. Ds Ac. dep. 1694. Ac. 1798-1878 : ,,on prononce l'l, mais sans la mouiller``. Étymol. et Hist. Ca 1100 exill « détresse, malheur, tourment » (Roland, éd. J. Bédier, 2935); 1155 « bannissement » (WACE, Vie de St Nicolas, éd. E. Ronsjö, 642 : ... En eisel l'en envëat l'om). Exil, réfection d'apr. le lat. de l'a. fr. eissil, essil, exill, forme demi-savante, issue du lat. class. ex(s)ilium « bannissement, lieu d'exil ». Fréq. abs. littér. :1 735. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 3 403, b) 3 667; XXe s. : a) 1 774, b) 1 442. Bbg. DE GOROG (R.). The Concept to destroy in Old French and the question of synonymy. Linguistics. La Haye, 1972, n° 93, p. 37.
exil [ɛgzil] n. m.
ÉTYM. XIIIe; eixil, au sens 1., v. 1160; exill, 1080; réfection, d'après le lat. exilium, exsilium, de l'anc. franç. essil, eissil, issil, de même orig. (le lat. exilium vient de exsul, exul « banni, proscrit »).
❖
1 Expulsion de qqn hors de sa patrie, avec défense d'y rentrer; situation de la personne ainsi expulsée. ⇒ 1. Ban, bannissement, déportation, expatriation, expulsion, proscription, relégation, transportation. || L'exil dans la Grèce antique. ⇒ Ostracisme. || Lettre du roi contenant un ordre d'exil, sous l'Ancien Régime. ⇒ Cachet (lettre de cachet). || Condamner quelqu'un à l'exil. — En exil. || Envoyer en exil; aller, être en exil. — Lieu, terre d'exil. || Compagnons d'exil. — Long exil, exil à vie. || Son temps d'exil est terminé; il est revenu, il a été rappelé d'exil, de son exil. || Au retour, au sortir de l'exil. (→ Apprendre, cit. 15). || Exil volontaire qu'on s'impose selon les circonstances, le danger. || Il s'est imposé un exil volontaire, pour protester contre le gouvernement de son pays. — Dix Années d'exil, œuvre de Mme de Staël (1821). || Les Rois en exil, d'A. Daudet. || C'est un dur métier que l'exil, poèmes de Nazim Hikmet.
1 Je m'impose à moi-même un exil volontaire (…)
Rotrou, Venceslas, II, 2.
2 Le ministère avait peine à suffire aux lettres de cachet qui envoyaient en prison ou en exil les opposants (…)
Voltaire, le Siècle de Louis XIV, 37.
3 L'exil est quelquefois, pour les caractères vifs et sensibles, un supplice beaucoup plus cruel que la mort (…)
Mme de Staël, Corinne, XIV, III.
4 Il fallait que la possession de la patrie fût bien précieuse; car les anciens n'imaginaient guère de châtiment plus cruel que d'en priver l'homme. La punition ordinaire des grands crimes était l'exil. L'exil n'était pas seulement l'interdiction du séjour de la ville et l'éloignement du sol de la patrie : il était en même temps l'interdiction du culte; il contenait ce que les modernes ont appelé l'excommunication.
Fustel de Coulanges, la Cité antique, III, XIII.
5 L'exil n'est pas une chose matérielle, c'est une chose morale. Tous les coins de terre se valent (…) Guernesey est faite pour ne laisser au proscrit que de bons souvenirs; mais l'exil existe en dehors du lieu d'exil. Au point de vue intérieur, on peut dire : il n'y a pas de bel exil. L'exil est le pays sévère; là tout est renversé, inhabitable, démoli et gisant, hors le devoir, seul debout (…) Tels sont les petits côtés de l'exil, voici les grands : Songer, penser, souffrir.
Hugo, Pendant l'exil, Ce que c'est que l'exil, III et VII.
6 (…) Blavène, revenu de la veille, rappelé de Jersey par l'amnistie après cinq ans d'exil que lui avait valus sa condamnation en Haute-Cour.
Giraudoux, Bella, VI, p. 153.
♦ (1679, Bossuet). Rare. Lieu où quelqu'un est exilé (syn. : lieu d'exil). || Il n'a jamais quitté son exil, cet exil.
7 Le pape, traîné d'exil en exil, et toujours durement traité par l'empereur, meurt enfin parmi les souffrances sans se plaindre, ni se relâcher de ce qu'il doit à son ministère.
Bossuet, Disc. sur l'Hist. universelle, I, 2.
2 (Av. 1662, Pascal). Obligation de séjourner hors d'un lieu, loin d'une personne qu'on regrette. ⇒ Éloignement, séparation; départ, renvoi (→ Dépaysement, cit. 2). || Sentiment d'exil (→ Comporter, cit. 5). || Vivre loin d'elle est pour lui un dur exil. || Cette année passée à l'étranger fut pour elle un véritable exil. || Se cloîtrer loin de tous, dans un exil volontaire. ⇒ Réclusion, 1. retraite; isolement. — En exil. || Être en exil. || Envoyer qqn en exil loin de la cour (→ Éloigner, cit. 3).
8 Une reine fugitive qui ne trouve aucune retraite dans trois royaumes, et à qui sa propre patrie n'est plus qu'un triste lieu d'exil (…)
Bossuet, Oraison funèbre de la Reine d'Angleterre.
9 Toute demeure lui fut égale, toute la terre lui fut un exil.
Fléchier, Panégyrique, I, 352.
10 Aucune chose ne s'ajuste à nous; on n'entre jamais tout à fait dans la place où l'on est; on ne reconnaît son moule dans aucun des creux de la vie (…) toute patrie est un exil, tout exil est une patrie; Ailleurs semble toujours préférable à Ici (…)
Hugo, Post-scriptum de ma vie, Contemplation suprême, III.
11 Il n'est pas naturel qu'un garçon (…) accepte délibérément l'existence d'ours que mène ici le comte Axel d'Auësperg ! Tout l'amour des sciences occultes ne légitimerait pas une telle réclusion, un si long, si lointain, si volontaire exil.
Villiers de L'Isle-Adam, Axel, II, 5.
♦ L'Exil : l'exil du peuple juif à Babylone. ⇒ Exilien.
♦ Relig. || Terre d'exil, exil : la terre, la vie terrestre (considérée comme un exil par rapport à l'au-delà, à la vie céleste). || L'exil de la vie.
12 Sur la terre d'exil pourquoi resté-je encore ?
Il n'est rien de commun entre la terre et moi.
Lamartine, Premières méditations, « L'isolement ».
13 Malheur à qui du fond de l'exil de la vie
Entendit ces concerts d'un monde qu'il envie !
Lamartine, Premières méditations, « L'homme ».
14 La vie présente n'est qu'un exil : tournons nos regards vers la patrie céleste.
Taine, Philosophie de l'art, t. II, p. 145.
15 (…) il fallait bien, après tout, qu'il y eût quelque chose de vrai dans l'éternelle rengaine platonique d'un exil terrestre. Cette idée lui revenait, sans cesse, d'une prison atroce dans laquelle on l'eût enfermé pour quelque crime inconnu (…)
Léon Bloy, le Désespéré, p. 78.
♦ Littér. || Un exil moral, intellectuel. — L'Exil et le Royaume, œuvre de Camus.
❖
CONTR. Amnistie, grâce, rappel. — Retour.
DÉR. Exiler, exilien.
Encyclopédie Universelle. 2012.