CHEVALERIE
La chevalerie apparaît au XIe siècle comme une catégorie de la société féodale rassemblant les spécialistes du combat cavalier, devenu le seul réellement efficace. C’est par le rite de la remise des armes, l’adoubement, que le jeune homme ayant achevé son éducation militaire, est fait chevalier, apte à coopérer loyalement à la défense du peuple et au maintien de la paix. En France, la chevalerie devint rapidement une caste héréditaire et, sous l’influence de l’Église et des croisades, peu à peu se sacralisa. Au cours du XIIe siècle, les qualités fondamentales du bon chevalier, vaillance, loyauté, largesse et courtoisie, furent reconnues comme les vertus par excellence de la noblesse.
La morale de la chevalerie, véhiculée par les œuvres maîtresses de la littérature médiévale en langue vulgaire (morale virile: le mot chevalier n’a pas de féminin), s’imposa à l’ensemble de l’aristocratie européenne qui voyait dans ses valeurs spécifiques les critères de sa supériorité sociale. Cette éthique de l’honneur exerça, dès lors, une séduction profonde et durable, instituant des règles de comportement et de convenances qui n’ont point, de nos jours, perdu tout leur prestige.
Depuis le XIVe siècle, les princes ont créé des sortes de confréries restreintes et décoratives, les ordres de chevalerie, destinées, par l’octroi d’une distinction honorifique, à récompenser les plus fidèles serviteurs de l’État.
Les origines
Dans les décennies qui encadrent l’an mille, un mot latin, miles , traduisant dans la langue écrite divers vocables des dialectes parlés, chevalier , Ritter ou knight , entre dans l’usage pour distinguer des autres certains hommes. Sa diffusion répond à la nécessité alors ressentie par les écrivains, et notamment par les rédacteurs de chartes, de rendre compte de l’existence d’une nouvelle catégorie sociale. Ce titre fut choisi, en premier lieu, pour son sens militaire. Il exprimait la vocation particulière de ceux qui le portaient: c’étaient, par profession, des combattants. L’évolution récente de l’art de la guerre réservait, en effet, le monopole de l’action efficace à une élite de spécialistes, dotés de l’armement complet, dont la pièce maîtresse était le cheval. Les perfectionnements du harnois et les progrès de l’escrime cavalière à la lance accrurent, pendant le XIe siècle, leur supériorité technique et élargirent encore la distance qui les séparait de la piétaille. Mais le terme miles avait un autre sens pour lequel il fut également choisi. Le verbe militare impliquait une relation de subordination et signifiait, avant tout peut-être, servir. Les chevaliers étaient, en fait, des auxiliaires militaires rassemblés autour des maîtres du pouvoir, les aidant à défendre le pays et à maintenir la paix.
Toutefois, la spécialisation des guerriers montés et la formation d’une clientèle de combattants professionnels autour des grands étaient des phénomènes déjà anciens. Deux modifications des structures politiques peuvent expliquer, aux environs de l’an mille, la formation, au sein de la société, d’un corps cohérent aux limites précises qui méritait une dénomination spéciale. D’une part, dans la seigneurie privée qui naquit à cette époque de l’ultime désagrégation de l’autorité publique, la paysannerie tout entière se trouva soumise à des taxes, dont seuls furent exempts les hommes qui ne travaillaient pas la terre et qui servaient par les armes. D’autre part, le mouvement pour la paix de Dieu, qui se propagea, à partir de la fin du Xe siècle, depuis le sud de la Gaule, vint établir parmi les laïcs une nette distinction entre les «pauvres», tous les êtres désarmés qu’il importait de protéger, et les chevaliers, fauteurs de violence et de désordre, obligés de s’astreindre, par des serments collectifs, à limiter la turbulence et l’agressivité particulières à leur état. Les spécialistes du service de guerre se trouvèrent ainsi strictement séparés du commun par un privilège – ils échappaient aux exactions seigneuriales – et par des règles morales, celles dont la législation des conciles de la paix de Dieu leur imposait le respect. Ce fut dans le royaume de France, où la constitution de la seigneurie privée fut plus précoce, et qui connut seule un ample développement de la paix de Dieu, que la chevalerie prit le plus tôt sa cohésion.
Dans la société médiévale
Hors de France, les chevaliers demeurèrent longtemps en position subordonnée à l’égard des couches supérieures de l’aristocratie. Ainsi, dans les territoires soumis au roi de Germanie, la chevalerie formait, encore au début du XIIIe siècle, un «état» nettement distinct de la noblesse. Le souverain et les princes recrutaient volontiers leurs auxiliaires militaires parmi leurs dépendants les plus soumis, ceux que leur attachaient les liens de la servitude: les pays germaniques connurent donc une catégorie sociale particulière, celle des chevaliers-serfs. Il n’en fut pas de même dans le royaume de France, où la liberté personnelle fut toujours l’un des traits essentiels du statut chevaleresque et où une tendance très puissante rapprocha rapidement les deux notions, nettement distinctes à l’origine, de noblesse et de chevalerie. Plusieurs courants poussaient, dès le XIe siècle, à une telle confusion.
Il existait en France, dans la demeure des grands, beaucoup de chevaliers sans terre et qui vivaient en condition domestique, entretenus par leur maître. Mais beaucoup d’autres possédaient un domaine familial, dont ils tiraient leur aisance et le moyen de se vouer entièrement aux armes. Tous les guerriers domestiques revendiquèrent une telle autonomie économique; beaucoup obtinrent peu à peu la concession d’un bien foncier, où ils s’établirent et qu’ils léguèrent à leurs fils. Sur ces patrimoines s’enracinèrent des lignages ; la condition chevaleresque cessa d’y être tenue pour individuelle; elle parut une aptitude héréditaire, transmise de génération en génération aux descendants mâles. Tous les fils de chevaliers qui n’entraient pas dans l’Église s’introduisirent à la fin de leur adolescence dans la chevalerie et en refusèrent l’accès à ceux qui n’étaient pas de «bonne race». La chevalerie se mua de la sorte en caste.
Au début du XIe siècle, s’imposa, entre autres, due à la réflexion ecclésiastique, une image de la société où les hommes se répartissaient, selon le plan divin, en trois « ordres », celui des travailleurs, celui des hommes de prière, celui, enfin, des guerriers. À ceux-ci incombait une mission spécifique: hâter, par la force de leurs armes, la réalisation du royaume de Dieu. Ainsi se forma l’idéal du chevalier du Christ, au service, non plus d’un patron, mais du Seigneur. Cette conception se reliait étroitement à l’idée de guerre sainte, donc à la croisade; elle aboutit à la création des ordres religieux militaires, la nova militia qu’exalta saint Bernard; les chevaliers du Temple ou de l’Hôpital, ceux de Santiago, les chevaliers Porte-Glaive ou Teutoniques, qui maniaient l’épée tout en s’imposant les renoncements monastiques, offrirent un modèle de perfection virile que l’aristocratie tout entière s’efforça d’imiter. Dans la chevalerie, désormais chargée de valeurs spirituelles, les princes et les rois eux-mêmes mirent aussi leur honneur à pénétrer. L’adoubement, la remise des armes, cérémonie d’initiation à l’origine toute profane, rite de passage de l’adolescence à l’âge adulte, prit peu à peu l’allure d’un sacrement, sanctifié par l’intervention du clergé et par une formation morale préliminaire. À la fin du XIIe siècle, cette fête solennelle était considérée par les hommes de la plus haute naissance et par les fils des souverains comme une étape majeure de leur existence.
Enfin, après l’adoubement et avant qu’ils n’aient succédé à leur père dans la direction de la seigneurie familiale, les jeunes chevaliers, venus de tous les niveaux de l’aristocratie, se mêlaient, au XIIe siècle, dans des bandes que les fils des princes conduisaient à l’aventure, à la poursuite de la gloire. Parmi ces chevaliers errants, les vertus initiales de la chevalerie revêtirent toute leur puissance de séduction. La littérature de divertissement en diffusa dans les cours le type exemplaire et, depuis la France, le fit rayonner parmi l’Europe chrétienne. Bientôt, tout homme qui n’était pas clerc ou moine et qui ne voulait pas passer pour un rustre s’appliqua à pratiquer les mœurs chevaleresques, qui parurent, avec la qualité du sang, le critère principal de la noblesse.
Le XIIIe siècle marque dans cette évolution une étape décisive. Les gens bien nés aspiraient tous à la chevalerie, mais les frais de plus en plus lourds de l’adoubement les empêchaient souvent d’y accéder. La chevalerie tendit ainsi à devenir, au sein de l’aristocratie de sang, un cercle de plus en plus restreint, un «ordre», une sorte de confrérie supérieure, conservatoire des plus pures valeurs nobles, à la fois religieuses et mondaines. La chevalerie devint, d’ailleurs, la seule clé dont disposât un homme qui n’était pas de bonne race pour forcer l’entrée de la noblesse. Encore ne pouvait-il la manier lui-même. Le souverain seul avait pouvoir de transgresser les règles de l’hérédité: lorsqu’il voulait récompenser les services insignes d’un de ses agents, il l’armait chevalier et de ce fait l’anoblissait. Mais le nouveau chevalier, s’il voulait être admis par ses pairs, devait alors respecter des règles de conduite très précises.
Le comportement chevaleresque
Car, en définitive, une certaine manière de vivre et l’éthique qui lui est liée constituent bien l’essence de la chevalerie. Cette morale particulière s’exprime dans les œuvres littéraires qui furent composées pour un public chevaleresque, œuvres de divertissement et œuvres moralisantes exposant dans le détail un modèle de comportement.
À la base de cette morale se situent deux vertus majeures qui constituent ensemble ce qu’on appela, depuis le XIIIe siècle, la prouesse . D’une part, la vaillance, la valeur militaire: toute l’éducation du futur chevalier est une préparation au combat; de celle-ci, l’initié doit prouver l’efficacité, par une démonstration publique de ses capacités cavalières, lors de la cérémonie de l’adoubement. D’autre part, la loyauté: le chevalier, homme de service, est celui qui, tel Roland, ne saurait trahir la foi qu’il a jurée et qui, dans la guerre, se refuse à toute manœuvre insidieuse. L’école permanente de ces deux vertus fut, dans l’intervalle des opérations militaires, le tournoi, simulacre de combat, dont la vogue au XIIe siècle emplit la Chrétienté et qui, d’abord affrontement sauvage et meurtrier de bandes adverses, se ritualisa peu à peu et devint, à la fin du Moyen Âge, un sport mondain, succession de joutes singulières, strictement réglées comme un ballet.
Vient ensuite la largesse , c’est-à-dire le mépris du profit. Le chevalier est, par respect de son état, improductif. «Il convient que les hommes labourent, bêchent et arrachent les broussailles de la terre pour qu’elle produise les fruits dont vivent le chevalier et ses chevaux. Il convient que le chevalier, qui chevauche et mène l’existence d’un seigneur, tire son bien-être de ce qui fait le travail et la peine des hommes» (Raymond Lulle, Libro de le orden de Caballería , fin du XIIIe siècle). Et le chevalier qui ne produit rien se doit de détruire allégrement les richesses. C’est par là qu’il se distingue le plus clairement des bourgeois et des rustres, par sa générosité, par son insouciance, par sa propension native au gaspillage. La vie chevaleresque est inséparable de la fête, rite périodique de destruction joyeuse.
Enfin, le chevalier est courtois . Dans les cours princières françaises du XIIe siècle s’est opéré un transfert de la notion de service. Parallèlement aux devoirs envers le seigneur, se sont institués des devoirs envers la dame élue, que le chevalier entend séduire par sa vaillance, éblouir par sa largesse et retenir par sa loyauté. À toutes les femmes et filles de chevaliers, il doit assistance, et il s’astreint vis-à-vis d’elles à modérer la rudesse agressive à quoi toute son éducation l’incline.
Les ordres de chevalerie
Cette éthique, qui se résout en un ensemble de règles strictement codifiées et dont le mépris entraîne la perte de l’« honneur », c’est-à-dire l’exclusion du groupe, triomphe dans la conscience aristocratique européenne du XIVe siècle, la grande époque des romans de chevalerie. C’est en ce temps, précisément, que naissent les ordres de chevalerie, dernière expression d’un mythe social. Les souverains – tel le roi d’Angleterre, Edouard III qui, inspiré par le roman du roi Arthur et des chevaliers de la Table ronde, fonde en 1344 l’ordre de la Jarretière – voulurent réunir autour d’eux une compagnie très restreinte (les chevaliers de la Jarretière étaient quarante), recrutée par concours sur titre de prouesse, étroitement soudée par foi et serment et rassemblée, comme toutes les confréries de l’époque, autour d’une chapelle et de cérémonies liturgiques périodiques. Par là, ils entendaient récompenser leurs serviteurs les plus sûrs et proposer à toute leur noblesse un exemple de vertu et de loyalisme. Leur initiative fut sans cesse reprise au cours des siècles. Après tant de révolutions, les ordres de chevalerie vivent encore aujourd’hui. Avec les rémanences de certaines convenances mondaines et ce qui subsistait encore récemment de respect pour le métier des armes, ces institutions constituent, dans la civilisation de notre temps, le résidu le plus tenace d’un état social qui, entre le XIe et le XIIIe siècle, a marqué de son empreinte, plus vigoureusement peut-être que tout autre, l’histoire de la civilisation européenne.
chevalerie [ ʃ(ə)valri ] n. f.
• 1165; de chevalier
1 ♦ Institution militaire d'un caractère religieux, propre à la noblesse féodale. Les règles de la chevalerie étaient la bravoure, la courtoisie, la loyauté, la protection des faibles (⇒ chevaleresque) . Romans de chevalerie : œuvres d'imagination où sont décrits les exploits, les mœurs, les amours des chevaliers.
2 ♦ Le corps des chevaliers. L'élite de la chevalerie.
3 ♦ Au Moyen Âge, Ordre militaire et religieux institué pour combattre les infidèles. Ordre de chevalerie du Saint Sépulcre.
♢ Ordre de chevalerie : institution créée pour récompenser le mérite, par des distinctions honorifiques. Être décoré de plusieurs ordres de chevalerie.
● chevalerie nom féminin (de chevalier) Institution militaire féodale qui rassemblait les combattants à cheval, puis les nobles, et à laquelle on accédait par la cérémonie de l'adoubement ; corps des chevaliers, cavalerie noble. Noblesse de souche. Littéraire. Hardiesse généreuse et romanesque. ● chevalerie (expressions) nom féminin (de chevalier) Ordre de chevalerie, au Moyen Âge, corps de chevaliers chargés, à l'origine, de la défense des Lieux saints ; aujourd'hui, dignité ou décoration instituée pour récompenser certains mérites particuliers. Roman de chevalerie, nom donné aux œuvres narratives en prose qui reprenaient les aventures des chansons de geste et des romans courtois des XIe-XIIIe s.
chevalerie
n. f.
d1./d FEOD Institution militaire propre à la féodalité; rang, qualité de chevalier. La cérémonie de l'adoubement consacrait l'accession de l'écuyer à la chevalerie.
|| (Collectif) Ensemble des chevaliers.
d2./d FEOD Ordres de chevalerie, consacrés à la défense des Lieux saints et des pèlerins (l' ordre du Saint-Sépulcre, l' ordre de Malte).
|| Mod. Distinction honorifique instituée par différents états.
⇒CHEVALERIE, subst. fém.
A.— Moy. Âge. Institution militaire à caractère religieux propre à la noblesse et exigeant de ses membres, certaines qualités telles que courage, loyauté, protection des faibles, courtoisie envers les femmes... :
• 1. La chevalerie ne ressemble guère, en fait, à la féodalité, cependant elle en est la fille; c'est de la féodalité qu'est sorti cet idéal des sentimens élevés, généreux, fidèles.
GUIZOT, Hist. gén. de la civilisation en Europe, 1828, p. 33.
♦ Roman de chevalerie. Œuvre relatant la vie des chevaliers.
• 2. [Arthur :] ... toi qui ne rêves qu'aux antiques prouesses de la chevalerie errante, ne vois-tu pas que tu es un noble preux, condamné par ta dame à de rudes épreuves pour avoir manqué aux lois de la galanterie...
G. SAND, Mauprat, 1837, p. 209.
B.— P. méton.
1. Grade, qualité de chevalier. Conférer la chevalerie à un noble :
• 3. Tout pressé qu'il [le duc] était, il voulut se faire armer chevalier de la main de Messire de Luxembourg; puis lui-même conféra la chevalerie à Philippe de Saveuse, ...
BARANTE, Hist. des ducs de Bourgogne, t. 4, 1824, p. 341.
2. Corps des chevaliers :
• 4. Après avoir battu près d'Andjar un corps d'armée damasquin, Baudouin ramena « à grand joie » sa chevalerie jusqu'à Tyr où le butin fut partagé.
GROUSSET, L'Épopée des croisades, 1939, p. 213.
♦ Chevalerie de mer :
• 5. Il y a une belle capitulation entre Henri IV et Saint-Malo : (...). Rien ne ressemblait davantage à Venise (au soleil et aux arts près) que cette petite république Malouine par sa religion, ses richesses et sa chevalerie de mer.
CHATEAUBRIAND, Mémoires d'Outre-Tombe, t. 1, 1848, p. 43.
♦ La fleur, la fine fleur de la chevalerie. L'élite des chevaliers :
• 6. Autrefois périt devant Saint-Jean-d'Acre la fleur de la chevalerie, sous Philippe-Auguste.
CHATEAUBRIAND, Mémoires d'Outre-Tombe, t. 2, 1848, p. 355.
— P. ext. Ordre militaire et religieux. Ordre de chevalerie de Malte, du Temple :
• 7. La puissance de ces chevaleries, ainsi les nommait-on [les ordres militaires espagnols] était encore augmentée par les alliances qu'elles faisaient entre elles.
MÉRIMÉE, Histoire de Don Pèdre Ier, roi de Castille, 1848, p. 23.
• 8. Si j'osais, je dirais que faire représenter, en 1954, des pièces touchant les problèmes du jansénisme ou ceux des ordres de chevalerie, cela n'est pas sérieux.
MONTHERLANT, Notes de théâtre, 1954, p. 1087.
♦ Mod. Ordre honorifique. Ordre de chevalerie de Saint-Louis, de saint Michel :
• 9. ... il les emporte en mer comme des décorations [ces amours], des ordres de chevalerie qui vous parent sans vous entraver.
J. DE LA VARENDE, Le Maréchal de Tourville et son temps, 1943, p. 8.
— Fig.
a) Noblesse d'idées et de sentiments :
• 10. Repensant cette nuit à la figure de Blum — à laquelle je ne puis dénier ni noblesse, ni générosité, ni chevalerie, (...) il me paraît que cette sorte de résolution de mettre continûment en avant le Juif de préférence et de s'intéresser de préférence à lui, (...) vient d'abord de ce qu'un Juif est particulièrement sensible aux qualités juives; ...
GIDE, Journal, 1914, p. 396.
• 11. Zèphe avait regardé la lutte avec lucidité, mais sans vouloir intervenir. À cet instant-là, il était libre de gagner la porte et d'appeler à l'aide, mais la menace éveillait en lui, au plus profond de la bête, un certain sentiment de chevalerie : il acceptait que l'affaire se déroulât dans un ordre convenu.
AYMÉ, La Jument verte, 1933, p. 299.
♦ Loc. Être sur un pied de chevalerie; par chevalerie; se piquer de chevalerie. — Mon cher marquis, reprit de Beuvu, vous vous êtes toujours piqué de chevalerie, je le sais (G. SAND, Les Beaux Messieurs de Bois-Doré, 1858, p. 315) :
• 12. Entre les deux généraux en chef rivaux [Villars et Marlborough], les procédés d'ailleurs étaient sur un pied de chevalerie courtoise.
SAINTE-BEUVE, Causeries du lundi, t. 13, 1851-62, p. 98.
• 13. À ce qui touche ses amours... il [Chateaubriand] est très discret par soi-disant bon goût, par chevalerie, par convenance demi-mondaine, demi-religieuse...
SAINTE-BEUVE, Causeries du lundi, t. 2, 1851-62, p. 145.
b) Rare, péj.
♦ Chevalerie d'industrie (cf. chevalier II B 2) :
• 14. Il [le colonel] avait sauté un des premiers sur la brèche de Constantine. Beaucoup de bravoure et de bassesse. Aucune chevalerie, que d'industrie.
HUGO, Histoire d'un crime, 1877, p. 5.
♦ Chevalerie + compl. introd. par de (cf. chevalier II B 2 p. anal.). Désigne quelque chose de plus ou moins honnête :
• 15. — Tous les noms de chiens... désignent des chiens de chasse, la noblesse du chenil, la chevalerie de la canaille.
A. FRANCE, L'Anneau d'améthyste, 1899, p. 169.
Prononc. et Orth. :[()]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. Ca 1100 « exploit chevaleresque » (Roland, éd. J. Bédier, 595); « qualités du chevalier » (ibid., 3074); 1165-70 « qualité, état de chevalier » (WACE, Rou, éd. H. Andresen, II, 3913); d'où 1160 maintenir chevalerie « se conduire en chevalier » (Eneas, éd. J.-J. Salverda de Grave, 2667); 1155 « ensemble de chevaliers » (WACE, Brut, éd. I. Arnold, 9801); 1165-70 flor de la chevalerie « élite des chevaliers » (WACE, Rou, éd. H. Andresen, III, 10185 ds KELLER, p. 168b); 2. a) ca 1180 désigne un ordre milit. ordenes de la cevalerie (Moniage Guillaume, éd. W. Clœtta, 2e rédaction, 640); b) av. 1648 désigne les chevaliers de l'ordre (VOI. l. 85 ds RICH.); 3. 1798 chevalerie « extraction, noblesse de race » (Ac.). Dér. du rad. de chevalier; suff. -erie. Voir J. Flori ds Le Moyen Âge, t. 81, 1975, pp. 211-219. Fréq. abs. littér. :437. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 1 126, b) 373; XXe s. : a) 226, b) 561. Bbg. STEFENELLI (A.). Der Synonymen-reichtum der altfranzösischen Dichtersprache. Wien, 1967.
chevalerie [ʃ(ə)valʀi] n. f.
ÉTYM. V. 1165; « exploit chevaleresque », 1080; de chevalier.
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A Hist.
1 Institution militaire d'un caractère religieux, propre à la noblesse féodale. || Les règles de la chevalerie étaient la bravoure, la courtoisie, la loyauté, la protection des faibles (⇒ Chevalier). || Les siècles de la chevalerie. || Actes de chevalerie. ⇒ Chevaleresque. — Chevalerie errante : les chevaliers errants. — Romans de chevalerie : œuvres d'imagination où sont décrits les exploits, les mœurs, les amours des chevaliers. || La bibliothèque bleue comprenait de nombreux romans de chevalerie. || Don Quichotte, grand lecteur de romans de chevalerie.
1 La chevalerie, à son origine, était une institution sacrée, un ordre qui obligeait ses profès à des vœux solennels, à de nombreuses observances.
2 (La chanson de geste) a popularisé en le magnifiant un nouvel idéal de chevalerie (…)
Pierre Gaxotte, Hist. des Français, t. I, p. 276.
2 Le corps des chevaliers, la cavalerie noble. || L'élite, la fleur, la fine fleur de la chevalerie.
3 Ordre militaire et religieux institué pour combattre les infidèles. → Ordre, cit. 39. || Ordre de chevalerie du Saint-Sépulcre.
B Mod. Distinction honorifique (instituée dans divers États). || Être décoré de plusieurs ordres de chevalerie.
3 L'anoblissement (à la fin de l'ancien régime) peut résulter de la collation d'un ordre de chevalerie, par exemple de la croix de Saint-Louis; c'est une survivance de la chevalerie du moyen âge.
Fr. Olivier-Martin, Précis d'hist. du droit franç., p. 376.
Encyclopédie Universelle. 2012.