CHONDRICHTHYENS
Comme leur nom l’indique (du grec 﨑礼益嗀福礼﨟, cartilage, et 晴’ 﨑羽﨟, - 羽礼﨟, poisson) les Chondrichthyens sont des Poissons caractérisés d’abord par la quasi-absence de tissu osseux dans leur squelette interne, entièrement formé de cartilage, parfois calcifié. Mais de nombreux autres caractères anatomiques et physiologiques accusent leurs particularités par rapport aux poissons osseux.
Dès l’Antiquité, la distinction entre poissons osseux et cartilagineux avait frappé des naturalistes comme Aristote et Pline, mais jusqu’à une époque récente les Chondrichthyens, au sens moderne, furent constamment confondus avec les lamproies et les esturgeons dans des groupements systématiques artificiels. Bonaparte (1832-1841) reconnut clairement l’unité des Élasmobranches ou Chondrichthyens. Ce groupe, considéré par lui comme une sous-classe des Poissons, se subdivisait en Sélaciens (requins, raies) et en Holocéphales (chimères), distinction qui demeure parfaitement fondée.
Les Chondrichthyens, qui sont connus à l’état fossile dès le Dévonien, ont laissé des traces dans la plupart des terrains sédimentaires marins depuis cette époque. Leur passé géologique, comme leur importance appréciable dans la faune actuelle, témoigne de leur incontestable succès biologique. Ils sont représentés aujourd’hui par près de 2 000 espèces (on en découvre encore de nouvelles), constituées souvent de populations nombreuses. Ils comprennent le «requin-baleine», le plus grand des «poissons» actuels, et certains sont parmi les plus rapides nageurs. De plus, leur importance écologique dans la faune marine et leur intérêt économique ne sont pas négligeables.
1. Anatomie sommaire
On distinguera trois types morphologiques principaux (fig. 1). Parmi les Sélaciens, les requins, allongés et à fentes branchiales latérales (Pleurotrèmes) s’opposent aux raies, aplaties et à fentes branchiales ventrales (Hypotrèmes). D’intéressants intermédiaires morphologiques (fig. 6) relient d’ailleurs ces deux séries. Enfin les chimères (Holocéphales) s’opposent aux Pleurotrèmes par leur tête plutôt haute et non aplatie, leur bouche petite, leur pseudo-opercule recouvrant les fentes branchiales, leur grande pectorale falciforme et leur caudale allongée en «fouet».
Le système nerveux central est notamment caractérisé par la présence d’un cervelet très bien développé, qui, malgré son architecture primitive, joue un rôle important dans la natation. Les nerfs crâniens ont une signification segmentaire générale chez tous les Vertébrés; les études de Balfour sur les Sélaciens l’ont largement élucidée. Le système de la ligne latérale est complété par des canaux sensoriels sur la tête, contenant de nombreux récepteurs sensoriels (neuromastes). D’autres récepteurs (ampoules de Lorenzini) sont particuliers aux Sélaciens, ils abondent sur le rostre. Le système de la ligne latérale, principalement barosensible, doit jouer un grand rôle dans la vie de relation.
Le cœur, qui comporte un cône cardiaque à valvules, est entièrement veineux, car le sang n’y passe qu’une seule fois au cours d’un cycle circulatoire, contrairement au cas des Vertébrés pulmonés. La particularité essentielle du tractus digestif est la présence d’une valvule spirale dans l’intestin: celle-ci augmente sa surface d’absorption. Le foie, souvent énorme, est riche en huile (squalène) et en vitamine A.
L’endosquelette est exclusivement cartilagineux. Le neurocrâne, organisé autour de l’encéphale et des capsules sensorielles, forme une boîte à peu près close. Le splanchnocrâne ventral est formé par des paires d’arcs cartilagineux. La première paire (arc prémandibulaire) s’intègre précocement pendant l’embryogenèse à la base du neurocrâne (trabécules). L’arc mandibulaire forme les mâchoires (cartilage palato-carré, dorsal, et mandibule ou cartilage de Meckel, ventral). L’arc hyoïdien, moins modifié, joue ou non un rôle dans l’attache de l’arc mandibulaire au neurocrâne (fig. 2), ce qui permet de définir différents modes d’attache du splanchnocrâne au neurocrâne, notion d’un grand intérêt évolutif et fonctionnel.
La nageoire pectorale (membre antérieur) comprend trois pièces cartilagineuses basales (fig. 3) formant le basipterygium. Elle répond donc au type polybasal [cf. MEMBRES].
Plus distalement, des baguettes cartilagineuses soutiennent le membre, ce sont les éléments radiaux. À la périphérie, il n’y a plus que des rayons dermiques (cératotriches) constitués d’élastoïdine, une protéine fibreuse proche du collagène. Chez les raies, les éléments du basipterygium s’allongent démesurément en avant et en arrière, et la ceinture pectorale est très modifiée. La structure des nageoires pelviennes et des nageoires impaires est comparable à celle des pectorales ou plus simple. Les nageoires pelviennes, ventrales, sont associées, chez les mâles, à des organes copulateurs pairs (myxoptérygies).
L’exosquelette n’est pas constitué de vastes plaques d’os dermique, chez les Sélaciens, mais est, au contraire, uniquement formé d’écailles et de dents isolées (fig. 4). Ces écailles, de même que les dents et épines (qui ont une structure identique) répondent au type placoïde, caractérisé essentiellement par son origine mixte, épidermo-dermique [cf. DENTS].
Le problème de la signification de l’état cartilagineux du squelette a fait l’objet d’interprétations diverses. Pour les anciens auteurs, imprégnés des conceptions haeckeliennes, l’état cartilagineux du squelette exprimait la position primitive des Chondrichthyens dans la phylogénie des Vertébrés. Au contraire, les conceptions modernes interprètent l’état cartilagineux comme une étape avancée d’une évolution régressive de l’ossification, réalisée à partir d’ancêtres plus ossifiés (Placodermes très primitifs en l’occurrence).
2. Évolution et classification
Les Chondrichthyens actuels sont répartis en deux grands groupes, les Élasmobranches et les Holocéphales, dont les caractères dérivés communs (synapomorphies) sont tels qu’il n’existe plus de doute quant à la monophylie, c’est-à-dire l’origine commune, du taxon qui les réunit.
Des restes de Chondrichthyens sont connus dans le Silurien d’Asie centrale. L’un des caractères utilisés dans la classification phylogénétique de ce groupe concerne l’endosquelette des nageoires; la condition la plus généralisée peut être observée chez Cladoselache du Dévonien supérieur américain (fig. 5): tous les rayons endosquelettiques situés en avant du métaptérygium s’attachent, indépendamment les uns des autres, sur la ceinture, sans l’intermédiaire de pièces basales. Chez les Chondrichthyens plus dérivés, ces rayons se segmentent et les éléments proximaux fusionnent entre eux pour constituer, avec le métaptérygium, deux (Holocéphales) ou trois (Élasmobranches) plaques basales au niveau des pectorales; sur le basiptérygium ainsi formé s’articulent les éléments distaux (ou radiaux) de l’endosquelette de la nageoire (fig. 3).
Élasmobranches
Caractérisés par des nageoires pectorales tribasales, des dispositions particulières du squelette branchial, la présence d’un processus ectethmoïde et celle de deux épines en avant des nageoires dorsales, les Élasmobranches sont divisés en trois grands groupes monophylétiques:
– les Xénacanthides, principalement dévoniens, possèdent un neurocrâne dont la région occipitale est très allongée; le genre Xenacanthus du Permien européen était une formule dulçaquicole;
– les Hybodontes (Carbonifère-Crétacé) possèdent des dents larges, basses, plus ou moins broyeuses à plusieurs cuspides;
– les Néosélaciens, auxquels appartiennent les requins et les raies actuels, possèdent, avec les Hybodontes dont ils sont le groupe frère, des écailles placoïdes typiques sans croissance, une barre pubo-ischiatique et un axe métaptérygial perpendiculaire à l’axe du corps; leurs centres vertébraux sont calcifiés, et leurs condyles occipitaux pairs.
Les requins forment un groupe paraphylétique et leur morphologie générale, qui n’a que peu évolué depuis 400 millions d’années, n’est qu’un caractère généralisé pour l’ensemble du groupe et ne peut donc être invoquée pour preuve de leur monophylie: en fait, les raies sont les Néosélaciens les plus dérivés et plusieurs taxons constituent des intermédiaires morphologiques entre les requins et les raies.
Les requins: série des Pleurotrèmes
Chez les requins actuels qui conservent le plus grand nombre de traits généralisés, c’est-à-dire peu évolués (fig. 5), quelques genres (Hexanchus , Heptanchus , Chlamidoselachus et Heterodontus ) ont conservé divers caractères d’Élasmobranches généralisés comme l’amphistylie; Heterodontus , par exemple, est très comparable à Hybodus du Jurassique.
Les requins modernes typiques, ou Galéiformes, sont nombreux. Ils montrent le plus souvent un rostre, une anale et deux dorsales. Les requins-tapis, ou nourrices (Orectolobidés), sont des formes néritiques, inoffensives, des mers chaudes. Le «requin-baleine» (Rhincodon ), qui atteint 18 mètres, est pélagique et planctonophage. Les Lamnidés sont de grands carnassiers pélagiques; citons le requin blanc (Carcharodon ), de 10 mètres (fig. 1), «mangeur d’hommes», la taupe (Lamna ), très hydrodynamique, le renard (Alopias ), à la caudale extrêmement développée. Le pèlerin (Cetorhinus ), de 14 mètres, est planctonophage.
Les Scylliorhinidés comprennent les roussettes, petits «chiens de mer» côtiers. Parmi les Carcharinidés, citons le «peau-bleue» (Carcharias glaucus ), beau requin de 6 mètres qui suit les navires. Quelques espèces du genre (C. gangeticus et C. nicaraguaensis ) se sont adaptées à la vie en eau douce. Le requin-tigre (Galeocerdo ), le milandre, ou hâ (Eugaleus ), et l’émissole (Mustelus ) – ces deux derniers genres fréquentant nos côtes – appartiennent aussi à cette famille de grands prédateurs pélagiques. Les Galéiformes les plus évolués sont peut-être les curieux Sphyrnidés, ou requins-marteaux, dont certains individus atteignent 5 mètres de long.
Les Squaliformes n’ont pas de nageoire anale. Les plus connus sont les Squalidés, dont les deux dorsales sont précédées par un aiguillon. Citons l’aiguillat (Squalus acanthias ), le centrophore, qui vit à grande profondeur et est réputé pour la qualité de sa peau (chagrin), l’humantin, ou cochon de mer (Oxynotus ), néritique. Les liches (Scymnorhinidés), comparables aux squales, s’en distinguent par l’absence d’aiguillon devant les dorsales. Les Pristiophoridés, à six paires de fentes branchiales, ont acquis, par convergence, un aspect de poisson-scie.
Les raies et torpilles: série des Hypotrèmes
Les Pristidés ou poissons-scies (Pristis ), qui fréquentent les mers chaudes, atteignent 9 mètres de long; ils nagent, comme les requins, par ondulations latérales. Morphologiquement, ils constituent des formes intermédiaires entre les requins et les raies.
Les anges de mer (Squatinidés), Hypotrèmes benthiques, aplatis, à larges pectorales non soudées à la tête, ont déjà de nombreuses affinités morphologiques avec les raies et ne sont plus des Pleurotrèmes typiques (fig. 6).
La série des Hypotrèmes (fig. 6) commence par les guitares de mer (Rhinobatidés), morphologiquement encore très proches des Squatinidés, mais la pectorale, très grande, est soudée à la tête. Ce sont des animaux benthiques vivant dans les mers chaudes.
Les nombreuses espèces de raies typiques (Rajidés) mènent une vie surtout benthique. Elles nagent par ondulations des pectorales et manifestent de remarquables facultés d’homochromie. Les raies pastenagues, ou Trygon (Dasyatidés), sont redoutées pour leur aiguillon barbelé et venimeux situé à la base de la queue (fig. 7).
Les aigles de mer (Myliobatidés) sont des raies broyeuses de mollusques, comme en témoignent leurs curieuses dents «en pavé» (fig. 4). Les Manta , ou diables de mer (Mobulidés), raies géantes (8 mètres d’envergure, 3 tonnes), se distinguent des précédentes par leurs appendices préhensiles situés de part et d’autre de la gueule.
Les torpilles (Torpédinidés), ou raies électriques, ont des mœurs benthiques, comme la plupart des raies, mais en diffèrent par d’assez nombreux caractères anatomiques. Les organes électriques, réniformes, sont formés par des muscles modifiés formant des «électroplaques», montées en série, que l’animal commande par l’intermédiaire de gros nerfs issus du myélencéphale.
Holocéphales
Plus importante au Permo-Carbonifère que de nos jours, la sous-classe des Holocéphales est actuellement réduite à quelques espèces bathybenthiques vivant de 100 à 1 500 mètres de profondeur: les Callorhynques et les Chimères (Chiméroïdes).
Les Holocéphales sont caractérisés par des plaques dentaires broyeuses, formées de dentine columnaire, un synarcual sur lequel s’articule la nageoire dorsale, la présence d’une épine mobile en avant de celle-ci, l’existence de claspers frontaux et pelviens (tenaculum), des pectorales dibasales et des canaux sensoriels renforcés par des anneaux osseux. Outre leur morphologie, ils se distinguent des Élasmobranches, notamment par leur région occipitale de structure particulière, par l’holostylie (fig. 2), la présence de quatre paires de fentes branchiales seulement. Aux dents caduques des Élasmobranches s’opposent leurs plaques dentaires broyeuses permanentes (stadodontie). Des Chondrichthyens carbonifères à palatocarré libre et dents primitives se rapprochent des Holocéphales par leurs claspers frontaux et les anneaux des canaux du système latéral.
Bradyodontes
Exclusivement fossile, l’ensemble des Bradyodontes regroupe de nombreuses formes très variées – et souvent très mal connues – du Paléozoïque. Il s’agit vraisemblablement d’un groupe paraphylétique dont l’un des membres est à l’origine des Holocéphales actuels. Les dents (qui sont souvent les seuls éléments conservés) ont une structure histologique particulière. Elles sont simples et plurisériées; citons Helodus , d’aspect squaloïde. Il existait au Carbonifère une grande diversité de formes, tant au niveau de la morphologie générale que de celle des claspers frontaux.
Holocéphales
Les chimères, ou «rats» (fig. 1), sont connues dès le Jurassique et persistent actuellement avec trois familles différant par la disposition du rostre et des plaques dentaires. Les dents sont, en effet, soudées en plaques à la fois coupantes et broyeuses. Les mâles, beaucoup plus petits que les femelles (celles-ci atteignent 2 mètres), s’accouplent avec elles en s’aidant de claspers pelviens (tenaculum). Les femelles sont ovipares.
Chondrichthyens «incertae sedis»
Trois groupes de Chondrichthyens fossiles sont difficilement rapprochés des grands ensembles déjà cités:
– les Édestides (du Carbonifère au Trias inférieur) possédaient, comme Cladoselache , des rayons non segmentés au niveau des nageoires pectorales, ce qui les exclut de l’ensemble Élasmobranches-Holocéphales. Ils étaient caractérisés par des spirales dentaires localisées, l’une sur la symphyse mandibulaire, les deux autres à la mâchoire supérieure, et ils étaient dépourvus de nageoires anale et pelviennes;
– les Pétalodontides (Carbonifère et Permien) étaient des Chondrichthyens massifs ayant l’apparence générale d’une rascasse; ils possédaient des dents en forme de pétale, dont la disposition a été mise en avant pour arguer de leur parenté avec les Édestides ; le genre Janassa (fig. 8), autrefois classé parmi les Bradyodontes, appartient en fait à ce groupe;
– les Inioptérygiens (Carbonifère) ne possédaient ni dorsales ni pelviennes, et leurs nageoires pectorales étaient en position très haute.
3. Affinités
Si la position phylogénétique des Chondrichthyens parmi les différents groupes de Gnathostomes est encore sujet à débats, les discussions qui portaient sur leur monophylie ont débouché sur un consensus: le caractère naturel de ce groupe semble désormais bien établi, en particulier sur la base d’un endosquelette, cartilagineux certes (caractère primitif), mais tapissé de cartilage calcifié prismatique, ce qui est une spécialisation partagée par les Élasmobranches aussi bien que par les Holocéphales et par nul autre groupe de Gnasthostomes.
L’hypothèse lancée par Stensiö selon laquelle les raies descendraient d’un groupe de Placodermes est actuellement abandonnée. Par contre, la position de deux groupes de Gnasthostomes fossiles par rapport aux Chondrichthyens est encore l’objet de controverses:
– les Placodermes sont fréquemment traités comme le groupe frère des Chondrichthyens avec lesquels ils constitueraient le groupe des Élasmobranchiomorphes; cette hypothèse s’appuie en particulier sur l’existence de pédoncules oculaires et d’un métaptérygium pelvien modifié en «clasper»; par contre, d’autres caractères liés au squelette dermique de la ceinture pectorale, du toit crânien et du palais plaident en faveur d’une plus proche parenté des Placodermes avec les Ostéichthyens (cf. PLACODERMES, POISSONS);
– les Acanthodiens posent le même problème; Jarvik a voulu voir en eux des Élasmobranches, mais cette thèse est difficilement soutenable; la présence d’otolithes dans l’oreille interne et le schéma de la circulation artérielle à la base du crâne laissent penser que les Acanthodiens pourraient être le groupe frère de tous les autres Gnathostomes (cf. ACANTHODIENS, POISSONS).
4. Quelques particularités biologiques
Osmorégulation
Contrairement à la plupart des poissons osseux, tous les Chondrichthyens ont un milieu intérieur très riche en urée. Ce produit de dégradation du métabolisme azoté est activement réabsorbé dans le rein au niveau tubulaire. Cette forte urémie physiologique est un élément essentiel de l’osmorégulation de ces animaux: en élevant la pression osmotique du milieu intérieur jusqu’à une valeur hypertonique par rapport à l’eau de mer, elle permet à l’eau d’être absorbée au niveau des branchies sans dépense d’énergie métabolique (fig. 9).
Les Téléostéens marins, au contraire, ont un milieu intérieur hypotonique et tendent à perdre de l’eau. Ils ne peuvent maintenir leur équilibre hydrique qu’en avalant de grandes quantités d’eau de mer qui est absorbée et dessalée au niveau des branchies et des reins, au prix d’une dépense énergétique. Ni les uns ni les autres ne peuvent toutefois excréter une urine qui serait plus concentrée en solutés que leur plasma sanguin.
Reproduction
Hormis la fécondation interne pratiquée par tous les Chondrichthyens (et facteur possible de leur succès biologique), la reproduction suit des modalités variées. On trouve chez eux tous les intermédiaires entre l’oviparité et une placentation comparable, au moins dans sa signification physiologique et écologique, à celle des Mammifères. Chez les raies proprement dites (Raja ), les Heterodontus , requins-tapis et roussettes, l’oviparité est la règle. La modalité de reproduction la plus fréquente est pourtant la viviparité aplacentaire, pratiquée notamment par Hexanchus , certains requins-marteaux, tous les Squaliformes, les poissons-scies, Trygon , Manta et torpilles. Dans ce cas, les embryons absorbent in utero – par des modalités très variées – des sécrétions nutritives de la paroi utérine: c’est un premier stade dans l’acquisition de rapports trophiques entre la mère et l’embryon. Chez quelques Lamnidés (Lamna , Isurus ), les embryons se nourrissent des œufs non fécondés qui parviennent dans l’utérus; l’estomac de ces embryons oophages est distendu, énorme, tandis que leur vésicule vitelline est très réduite. Enfin, certains Carcharinidés (Mustellus mustellus ) et Sphyrnidés (requins-marteaux) montrent une viviparité placentaire véritable: des villosités du sac vitellin (placenta vitellin) s’engagent dans des cryptes de la paroi utérine et l’apport trophique maternel se fait à ce niveau.
Ainsi les modalités diverses de la reproduction ne se superposent-elles nullement à la classification du groupe: ces modalités reproductrices variées ont dû se développer indépendamment, par évolution parallèle dans diverses familles, probablement en liaison avec des adaptations écologiques. D’une façon très générale, les espèces benthiques et néritiques sont souvent ovipares et beaucoup d’espèces pélagiques sont vivipares.
Comportement
Le comportement des Chondrichthyens a intéressé l’homme de tout temps, ne serait-ce qu’en raison du danger éventuel que représentent les requins (l’étymologie bien connue du mot – de requiem – dit assez leur détestable réputation). Le problème, pourtant, est entièrement renouvelé depuis que l’usage du scaphandre autonome permet d’étudier ces animaux dans leurs conditions naturelles. Il est très probable que le comportement des squales est plus élaboré qu’on ne le supposait autrefois; il doit varier au niveau spécifique et même peut-être individuel. D’autre part, un «effet de groupe» très net aurait dans certaines circonstances une action déterminante sur le comportement. De ce point de vue, on peut parler dans une certaine mesure d’un «comportement social» chez les Sélaciens. On admet, par exemple, que les renards (Alopias ) chassent en groupe, de manière apparemment concertée, utilisant des «tactiques» pour capturer le poisson. Parmi les phénomènes de comportements sociaux les plus clairement mis en évidence, on relève surtout une tendance générale à se rassembler en communautés regroupant des individus de même taille; la tendance, chez les adultes de certaines espèces, à se rassembler en communautés de même sexe (sauf au moment de la reproduction); chez les grandes espèces à denture puissante, l’inhibition des réflexes de morsure et du besoin de s’alimenter pendant la période de reproduction (ce qui leur éviterait de se blesser gravement avant et pendant l’accouplement), et enfin une inhibition du même genre chez les femelles gravides prêtes à mettre bas dans les zones où sont concentrés les jeunes (nursery-grounds ). L’acquisition d’un tel comportement paraît liée à la viviparité.
chondricht(h)yens
n. m. pl. ZOOL Classe de poissons à squelette cartilagineux (poissons cartilagineux) comprenant, notam., les sélaciens.
— Sing. Un chondricht(h)yen.
Encyclopédie Universelle. 2012.