ilote [ ilɔt ] n.
• 1568; lat. ilota, gr. heilôs, ôtos
1 ♦ Habitant de Laconie réduit en esclavage par les Spartiates. Les Spartiates enivraient leurs ilotes pour dégoûter leurs enfants de l'ivrognerie. — On écrit aussiHILOTE.
2 ♦ Fig. (1819) Littér. Personne asservie, réduite au dernier degré de la misère, de l'ignorance.
● hilote ou ilote nom masculin (grec heilôs, -otôs) Esclave public à Sparte. Littéraire. Personne réduite au dernier degré d'ignorance ou de soumission.
⇒ILOTE, subst.
A. — [Dans l'Antiq.] Esclave des Spartiates, principalement chargé des travaux ruraux, et dont la condition était, selon les historiens grecs, très pénible :
• Clemenceau disait avec sa concision laconique qu'Homère était le poète des Lacédémoniens, parce qu'il prêche la guerre, et Hésiode celui des Ilotes, parce qu'il prêche l'agriculture. À Sparte, Hésiode pour avoir chanté l'agriculture, était regardé comme le poète des Ilotes.
BARRÈS, Cahiers, t. 4, 1904, p. 25.
— [P. réf. à la tradition selon laquelle les Spartiates enivraient les ilotes pour inciter, par le spectacle qu'ils donnaient, les enfants à la sobriété] Ilote ivre. Allan me jeta ici (...) un coup d'œil glacial, amusé, imperceptiblement dédaigneux, — et je me sentis soudain l'ilote ivre toisé par un fils de prince, un fils de roi, par un des égaux (GRACQ, Beau tén., 1945, p. 147). Comme les Spartiates montraient à leurs fils un ilote ivre, il arrive que je lui montre mon pays, pour qu'elle voie ce qu'elle ne doit pas être (MONTHERL., Maître Sant., 1947, II, 1, p. 624).
B. — P. anal.
1. Personne en état de dépendance vis-à-vis d'une autre personne. Ma belle-mère aussi serait supportable. Cette malheureuse ilote, absolument terrorisée par les gros sourcils noirs et la barbe blanche de son vieux fleuve d'époux (COPPÉE, Vingt contes nouv., t. 2, 1883, p. 142). Il avait chargé son ilote d'acheter le somptueux vêtement japonais (COLETTE, Fin Chéri, 1926, p. 217).
2. Personne réduite à la misère, à la déchéance physique ou morale. Sénécal continuait : l'ouvrier, vu l'insuffisance des salaires, était plus malheureux que l'ilote, le nègre et le paria, s'il a des enfants surtout (FLAUB., 1re Éduc. sent., 1845, p. 176). Des nations entières sont devenues des espèces d'ilotes par l'usage immodéré de ces stimulants [tels que l'opium] et par celui des liqueurs fortes (DELACROIX, Journal, 1849, p. 274).
REM. Ilotiser, verbe trans. Réduire à l'état d'ilote. Nous serons très prochainement, nous chrétiens, domestiqués, ilotisés, réduits en servitude (GONCOURT, Journal, 1886, p. 562).
Prononc. et Orth. : []. Att. ds Ac. dep. 1798. Formes hilote (LITTRÉ, Lar. Lang. fr.) et hélote (Lar. 20e). Étymol. et Hist. 1. Av. 1593 hist. gr. (AMYOT, trad. de Plutarque d'apr. Ritter ds B. Inst. genevois, t. 36, p. 440); 1595 (MONTAIGNE, Essais, éd. A. Thibaudet, I, III, p. 35); 1794 fig. ilote ivre (CHÉNIER, Bucoliques, p. 214); 2. 1788 (LANJUINAIS, Le Préservatif, I, p. 145 ds BRUNOT t. 6, p. 132, note 1 : d'exclusions en exclusions, nous deviendrons peu à peu comme des « Ilotes » chez les Spartiates); 1793 « personne opprimée » (ROBESP., Discours, Marc d'argent, t. 7, p. 168). Empr. au lat. Ilotae (gr. , -, plur. ) « Les Ilotes », habitants de Laconie réduits à l'esclavage par les Spartiates, envahisseurs doriens. Fréq. abs. littér. : 67.
ilote [ilɔt] n.
ÉTYM. 1568; lat. ilota, grec heilôs, ôtos, même sens.
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♦ Didactique ou littéraire.
1 Antiq. grecque. Habitant de Laconie réduit en esclavage par les Spartiates, envahisseurs doriens (on écrit aussi hilote). || Les ilotes (hilotes) étaient astreints à cultiver les champs de leurs maîtres, à leur verser des prestations, à les suivre à la guerre comme serviteurs. || Une ilote. || Les révoltes des ilotes.
1 L'abus extrême de l'esclavage est lorsqu'il est, en même temps, personnel et réel. Telle était la servitude des ilotes chez les Lacédémoniens; ils étaient soumis à tous les travaux hors de la maison, et à toutes sortes d'insultes dans la maison : cette ilotie est contre la nature des choses.
Montesquieu, l'Esprit des lois, XV, 10.
2 (…) Sparte était forcée d'armer (…) même ses hilotes; elle savait bien (…) qu'il lui faudrait, au retour de l'armée, ou subir la loi de ses hilotes, ou (…) les faire massacrer sans bruit.
Fustel de Coulanges, la Cité antique, p. 386.
2.1 Un riche Lacédémonien nommé Kténas avait à son service un grand nombre d'ilotes.
Raymond Roussel, Impressions d'Afrique, p. 423.
♦ Les Spartiates enivraient leurs ilotes pour inciter leurs enfants à la sobriété. — ☑ Loc. fig. (1794). L'ilote ivre : personne qui a un vice dont le spectacle en préserve les autres.
3 Il est permis de soûler les ilotes pour guérir de l'ivrognerie les gentilshommes.
Baudelaire, l'Art romantique, XXIII.
4 (…) il joue pour moi le rôle de l'ilote, ivre du vin dont j'aurais tendance à me soûler.
Gide, Attendu que…, p. 19.
2 (1823, Boiste; « opprimé », 1793, Robespierre). Littér. Personne asservie, réduite au dernier degré de la misère, de l'ignorance. || De pauvres ilotes absolument incultes. ⇒ Béotien.
5 Insensiblement, Céleste prit une attitude passive et fut ce que Brigitte la voulait, une ilote.
Balzac, les Petits bourgeois, Pl., t. VII, p. 85.
6 Je suis un ilote. Qui me donnera la liberté ? Qui me sauvera de la déchéance ? Qui pourra me rendre la grâce perdue ?
G. Duhamel, Salavin, I, XXI.
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DÉR. Ilotie, ilotisme.
Encyclopédie Universelle. 2012.