incommensurable [ ɛ̃kɔmɑ̃syrabl ] adj.
• 1361, rare av. XVIIIe; bas lat. incommensurabilis
1 ♦ Math. Se dit de grandeurs qui n'ont pas de mesure commune, dont le rapport ne peut donner de nombre entier ni fractionnaire. ⇒ irrationnel. La racine carrée de 2 est incommensurable avec l'unité. — Absolt Nombres incommensurables : nombres réels qui ne sont pas rationnels (nombres irrationnels, algébriques généraux, et transcendants). (= 1,414213...), π (= 3,141592...) sont des nombres incommensurables.
2 ♦ Littér. Qu'on ne peut mesurer, évaluer, par manque de commune mesure. ⇒ irréductible. « la sensation des littératures est chose personnelle, irréductible, incommensurable » (Bourget).
3 ♦ Cour. Qui ne peut être mesuré, qui est très grand. ⇒ démesuré, illimité, immense. « l'onde incommensurable » (Hugo). Une bêtise incommensurable. Je fus pris « d'une incommensurable rage » (Baudelaire). — Subst., didact. L'incommensurable : l'infini. — Adv. INCOMMENSURABLEMENT , 1850 .
⊗ CONTR. Commensurable, mesurable, petit.
● incommensurable adjectif (bas latin incommensurabilis) Qui est d'une étendue, d'une grandeur si considérable qu'elle ne peut être mesurée : Il est d'une bêtise incommensurable. ● incommensurable (difficultés) adjectif (bas latin incommensurabilis) Emploi 1. Incommensurable = se dit d'une grandeur sans commune mesure avec une autre, d'une chose étrangère à une autre. « La vie, cette fameuse vie, que les gens estiment si précieuse, supérieure à tout, incommensurable avec les autres biens »(R. Rolland). 2. Incommensurable = qui est d'une étendue, d'une grandeur telles qu'on ne peut les évaluer. « [Le] vaste monde, brÛlant, sauvage, incommensurable »(R. Rolland). Dans ce sens, incommensurable est synonyme de immense, et a remplacé immesurable et immensurable, aujourd'hui inusités dans la langue courante. ● incommensurable (expressions) adjectif (bas latin incommensurabilis) Quantité incommensurable, en arithmétique, quantité qui n'est pas commensurable à une autre. ● incommensurable (synonymes) adjectif (bas latin incommensurabilis) Qui est d'une étendue, d'une grandeur si considérable qu'elle ne...
Synonymes :
- démesuré
- énorme
- illimité
- immense
- infini
incommensurable
adj.
d1./d Qui ne connaît pas de limites. Sa bonté est incommensurable.
d2./d MATH Qualifie deux grandeurs de même nature qui n'ont pas de sous-multiple commun. (Ex.: la diagonale et le côté d'un carré.)
⇒INCOMMENSURABLE, adj.
A. — MATH. [En parlant de deux grandeurs] Qui n'ont pas de commune mesure, dont le rapport ne peut être exprimé par un nombre entier ou fractionnaire. La racine carrée de 2 est incommensurable avec l'unité; le côté d'un carré et sa diagonale sont incommensurables (Ac. 1878-1935). C'est ainsi que les Grecs, lorsqu'ils définirent les premiers le rapport des grandeurs avec assez de précision pour se poser le problème de l'existence de grandeurs incommensurables, semblent avoir cru et désiré que tous les rapports fussent rationnels, et avoir basé sur cette hypothèse provisoire la première ébauche de leurs raisonnements géométriques (Gds cour. pensée math., 1948, p. 309).
— En partic. [Pouvant qualifier un subst. au sing. et employé absol.] Qui est incommensurable avec l'unité. Une grandeur est incommensurable quand son rapport avec l'unité ne peut être exprimé par un nombre entier ou par une fraction (PRIVAT-FOC. 1870).
♦ P. méton. Nombre incommensurable. On dira (...) que le nombre qui mesure une longueur est commensurable ou incommensurable suivant que cette longueur est elle-même commensurable avec l'unité ou incommensurable avec l'unité. L'existence des nombres incommensurables ne pouvait être démontrée que par des recherches théoriques (E. BOREL, Paradoxes infini, 1946, p. 24).
— Emploi subst.
♦ Au masc. avec valeur de neutre. Ce qui est de l'ordre des grandeurs incommensurables. Quand, dans la géométrie, vous cherchez le rapport entre des lignes d'ordre différent, vous arrivez à l'incommensurable (P. LEROUX, Humanité, t. 1, 1840, p. 101).
♦ Au masc. et au fém. plur. Nombres, grandeurs incommensurables. Lors donc que les géomètres (...) se mettent en frais de raisonnements pour prouver que la proportion établie dans le cas de la commensurabilité subsiste encore quand on passe aux incommensurables (COURNOT, Fond. connaiss., 1851, p. 486).
B. — P. anal. [En parlant de deux choses ou de deux pers. évaluées conjointement] Qui sont sans rapport entre elles, sont de nature différente, ne peuvent être comparées ou assimilées. La duchesse de Guermantes (...) est délicieuse, très supérieure à ce que vous avez pu deviner. Mais enfin, elle est incommensurable avec sa cousine (PROUST, Guermantes 2, 1921, p. 565). L'attachement primordial à la vie interfère sans cesse avec cette impassible hiérarchie et tend à rendre incommensurables les valeurs entre elles (RICŒUR, Philos. volonté, 1949, p. 140) :
• 1. Soit littéraire ou banal, le lieu commun est un événement du langage qui, dès sa première apparition, nous ravit en esprit. Il nous semble prêter à mille sens divers, qui vont s'approfondissant. Tant la part spirituelle est en lui incommensurable à la part de mots et de matière, il paraît s'évader un instant des servitudes du langage, et nous nous évadons avec lui.
PAULHAN, Fleurs Tarbes, 1941, p. 172.
C. — P. ext. Qui ne peut pas être mesuré ou évalué. Les deux femmes restèrent droites, sans un mot, sans un regard (...). Ce fut long, ce fut rapide, incommensurable comme la minute où l'on meurt (A. DAUDET, Évangéliste, 1883, p. 289).
— En partic. Qui ne peut être mesuré ou évalué en raison de sa grandeur ou de son importance; immense, illimité, infini. D'énormes quartiers de viande et de venaison, des quantités incommensurables des plus fortes boissons, suffisaient pour les charmer (BRILLAT-SAV., Physiol. goût, 1825, p. 272). Il ne sentait plus que la pitié, une incommensurable pitié, en lui-même (...) comme un flot nouveau d'amour ressuscité, impétueux, qui emportait tout (VAN DER MEERSCH, Invas. 14, 1935, p. 269) :
• 2. Non, non, je n'épuiserai jamais ce qui est immense, infini, sans bornes; et tel est le sentiment que je sens en moi pour toi, j'en ai deviné l'incommensurable étendue, comme nous devinons l'espace, par la mesure d'une de ses parties.
BALZAC, L. Lambert, 1832, p. 171.
SYNT. Incommensurable abîme, univers; l'océan incommensurable; distance, espace, temps incommensurable; hauteur, profondeur incommensurable; foule incommensurable; un incommensurable ennui; une incommensurable bêtise; douleur, joie, orgueil incommensurable.
— Emploi subst. masc. sing. à valeur de neutre. L'infini. Les vents du large. D'où viennent-ils? De l'incommensurable. Il faut à leurs envergures le diamètre du gouffre. Leurs ailes démesurées ont besoin du recul indéfini des solitudes (HUGO, Travaill. mer, 1866, p. 323).
Prononc. et Orth. : [(m)]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1370-72 math. (ORESME, Ethiques, l. III, chap. 7, éd. A. D. Menut, p. 188); 2. 1768 p. ext. « très grand, infini » (DIDEROT, Salon de 1767, p. 304 : le tout en deviendra incommensurable, infini); 1810 subst. « l'infini » (STAËL, Allemagne, t. 2, p. 154). Empr. au b. lat. incommensurabilis, terme de math. dér. du b. lat. commensurabilis (commensurable), préf. in- (in-1). Trad. du gr. , attesté notamment chez Aristote. Fréq. abs. littér. : 202. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 323, b) 349; XXe s. : a) 219, b) 263.
DÉR. Incommensurablement, adv. D'une manière incommensurable; sans qu'on puisse mesurer la quantité envisagée ou estimer l'importance de la qualité considérée. Ce trésor incommensurablement riche de vies accumulées qu'est ma simple vie (ALAIN-FOURNIER, Corresp. [avec Rivière], 1905, p. 54). — [(m)]. — 1re attest. 1850 (MICHELET, Hist. de la Révolution fr., t. 5, p. 99); de incommensurable, suff. -ment2.
BBG. — DUCHÁ (O.). L'Interdépendance et l'interaction du contenu et de l'expr. Orbis. 1972, t. 21, p. 477. - QUEM. DDL t. 13.
incommensurable [ɛ̃kɔmɑ̃syʀabl] adj. et n. m.
ÉTYM. 1361, rare av. XVIIIe; bas lat. incommensurabilis, de in- (→ 1. In-), et commensurabilis. → Commensurable.
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1 Sc. Se dit de grandeurs qui n'ont pas de mesure commune, dont le rapport ne peut donner de nombre entier ni fractionnaire. || Le côté d'un carré et sa diagonale sont incommensurables. — (Avec un nom au sing.). || Incommensurable à, avec… || La racine carrée de 2 est incommensurable avec l'unité. — Spécialt. || Grandeur incommensurable (avec l'unité).
1 Or il y a (…) deux sortes de rapports; les uns qui peuvent être exprimés exactement par des nombres, soit entiers, soit rompus (fractionnaires); les autres, qu'on appelle incommensurables, et qui ne peuvent être exprimés par des nombres que d'une manière approchée, mais qui peuvent être représentés (…) par exemple, par les rapports d'une ligne à une autre.
d'Alembert, Éléments de philosophie, XIV, XI, Œuvres, t. I, p. 262.
♦ Absolt. || Nombres incommensurables : nombres réels qui ne sont pas rationnels, comprenant les nombres irrationnels, les nombres algébriques généraux, et les nombres transcendants.
♦ (= 1,414213…), π (= 3,141592…) sont des nombres incommensurables. || Un nombre incommensurable.
2 (…) il existe d'autres nombres que les nombres naturels et que les fractions ordinaires; ce sont les nombres que nous appellerons provisoirement les « nombres incommensurables ». Ceux-ci peuvent être identifiés à des nombres décimaux, qui ne se terminent jamais et dont les chiffres ne se reproduisent jamais dans le même ordre.
Marcel Boll, Étapes des mathématiques, p. 32.
3 Les nombres algébriques non rationnels et les nombres transcendants forment la famille des nombres incommensurables, par opposition à la famille des nombres commensurables ou rationnels. Dedekind, utilisant la théorie des ensembles, précisa la notion d'incommensurable en montrant que tout nombre de cette espèce peut être considéré comme une coupure dans l'ensemble des nombres rationnels.
René Taton, Hist. du calcul, p. 65.
2 (1738, Voltaire, in G. L. L. F.). Littér. Qu'on ne peut mesurer, évaluer, par manque de commune mesure. ⇒ Irréductible.
4 (…) j'ai pu apprécier à quel degré la sensation des littératures est chose personnelle, irréductible, incommensurable, pour emprunter un mot à sa science favorite, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de commune mesure entre les raisons pour lesquelles deux esprits goûtent ou repoussent un même écrivain.
Paul Bourget, le Disciple, p. 113.
5 Mais encore, réelle ou idéale, cette valeur est incommensurable : elle ne peut pas être mesurée par les unités de mesure dont dispose la société.
Valéry, Regards sur le monde actuel, p. 212.
♦ Didact. || Incommensurable avec qqch.
5.1 Au lieu d'une vie intérieure dont les phases successives, chacune unique en son genre, sont incommensurables avec le langage (…)
H. Bergson, Essai sur les données immédiates de la conscience, p. 178.
3 (1768, Diderot, in T. L. F.). Littér. (emploi non scientifique). Qui ne peut être mesuré, qui est très grand. ⇒ Démesuré, énorme, illimité, immense, immensurable, infini. || « L'amphithéâtre (cit. 5) incommensurable des neiges éternelles » (Chateaubriand). || Une bêtise incommensurable. — Souvent antéposé. || Une incommensurable pitié, colère, fureur…
6 Une brume couvrit l'onde incommensurable (…)
Hugo, les Contemplations, V, XV.
7 (…) je fus pris subitement d'une incommensurable rage contre ce magnifique imbécile (…)
Baudelaire, le Spleen de Paris, IV.
4 N. m. (1810, Mme de Staël). || L'incommensurable : l'infini (→ Inaccessible, cit. 15).
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CONTR. Commensurable, mesurable, petit.
DÉR. Incommensurablement. — V. Incommensurabilité.
Encyclopédie Universelle. 2012.