incurable [ ɛ̃kyrabl ] adj.
• 1314; bas lat. incurabilis
1 ♦ Qui ne peut être guéri. ⇒ inguérissable. « Pour ma maladie, elle est incurable, puisqu'elle date de quatre-vingts ans » (Voltaire). — Malade incurable. ⇒ condamné, fam. 2. fichu, perdu. Subst. Les incurables.
2 ♦ Fig. Les blessures incurables de l'amour-propre, de l'amour. « L'incurable mélancolie de ses beaux yeux » (Proust). — Ignorance, bêtise incurable. — (Personnes) Il est incurable : il ne changera jamais. ⇒ incorrigible.
⊗ CONTR. Curable, guérissable.
● incurable adjectif (latin incurabilis) Qui ne peut se guérir : Un mal incurable. Dont on ne peut se défaire, qui possède un défaut sans qu'on puisse l'en débarrasser : Une incurable paresse. Un ivrogne incurable. ● incurable (citations) adjectif (latin incurabilis) Émile Michel Cioran Răşinari, près de Sibiu, 1911-Paris 1995 Être moderne, c'est bricoler dans l'Incurable. Syllogismes de l'amertume Gallimard ● incurable (synonymes) adjectif (latin incurabilis) Qui ne peut se guérir
Synonymes :
- inguérissable
Contraires :
- curable
- guérissable
Dont on ne peut se défaire, qui possède un défaut...
Synonymes :
- invétéré
● incurable
adjectif et nom
Qui souffre d'une maladie, d'un mal qu'on ne peut guérir.
incurable
adj. et n.
d1./d Qui ne peut être guéri. Maladie incurable. Malade incurable.
|| Subst. Un(e) incurable.
d2./d Fig. Une bêtise incurable.
⇒INCURABLE, adj.
A. — Que l'on ne peut guérir. Synon. inguérissable; anton. curable, guérissable.
1. [En parlant d'une maladie, d'une affection, d'une infirmité] Plaie incurable; être atteint d'un mal incurable; incurable et mortel. L'abbé Scholaert se prit à tousser, longuement, difficilement, comme un vieil homme que tenaille un rude catarrhe incurable (DUHAMEL, Cécile, 1938, p. 242). Supposez que vous ayez une maladie grave ou incurable, un cancer sérieux ou une bonne tuberculose, vous n'attraperez jamais la peste ou le typhus (CAMUS, Peste, 1947, p. 1376) :
• 1. ... non. Vous savez trop qu'il n'y a rien à faire, que le cancer est là, implacable, incurable, avec son échéance aussi fatale que le retour du matin et du soir. Vous savez que mon mari est perdu.
BOURGET, Sens mort, 1915, p. 125.
2. [En parlant d'une pers.] Synon. condamné, fichu (fam.). Blessé, malade, paraplégique incurable. Deux ans plus tard elle entrait dans un état mélancolique qui maintenant tournait au délire. Les médecins la jugeaient incurable (JOUVE, Paulina, 1925, p. 101). Elle a sept ans, dit-elle avec quelque brusquerie. Elle est aveugle-née et incurable (COLETTE, Pays connu, 1949, p. 237) :
• 2. J'achève de vivre, en robe de chambre, dans l'appareil des grands malades incurables, au fond d'un fauteuil à oreillettes où ma mère a attendu sa fin; assis, comme elle, près d'une table couverte de potions, mal rasé, malodorant, esclave de plusieurs manies dégoûtantes.
MAURIAC, Nœud vip., 1932, p. 21.
— Emploi subst. Les incurables, les infirmes et les vieillards. J'imagine au contraire un incurable qui, se sachant condamné, décide de tirer le meilleur parti du temps qui lui reste et de vivre le plus agréablement possible (MARCEL, Journal, 1919, p. 201). Peuple immense des malades, auxquels les bien portants ne pensent jamais! Je parle des incurables, de ceux dont la maladie n'est pas un tunnel vite traversé (MAURIAC, Journal 1, 1934, p. 53). Nous comptions parmi nos curiosités (...) l'Hospice des Incurables pour les hommes, faubourg Saint-Martin (FARGUE, Piéton Paris, 1939, p. 28).
♦ P. ell. et p. méton. Les incurables. Service des incurables dans un hôpital; hospice d'incurables. As-tu dit à ta mère que je compte obtenir bientôt son admission aux Incurables de Bayeux? (ZOLA, Joie de vivre, 1884, p. 1003). Il montrait la vénérable chapelle du dix-septième siècle, conservée intacte, entre les bâtiments modernes de l'hôpital : « C'était l'église des Incurables, bâtie d'après les dessins de M. Gamard... » (BOURGET, Actes suivent, 1926, p. 138).
HIST. [Avec une majuscule] Hôpital charitable du XVIIe siècle qui se trouvait sur l'emplacement de l'actuel hôpital Laënnec, à Paris. Il [st Vincent de Paul] dépensait des millions, il construisait des édifices imposants, tels que la Salpêtrière et les Incurables (COPPÉE, Bonne souffr., 1898, p. 138).
B. — Au fig.
1. [En parlant d'un inanimé]
a) [En parlant d'une souffrance morale] Qui ne peut être effacé. Chagrin, tristesse incurable. La mort de M. de La Rochefoucauld avait laissé cette fidèle amie dans une incurable douleur, contre laquelle sa raison toujours si ferme et si saine devenait impuissante (SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t. 5, 1859, p. 390). De longs cheveux bruns encadraient ce visage mort attristé par un incurable ennui, un ennui espagnol, à la Philippe II (GAUTIER, Fracasse, 1863, p. 301) :
• 3. Et sans doute la femme qui se tenait devant moi, comme devant un juge, avait réellement vécu bien des années dans cette paix terrible des âmes refusées, qui est la forme la plus incurable, la moins humaine, du désespoir.
BERNANOS, Journal curé camp., 1936, p. 1160.
b) [En parlant d'un défaut] Dont on ne peut se débarrasser. Synon. incorrigible, invétéré. Caractère, vice incurable; ignorance, manie, stupidité, paresse, timidité incurable. La sottise humaine est incurable : Molière n'a corrigé personne (SANDEAU, Sacs, 1851, p. 1). Olivier, qui s'était engagé sur l'honneur à m'écrire, tint sa promesse aussi loyalement que son incurable inertie le lui permettait (FROMENTIN, Dominique, 1863, p. 201).
Rem. Par effet de style, l'adj. s'applique parfois à une qualité. Optimisme incurable. Cet homme n'était pas seulement resté jeune au physique, mais il avait gardé une incurable, une naïve confiance dans le bien (ROY, Bonheur occas., 1945, p. 54).
2. [En parlant d'une pers.] Qu'on ne peut corriger. Eddie Cantor, bavard incurable, n'intéresse, si l'on peut dire, que pour ce qui l'entoure : de jolies femmes et nombreuses (Arts et litt., 1936, p. 34-5) :
• 4. — Les timides! Je commence à les connaître. Il y en a qui sont incurables, même par la méthode des exercices. Ce sont les sadiques de la timidité. Ils doivent y prendre plaisir. D'autres sont de faux timides. Une leçon, deux leçons, et ils deviennent comme des lions.
DUHAMEL, Combat, 1939, p. 46.
— Incurable sur + subst. (rare). Mesdames, un deuxième conseil : ne vous mariez point (...) bah! qu'est-ce que je chante là? Je perds mes paroles. Les filles sont incurables sur l'épousaille (HUGO, Misér., t. 1, 1862, p. 175).
♦ Emploi subst. C'est un incurable. Puisque cet incurable était encore en retard, Mme Hachamoth avait décidé de partir seule (QUENEAU, Enf. du limon, 1938, p. 44).
Prononc. et Orth. : []. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1314 (Chirurgie Henri de Mondeville, éd. A. Bos, § 22). Empr. au b. lat. incurabilis de même sens, dér. de curabilis, v. curable. Fréq. abs. littér. : 432. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 513, b) 960; XXe s. : a) 629, b) 506.
DÉR. 1. Incurabilité, subst. fém., rare. Caractère d'un mal ou d'une infirmité incurable; état d'un malade incurable. Anton. curabilité. L'incurabilité de sa maladie a été reconnue par tous les médecins (Ac.). Comme la minceur des mollets exprime douloureusement la débilité du corps! Et pourtant, ces enfants sont gais, joueurs (...) mais leur insouciance ne réjouit pas précisément, elle oppresserait plutôt comme un signe d'incurabilité (FRAPIÉ, Maternelle, 1904, p. 28). Une légère infirmité même incurable ne rend pas inapte au service et une infirmité grave mais non incurable ne rend inapte que temporairement. Il faut donc justifier la gravité et l'incurabilité (LUBRANO-LAVADERA, Législ. et admin. milit., 1954, p. 74). L'incurabilité d'un malade (Lexis 1975). Au fig. Sans la bataille de Ratisbonne, c'en était fait de la liberté de l'Allemagne. J'espère que vous aurez peu vu de preuve aussi frappante de l'incurabilité des préjugés (J. DE MAISTRE, Corresp., t. 3, 1808, p. 281). — []. Att. ds Ac. dep. 1762. — 1re attest. 1707 (DIONIS, Cours d'opér. de chirurg., p. 385 ds DG); de incurable, suff. -(i)té. 2. Incurablement, adv. a) Rare. D'une manière incurable. Incurablement atteint, malade. Le vice et l'état morbide qui, en réalité, n'ont pas cessé de peser incurablement sur eux tandis qu'ils berçaient des rêves de sagesse ou de guérison (PROUST, Swann, 1913, p. 308). b) Au fig., littér. (souvent p. plais.). De façon irrémédiable, définitive. Incurablement bavard, heureux, jeune, paresseux, stupide. Notre raison, incurablement présomptueuse, s'imagine posséder par droit de naissance ou par droit de conquête, innés ou appris, tous les éléments essentiels de la connaissance de la vérité (BERGSON, Évol. créatr., 1907, p. 48). Le timbre sonne au-dessus de nous, et Gonzalez, incurablement en retard, s'envole vers sa loge (COLETTE, Music-hall, 1913, p. 64). Le théâtre d'Henry de Montherlant est incurablement égocentrique, et c'est là sa principale limite (MARCEL, Heure théâtr., 1959, p. 51). — []. Att. ds Ac. 1878 et 1935. — 1res attest. 1566 (H. ESTIENNE, Apol. pour Her., ch. 12 — I, 161 — ds HUG.), à nouv. 1834 (BOISTE); de incurable, suff. -ment2. — Fréq. abs. littér. : 29.
BBG. — GOHIN 1903, p. 345 (s.v. incurabilité).
incurable [ɛ̃kyʀabl] adj. et n.
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1 Qui ne peut être guéri. ⇒ Inguérissable. || Mal, maladie; blessure, plaie incurable. || Maladie grave (1. Grave, cit. 24) ou incurable.
1 Les blessures qu'elles (les flèches trempées dans le sang de l'hydre de Lerne) faisaient étaient incurables.
Fénelon, Télémaque, XII.
2 Pour ma maladie, elle est incurable, puisqu'elle date de quatre-vingts ans; c'est un mal qui m'empêche quelquefois d'être aussi exact que je le voudrais dans mes réponses.
Voltaire, Correspondance, 4088, 9 févr. 1774.
3 (…) la mort de Mlle Herminie de Stasseville, victime d'une maladie de langueur dont personne ne s'était douté qu'à la dernière extrémité, et quand la maladie avait été incurable.
Barbey d'Aurevilly, les Diaboliques, Le dessous de cartes…
4 (…) j'entendais, entre les bouts de phrase, sa respiration courte et rauque, comme celle d'un homme tourmenté par une bronchite incurable.
G. Duhamel, Salavin, I, XIII.
♦ (1538). Personnes. || Malade incurable. ⇒ Condamné, fichu (fam.), perdu. — N. (1636). || Les incurables. || Asile, hospice d'incurables, et, ellipt. (vx), les Incurables : l'hospice des incurables (construit en 1634), le quartier où il se trouvait (à Paris).
5 L'un demeure au Marais, et l'autre aux Incurables.
Boileau, Épîtres, VI.
2 (XIVe, Oresme, en parlant d'un défaut). Par métaphore ou fig. || Les blessures (cit. 7) incurables de l'amour-propre, de l'amour, etc. (→ Apercevoir, cit. 14; endroit, cit. 15). || Souffrance, douleur incurable. || Passion, amour incurable (vieilli). || Ennui (cit. 26), mélancolie, tristesse incurable. — Aveuglement, bêtise, ignorance, sottise incurable. ⇒ Incorrigible (→ Incompréhension, cit. 1). — REM. L'antéposition de l'adj. est stylistique, assez fréquente dans la langue littéraire.
6 D'un incurable amour remèdes impuissants !
Racine, Phèdre, I, 3.
7 Ô mes enfants, quelle maladie incurable que celle de l'ambition !
Marmontel, Mémoires, VIII.
8 (…) une faiblesse de caractère presque toujours incurable (…)
Laclos, les Liaisons dangereuses, CVI.
9 (…) l'incurable mélancolie de ses beaux yeux, le pessimisme de ses lèvres, l'infinie et noble lassitude de ses mains.
Proust, les Plaisirs et les Jours, p. 162.
10 Se convaincre, par mille observations morales, de l'imbécilité incurable de la nature humaine, de l'impuissance de l'homme à saisir quelque vérité que ce soit pour s'y appuyer, voilà la première préoccupation, impérieuse et ardente, de son esprit (Pascal).
Émile Faguet, Études littéraires, XVIIe siècle, p. 186.
♦ (V. 1361, Oresme). Personnes. || Il est incurable : il ne changera jamais. ⇒ Incorrigible. || Un incurable bavard, menteur.
11 Incurable vieux homme du vieux temps, et noble jusqu'aux moelles : son âme religieuse habite le temple désert.
André Suarès, Trois hommes, « Ibsen », p. 140.
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CONTR. Curable.
DÉR. Incurabilité, incurablement.
Encyclopédie Universelle. 2012.