CONTREBANDE
CONTREBANDE
Commerce de marchandises effectué en infraction aux lois fiscales et douanières d’un État qui a soit formellement prohibé, soit assujetti à des droits particuliers l’importation et l’exportation de ces marchandises. Par extension, on utilise le terme de contrebande pour la marchandise frauduleuse elle-même. De nombreux États ont réalisé une entraide en vue de la lutte et de la répression de certaines contrebandes (armes, tabac, alcool, viande). Une catégorie particulière de contrebande mérite de plus longs développements: il s’agit, en droit international, de la contrebande de guerre. Le terme «contrebande de guerre» désigne les objets ou marchandises qu’un État neutre ne peut transporter au bénéfice d’un belligérant sans violer les devoirs de la neutralité: elle est une exception au principe qui veut qu’un neutre puisse maintenir ses relations commerciales avec tous les États, qu’ils soient ou non en guerre. La déclaration de Paris (1856) est, sur ce point, parfaitement explicite: «le pavillon neutre couvre la marchandise ennemie à l’exception de la contrebande de guerre» (art. 2); «la marchandise neutre, à l’exception de la contrebande de guerre, n’est pas saisissable sous pavillon ennemi» (art. 3). Cette exception a pris, dès le début du siècle, une telle importance que le principe de liberté de commerce reconnu aux neutres s’est vu pratiquement vidé de son sens. La notion de contrebande de guerre apparaît, dès la première moitié du XIVe siècle, conjointement à celle de neutralité; Grotius y consacre d’abondants développements. Matière régie presque exclusivement par la pratique des États, la contrebande de guerre a vu son évolution marquée essentiellement par l’amenuisement des droits des neutres et l’extension de ceux des belligérants. Dégagée par Grotius, la distinction entre contrebande de guerre absolue (comprenant des marchandises à usage militaire exclusif: armes, munitions, effets militaires, etc.) et contrebande de guerre relative ou conditionnelle (visant les objets pouvant servir aux usages militaires comme aux usages pacifiques: vivres, tissus, etc.) a été reprise, sous forme de listes détaillées, par la déclaration de Londres (1909). Une pratique générale, désignée sous le nom de «théorie du voyage continu», permet de saisir une marchandise de contrebande absolue entre deux ports neutres, lorsque le second port ne constitue qu’une escale et que la destination définitive est le territoire ennemi. À la direction géographique (lorsque le navire fait route vers un port ennemi) s’ajoute, pour la contrebande conditionnelle, la preuve de son emploi par l’armée ou l’administration ennemies; cette preuve peut se faire par présomptions: transport vers un port neutre servant habituellement ou notoirement de port de transit à destination de l’État ennemi, accroissement anormal des importations des États neutres limitrophes. La théorie du voyage continu qui ne devrait pas, en principe, être appliquée à la contrebande conditionnelle lui a pourtant été étendue au cours des deux dernières guerres. Une marchandise dont la destination innocente a été établie ne peut être saisie; au cas où cette saisie aurait été opérée, il y aurait lieu à restitution. La sanction générale du transport de contrebande est la saisie. Un navire peut être confisqué in delicto seulement, c’est-à-dire durant le transport et non lors du voyage de retour, lorsque la contrebande chargée forme par sa valeur, son poids, son volume ou son fret plus de la moitié de la cargaison. L’État neutre couvrant de son pavillon le navire contrebandier ne peut être tenu pour internationalement responsable de ce délit; il lui est, cependant, impossible d’exercer à cette occasion sa protection diplomatique. Ainsi, le droit des neutres au libre commerce s’est vu fortement limité, voire même annihilé, par la forme des conflits armés actuels, dans lesquels la dimension purement militaire s’accompagne d’une volonté d’asphyxier économiquement l’adversaire.
contrebande [ kɔ̃trəbɑ̃d ] n. f.
• 1512; it. contrabbando « contre le ban »
♦ Introduction clandestine, dans un pays, de marchandises prohibées ou dont on ne règle pas les droits de douane, d'octroi. ⇒ fraude, trafic. Marchandises de contrebande, introduites, passées en contrebande. Faire de la contrebande; la contrebande du tabac, des armes.
♢ La marchandise elle-même. Vendre, acheter de la contrebande.
● contrebande nom féminin (italien contrabbando, contre le ban) Introduction clandestine, dans un pays, de marchandises prohibées ou soumises au paiement de droits de douane ou d'octroi. Commerce parallèle effectué en violation des lois et règlements établissant un monopole d'État. ● contrebande (citations) nom féminin (italien contrabbando, contre le ban) Cesare Bonesana, marquis de Beccaria Milan 1738-Milan 1794 Le délit [de contrebande] naît de la loi même qui l'interdit […]. Questo delitto nasce dalla legge medesima poiché […]. Dei delitti e delle pene, XXXIII ● contrebande (expressions) nom féminin (italien contrabbando, contre le ban) En contrebande, d'une manière illicite ou clandestine. Contrebande de guerre, objets qu'un neutre ne peut transporter pour le compte d'un belligérant sans violer la neutralité.
contrebande
n. f.
d1./d Importation clandestine de marchandises prohibées ou taxées. Faire de la contrebande. Syn. (Maghreb) trabendisme.
d2./d Marchandise introduite en contrebande.
⇒CONTREBANDE, subst. fém.
A.— Commerce frauduleux pratiqué en infraction aux lois d'un pays. En partic. Introduction dans un pays de produits prohibés, sans acquitter les droits d'entrée. Faire (de) la contrebande, se livrer à la contrebande; introduire, passer en contrebande; contrebande d'armes, de devises, de sel, de tabac; alcool, café, cigarettes de contrebande. Une romanesque contrebande de devises s'exerçait en barque d'une rive à l'autre du Rhin (NIZAN, Conspir., 1938, p. 70) :
• 1. Mouchette l'a reconnu tout de suite à l'odeur de son tabac de contrebande, un tabac belge parfumé à la violette et dont il apporte parfois au père une provision sous la forme d'une large brique couleur de feu, si dure qu'il faut la partager à coups de hachoir.
BERNANOS, Nouvelle Histoire de Mouchette, 1937, p. 1272.
— DR. INTERNAT. [Dans un conflit armé] Contrebande de guerre. Livraison par un neutre à un des belligérants de marchandises susceptibles d'avoir une utilisation militaire. Le 8 juin 1793, Pitt adjoignit les grains à la contrebande de guerre (LEFEBVRE, Révol. fr., 1963, p. 323).
♦ P. méton. Marchandise qui donne lieu à ce trafic. Dépêchez-vous de porter votre contrebande au bois, dépêchez-vous (ERCKMANN-CHATRIAN, Hist. paysan., t. 1, 1870, p. 190).
B.— P. ext. Activité secrète et illicite.
1. En/par contrebande, loc. adv. D'une façon secrète, illégale. Encore m'étais-je glissé par contrebande dans une famille anglaise, pour atteindre Paris plus tôt (LAS CASES, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 280). En arrivant ainsi en contrebande devant la maison paternelle, elle pousse un cri (GONCOURT, Journal, 1862, p. 1016).
2. De contrebande, loc. adj.
a) Vx. Personne de contrebande. Personne qui s'est introduite dans une société sans y être connue et qui, pour cela, inspire de la méfiance. Homme de contrebande, être de contrebande.
— P. méton. Visage de contrebande (cf. QUILLET 1965, Lar. encyclop., Lar. Lang. fr.).
b) Usuel. Qui est caché, prohibé, illégal. Ces idées étaient encore plus de contrebande pour le capitaine (STENDHAL, Brulard, t. 2, 1836, p. 483). Un cousin de contrebande, de mine par trop compromettante (ZOLA, Ventre Paris, 1873, p. 679) :
• 2. Les oisifs voyaient exactement tous les soirs ce joli ménage de contrebande aux Italiens ou à l'Opéra.
BALZAC, La Peau de chagrin, 1831, p. 226.
— Péj. Illicite, frelaté. Cette sainte Thérèse de contrebande ou de contre-marque (BLOY, Journal, 1904, p. 209). Les Manet de contrebande, fabriqués à la grosse, comme les articles de Paris (ZOLA, Mes haines, 1866, p. 309). Je déclare mon faible pour une Marie [Dubas] un peu insane, le hennin de travers et crachant du vieux français de contrebande (COLETTE, Jumelle, 1938, p. 206).
Rem. On rencontre ds la docum. le verbe intrans. contrebander. Faire de la contrebande. Une vieille femme s'approche et offre des allumettes n'ayant aucune origine commune avec la régie. Maman en achète bien vite pour contrebander un peu (ESTAUNIÉ, Bonne-dame, 1891, p. 234).
Prononc. et Orth. :[]. Ds Ac. 1694 et 1718, s.v. contre-bande; ds Ac. 1740-1932 en un seul mot. Cf. contre-. Étymol. et Hist. Ca 1520 [d'apr. CIORANESCU 16e] (THÉNAUD, Voyage d'outremer, 7, éd. Schefer ds HUG. : robe de contrebande). Empr. à l'ital. contrabbando (loc. di contrabando « sans payer de tribut » dep. début XVIe s., Arioste ds BATT.; « action illicite » dep. av. 1561, Bandello, ibid.), composé de contra (contre) et bando (ban). Fréq. abs. littér. :169. Bbg. HOPE 1971, p. 183. — WIND 1928, p. 141, 199.
contrebande [kɔ̃tʀəbɑ̃d] n. f.
ÉTYM. 1512; ital. contrabbando « contre le ban ». → Ban.
❖
1 Introduction clandestine, dans un pays, de marchandises prohibées ou dont on ne règle pas les droits de douane, d'octroi. ⇒ Fraude. || Faire la contrebande d'une marchandise. || Se livrer à la contrebande (→ Cent, cit. 3). || Marchandises de contrebande, introduites en, par contrebande. ⇒ Interlope (2.). || Contrebande du sel. ⇒ Saunage (faux saunage). || Contrebande du tabac. — Contrebande de guerre : introduction illicite d'armes, de munitions, par un navire neutre dans le territoire d'une puissance belligérante.
1 On avait causé pêche et contrebande, discuté toute sorte de façons pour attraper les messieurs douaniers (…)
Loti, Pêcheur d'Islande, IV, VII, p. 247.
2 (…) les étiquettes de provenance anglaise qui pendent sur la faïence brune marquaient peut-être une denrée de contrebande navale, trafic presque licite dans le port (…)
A. Pieyre de Mandiargues, la Marge, p. 117.
2 Par métonymie. Marchandise en contrebande. || Navire chargé de contrebande. || Vendre, acheter de la contrebande.
3 ☑ Loc. fig. De contrebande. ⇒ Clandestin, défendu, illégitime. || Titre de contrebande. || Amour de contrebande.
❖
DÉR. Contrebandier.
Encyclopédie Universelle. 2012.