libre penseur, euse [ librəpɑ̃sɶr, øz ] adj. et n. VAR. libre-penseur, euse ♦ Qui, en matière religieuse, ne se fie qu'à la raison, ne veut être influencé par aucun dogme établi. ⇒ libertin (1o), incrédule , irréligieux; esprit (fort). Une copie « fut adressée au journal radical et libre penseur de la région » (France). « Des instituteurs libres penseurs » (Péguy). — N. « Cet air naturel d'un libre penseur dans une église » (Proust).
⇒LIBRE(-)PENSEUR, -EUSE, (LIBRE PENSEUR, LIBRE-PENSEUR) adj.
Qui s'oppose aux croyances installées et en particulier aux dogmatismes religieux, pour ne se fier qu'à ce qui est librement établi et prouvé par la raison. Synon. libertin (vieilli), rationaliste. Une copie des Bucoliques fut adressée au journal radical et libre penseur de la région, Le Phare (FRANCE, Orme, 1897, p. 30). La bourgeoisie libre penseuse enlevant ses enfants à l'université pour les livrer aux Jésuites (CLEMENCEAU, Iniquité, 1899, p. 153). Même des hommes affranchis de toute croyance et de toute pratique religieuse positive, des étudiants libres penseurs, radicaux, imbus du matérialisme marxiste, se sont voués, à côté de ceux qui professent la foi traditionnelle, à la tâche de reconstruire le pays des ancêtres (WEILL, Judaïsme, 1931, p. 189). V. absolutiste ex. 3, ami ex. 26, bras ex. 83 :
• ... [au XXe siècle] les laïques, même lorsqu'ils sont personnellement libres-penseurs, se refusent à faire, en tant que laïques, de l'action « anti-religieuse ». Lutter contre les entreprises du « cléricalisme », oui; lutter contre la foi des catholiques (ou des protestants, ou des israélites, ou des musulmans), non.
A. BAYET, Hist. de la Libre-Pensée, Paris, P.U.F., 1959, p. 111.
— Emploi subst. Cet air naturel d'un libre penseur dans une église, lequel ne connaît pas la messe, mais se lève quand tout le monde se lève et se met à genoux un peu après que tout le monde s'est mis à genoux (PROUST, J. filles en fleurs, 1918, p. 549).
REM. Libre(-)pensée,(Libre pensée, Libre-pensée) subst. fém. Attitude intellectuelle du libre(-)penseur. Synon. libre examen. Nous élevons religion contre religion. Nous faisons de la libre pensée l'arme qui tuera le cléricalisme (MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, Oncle Sosthène, 1882, p. 22). Il serait aisé de prouver que la Grèce est, en un sens, la mère de la libre-pensée, car elle a, par un constant effort, essayé de substituer à l'image que les religions présentaient de l'Univers un ensemble d'explications tirées de l'observation et de la raison (A. BAYET, Hist. de la Libre-Pensée, Paris, P.U.F., 1959p. 11). V. décontenancer ex. de VAILLAND, Drôle de jeu, 1945, p. 72. P. méton. Organisation philosophico-socio-politique de la libre-pensée; représentants de cette organisation. [À l'enterrement de Duputel] l'interminable queue des délégations, sociétés de mutualistes, cercles républicains de province (...) les Libres-Pensées de la banlieue, et toujours des couronnes, des rouges (VOGÜÉ, Morts, 1899, p. 441). Il y eut un cercle laïque, où la libre pensée se faisait parfois agressive et reprenait les arguments chers à M. Homais (AMBRIÈRE, Gdes vac., 1946, p. 309).
Prononc. et Orth. : [], fém. [-ø:z]. Au plur. des libres-penseurs. Étymol. et Hist. 1784 libre penseur (Avertissement des éditeurs du Traité sur la tolérance ds VOLTAIRE, Œuvres complètes, éd. de Kehl, t. 30, p. 51); 1787 (FÉR. : Libre-penseur. C'est le nom que l'Ab. Guénée done aux Philosophistes). Calque de l'angl. free-thinker de même sens (? 1692 ds NED), composé de free « libre » et de thinker « celui qui pense ». Fréq. abs. littér. : 41. Bbg. BARB. Loan-words 1921, p. 148. - DARM. 1877, p. 125. - DUB. Pol. 1962, p. 335.
Encyclopédie Universelle. 2012.