COURTINE
COURTINE
Terme d’architecture militaire désignant une muraille de défense réunissant deux tours ou deux bastions. La hauteur des courtines doit être réglée sur les possibilités de l’escalade: seuls les tours et les bastions sont montés très hauts, les courtines demeurant toutefois plus élevées qu’une grande échelle. Elles sont généralement crénelées et abritent un chemin de ronde.
courtine [ kurtin ] n. f.
1 ♦ Vx Rideau de lit. « les courtines de son lit étaient closes » (Sand). — Liturg. Tenture disposée derrière un autel.
♢ Tenture de porte.
2 ♦ (XVIe) Fortif. Mur rectiligne, compris entre deux bastions. « j'avais en perspective les créneaux de la courtine opposée » (Chateaubriand).
● courtine nom féminin (bas latin cortina, rideau) Mur joignant les flancs de deux bastions voisins. Autrefois, tenture, rideau, notamment de lit.
I.
⇒COURTINE1, subst. fém.
A.— Rideau servant à dissimuler et à décorer un lit. Les courtine d'un berceau; un grand lit à courtines. Je m'endormais protégé contre le vent de la nuit sous mes courtines de velours (NODIER, Trilby, 1822, p. 180) :
• Un obsédant dessin où des courtines d'un poids funèbre, à glands somptueux, abritent, étouffent le fiévreux songe d'une toute petite figure endormie.
COLETTE, Paysages et portraits, 1954, p. 149.
SYNT. Courtine brochée; haute courtine; courtine de cotonnade, de cuir, de dentelle, de soie, de velours; épaisseur des courtines; derrière la courtine; au fond des courtines; dans les courtines; entr'ouvrir, soulever la courtine; s'enfermer dans ses courtines; sortir de ses courtines.
B.— P. ext. Tenture permettant de masquer un élément ou une partie d'un espace intérieur (porte, autel, etc.). Les courtines d'un oratoire. Au bout d'un corridor une courtine rouge à demi relevée se referme sur lui (GAUTIER, Albertus, 1833, p. 166). Les maisons étaient tendues de courtines et de tapisseries précieuses (FARAL, Vie temps St Louis, 1942, p. 29).
— P. métaph. Les longs rameaux de la vigne s'étaient entrelacés au devant de l'entrée; partout ils formaient des courtines de feuillage devant les fenêtres (SAND, Lettres voyag., 1837, p. 202).
Rem. Le mot est donné comme vx par la plupart des dict. dep. la seconde moitié du XIXe s.; néanmoins, il est abondamment représenté ds la docum. des textes littéraires.
Prononc. et Orth. :[]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. Xe s. « rideau, tenture » ici voile du Temple de Jerusalem (Passion, éd. d'Arco Silvio Avalle, 327). Du b. lat. « rideau » dér. de cohors, (v. cour) d'apr. le gr. « tapis, tenture » dér. de « cour devant la maison » (FEW t. 2, p. 1327 b).
II.
⇒COURTINE2, subst. fém.
FORTIF. Partie de rempart comprise entre deux bastions ou deux tours. Deux tours [du château d'Hautecœur] (...) reliées par une courtine presque intacte (ZOLA, Rêve, 1888, p. 44). Vauban creusait des fossés, construisait des courtines et des demi-lunes (BAINVILLE, Hist. Fr., t. 1, 1924, p. 241) :
• Cependant Stenka détacha une troupe d'élite, qui, munie d'échelles, s'approcha, dans le plus profond silence, d'une courtine gardée par des bourgeois.
MÉRIMÉE, Les Cosaques d'autrefois, 1865, p. 343.
Rem. 1. Au sens de « façade entre deux pavillons », le mot est attesté comme n'étant plus utilisé (NOËL 1968) ou peu usité (VOGÜÉ-NEUFVILLE 1971). 2. Pour courtine en Suisse romande, cf. cour1 A, rem. 2. La docum. atteste un emploi de courtine pour coursive : On me coinça ainsi entre deux cabines, au revers d'une courtine (CÉLINE, Voyage, 1932, p. 148).
Prononc. et Orth. :[]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. a) 1587 fortif. (LANOUE, 337 ds LITTRÉ); b) 1704 archit. (Trév.). Issu de courtine1 p. anal.; ce sens est attesté en a. prov. dep. le XIVe s. (St Honorat ds LEVY).
STAT. — Courtine1 et 2. Fréq. abs. littér. :112.
BBG. — AMSLER (J.). Destin de trois mots d'Occident : cigale, courtine, balcon. Vie Lang. 1953, pp. 189-192. — Archit. 1972, p. 170, 202. — SAIN. Sources t. 2 1972 [1925], p. 164, 191.
1. courtine [kuʀtin] n. f.
ÉTYM. Xe; du bas lat. cortina « tenture », de cohors. → Cour.
❖
———
1 Rideau de lit (disposé autour des anciens lits d'apparat).
1 Et tout ce qu'il vit, c'est que les courtines de son lit étaient closes et que, pour sûr, elle était dedans.
G. Sand, François le Champi, XVI, p. 117.
1.1 Mais les courtines de pourpre se relevèrent; et l'on découvrit sur un large oreiller une tête humaine tout impassible et boursouflée (…)
Flaubert, Salammbô, II, Pl., t. I, p. 772.
♦ Tenture masquant un élément, une partie d'une pièce.
2 Liturg. Tenture disposée derrière un autel et de couleur généralement assortie à celle de l'office du jour.
2 Les ornements sacerdotaux foisonnent; ici, l'on rencontre des parements d'autel en drap vermeil, des courtines de soie émeraude, une chape de velours cramoisi (…)
Huysmans, Là-bas, IV, p. 48.
3 Blason. || Les courtines, partie du pavillon qui forme le manteau.
➪ tableau Termes de blason.
———
II
1 Archit. Façade d'un bâtiment, comprise entre deux pavillons.
2 (1572). Fortif. Mur rectiligne, compris entre deux bastions. || Terrain limité par une courtine. ⇒ Boulevard (vieilli).
3 La fenêtre de mon donjon s'ouvrait sur la cour intérieure; le jour, j'avais en perspective les créneaux de la courtine opposée (…)
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. I, p. 115.
4 (…) et l'archer qui tout le long du jour se promenait sur la courtine, dès que le soleil brillait trop fort rentrait dans l'échauguette, et s'endormait comme un moine.
Flaubert, Trois contes, Légende de saint Julien l'Hospitalier, 1.
♦ Par comparaison :
5 Devant l'îlot, le littoral se composait, en premier plan, d'une grève de sable, semée de roches noirâtres, qui, en ce moment, réapparaissaient peu à peu sous la marée descendante. Au deuxième plan, se détachait une sorte de courtine granitique, taillée à pic, couronnée par une capricieuse arête à une hauteur de trois cents pieds au moins.
J. Verne, l'Île mystérieuse, t. I, p. 34 (1874).
————————
2. courtine [kuʀtin] n. f.
ÉTYM. 1896; de course, p.-ê. d'après un nom propre de lieu (la Courtille; → Courtille) ou infl. — peu compréhensible — de 1. courtine.
❖
♦ Argot, fam. (Surtout au plur.). Course de chevaux.
0 Dépliant le canard qu'il vient d'attriquer1 au camelot qui va de table en table, Pierrot s'absorbe dans la lecture de la première page.
— Tu cherches un gagnant pour tantôt ? charrie Max, sachant fort bien que les courtines sont dans cette feuille reléguées en fin de journal.
1. Acheter.
A. Simonin, Hotu soit qui mal y pense, p. 223.
Encyclopédie Universelle. 2012.