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CROATIE
CROATIE

La Croatie, une des six républiques de Yougoslavie, a proclamé son indépendance en 1991, qui a été reconnue par la communauté internationale non sans difficulté à partir de 1992.

En 1990, à la veille de cet événement et de la guerre serbo-croate, la Croatie, dans ses frontières de l’ancienne fédération socialiste yougoslave, comptait 4,7 millions d’habitants, dont 75 p. 100 de Croates et 11 p. 100 de Serbes, sur 57 000 kilomètres carrés. Zagreb est la capitale, et les principales villes sont Split, Dubrovnik, Rijeka et Osijek. S’étendant en arc de cercle de l’Adriatique au Danube, elle possède des paysages variés, des plaines alluviales riches de Slavonie aux plateaux calcaires dénudés surplombant la Méditerranée.

La naissance de la Croatie

À l’origine, cette région est peuplée d’Illyriens et de Celtes pannoniens. En 35 avant J.-C., Rome l’englobe dans sa province de Pannonie. En 493, elle appartient à l’empire de Théodoric puis à celui de Justinien. Au VIe siècle, les Avars font leur apparition. Un siècle plus tard, des tribus slaves croates venues d’Ukraine pénètrent dans le nord-ouest de l’Illyrie, entre Drave, Save et Adriatique. Ces tribus, organisées en grandes communautés agraires, sont vassales des Avars puis des Francs (806) et des Byzantins (877). Mais l’influence de Byzance n’est réelle que dans les villes côtières de Dubrovnik (Raguse), Split (Spalato) et Zadar (Zara) jusqu’au milieu du XIe siècle. Christianisés au IXe siècle par les Carolingiens, les Croates se tournent vers Rome et non vers Constantinople comme les autres Slaves du Sud, d’où cette spécificité croate liée à l’aire latine occidentale et catholique. Contrairement aux Serbes et aux Bulgares, les Croates n’ont été qu’effleurés par les influences byzantines et ottomanes.

En 880, ils fondent un duché qui devient un royaume indépendant en 925, sous le règne de Tomislav qui se proclame Rex Croatorum . La grande Croatie médiévale durera deux siècles (Xe-XIe s.). Tomislav Ier s’allie à Byzance contre les Bulgares et agrandit ainsi son royaume. Le roi Drtzislav (969-997) continue la lutte contre les Bulgares, mais Kressimir III (1000-1030) est toujours vassal de Byzance. Son successeur Kressimir IV se rapproche de Rome et de Venise, devenant roi de Croatie et de Dalmatie. En 1076, Dimitar Zvonimir est couronné à Split par un légat du pape. À sa mort, l’anarchie règne dans le royaume, et Ladislas Ier de Hongrie pénètre en Croatie en 1091. En 1102, Kalman de Hongrie est couronné roi de Croatie, et Venise s’empare de la Dalmatie. La domination hongroise durera presque sans interruption jusqu’en 1918. L’influence orthodoxe (alphabet cyrillique, architecture byzantine et liturgie) est combattue et remplacée par l’activité missionnaire des bénédictins, franciscains et dominicains. Au niveau politique, un ban croate résidant à Zagreb, vassal de Budapest, représente le pouvoir royal. À la suite de la défaite des Hongrois face aux Turcs à Mohacs en 1526, la Croatie est démembrée. Le Sud devient ottoman jusqu’en 1699 (traité de Karlowitz), Venise conserve le Nord et la Dalmatie. Dubrovnik est une république indépendante. Le reste devient terre des Habsbourg. Au XVIIIe siècle, l’emprise catholique se renforce et des adeptes de la religion réformée ne peuvent s’implanter. Sous l’influence des jésuites, la langue populaire croate et les traditions slaves se développent.

La Croatie contemporaine

C’est Napoléon qui va mettre fin provisoirement à cet équilibre. Après avoir défait Venise et l’Autriche, il crée les provinces illyriennes rattachées à l’Empire de 1809 à 1813. La Slovénie, la Dalmatie et une grande partie de la Croatie y sont englobées. Les Français abolissent la féodalité et introduisent le Code civil. Les ferments du nationalisme croate vont commencer à germer. La première personnalité appartenant à ce courant est Ludevic Gaj (1809-1872). Apôtre de l’illyrisme, il souhaite rassembler tous les Slaves du sud de l’empire habsbourgeois. Dès 1835, il publie la Gazette illyrienne et réforme l’orthographe croate pour la rapprocher du serbe. Mais c’est sans conteste la révolution de 1848 en Europe qui est le détonateur du mouvement croate. Sous domination hongroise, les Croates préfèrent se rapprocher de Vienne. Le ban Josip Jelachitch, la population croate et serbe de Voïvodine refusent de s’allier à la sécession hongroise. De 1849 à 1867, la Croatie est directement annexée à l’Autriche. Mais le compromis austro-hongrois créant la double monarchie laisse les Croates aux mains des Hongrois. Cela va les pousser vers l’union de tous les Slaves du Sud et vers le futur «yougoslavisme». C’est l’évêque catholique Josip Strossmayer (1815-1905) qui transforme l’illyrisme en yougoslavisme. Il souhaite unir tous les Slaves du Sud, qu’ils se trouvent sous ou hors domination habsbourgeoise. En 1868, Zagreb obtient une certaine autonomie dans les domaines de la police, de la justice, de l’éducation et de l’agriculture. Au début du XXe siècle, les nationalistes croates veulent transformer la double monarchie austro-hongroise en un État tri-unitaire: Autrichiens, Hongrois et Slaves (Croates et Serbes). Ils créent la coalition croato-serbe qui va dominer le Parlement autonome de Zagreb de 1906 à 1908. Cette coalition est dirigée par les Croates Frano Supilo et Ante Trumbitch et le Serbe Svetozar Pribichevitch. Mais, en 1908, les autorités hongroises arrêtent de nombreux dirigeants croates.

La Première Guerre mondiale va permettre au yougoslavisme de se développer. En mai 1915, Trumbitch et Supilo forment le Comité yougoslave en exil à Rome puis à Londres. En juillet 1917, ils signent à Corfou une déclaration conjointe avec les Serbes pour créer un royaume des Slaves du Sud, sous l’œil bienveillant des Alliés. Le 29 octobre 1918, un Conseil national est mis sur pied à Zagreb avec le Croate Ante Pavelitch (1889-1959), membre du Parti du droit, un Slovène et un Serbe. Ce conseil rompt avec les Austro-Hongrois et proclame, le 1er décembre, le royaume des Serbes-Croates et Slovènes, nouveau pays comprenant 3,7 millions de Croates. Mais, rapidement, fédéralistes croates et centralisateurs serbes entrent en conflit. Le Parti paysan croate des frères Raditch (Ante Raditch, 1868-1919, et Stepan Raditch, 1871-1928) domine la vie politique croate. Il est partisan d’un royaume fédéral avec une Croatie autonome. Il se heurte donc à Belgrade, au roi Karageorgevitch et aux partisans d’une grande Serbie. En juin 1921, les députés croates boycottent le vote de la Constitution yougoslave qu’ils jugent trop centralisatrice. Ces députés ne siègent plus à l’Assemblée jusqu’en 1924. Stepan Raditch, adepte d’une internationale verte agrarienne, devient tout de même ministre de l’Instruction publique en 1925-1926. Mais il est assassiné par un député monténégrin en pleine Assemblée en juin 1928. L’année suivante, le roi Alexandre dissout l’Assemblée. Les Croates autonomistes s’exilent en Suisse, alors que les indépendantistes suivent Ante Pavelitch en Hongrie puis en Italie. C’est là, à l’ombre de Mussolini, qu’ils fondent l’Oustacha (Rebelle) en 1930. Alors que le docteur Matchek (1879-1964), successeur de Raditch, est en prison, l’Oustacha multiplie les attentats terroristes en Yougoslavie et à l’étranger. En 1934, elle tue le roi Alexandre à Marseille. Finalement, en août 1939, le prince régent serbe Paul, pro-allemand, négocie avec le docteur Matchek. Une grande banovine de Croatie, unissant Croatie et Dalmatie (4,4 millions d’habitants), est créée, et le leader croate devient vice-président du Conseil. Mais il est trop tard pour sauver le royaume yougoslave. Avec l’invasion nazie d’avril 1941, l’Oustacha s’intalle à Zagreb et proclame l’État indépendant de Croatie (100 000 km2 et 6,3 millions d’habitants). Les Oustachis massacrent tellement de Serbes, de juifs et de musulmans bosniaques que Berlin est obligé de modérer Pavelitch. En effet, ces tueries amènent de nombreux Yougoslaves à rejoindre les rangs des partisans du maréchal Tito. Dans les montagnes de Croatie, des zones libres existent dès 1943. L’ensemble de la Croatie est libéré en mai 1945 et les Oustachis sont impitoyablement pourchassés. Mais, avec l’appui de l’Église catholique, Ante Pavelitch réussit à s’enfuir en Italie, puis en Argentine. Il mourra dans son lit à Madrid en 1959.

La marche vers l’indépendance

En 1946, la Croatie devient une des six républiques socialistes fédératives de Yougoslavie. Le nationalisme croate se réveille en 1971. Des Oustachis exilés assassinent des diplomates yougoslaves. En novembre-décembre 1971, les étudiants de Zagreb déclenchent une grève générale. Tito augmente alors les salaires ouvriers, mais multiplie les arrestations de leaders nationalistes et purge le P.C. croate (Tripalo et Haremuja sont destitués). Avec le réveil du nationalisme serbe en 1988, les Croates craignent un renouveau du «grand serbisme». En février 1989, ils fondent un mouvement alternatif indépendant. En janvier 1990, l’ex-général communiste dissident, Franjo Tudjman, crée l’Union démocratique croate (H.D.Z.). Dans la foulée, les nostalgiques de l’Oustacha ressuscitent le Parti du droit. Aux premières élections libres de mai 1990 en Croatie, le H.D.Z. l’emporte, et Franjo Tudjman devient président de la République. Mais ses déclarations violemment anti-serbes indisposent les 11 p. 100 de Serbes qui vivent en Croatie. En août, ces derniers votent pour l’autonomie des régions où ils sont majoritaires. Les premiers affrontements ont lieu le 2 mars 1991 entre policiers croates et serbes. En avril, la Krajina proclame son rattachement à Belgrade. En mai, 94 p. 100 des votants se déclarent pour une indépendance de la Croatie, indépendance reconnue internationalement à partir du début de 1992. En juillet 1991, l’armée fédérale et les milices serbes attaquent la garde nationale et les milices croates. Les régions à majorité serbe passent sous le contrôle de Belgrade. En sept mois, cette guerre fait près de 50 000 morts et des centaines de milliers de réfugiés. L’indépendance naît donc dans la douleur avec des frontières mal définies.

Croatie
état d'Europe, république fédérée de Yougoslavie jusqu'en janvier 1992. Elle borde la majeure partie de la côte de l'Adriatique naguère yougoslave et s'étend jusqu'à la Hongrie, entre le Monténégro et la Bosnie-Herzégovine à l'E. et au N., et la Slovénie à l'O.; 56 538 km²; 4 665 000 hab.; cap. Zagreb. Monnaie: couronne. Pop.: Croates cathol. (75 %), Serbes orthodoxes (11,5 %). Ressources: céréales, betteraves sucrières, pétrole, houille, fer, bauxite. Industries: agro-alimentaire; construction navale. L'économie a été ruinée par le conflit yougoslave (dep. 1991). La croissance est revenue en 1995 (+ 5 %), mais le chômage excède 20 %. Hist. - La rég. fit partie de la prov. romaine de Pannonie. Envahie au VIIe s. par les Croates, peuple slave, elle forma du Xe au XIe s. un royaume qui fut inclus, tout en gardant une certaine auton., dans celui de Hongrie de 1102 à 1918. Toutefois, une partie de la rég. fut occupée par les Turcs de 1526 à 1699; Napoléon fit des territoires croates et slovènes les Provinces Illyriennes (1805-1813). En 1918, la Croatie s'intégra au royaume des Serbes, Croates et Slovènes (devenu Yougoslavie en 1934), sans renoncer au nationalisme: en 1941, elle forma un état indép., qui fut mis sous protectorat germano-italien dès 1942. Un régime de terreur régna jusqu' en 1945. Elle redevint alors yougoslave. En 1990, les communistes croates firent sécession de la Ligue fédérale et des élections libres désignèrent un gouvernement nationaliste (Franjo Tudjman fut élu prés. en 1990, réélu en 1992 et 1997). En juillet 1991, cette rép. proclama son indépendance. L'armée yougoslave (surtout serbe) intervint. Ce conflit réveilla les haines ancestrales entre une Croatie de culture catholique et une Serbie orthodoxe, économiquement plus défavorisée. La Croatie a été reconnue en janv. 1992 par la C.é.E. et admise à l'ONU (mai). En 1995, la Croatie a reconquis, par les armes, le territoire sécessionniste (à majorité serbe) de Krajina et a recouvré en 1998 ceux de la Slavonie orient. qui avaient été conquis par les Serbes en 1991 et placés sous mandat de l'ONU en 1996. Qu'il s'agisse de ces prov. ou de la Bosnie-Herzégovine, la Croatie s'oppose à toute domination serbe, mais un accord serbo-croate a été conclu en nov. 1995. V. Bosnie-Herzégovine.

Encyclopédie Universelle. 2012.