mercenaire [ mɛrsənɛr ] adj. et n. I ♦ Adj.
1 ♦ Vieilli ou littér. Qui n'agit, ne travaille que pour un salaire. Les mères « n'ont plus voulu nourrir leurs enfants, il a fallu les confier à des femmes mercenaires » (Rousseau). « L'entretien des troupes mercenaires » (Michelet).
♢ Mod. et péj. Vénal. « la grande tribu mercenaire des écrivains à tout faire » (Maupassant).
2 ♦ Vieilli Inspiré par la seule considération du gain. « cet amas d'ouvrages mercenaires » (Boileau).
II ♦ N.
1 ♦ Vx Salarié. — Mod. Loc. Travailler comme un mercenaire : faire un travail pénible, ingrat, pour un salaire de misère.
2 ♦ Soldat professionnel à la solde d'un gouvernement étranger. Mercenaire en Italie. ⇒ condottiere. Les mercenaires d'Afrique. ⇒ affreux.
● mercenaire adjectif (latin mercenarius, de merces, -edis, salaire) Littéraire. Qui ne travaille que pour un salaire, qui est inspiré par la seule considération du gain. ● mercenaire nom masculin Soldat qui sert à prix d'argent un gouvernement étranger.
mercenaire
adj. et n.
rI./r adj. Qui ne travaille, n'agit, ne combat que moyennant une rémunération. Troupe mercenaire.
rII./r n.
d1./d Soldat étranger à la solde d'un état.
d2./d Fig. Personne qui accomplit, contre de l'argent, une mission, un travail que d'autres feraient par conviction.
⇒MERCENAIRE, adj. et subst.
I. —Adjectif
A. — 1. [En parlant d'une pers.]
a) Vieilli. Qui perçoit un salaire en contrepartie d'un travail d'un service. Quelquefois une nourrice mercenaire pose son nourrisson debout dans un trou en terre (...) pour n'être pas obligée de le porter elle-même (BERN. DE ST-P., Harm. nat., 1814, p. 254). C'est [la classe ouvrière] celle qui (...) ne possède aucune initiative industrielle, et mérite à tous égard la qualification de mercenaire ou salariée (PROUDHON, Révol. soc., 1852, p.15). Lola (...) embaucha (...) un certain nombre de cuisinières mercenaires, et les beignets furent (...) prêts à être livrés ponctuellement juteux, dorés et sucrés à ravir (CÉLINE, Voyage, 1932, p. 64).
b) Armée, troupe mercenaire; corps mercenaire
— HIST. Armée régulière formée de soldats de nationalité(s) différente(s) de l'autorité qui les emploie et qui font payer leurs services. Jean-Casimir avait inutilement fait des efforts auprès de la diète pour qu'elle l'autorisât à lever des troupes mercenaires, c'est-à-dire des soldats réguliers (MÉRIMÉE, Cosaques d'autrefois, 1865, p. 127).
— Mod. Corps d'armée composé d'étrangers ou d'engagés volontaires. Il s'agit d'employer les corps mercenaires dans le travail contre-révolutionnaire. Les légionnaires acceptent avec enthousiasme la mission qui leur est confiée (CAMUS, Révolte Asturies, 1936, III, 1, p. 422).
c) [P. méton. du déterminé] On acheta d'abord les Suisses, qui avaient des goûts mercenaires (BAINVILLE, Hist. Fr., t.1, 1924, p. 142). Soit lassitude, soit recherche d'aise et de plaisir. Il [le maître] a livré son bien à des mains mercenaires (PESQUIDOUX, Livre raison, 1932, p. 230):
• 1. ... le talent d'un artiste peut être infini, mais (...) ses prétentions mercenaires sont nécessairement bornées; d'un côté, par l'utilité qu'il produit à la société qui le salarie; de l'autre, par les ressources de cette même société; en d'autres termes, que la demande du vendeur est balancée par le droit de l'acheteur.
PROUDHON, Propriété, 1840, p. 237.
2. [En parlant d'une activité] Qui est rémunéré; qui est effectué dans le but de recevoir un salaire, une rétribution. Comme enfant, on ne pouvait rien imaginer de plus crasseux. C'est vrai qu'il était livré aux soins mercenaires d'une souillon nommée Annette (MAURIAC, Préséances, 1921, p. 170). [Un] bouquet de roses (...), la seule marque de souvenir pieux qu'il y eût sur cette dalle, visiblement confiée à un entretien mercenaire (BOURGET, Enf. morte, 1928, p. 67).
3. Qui est relatif à un salaire, à une rétribution monétaire. Elle tient une enveloppe à la main. Prix du savoir, dès que je tiens l'enveloppe elle fait demi-tour s'en va très vite (...), comme s'il avait fallu qu'elle mette (...) un intervalle de temps et de distance entre l'enveloppe (...) et la reprise de nos rapports (...) après ce lien, ce contact mercenaire d'un instant (C. SIMON, Le Sacre du printemps, Paris, Calmann-Lévy, 1974 [1954], p. 26).
B. —Gén. péj. [En parlant d'une pers., dans un domaine où les services, les actions devraient être désintéressés, non rétribués] Qui n'agit, ne travaille que pour en tirer un avantage financier. On s'était procuré, à bas prix, des critiques d'art (...) parmi la grande tribu mercenaire des écrivains à tout faire (MAUPASS., Bel-Ami, 1885, p. 127). Une coutume irraisonnée (...) prive les demoiselles du monde de faire l'amour qu'elles feraient avec plaisir, tandis que les filles mercenaires le font trop, et sans goût (A. FRANCE, Île ping., 1908, p. 343).
— [P. méton.] Âme, esprit mercenaire; amours, éloges mercenaires. Diderot, qui ne souille point ses mains d'un travail mercenaire et dédaigne les petits gains usuriers, est aux yeux de l'Europe entière un sage aussi vertueux que désintéressé (GUÉHENNO, Jean-Jacques, 1952, p. 308):
• 2. Ayant eu des amants plus âgés qu'elle et trop riches pour que même sa rétraction contre des désirs mercenaires ne gâtât pas désormais ses instants d'abandon, Gina, à vingt-six ans, avait besoin d'un amour désintéressé qui lui permît de jouer avec son propre coeur.
ABELLIO, Pacifiques, 1946, p. 52.
II. — Substantif
A. — 1. Vieilli. Personne qui travaille afin de toucher un salaire. Créons à notre gré une femme parfaitement heureuse (...); ce sera celle qui, née d'une mère tendre, n'aura pas été livrée en naissant aux soins d'une mercenaire (LACLOS, Éduc. femmes, 1803, p. 447). C'est curieux, tout de même, cette popularité inexplicable de cet homme [le général Boulanger] (...) chez les ouvriers, les mercenaires, les petites gens de la banlieue (GONCOURT, Journal, 1889, p. 912).
♦Travailler comme un mercenaire. Travailler beaucoup, avec acharnement sans en tirer de grands profits. Il est temps de chercher à nos ennuis une solution pratique. Nous travaillons comme des mercenaires pour nous maintenir dans ces murs (AYMÉ, Cléramb., 1950, I, 6, p. 43).
2. HIST. Soldat à la solde d'un gouvernement étranger. Mod. Personne effectuant, pour de l'argent, des opérations de type militaire ou de maintien de l'ordre. Recruter des mercenaires. Aux âges qu'on dit barbares, les villes et les princes confiaient leur défense à des mercenaires qui faisaient la guerre en gens avisés et prudents (A. FRANCE, Lys rouge, 1894, p. 117). Nous aurions méprisé un mercenaire, il ne nous venait même pas à l'idée que quelqu'un de la Résistance pût être mercenaire (VAILLAND, Drôle de jeu, 1945, p. 237). Il (...) a malgré son jeune âge un impressionnant passé de mercenaire en Afrique et au Liban. Dans ce dernier pays, il a combattu chez les phalangistes. En Rhodésie raciste, il fut «garde frontière». Aux Comores, il se retrouva brièvement, à l'issue d'une opération, «ministre de la justice» (L'Humanité, 12 oct. 1981, p. 14, col. 1).
B. —Gén. péj. Personne qui fait payer ses services. Un vil mercenaire (Ac.). Il lui manquait, pour éclaircir l'impassibilité de ces faces de mercenaires, l'indispensable reflet du pourboire (A. DAUDET, Évangéliste, 1883, p. 237). Elle était celle que j'avais prise pour m'enseigner la psychologie de l'amour. (...) d'instinct, j'avais confié ce soin à une mercenaire (LARBAUD, Barnabooth, 1913, p. 185).
REM. Mercenairement, adv., rare. D'une façon mercenaire, bassement intéressée. (Dict. XIXe et XXe s.). Agir, écrire, servir qqn mercenairement (Dict. XIXe et XXe s.).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1694 Étymol. et Hist. 1. Adj. ca 1225 mercennaires «vénal, corrompu» (GAUTIER DE COINCI, Mir. Vierge, éd. F. V. Koenig, I Mir 10, 863); ca 1250 Serjanz mercenneres «qui ne travaillent que pour un salaire» (Bible, B.N. 899, f° 322a ds GDF. Compl.); fin XIVe s. oeuvre mercenaire «inspirée par le gain» (ORESME ds MEUNIER, p. 188); 2. subst. plur. fin XIVe s. «ouvriers qui travaillent pour un salaire» (ORESME, loc. cit.); 1495 «étrangers qui servent dans une armée pour de l'argent» (JEH. DE VIGNAY, Mir. histor., 4e vol., f° 126b ds GDF. Compl.); 1694 sing. «homme interessé, aisé à corrompre» (Ac.). Empr. au lat. mercenarius, adj. et subst. «mercenaire», «loué contre argent, payé». Fréq. abs. littér.: 366. Fréq. rel. littér.: XIXe s.: a) 533, b)1 095; XXe s.: a) 332, b) 314.
DÉR. 1. Mercenariat, subst. masc. État de mercenaire. L'assimilation du mercenariat militaire à un louage d'ouvrage me semble (...) plausible (PROUDHON, Guerre et paix, 1861, p. 302). — []. — 1reattest. 1861 id.; du rad. lat. de mercenaire, suff. -at. 2. Mercenarité, subst. fém., inus. ,,Caractère de ce qui est mercenaire; caractère d'une personne mercenaire`` (Lar. 20e). «Il n'est rien de si précieux que le temps puisqu'avec un seul moment on peut acheter la jouissance d'une glorieuse éternité», dit dans son langage de pieuse mercenarité le P. Nicolas du Sault (JANKÉL., Je-ne-sais-quoi, 1957, p. 138). — []. — 1res attest. av. 1704 «qualité d'une personne mercenaire» (BOSSUET, Passages éclaircis, XXIV ds LITTRÉ Add.), 1832 «qualité de ce qui est mercenaire» (RAYMOND); du rad. lat. de mercenaire, suff. -(i)té.
mercenaire [mɛʀsənɛʀ] adj. et n.
ÉTYM. XIIIe, mercennere; lat. mercenarius, de merces « salaire ».
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I Adj.
1 Vieilli ou littér. Qui n'agit, ne travaille que pour un salaire. || Médecin mercenaire (→ Intérêt, cit. 18). || Nourrice mercenaire.
1 Depuis que les mères, méprisant leur premier devoir, n'ont plus voulu nourrir leurs enfants, il a fallu les confier à des femmes mercenaires, qui, se trouvant ainsi mères d'enfants étrangers, pour qui la nature ne leur disait rien, n'ont cherché qu'à s'épargner de la peine.
Rousseau, Émile, I.
♦ Spécialt. (Vx ou hist.). || Soldats mercenaires (→ Garder, cit. 7), troupes mercenaires (→ Fiscalité, cit. 1), qui se font payer pour servir dans une armée étrangère. || « Quoi ! ces phalanges mercenaires terrasseraient nos fiers guerriers ! » (la Marseillaise, 2e couplet).
2 (1626). Mod., péj. Vénal. || Écrivains mercenaires (→ Calomniateur, cit. 6). || Âme mercenaire. ⇒ Avide, cupide, intéressé, vénal (→ Écumeur, cit. 3).
2 Qu'il a bien découvert son âme mercenaire !
Et que peu philosophe est ce qu'il vient de faire !
Molière, les Femmes savantes, V, 4.
3 Puis on s'était procuré, à bas prix, des critiques d'art, de peinture, de musique, de théâtre, un rédacteur criminaliste et un rédacteur hippique, parmi la grande tribu mercenaire des écrivains à tout faire.
Maupassant, Bel-Ami, I, VI.
3 (Mil. XVIe). Vieilli. Inspiré par la seule considération du gain, de l'intérêt, de la récompense. || Ouvrages mercenaires (→ Épître, cit. 4; art, cit. 58).
4 Le véritable amour jamais n'est mercenaire,
Il n'est jamais souillé de l'espoir du salaire.
Corneille, Pertharite, II, 1.
5 Nous, nous avons trop vécu de la vie assujettie et productive, de la vie prosaïque et mercenaire, et la poésie, cette maîtresse jalouse, s'en est enfuie.
Sainte-Beuve, Correspondance, éd. Calmann-Lévy, t. I, p. 293.
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II N.
♦ ☑ Loc. (1868). Travailler comme un mercenaire : faire un travail pénible, ingrat, et pour un salaire de misère.
2 (Fin XIVe). Hist., mod. Soldat à la solde d'un gouvernement étranger. || Les mercenaires du moyen âge. ⇒ Aventurier. || Chef de mercenaires dans l'Italie du moyen âge et de la Renaissance. ⇒ Condottiere. || Guerre des mercenaires (ou guerre inexpiable) : guerre menée par Carthage contre ses mercenaires révoltés (−241-238). — Mod., péj. || Les mercenaires d'Afrique. ⇒ Affreux.
6 (…) Les Mercenaires (à la solde de Carthage) croyaient qu'ils allaient enfin s'en retourner chez eux, avec la solde de leur sang dans le capuchon de leur manteau. Mais leurs fatigues, leur semblaient (…) trop peu récompensées.
Flaubert, Salammbô, I.
3 (1694). Vx, péj. Homme qui travaille pour de l'argent, défend une cause par intérêt, « avec l'idée qu'il n'a aucune indépendance de caractère » (Littré). — Homme vénal, facile à corrompre. || « Un vil mercenaire » (Académie).
♦ Mod. (Fig. du 2.). Personne qui accomplit pour de l'argent un travail, une mission normalement accomplie par conviction. || Faute de militants, ce parti emploie des mercenaires. || Ces hommes de main sont les mercenaires d'une organisation clandestine. ⇒ Nervi.
7 J'ai vu souvent de jeunes militants qui avaient besoin d'argent pour leur travail, ne pas le demander par crainte de passer pour des mercenaires. J'y vois seulement la persistance, à l'égard de l'argent, d'une sorte de superstition héritée de l'esprit bourgeois.
Roger Vailland, Drôle de jeu, p. 183.
Encyclopédie Universelle. 2012.